La lettre juridique n°228 du 21 septembre 2006 : Internet - Bulletin d'actualités n° 7

[Panorama] Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Juillet 2006

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le 07 Octobre 2010

Tous les mois, Marc d'Haultfoeuille, avocat associé chez Clifford Chance, vous propose de retrouver l'actualité juridique en matière de Communication Média & Technologies.

I - Informatique

  • Proposition de loi en date du 13 juin 2006, visant à définir le courrier électronique professionnel

Contenu :

Par une proposition de loi en date du 13 juin 2006, des sénateurs proposent de définir la notion de courrier électronique professionnel. En filigrane de cette proposition, se dessine la notion de courrier personnel soumis au secret de la correspondance privée.

Dans l'exposé des motifs, les sénateurs justifient la nécessité de cette proposition de loi par le besoin de renforcer la sécurité juridique tant des employés que des employeurs dès lors que la jurisprudence n'a pas trouvé de définition harmonisée aux notions de courriers électroniques privés ou professionnels.

La proposition de loi est composée de trois articles :

- l'article 1er définit le courrier électronique professionnel comme suit : "est considéré comme courrier électronique professionnel, tout courrier électronique dont le titre ou le nom du répertoire dans lequel il est archivé, est relatif à l'organisation, au fonctionnement ou aux activités de l'entreprise, l'administration ou l'organisme qui emploie l'expéditeur ou le destinataire dudit courrier. Le courrier électronique professionnel n'est pas soumis au secret de la correspondance privée" ;

- dans un deuxième article, la proposition de loi oblige les employeurs à informer les détenteurs de messagerie électronique professionnel de la présente loi ;

- enfin, dans un troisième article, la proposition renvoie à un décret en Conseil d'Etat qui fixera les conditions d'application de la proposition de loi.

Commentaire :

L'enjeu de la distinction entre courrier électronique privé et courrier électronique professionnel est majeur puisque l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4798AQR), l'article 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY) et l'article L. 120-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5441ACI) permettent aux employés de conserver le secret de leurs correspondances privées. En d'autres termes, les employeurs ne peuvent pas avoir accès aux courriers électroniques privés de leurs employés, "sauf risque ou événement particulier" (Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40.017, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2997DIT).

Cette proposition de loi sénatoriale n'est pas une création ex nihilo puisque tant la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) que la Cour de Cassation se sont déjà intéressées à la distinction entre les courriers électroniques privés ou professionnels.

En effet, dans son célèbre arrêt "Nikon" en date du 2 octobre 2001, la Chambre sociale de la Cour de cassation sanctionnait un employeur pour avoir consulté des informations contenues dans un répertoire personnel de l'ordinateur de son employé au mépris du secret des correspondances (Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.942, Société Nikon France c/ M. Frédéric Onof N° Lexbase : A1200AWD).

En mars 2004, la CNIL rédigeait un rapport relatif à la cybersurveillance sur les lieux de travail dans lequel elle préconisait qu'un message envoyé ou reçu depuis le poste de travail d'un employé revêtait un caractère professionnel "sauf indication manifeste dans l'objet du message ou dans le nom du répertoire où il pourrait avoir été archivé par son destinataire qui lui conférerait alors le caractère et la nature d'une correspondance privée protégée par le secret des correspondances". La CNIL ajoutait également qu'un moyen de preuve tiré d'un dispositif de contrôle n'est recevable que si l'employé a été informé de l'existence de ce dispositif.

La dichotomie entre courrier professionnel et courrier privé n'a pas été simplifiée par l'adoption de la loi pour la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004 introduisant une autre catégorie de courriers (loi n° 2004-575 N° Lexbase : L2600DZC) : "les courriers électroniques au public".

L'article 1er de la loi du 21 juin 2004 les définit comme "toute mise à disposition au public, par un procédé de communication électronique, de signes de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée".

Cette proposition de loi cherche ainsi à harmoniser la définition juridique du courrier professionnel tout en s'inspirant largement du rapport de la CNIL.

