Lecture: 7 min
N9455AKE
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
le 07 Octobre 2010
I - La responsabilité environnementale au niveau européen
La Directive européenne du 21 avril 2004 a mis en place un régime de prévention et de réparation des dommages causés à l'environnement. Les Etats membres ont jusqu'au 30 avril 2007 pour transposer cette Directive. Elle a établi deux types de responsabilité :
- une responsabilité objective sans faute pour certaines activités dangereuses listées en Annexe à la Directive, affectant, notamment, les ressources en eau, les sols, la faune, la flore et les habitats naturels. La réparation de ces dommages sera assurée par les responsables desdites activités sur le fondement du principe "pollueur payeur" ;
- une responsabilité pour faute pour les autres activités, qui ne pourra être engagée que si l'exploitant a commis une faute ou s'est montré négligent.
A noter que cette Directive a exclu les dommages résultant d'une pollution diffuse, les dommages économiques aux individus, les atteintes à l'air, ainsi que les accidents couverts par d'autres Directives.
La Cour de justice des Communautés européennes s'est penchée sur la question du fondement de la protection de l'environnement par le doit pénal. Le fondement devait-il relever du "premier pilier", gouverné par une logique supranationale au titre de laquelle l'intérêt européen est présumé indépendant de celui de chacun des Etats membres, ou du "troisième pilier", consacré à la coopération judiciaire en matière pénale et gouverné par une logique intergouvernementale de compromis entre les Etats.
A l'origine de ce conflit institutionnel, une décision-cadre du Conseil en date du 27 janvier 2003 (décision-cadre 2003/80/JAI du Conseil en date du 27 janvier 2003, relative à la protection de l'environnement par le droit pénal N° Lexbase : L9910HIU) fondée sur le "troisième pilier" prévoyait, notamment, que les Etats membres devaient qualifier d'infractions pénales la commission, par action ou négligence, d'agissements par des personnes physiques ou morales, portant atteinte à l'environnement. Chaque Etat membre devait ainsi prendre les mesures nécessaires pour que les infractions "soient passibles de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives qui incluent, au moins dans les cas les plus graves, des peines privatives de liberté".
La Commission européenne -dont la proposition de Directive sur la protection de l'environnement par le droit pénal en date du 13 mars 2001 (Proposition de Directive en date du 13 mars 2001 COM (2001)139 final) avait été rejetée par onze des quinze Etats membres- a alors saisi la CJCE d'une demande d'annulation de cette décision-cadre. La Commission considérait, en effet, qu'en application des articles 174 CE et 175 CE inclus dans le "premier pilier", seul le législateur communautaire était compétent pour imposer aux Etats membres l'obligation de prévoir des sanctions pénales en cas d'infraction à la réglementation communautaire en matière de protection de l'environnement.
Dans son arrêt en date du 13 septembre 2005, la Cour a rappelé qu'en application des articles 2 , 3 et 174 à 176 du Traité CE, la protection de l'environnement constitue un objectif essentiel de la Communauté. A ce titre, l'article 2 du Traité CE dispose que la Communauté a pour mission de promouvoir un "niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement" et l'article 3, paragraphe 1 sous I), CE prévoit la mise en place d'une "politique dans le domaine de l'environnement".
En conséquence, la Cour de justice des Communautés européennes a dit et jugé pour droit que : "en raison tant de leur finalité que de leur contenu, les articles 1 à 7 de la décision-cadre ont pour objet principal la protection de l'environnement et auraient pu valablement être adoptés sur le fondement de l'article 175 CE", soit donc sur la base du "premier pilier". La CJCE a dit, en conséquence, qu'il y avait lieu "d'annuler la décision-cadre" dans son intégralité, prise sur le fondement du "troisième pilier". Alors même que le "troisième pilier" est consacré à la coopération judiciaire intergouvernementale en matière pénale, la CJCE a donc préféré reconnaître la Commission seule compétente pour contraindre les Etats membres, sur le fondement du "premier pilier", à prévoir des sanctions pénales afin de protéger l'environnement.
La Cour de justice des Communautés européennes a condamné l'Etat français pour manquement aux obligations qui lui incombent en application de la Directive du 15 juillet 1980, relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (N° Lexbase : L9431AUT), après avoir relevé l'existence d'un taux de nitrates trop élevé dans les eaux destinées à la consommation humaine en Bretagne.
