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par Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, Landwell & Associés
le 16 Novembre 2013
- hormis les avis d'incompétence :
- le service suit totalement l'avis dans 97 % des cas.
La commission rend près de 92 % de ses avis en faveur de l'administration, avis suivis à 97 % par le service.
Ce simple constat permettrait donc de douter de l'intérêt pour le contribuable de saisir la commission.
Toutefois, sans aller jusqu'à préconiser une disparition pure et simple de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires, pour les contribuables et praticiens, il est possible de relever certains de ses aspects perfectibles :
1. La compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires : une évolution significative
Il est rappelé que la saisine de la commission, est subordonnée à la réunion de trois conditions :
- l'existence d'un désaccord persistant,
- sur une matière prévue par la loi,
- portant sur une question de fait.
1.1.Conditions préalables à la saisine
1.1.1. Un désaccord persistant
1.1.2. Matières prévues par la loi
Le domaine d'intervention de la commission est défini à l'article L. 59 A du LPF (N° Lexbase : L8737G84) et a fait l'objet d'un élargissement par la loi de finances rectificative pour 2004.
Ainsi, désormais, relèvent de la compétence de la commission les litiges portant sur :
- le montant du résultat (industriel et commercial, agricole, non commercial) ou du chiffre d'affaires, déterminé selon le mode réel d'imposition. En substituant le terme "résultat" à celui de "bénéfice", le législateur a affirmé clairement la compétence de la commission lorsque le résultat de l'entreprise est déficitaire ;
- les conditions d'application des régimes d'exonération ou d'allègement fiscaux en faveur des entreprises nouvelles. En l'état actuel, il s'agit des exonérations prévues aux articles 44 sexies à 44 undecies du CGI. Toutefois, est expressément exclue la possibilité pour la commission départementale de se prononcer sur la qualification des dépenses de recherche définies à l'article 244 quater B, II du CGI .
- l'appréciation du caractère normal des rémunérations versées par les entreprises industrielles ou commerciales ;
- la valeur vénale des biens soumis à la TVA immobilière.
1.1.3. Désaccord sur une question de fait
La compétence de la commission est limitée aux seules questions de fait à l'exclusion des questions de droit ou liées à l'interprétation de la loi, lesquelles sont du ressort exclusif des tribunaux.
Son domaine de compétence limité au seul examen de la matérialité des faits ne lui permettait pas jusqu'à l'intervention de la loi de finances rectificatives pour 2004, d'apprécier les faits dans les hypothèses impliquant une qualification juridique de ces derniers au regard de la loi fiscale.
En effet, dans certaines situations, le fait et le droit sont étroitement liés et l'examen des faits aboutit implicitement à régler la question de droit.
Ainsi, la loi de finances rectificative pour 2004 est venue étendre, en la matière, le champ de compétence de la commission sur les questions suivantes.
Le caractère anormal d'un acte de gestion
Le nouveau dispositif met fin à la distinction entre appréciation des faits et qualification des faits et permet à la commission d'émettre un avis sur l'existence d'un acte anormal de gestion.
Le principe et montant des amortissements et des provisions
Quelle que soit la nature du litige, la commission est compétente pour examiner tous les désaccords portant sur les amortissements et les provisions (ex. : taux et mode d'amortissement ou calcul et déduction d'une provision).
Le caractère de charge déductible des travaux immobiliers
La commission a, désormais, compétence pour trancher la question de savoir si des travaux immobiliers ont le caractère de charge déductible des résultats d'une entreprise ou doivent être immobilisés et déduits par voie d'amortissement.
1.2. Composition et territorialité
1.2.1.Composition
La composition de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est déterminée par les articles 1651 à 1651 F du CGI, complétés par les articles 347 et 348 de l'annexe III au CGI.
Organes | Membres | Incompatibilités |
Présidence de la commission | Président du TA ou délégation à un membre du TA ou de la CAA | Le conseiller du TA qui a présidé ne peut siéger à l'audience où l'affaire est appelée pour être jugée |
Membres fonctionnaires de la commission |
Fonctionnaire ayant au moins le grade d'inspecteur
Leur nombre de sièges varie selon les matières de 1 à 4 |
Ne doit pas avoir d'intérêt personnel à l'affaire (ex. : a pris part à la vérification de comptabilité, liens familiaux avec l'agent ayant procédé à l'instruction...) |
Représentants des contribuables | Varie en fonction de la catégorie professionnelle du contribuable ou de la nature de la matière imposable | Pas de condamnation au titre d'une fraude fiscale ou d'une opposition à contrôle fiscal |
1.2.2. Territorialité
Territorialité : principe | Commission du département du lieu d'imposition |
1ère exception : confidentialité | Le contribuable peut demander la saisine de la commission d'un autre département (possibilité étendue à tous les contribuables personnes physiques ou morales) |
2ème exception : groupe de sociétés |
Pluralité de rehaussements fondés sur les mêmes motifs, à différentes filiales d'un groupe. Possibilité de saisir la commission compétente pour la société mère |
3ème exception : rémunérations occultes | Le bénéficiaire des versements peut demander la saisine de la commission dont dépend l'entreprise versante |
1.3. Fonctionnement de la commission
Il est rappelé que le fonctionnement de la commission départementale repose sur deux principes fondamentaux :
- la procédure doit être contradictoire,
- la commission doit être en mesure de s'informer comme elle l'entend.