D'une part, la proposition de loi définit le courrier électronique professionnel comme tout courrier électronique qui se rattache à l'organisation, au fonctionnement ou aux activités de l'entreprise, l'administration ou l'organisme qui emploie l'expéditeur ou le destinataire dudit courrier, tout en précisant que les courriers électroniques de nature professionnelle ne sont pas soumis au secret de la correspondance privée. Cette définition large du courrier électronique professionnel doit, semble-t-il, être lue à la lumière de la jurisprudence antérieure : les salariés devront indiquer dans l'objet du courrier électronique ou dans le répertoire dans lequel est classé ce courrier qu'il s'agit d'un courrier "personnel" ou veiller à ce qu'il ne puisse pas être rattaché à l'organisation, au fonctionnement ou aux activités de l'entreprise, de l'administration ou de l'organisme.

D'autre part, la proposition de loi précise que l'employeur devra informer les employés de la possibilité qu'il a de contrôler les courriels professionnels.

A ce jour, il est difficile de savoir si cette proposition a des chances, ou non, d'être adoptée.

II - Média

  • Le 30 mai 2006, le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel a émis une recommandation relative à la mention des prix dans les messages publicitaires en faveur des services téléphoniques surtaxés ou de services Short Message Services ("SMS") : recommandation n° 2006-3 du Conseil supérieur de l'audiovisuel, du 30 mai 2006 (N° Lexbase : X7323ADL)

Contenu :

Constatant que des messages publicitaires télévisés en faveur de services téléphoniques surtaxés ou de services SMS, ou y faisant référence, ne mentionnaient pas clairement le coût des communications, le CSA a pris la recommandation n° 2006-3 du 30 mai 2006.

Ainsi, le CSA demande que la mention des prix relatifs aux messages publicitaires télévisés concernant les services téléphoniques surtaxés ou les services SMS apparaisse "de façon clairement lisible et intelligible et pendant un temps d'exposition permettant aux téléspectateurs de lire l'intégralité des informations présentées".

Commentaire :

Pour motiver sa recommandation, le CSA se fonde sur l'article 6 du décret du 27 mars 1992 (décret n° 92-280 N° Lexbase : L4584AQT) selon lequel "la publicité doit être conçue dans le respect des intérêts du consommateur", ainsi que sur l'article 14 de l'arrêté du 3 décembre 1987 (N° Lexbase : L7977DNR) précisant que le prix doit être indiqué de façon précise au consommateur, par tout moyen, avant la conclusion du contrat.

Rappelons, cependant, que l'article L. 113-3 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6523AB9) impose à tout vendeur d'informer le consommateur sur les prix des produits ou des services. Des arrêtés, et, notamment, l'arrêté du 3 décembre 1987, pris en application de cet article viennent préciser les modalités d'information du consommateur.

Le non-respect des dispositions de l'article L. 113-3 est puni d'une amende de 1 500 euros par infraction constatée (C. consom., art. R.113-1 N° Lexbase : L6824ABD).

Ainsi, il convient d'informer clairement le consommateur du prix des coûts de communication, aussi bien dans le cadre d'une publicité télévisée (tel que le rappelle le CSA) que sur tout autre support.

III - Responsabilité

  • Par une décision en date du 12 mai 2006, le tribunal de commerce de Paris condamne la société Tech Airport pour contrefaçon d'un logiciel dès lors qu'elle est ni signataire du contrat de licence, ni cessionnaire et ce sur la base du principe de l'effet relatif des contrats : tribunal de commerce de Paris, 15ème ch., 12 mai 2006, Arkad Informatique c/ Tech Airport (N° Lexbase : A1081DRH)

Faits :

La société Arkad Informatique a conclu avec la société OJ Perrin (devenue Sogeper) un contrat de licence d'utilisation d'un logiciel de gestion commerciale, en date du 27 novembre 1995, pour les besoins de la société OJ Perrin. Le groupe Swatch, auquel appartient la société Tech Airport, avait entamé des négociations avec la société Arkad Informatique afin de bénéficier de cette licence, négociations qui ont échouées.