Alors même que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne comprend aucune disposition sur la protection de l'environnement, ni le droit de vivre dans un environnement sain, la jurisprudence de la Cour exige des Etats la prise en compte des impératifs environnementaux sur le fondement du paragraphe 1 de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (N° Lexbase : L4798AQR).
Les Etats sont ainsi sanctionnés lorsque les atteintes à l'environnement affectent le bien-être d'une personne, et l'ont privée de la jouissance de son domicile de manière à nuire à sa vie privée et familiale, sans pour autant mettre en grave danger la santé de l'intéressé. Cette jurisprudence se fonde sur la théorie des obligations positives qui veut que l'Etat n'ait pas seulement l'obligation de ne pas violer tel ou tel droit, mais aurait également des obligations d'agir pour permettre l'exercice effectif du droit en cause.
II - La responsabilité environnementale au niveau national
Le Conseil d'Etat a condamné l'Etat pour carence fautive à prendre des mesures de prévention des risques liés à l'exposition des travailleurs aux poussières d'amiante. Le Conseil d'Etat a validé le raisonnement de la cour administrative d'appel selon lequel les pouvoirs publics ne pouvaient plus ignorer que l'exposition aux poussières d'amiante présentait de graves dangers pour la santé des travailleurs, dans la mesure où le caractère nocif des poussières d'amiante était connu depuis le début du XXème siècle et que le caractère cancérigène de celles-ci avait été mis en évidence dès le milieu des années cinquante.
Le Conseil d'Etat a, ainsi, considéré que l'inaction de l'Etat pour protéger les travailleurs contre les dangers que leur faisait courir l'inhalation de poussières d'amiante, notamment au niveau de la réglementation du travail, était constitutive d'une carence fautive.
Par une décision en date du 23 mars 2004, la Cour de cassation a rappelé que le chef d'entreprise était pénalement responsable d'une pollution affectant un cours d'eau à la suite de l'exercice de son activité au sein d'une installation classée pour la protection de l'environnement, lorsqu'un lien de causalité direct entre la pollution constatée, les fautes de négligence et d'inaction de la personne responsable a été démontré.
Le Conseil d'Etat a condamné l'Etat pour carence fautive du préfet dans l'exercice de son pouvoir de police des installations classées. Dans cette affaire, le préfet avait laissé se poursuivre une installation classée dans des conditions non conformes aux prescriptions de fonctionnement modifiées par le juge administratif, lequel avait estimé que les prescriptions figurant dans l'arrêté préfectoral étaient insuffisantes, compte tenu des nuisances sonores causées au voisinage par l'exploitation de l'installation classée.
Par cet arrêt, le Conseil d'Etat a retenu la responsabilité de l'Etat du fait de l'application de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement (loi n° 76-663 N° Lexbase : L6346AG7). Le Conseil a ainsi estimé que l'exploitant d'une coopérative agricole était fondé à demander à l'Etat la réparation du préjudice anormal et spécial subit en raison de la suppression des silos de stockage de céréales ordonnée sur le fondement de la loi du 19 juillet 1976 par un décret du 16 avril 1999, et ce alors même qu'aucune disposition législative ne prévoyait une telle réparation. La responsabilité du fait des lois trouve son fondement dans la rupture d'égalité devant les charges publiques.
La Chambre criminelle a jugé que l'obligation d'équiper et d'exploiter une installation classée dans des conditions propres à éviter toutes nuisances olfactives au voisinage constituait une prescription technique au sens des articles L. 514-11, II du Code de l'environnement (N° Lexbase : L1738DKL) et 43,3° du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 (N° Lexbase : L1886HCT). Dès lors, l'entrepreneur, exploitant d'une installation classée de fabrication d'engrais et de supports de culture, qui ne s'est pas conformé à la mis en demeure par le préfet de faire cesser les nuisances olfactives produite par son installation, a été poursuivi du chef de contravention d'inobservation des prescriptions techniques imposées par l'arrêté d'autorisation, ainsi que pour le délit consistant à ne s'être pas conformé à la mise en demeure dans le délai imparti.
La cour administrative de Lyon a décidé que les nuisances, notamment olfactives, causées par le rejet dans un ruisseau, sans traitement préalable, des eaux usées d'un village par le réseau unitaire communal étaient de nature à engager la responsabilité de la commune du fait de la présence de l'ouvrage public constitué par ce réseau unitaire.
Savin Martinet Associés - www.smaparis.com - Cabinet d'avocats-conseils
Contacts :
Patricia Savin (savin@smaparis.com)
Yvon Martinet (martinet@smaparis.com)
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:89455