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C'est souvent du hasard que naît l'opinion,/Et c'est l'opinion qui fait toujours la vogue" - Jean de La Fontaine. Alors hasard ou coïncidence, la Cour de justice des Communautés européennes s'invite, une nouvelle fois, à la table des débats et passions qui animent les Etats membres, dont la France. En effet, lorsque la CJCE doit décider si la création d'une taxe assise sur la valeur ajoutée de toute entreprise, mais en prenant la précaution d'en organiser différemment, du moins en apparence, le calcul et le paiement est ou non contraire à l'article 33 de la sixième Directive-TVA, l'oreille avertie de l'agent du Service de la législation fiscale (SLF) en vaut deux, tant l'annonce du Président Chirac de remplacer une partie des cotisations patronales par une cotisation sur la valeur ajoutée semble annoncer de nouveaux périls. Pour mémoire, entre TVA sociale (lire notre éditorial du 2 décembre 2004,
TVA "sociale" : des vessies et des lanternes...), augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) ou augmentation de l'impôt sur les sociétés, le Président Chirac, lors de ces voeux à la Nation, inaugure une "quatrième voie", la prise en compte de la valeur ajoutée des entreprises (cf. Michel Delberghe,
Hausse de la CSG, TVA sociale... des alternatives controversées,
Le Monde du 17 janvier 2006). Or, si les Etats membres ne trouvent pas un accord, comme le préconise la CJCE dans son ordonnance du 21 octobre dernier, pour obérer l'interdiction faite de lever un impôt sur le chiffre d'affaires autre que la TVA conçu comme la TVA, l'élaboration de la cotisation sur la valeur ajoutée à la Française pourrait, si l'on n'y prend garde, subir les fourches caudines communautaires. Concrètement, au scepticisme de nombreux rapports sur l'impact à long terme de cette cotisation sur la valeur ajoutée s'ajouterait un risque de contrariété au droit communautaire, obligeant, à terme, au remboursement de la cotisation en question. Rappelons que, selon une étude de l'Observatoire français des conjonctures économiques, une baisse de 3 points des charges patronales, compensée par une cotisation sur la valeur ajoutée, créerait entre 80 000 et 220 000 emplois -soit une fourchette incertaine extrêmement large- ; en outre, une analyse de la Banque de France révèle que si les firmes de 20 à 49 salariés, ainsi que celles qui exportent peu seraient gagnantes, en revanche, celles qui supportent déjà des prélèvements élevés d'impôts sur les bénéfices, y perdraient. Ainsi, les entreprises du secteur de l'énergie seraient "
les moins gagnantes, celles de biens d'équipement professionnel ou ménager, les plus gagnantes" (lire, Francine Aizicovici et Marie-Béatrice Baudet,
Les premières évaluations d'un pari "abracadabrantesque",
Le Monde du 17 janvier 2006]). Mais tout compte fait, le blocage ne serait-il pas institutionnel ? Car, comme le souligne Bruno Palier, chargé de recherche au Centre d'études de la vie politique française (Cevipof, Sciences Po/CNRS) (
in "Une idée vieille de trente ans qui ressurgit !", Le Monde du 17 janvier 2006), selon sa nature et son mode de prélèvement, la cotisation sur la valeur ajoutée pourrait revêtir une tunique de Nessus fiscale, si bien qu'on assisterait à une fiscalisation accentuée de la protection sociale (1/3 des recettes aujourd'hui) qui remettrait en cause le principe de la gestion paritaire de la Sécurité sociale ; principe auquel les syndicats sont attachés car "
celui qui paie gère". Sur ce sujet épineux de prospective fiscale, les éditions juridiques Lexbase vous invitent à lire le commentaire de
Yolande Sérandour, Professeur à la faculté de droit de Rennes, Directrice du master de droit fiscal des affaires et du département droit fiscal du CDA,
L'interdiction du cumul de taxes sur le chiffre d'affaires : quand les Etats membres obtiennent la réouverture de la procédure orale devant la CJCE.
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