Rapport de l'administration | Fixe la nature et l'étendue du régime, ainsi que les positions respectives des parties |
Convocation à la séance |
Obligatoire et permet d'indiquer au contribuable : - le délai pour prendre connaissance du rapport de l'administration - qu'il peut se faire représenter, - qu'il peut faire parvenir ses observations. Le délai varie entre 10 et 30 jours |
Communication du dossier au contribuable |
- Rapport de l'administration - Termes de comparaison - Rapport de vérification de comptabilité - Liste des membres de la commission |
1.4. Avis ou décision de la commission
La notification de l'avis ou de la décision de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires a pour conséquence l'autorisation, pour l'administration, de mettre en recouvrement les impositions litigieuses.
Procédure de redressement |
- Formulation d'un avis - Elle n'est pas liée par ses précédents avis - Elle n'est pas liée par la prétention des parties |
- L'avis rendu ne lie pas l'administration qui peut maintenir son redressement initial - Au-delà du montant initial, il faut procéder à une nouvelle notification |
Procédure de fixation du forfait (TVA ou BIC) |
- Rend une décision - Liée par les prétentions des parties |
L'administration doit tenir compte de la décision et faire application du chiffre ainsi fixé |
2. Points d'amélioration du système de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires
2.1. Informer le contribuable sur la possibilité de saisir la commission
Aucune disposition légale ne prévoit l'obligation pour l'administration d'informer le contribuable quant à sa possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires.
Si l'administration n'est pas tenue de prévenir le contribuable, elle ne doit cependant pas l'en dissuader. En pratique, toutefois, l'administration répond aux observations du contribuable au moyen d'une "réponse aux observations" ou "confirmation de redressement" qui contient des indications sur les commissions pouvant être saisies, les délais à respecter et les conditions de validité de la saisine.
La jurisprudence a reconnu le caractère substantiel de la mention de cette voie de recours, son défaut entachant d'irrégularité la procédure. Cependant si la mention est rayée mais que le délai de recours ne l'est pas, les juges considèrent qu'il est de la diligence du contribuable de soulever cette contrariété.
Ne pourrait-on donc pas envisager de consacrer législativement une obligation d'informer le contribuable de la possibilité qui lui est offerte, afin de lui assurer une plus grande protection ?
2.2. Un traitement des titulaires des BNC équivalent à celui des titulaires de BIC au regard de la saisine de la commission
En matière de BNC, le contrôle de la déductibilité des charges et dépenses de l'entreprise s'effectue sur le fondement de la théorie de l'acte anormal de gestion.
Il s'agit, dès lors, d'une question factuelle faisant appel à la notion d'intérêt de l'entreprise, le Conseil d'Etat allant même jusqu'à considérer indifférent le caractère illicite d'une dépense (CE 8° et 9° s-s-r., 7 janvier 2000, n° 186108, M. et Mme Philippe N° Lexbase : A9277AGP). Toutefois, l'acte anormal de gestion constitue une question de droit, dès lors qu'elle nécessite une opération de qualification juridique.
La loi de finances est venue doter la commission d'une pleine compétence en matière d'acte anormal de gestion.
En revanche, les dispositions de l'article 93-1 du CGI relatif à la détermination du bénéfice imposable en matière de BNC sont beaucoup plus contraignantes.
La question de savoir si une dépense a été nécessitée ou non par l'exercice de la profession constitue, pour le Conseil d'Etat, une question de droit exclusivement, par conséquent la commission départementale est incompétente en la matière.
Ne pourrait-on donc pas envisager d'étendre la compétence de la commission à la détermination du bénéfice imposable en matière de BNC, afin de mettre un terme à une situation pour le moins inéquitable ?
2.3. Une extension du champ de compétence à tous les impôts
La loi de finances rectificative pour 2004 a déjà étendu le champ de compétence de la commission, cependant cette action semble inachevée.
En effet, il paraît opportun de solliciter de la part du législateur une nouvelle extension à tous les impôts, et notamment, aux crédits d'impôts qui demeurent hors de la compétence de la commission (CE Contentieux, 26 octobre 2001, n° 217228, Société Darty N° Lexbase : A1838AXD, Droit fiscal 2001, comm. 1201)
Or, il s'avère difficile de nier le fait que les crédits d'impôts ont une influence sur le résultat d'une société.
Mais, d'autres domaines devraient pouvoir intégrer le périmètre de compétence comme la taxe professionnelle, le droit à déduction de la TVA ou encore l'assujettissement à la TVA.
