Réf. : Cass. com., 27 juin 2006, n° 05-16.200, M. Jacques Moyrand, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A1171DQG)
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par Florence Labasque, SGR - Droit commercial
le 07 Octobre 2010
I - L'examen par la Haute juridiction de l'application de l'article 192 de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises
Aux termes de l'article 192 de la loi de sauvegarde des entreprises, "les procédures ouvertes en vertu des articles L. 621-98 (N° Lexbase : L6950AIA), L. 624-1, L. 624-4 (N° Lexbase : L3850HB9) et L. 624-5 (N° Lexbase : L7044AIQ) du Code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la présente loi, ne sont pas affectées par son entrée en vigueur".
La Chambre commerciale de la Cour de cassation, examinant d'office l'application de l'article 192 de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, énonce, dans les termes d'un attendu de principe, que selon cette disposition, "les procédures ouvertes en vertu de l'article L. 624-1 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à cette loi, ne sont pas affectées par son entrée en vigueur ; qu'il s'ensuit que la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ouverte à l'égard des personnes, membres ou associées d'une personne morale en procédure collective, indéfiniment et solidairement responsables du passif social, par une décision prononcée antérieurement au 1er janvier 2006, fût-elle frappée de recours, continue d'être régie par les dispositions du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi précitée peu important que l'exécution provisoire ait été, le cas échéant, arrêtée".
Cette solution, inédite s'agissant des procédures ouvertes sur le fondement de l'article L. 624-1 du Code de commerce, rejoint celles déjà rendues sur l'application de l'article 192 de la loi de sauvegarde des entreprises s'agissant des procédures ouvertes sur le fondement des articles L. 624-4 et L. 624-5 du Code de commerce.
En effet, la Haute cour a déjà eu l'occasion de préciser qu'il résulte de la combinaison des articles 190 et 192 de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises que les instances engagées aux fins d'ouverture d'une procédure collective à l'égard des dirigeants des personnes morales sur le fondement des articles L. 624-5 et L. 624-6 du Code de commerce dans leur rédaction antérieure à cette loi, peuvent être poursuivies si la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire a été ouverte avant le 1er janvier 2006, peu important le mode de saisine du tribunal (Cass. com., 16 mai 2006, n° 05-16.668, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A3948DPW ; Cass. com., 13 juin 2006, n° 05-14.081, M. Jean-Pierre Weiss c/ Société civile professionnelle (SCP) Bruart, FS-D N° Lexbase : A9976DP8). Ainsi a-t-elle pu ajouter que l'article L. 624-5 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, bien qu'abrogé par cette loi, peut encore servir de fondement au prononcé d'une mesure de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer contre le dirigeant d'une personne morale soumise à une procédure collective en cours au 1er janvier 2006, ayant commis l'un des actes qui y sont mentionnés (Cass. com., 4 avril 2006, n° 04-19.637, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9397DND).
La Cour de cassation conclut donc, en l'espèce, que les procédures respectives ouvertes à l'encontre des associés de la SNC, sur le fondement de l'article L. 624-1 du Code de commerce, continuent à être régie par les dispositions de ce code. Se pose, alors, la question de savoir quelles sont les règles applicables à la fixation de la date de la cessation des paiements dans le cadre des procédures ouvertes à l'encontre de ces personnes.
II - La date de cessation des paiements des personnes, membres ou associées d'une personne morale en procédure collective, indéfiniment et solidairement responsables du passif social
Rappelons que la date de cessation des paiements est fixée par le tribunal, et mentionnée dans le jugement d'ouverture. A défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement qui la constate . Par ailleurs, est prévue la possibilité de reporter la date de cessation des paiements, une ou plusieurs fois ; cependant, la date de cessation des paiements ne pourra être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture .
En 1989, la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait eu l'occasion d'affirmer que, lorsque le dirigeant d'une personne morale en redressement ou en liquidation judiciaire est soumis lui-même à l'une de ces procédures, la date de cessation des paiements est celle fixée à l'égard de la personne morale (Cass. com., 24 janvier 1989, n° 87-17.770, Société anonyme Ternay c/ M. Sapin, syndic de la liquidation des biens de M Esebag, publié N° Lexbase : A9014AA4).
Dans notre espèce, appliquer aux associés de la SNC la date de cessation des paiements fixée dans la procédure collective de la SNC elle-même revenait à fixer, pour ces associés, une date de cessation des paiements antérieure de plus de dix-huit mois au jugement d'ouverture de leur procédure. Or, la limite posée par l'article L. 621-7, alinéa 1, du Code de commerce, ne le permet pas. C'est en ce sens qu'a statué la cour d'appel de Paris, estimant que, si, certes, l'ouverture d'une procédure collective à l'égard d'une personne morale produit ses effets à l'égard de toutes les personnes membres de la personne morale indéfiniment et solidairement responsables du passif social, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit de procédures distinctes et que, par conséquent, l'article L. 621-7 du Code de commerce leur est applicable.
Telle n'est pas, en revanche, la position de la Cour de cassation. Celle-ci, en effet, adopte d'abord une position conforme à sa jurisprudence de 1989, considérant que, "lorsqu'il a été fait application de l'article L. 624-1 du Code de commerce aux personnes, membres ou associées d'une personne morale en procédure collective, indéfiniment et solidairement responsables du passif social, la date de la cessation des paiements de ces personnes, soumises chacune à une procédure collective indépendante, est la date fixée pour la personne morale". Et ce, quand bien même cette date serait antérieure de plus de dix-huit mois à celle du jugement d'ouverture de la procédure des personnes concernées.
L'arrêt d'appel est donc cassé pour violation des articles L. 621-7 et L. 624-1 du Code de commerce dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises.
Cette solution surprend en ce que les termes peuvent paraître contradictoires. En effet, si la Haute cour rappelle que ces personnes sont, chacune, soumises à une procédure collective indépendante, cette indépendance est relative : relative au point d'avoir une date de cessation des paiements identique à celle de la personne morale ayant fait l'objet d'une procédure collective, et ce, jusqu'au point d'en écarter l'application de l'article L. 621-7, alinéa 1, du Code de commerce.
De plus, cette solution est critiquable sur le plan de la sécurité juridique. En effet, rappelons que certains actes accomplis pendant la cessation des paiements doivent ou peuvent être annulés. Si les nullités de la période suspecte sont, certes, prévues aux fins de recomposer le patrimoine du débiteur, une "période suspecte" trop étalée dans le temps pourrait, cependant, avoir pour conséquence de remettre en cause un trop grand nombre d'actes .
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