La société Arkad Informatique constate, cependant, que la société Tech Airport utilise ce logiciel par l'intermédiaire de la société Sogeper.

Elle demande alors au tribunal de commerce de Paris de déclarer la société Tech Airport coupable de contrefaçon dudit logiciel et d'ordonner la cessation immédiate des actes de contrefaçon, la destruction de toute copie du logiciel et la réparation du préjudice subi qu'elle estime à 120 000 euros.

La société Tech Airport soutient, en défense, qu'elle a été autorisée à utiliser le logiciel par la société Sogeper et que, de ce fait, toute condamnation éventuelle de la société Tech Airport devrait être prononcée à l'encontre de la société Sogeper.

Décision :

Le tribunal de commerce rejette les arguments de la société Tech Airport au motif que la société Arkad est titulaire exclusif des droits d'auteur sur le logiciel en cause et sur son manuel d'utilisation et que dès lors "toute utilisation sans l'autorisation de la société Arkad est illicite et constitue un acte de contrefaçon".

Le tribunal de commerce condamne ainsi la société Tech Airport au paiement de dommages-intérêts de 60 000 euros, ordonne la cessation immédiate des actes de contrefaçon ainsi que la destruction de toute copie du logiciel.

Commentaire :

La décision du tribunal est une application fidèle du principe de l'effet relatif des contrats de l'article 1165 du Code civil (N° Lexbase : L1267ABK), selon lequel "les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties".

Ainsi, un contrat ne crée de droits et d'obligations qu'au profit et à l'encontre de ceux qui ont consenti à sa conclusion. Néanmoins, les parties peuvent désigner, dans le contrat de licence, des tiers pour lesquels le concédant autorise une utilisation du logiciel, par exemple.

En l'espèce, il est intéressant de noter que le tribunal, pour apprécier l'étendue de la licence concédée, constate que, aux termes du contrat, "l'utilisation du logiciel doit l'être pour ses besoins et qu'il s'agit en l'occurrence des besoins d'OJ Perrin seule signataire du contrat".

Cette décision permet de rappeler qu'un licencié ne peut autoriser un tiers et, notamment, un prestataire ou un sous-traitant, à utiliser un logiciel que si ce tiers a été dûment autorisé par le concédant ou si le contrat de licence autorise expressément le licencié à concéder une sous-licence des droits d'utilisation à un tiers.

  • La société CDiscount viole l'article L. 310-5, 3° du Code de commerce en proposant sur son site internet des marchandises soldées à des clients habitant dans un département où la période des soldes n'était pas ouverte : TGI de Bordeaux, 4ème ch. corr., 9 janvier 2006, Cdiscount c/ Procureur de la République

Faits et procédure :

L'article L. 310-5, 3° du Code de commerce (N° Lexbase : L3164DYT) punit d'une amende de 15 000 euros le fait d'ouvrir les périodes de soldes avant la date prévue par l'arrêté préfectoral pris dans chaque département.

En l'espèce, la plupart des départements de France permettait de débuter les soldes à partir du 25 juin 2003, exception faite du département de la Gironde dont l'arrêté préfectoral en date du 6 juin 2003 avait fixé la date d'ouverture des soldes au 2 juillet 2003.

Conscient que la vente sur internet a un rayonnement national, CDiscount a interrogé l'administration, par téléphone, au début du mois de juin, afin de définir la date d'ouverture de ses soldes sur internet.

Malgré la mise en garde, faite par téléphone, de l'administration, CDiscount a commencé les soldes le 25 juin 2003 en précisant sur son site que "les clients habitant un département où la période des soldes n'était pas ouverte ne pourraient être livrés que le 2 juillet 2003".

Le Procureur de la République, en sa qualité de représentant de l'Etat, ouvre alors une action pénale à l'encontre de CDiscount sur le fondement de l'article L. 310-5, 3° du Code de commerce.