Ne pourrait-on donc pas envisager de procéder à une nouvelle extension du champ de compétence de la commission, notamment, afin d'y intégrer les crédits d'impôts ou encore la taxe professionnelle ?
2.4. Mise à disposition du rapport de l'administration dans de meilleurs délais
L'article R. 60-1 du LPF (N° Lexbase : L5554HD3), modifié par le décret du 11 octobre 2005 (n° 2005-1284 N° Lexbase : L0409HDI) a allongé le délai dont disposait le contribuable pour prendre connaissance du rapport de l'administration en l'alignant sur le délai de convocation, soit trente jours avant la date de réunion de cette dernière.
On peut se demander si ce délai est encore suffisant et s'il ne faudrait pas envisager une communication plus en amont, notamment, si ce rapport est déjà produit par l'administration et s'il est disponible au secrétariat de la commission.
2.5. La création de "sous-commissions" pour l'examen des problématiques de prix de transfert et autres questions sensibles
La recherche de comparable en matière de prix de transfert nécessite une analyse beaucoup plus poussée que dans un cadre strictement national.
Le domaine étant particulièrement sensible et délicat à traiter, il nécessite la désignation de personnes expertes en la matière.
Il est en de même pour certains aspects particulièrement spécifiques de la pharmacie ou de la médecine, par exemple, qui nécessitent la réunion d'un collège d'experts (et non pas uniquement la participation de praticiens).
Ne pourrait-on donc pas envisager de créer certaines "sous-commissions" pour traiter de dossiers particulièrement pointus ?
2.6. Mise en place d'une base de données des avis rendus par la commission départementale
Il pourrait être utile de mettre en place une base de données des avis rendus par la commission permettant au contribuable de connaître la position de la commission sur certains points précis, en s'inspirant du rapport annuel du comité consultatif pour la répression des abus de droit.
S'il est vrai que la commission traite beaucoup plus de cas que le comité consultatif, il n'en demeure pas moins que la création d'un système de données permettrait de doter le contribuable d'un véritable outil en amont, c'est-à-dire au moment de la réalisation de l'opération, mais également en aval afin d'obtenir une meilleure évaluation de ses chances de succès en cas de saisie de cette commission.
Il apparaît donc opportun de s'interroger sur la création d'une base de données des avis rendus par la commission : soit dans une optique de rapport annuel, soit dans celle d'une doctrine de cette commission.
2.7. Sur la portée de l'avis rendu par la commission
Il convient d'envisager cette question au regard tant de la charge de la preuve que du suivi des avis.
D'une part, au regard de la charge de la preuve
Depuis la loi "Aicardi" du 8 juillet 1987 (n° 87-502 N° Lexbase : L9705AUY), l'avis de la commission n'a pas d'incidence sur la charge de la preuve (CE 8° s-s, 20 juin 2003, n° 232832, Société Etablissements Lebreton-Comptoir Général de Peintures et Annexes N° Lexbase : A0626C93). Ainsi, peu importe le sens de l'avis, si la charge de la preuve reposait initialement sur l'administration, elle le demeure. C'est le sens des dispositions de l'article L. 192, alinéa 1er, du LPF (N° Lexbase : L8724G8M). Toutefois, il est à noter que ce principe se trouve atténué par deux exceptions d'importance à la règle. En premier lieu, on notera, naturellement, que la charge de la preuve repose sur la tête du contribuable dans les cas de graves irrégularités, lorsque l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission aux termes des dispositions de l'article L. 192, alinéa 2, du LPF et en second lieu, dans les cas de rectifications portées sur les créances des tiers, amortissements et provisions .
D'autre part, au regard du suivi des avis
Comme il a été soulevé infra, le service suit majoritairement la position de la commission ; toutefois, eu égard à la tendance de cette commission une telle "démarche" n'est que peu pertinente.
2.8. Notification de l'avis de la commission départementale
Il doit être rappelé que le projet d'avis rédigé par le secrétariat de la commission départementale qui est composé d'un agent de Direction générale des impôts (CGI, Annexe III, art. 348-I, précité), doit comporter la signature du Président de la commission qui a la faculté de les amender et/ou de les signer. L'avis dûment signé est par la suite adressé au service des impôts chargé de la vérification, qui le communique au contribuable.
En effet, l'article R. 60-3 du LPF (N° Lexbase : L2248AEY) dispose que "l'avis ou la décision de la commission départementale doit être motivé. Il est notifié au contribuable par l'administration des impôts".
En pratique, cette disposition soulève deux difficultés d'application. La première pose le problème du délai de notification des avis en l'absence d'obligation légale en la matière. La seconde conduit à observer que le contribuable prend toujours connaissance de cet avis après l'administration.
Ne pourrait-on donc pas envisager de modifier l'article R. 60-3 du LPF pour que l'avis soit notifié non par l'administration fiscale, mais par la commission départementale, directement au contribuable en même temps que l'administration dans la quinzaine qui suit la délibération de la commission ?
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