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N9185AKE
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par Compte-rendu réalisé par Charlotte Figerou, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale
le 07 Octobre 2010
Il existe quatre types de fautes disciplinaires : la faute légère, la faute sérieuse, la faute grave et, enfin, la faute lourde.
Bien entendu, il n'y a pas de définition figée de ces fautes et il faut toujours, pour accoler une étiquette à une faute commise par un salarié dans l'exercice de ses fonctions, tenir compte du contexte : l'ancienneté du salarié, l'éventuelle commission dans le passé d'autres fautes, l'existence ou non d'un préjudice pour l'entreprise, la nature du poste du salarié, son niveau de responsabilités... Autant de données à prendre en considération pour apprécier la gravité de la faute !
La première faute, la moins grave, qui peut être retenue à l'encontre d'un salarié, est la faute légère. Celle-ci a pour caractéristique de ne pas empêcher le maintien du salarié dans l'entreprise, mais peut donner lieu à un avertissement. La faute sérieuse permet, quant à elle, le licenciement du salarié, mais l'impact financier d'un tel licenciement sera moins lourd qu'en cas de commission d'une faute grave. En effet, le licenciement reposant sur une faute sérieuse ne prive pas le salarié de son indemnité légale (C. trav., art. L. 122-9 N° Lexbase : L5559ACU) ou conventionnelle de licenciement, ni de ses droits à préavis.
Seule la faute grave emporte suppression de ces droits ; celle-ci implique, d'ailleurs, l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise, ce qui oblige l'employeur à agir rapidement s'il veut se placer sur ce terrain-là. L'employeur qui retiendra la faute grave aura souvent recours à la mise à pied conservatoire afin d'écarter, le temps de la procédure, le salarié de l'entreprise. La faute grave, rappelons-le, est celle qui permet la rupture anticipée du contrat à durée déterminée (C. trav., art. L. 122-3-8 N° Lexbase : L5457AC4) ou, encore, le licenciement de la femme enceinte (C. trav., art. L. 122-25-2 N° Lexbase : L5495ACI). Le salarié qui se rend coupable de faute grave n'a droit ni à son préavis, ni à son indemnité de licenciement. En outre, l'employeur ne sera pas redevable de la contribution "Delalande" (C. trav., art. L. 321-13 N° Lexbase : L9591GQB).
S'agissant de la preuve de la faute, estime Karine Mignon-Louvet, celle-ci est différente au moment de la commission des faits et pour l'avocat qui récupère le dossier. Les juges prud'homaux, qui jugent souvent en équité et selon une procédure orale, retiennent généralement des attestations de salariés ; ils ont, également, recours à la voie médicale ainsi qu'à la contre-expertise.
Les juges auraient d'ailleurs tendance à ne retenir la faute grave que dans des hypothèses de plus en plus circonscrites, faisant jouer un certain nombre de facteurs humains pour l'exclure. En outre, la sensibilité des juges variant d'un magistrat à l'autre, on en arrive, bien souvent, à des jugements au cas par cas.
La faute lourde, la plus grave dans l'échelle des fautes, implique l'existence d'un élément intentionnel, c'est-à-dire l'intention du salarié de nuire à son employeur. Elle se rencontre rarement en pratique et, souvent, s'accompagne d'une demande subsidiaire de faute grave. Elle emporte les mêmes conséquences que la faute grave avec, en plus, la suppression des droits à congés payés. Toutefois, elle est sans conséquence sur les droits au chômage, tout comme, a fortiori, les autres types de fautes. En pratique, seront qualifiés de fautes lourdes des comportements tels que le dénigrement du dirigeant, l'atteinte au patrimoine de l'employeur, la dégradation du matériel dans certains cas...
Il convient de bien distinguer les hypothèses de fautes, relevant du pouvoir de sanction de l'employeur, de situations frontières, mais ne relevant pas du pouvoir disciplinaire. D'une part, est exclue de la sphère disciplinaire l'exécution défectueuse du contrat de travail. Celle-ci doit être distinguée de l'inexécution du contrat de travail qui, pour sa part, relève bien du pouvoir de sanction de l'employeur. En cas de doute sur la qualification juridique des faits, le rappel à l'ordre du salarié et le comportement que celui-ci adoptera permettront, généralement, de trancher entre les deux situations.
D'autre part, le contentieux issu de la notion de modification du contrat de travail entraîne, bien souvent, des confusions sur la qualification juridique du refus du salarié. Sans entrer dans le débat sur ce qui relève ou non de la sphère contractuelle, rappelons que le salarié peut toujours refuser une modification de son contrat de travail, alors qu'il sera fautif s'il ne se plie pas aux exigences de son employeur qui procède à un simple changement de ses conditions de travail. Dans cette dernière hypothèse, son refus ne sera pas constitutif d'une faute grave, depuis le revirement opéré par la Cour de cassation en 2005 (Cass. soc., 23 février 2005, n° 03-42.018, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8789DGM, lire les obs. de Ch. Radé, La bonne foi de l'employeur et la mise en oeuvre de la clause de mobilité, Lexbase Hebdo n° 158 du 10 mars 2005 - édition sociale N° Lexbase : N4888ABN).