Dès lors que les dates d'ouverture peuvent varier d'un département à l'autre, à quelle date une société de vente sur internet dont le rayonnement est national peut-elle débuter ses soldes ? Autrement dit, comment faut-il adapter la législation sur les soldes aux cyber-commerçants ?

Telle était la question posée à la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Bordeaux.

Décision :

Le tribunal de grande instance de Bordeaux déclare que CDiscount a commis le délit, sanctionné par l'article L. 310-5, 3° du Code de commerce, en vendant des produits en soldes sur internet en dehors des périodes autorisées.

En effet, pour le tribunal, l'élément matériel de l'infraction est caractérisé par la présentation de l'offre le 25 juin 2003 dans un département où les soldes commençaient le 2 juillet 2003. Quant à l'élément intentionnel de l'infraction, le tribunal relève que CDiscount avait connaissance de la violation de l'article L. 310-5, 3° du Code de commerce à la suite des échanges téléphoniques avec l'administration au début du mois de juin.

Par conséquent, le tribunal de grande instance condamne CDiscount à une amende de 10 000 euros dont la moitié avec sursis en raison de la précision apportée par CDiscount selon laquelle "les clients habitant un département où la période des soldes n'était pas ouverte ne pourraient être livrés que le 2 juillet 2003".

Commentaire :

Au sens de l'article L. 310-3, I du Code de commerce (N° Lexbase : L3163DYS), sont considérées comme des soldes "les ventes accompagnées ou précédées de publicité et annoncées comme tendant, par une réduction de prix, à l'écoulement de marchandise en stock".

Pour que les soldes ne contreviennent pas à l'article L. 310-5, 3° du Code de commerce, le vendeur doit respecter deux conditions cumulatives :

- la première condition est d'ordre matériel : pour ne pas être entachées d'irrégularité, les soldes doivent proposer à la vente des marchandises qui ont été payées depuis au moins un mois à la date du début des soldes ;

- la deuxième condition est d'ordre temporel : l'article L. 310-3 I du Code de commerce dispose que "ces ventes ne peuvent être réalisées qu'au cours de deux périodes par année civile d'une durée maximale de six semaines dont les dates sont fixées dans chaque département par l'autorité administrative compétente". Le décret n° 2004-275 ajoute que "l'autorité administrative compétente pour fixer la période des soldes est le préfet du département où les ventes seront réalisées" (décret n° 2004-275, 25 mars 2004, portant application de l'article 29 de l'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises N° Lexbase : L4314DPH).

L'autorisation de réaliser des soldes repose donc sur une logique frontalière puisque la date d'ouverture dépend du préfet de chaque département.

Cependant, les faits de l'espèce témoignent de la difficulté d'adapter cette logique frontalière aux cyber-commerçants qui, par définition, peuvent proposer des marchandises soldées au même instant dans n'importe quel département français.

Le tribunal de grande instance de Bordeaux avait le choix entre plusieurs méthodes pour déterminer la date d'ouverture des soldes sur internet.

Il pouvait retenir comme date d'ouverture des soldes la date fixée dans le département où est situé le siège social de la société souhaitant vendre par internet ; cette hypothèse a été rejetée par le tribunal.

Il pouvait également, et c'est l'option qui a été choisie, retenir la date d'ouverture des soldes du département où les marchandises sont accessibles par un client.

Ainsi, les marchandises en vente sur internet étant accessibles dans tous les départements français au même moment, les sociétés de vente sur internet devront commencer leurs soldes à la date la plus tardive prévue par les arrêtés préfectoraux.

Rappelons, cependant, que la loi pénale est d'interprétation stricte et que cette décision du tribunal de grande instance n'est donc pas surprenante.

Une adaptation de la législation sur les soldes serait peut-être souhaitable dans un contexte de développement des transactions par internet.

Marc d'Haultfoeuille
Avocat associé
Département Communication Média & Technologies
Cabinet Clifford Chance

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