On signalera, ici, la perte de confiance qui ne peut jamais constituer, en soi, un motif de licenciement (v., par ex., Cass. soc., 29 mai 2001, n° 98-46.341, Société Dubois couvertures c/ M. Cardon, publié N° Lexbase : A4701ATB ; Cass. soc., 2 octobre 2002, n° 00-42.982, F-D N° Lexbase : A9037AZQ). La Cour de cassation s'est prononcée plusieurs fois en ce sens ; le licenciement peut seulement être fondé sur des motifs objectifs et non sur le motif, flou, de la perte de confiance.
En outre, l'insuffisance professionnelle ainsi que la mésentente sont, également, des cas de licenciements non disciplinaires, ni l'un ni l'autre ne constituant une faute du salarié.
Le Code du travail, dans ses articles L. 122-40 et suivants (N° Lexbase : L5578ACL), prévoit le droit commun de la procédure disciplinaire. Des règles particulières sont prévues pour les journalistes à l'article L. 761-5 du Code du travail (N° Lexbase : L6797ACQ). Enfin, il faut aussi, le cas échéant, respecter les dispositions du règlement intérieur ainsi que celles prévues par les conventions et accords collectifs applicables à l'entreprise. Il arrive souvent que des commissions disciplinaires soient prévues par voie conventionnelle.
Le formalisme varie en fonction du degré de gravité de la faute disciplinaire et de la sanction encourue. Ainsi, l'avertissement ne nécessite pas d'entretien préalable, contrairement à tous les autres types de sanctions. Rappelons aussi que, aux termes de l'article L. 122-44 du Code du travail (N° Lexbase : L5582ACQ), l'employeur doit engager les poursuites disciplinaires dans les 2 mois à partir de sa connaissance des faits fautifs. En cas de fautes répétées, c'est le dernier événement qui fera courir ce délai de 2 mois. Les fautes qui ont plus de 3 ans sont couvertes par la prescription et ne peuvent plus faire l'objet de sanctions. En outre, il faut également prendre en compte les effets des lois d'amnistie, la dernière en date remontant à août 2002 (loi n° 2002-1062 du 6 août 2002, portant amnistie N° Lexbase : L5165A43). Depuis une ordonnance du 30 juin 2004 (ordonnance n° 2004-602 du 24 juin 2004, relative à la simplification du droit dans les domaines du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle N° Lexbase : L5050DZ3), le délai pour convoquer le salarié à l'entretien préalable est de 5 jours ouvrables, que l'entreprise comporte ou non des délégués du personnel. Le délai de notification de la sanction est fixé à 48 heures, à compter de la date de l'entretien.
Si le principe reste celui du libre exercice du pouvoir disciplinaire, un certain nombre de limites vient encadrer l'étendue des pouvoirs patronaux. D'abord, la sanction appliquée doit être proportionnelle à la faute commise. Ensuite, les libertés individuelles du salarié doivent, en tout état de cause, être respectées. Sont visées par cette protection la liberté d'expression, le droit de grève, la vie privée du salarié, sa liberté d'opinion, ses convictions politiques... Enfin, le salarié ne doit pas être sanctionné pour des motifs discriminatoires, rappelés à l'article L. 122-45 du Code du travail (N° Lexbase : L3114HI8).
Les juges prud'homaux doivent, à ce stade, vérifier trois points. Ils contrôlent, en premier lieu, la justification de la sanction. La Cour de cassation a, récemment, rappelé qu'aucune sanction disciplinaire ne peut être prise à titre préventif et l'employeur doit attendre que la relation de travail soit née pour engager toute poursuite disciplinaire (Cass. soc., 18 février 2004, n° 02-41.622, F-P N° Lexbase : A3289DBG). Ensuite, les juges contrôlent la régularité de la procédure et, enfin, celle de la sanction. Ils vérifient son caractère proportionné au regard des faits fautifs et du contexte : ancienneté du salarié, dossier disciplinaire, conséquences de la faute sur l'entreprise...
Ce contrôle emporte des effets différents selon que la sanction prise est un licenciement ou non. Les juges ne peuvent, en effet, pas annuler la procédure de licenciement mais, seulement, accorder au salarié des dommages-intérêts réparant le préjudice subi. S'agissant des autres sanctions, ils peuvent toutefois procéder à leur annulation. Enfin, aucune sanction pécuniaire ne peut être prise à l'encontre du salarié fautif (Cass. soc., 14 juin 2005, n° 03-43.608, F-D N° Lexbase : A7539DI3).
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