Réf. : Loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, de financement de la Sécurité sociale pour 2006 (N° Lexbase : L9963HDD)
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Haute Alsace
le 07 Octobre 2010
1.1. Exonération au titre de l'abattement temps partiel
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2006 (art. 11) supprime, à partir du 1er janvier 2006, l'abattement de cotisations patronales applicable aux contrats de travail à temps partiel.
La loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, dite "loi Aubry II" (N° Lexbase : L0988AH3), avait prévu que l'abattement de cotisations patronales applicable en cas de travail à temps partiel (C. trav., art. L. 322-12 N° Lexbase : L5320ACZ) cessait d'être applicable 1 an après l'abaissement de la durée légale du travail, soit à compter du 1er janvier 2001 pour les entreprises de plus de 20 salariés, et à compter du 1er janvier 2003 pour les entreprises de 20 salariés au plus. La loi n° 2000-37 précisait que le bénéfice de l'abattement restait acquis aux contrats qui y ouvraient droit à la date d'entrée en vigueur de la réduction du temps de travail.
L'article 11 de la LFSS pour 2006 précise que l'abattement reste acquis jusqu'au 31 décembre 2005 pour les contrats ouverts à l'entrée en vigueur de la réduction du temps de travail. Mais, il est mis fin, à compter du 1er janvier 2006, à l'abattement de 30 % applicable aux contrats en cours, qui étaient au nombre de 75 000 en juin 2005.
Les employeurs peuvent appliquer le dispositif d'allègement général des cotisations sociales (réduction "Fillon") pour les salariés dont la rémunération est inférieure à 1,33 fois le Smic, cette réduction est plus avantageuse que l'abattement supprimé. Puisque une large majorité des salariés à temps partiel concernés par l'abattement sont rémunérés en-deçà de ce seuil, la mesure retenue par la LFSS devrait avoir un impact financier favorable pour beaucoup d'entreprises. Enfin, il faut préciser que le coût du dispositif supprimé pour les régimes de la Sécurité sociale n'était pas compensé par l'Etat.
Selon les travaux parlementaires, cette reforme illustre les changements d'attitudes qui se sont produits sur la question du travail à temps partiel, apprécié, au début des années 1990, comme une modalité de réduction de la durée du travail, susceptible de favoriser l'emploi. Mais, la montée du temps partiel "subi" a conduit à remettre en cause les mesures incitatives à l'embauche à temps partiel qui perdaient, en outre, une part de leur justification dans le contexte d'une politique de réduction généralisée de la durée du travail.
La réforme introduite par la LFSS simplifie le dispositif d'allégement de charges sociales en supprimant, par anticipation, une disposition appelée à s'éteindre. Son coût qui, en 2004, a été de 190 milliards d'euros, ne fait pas l'objet d'une compensation à la Sécurité sociale, à la différence de l'allégement "Fillon". Sa suppression devrait donc être positive pour les finances sociales.
1.2. Régime de la réduction générale de cotisations sociales ("Fillon")
La LFSS entend clarifier la définition de l'assiette des cotisations sociales. La définition de la notion d'heures rémunérées a été à l'origine d'un important contentieux. Les Urssaf considéraient que les heures devant être prises en compte sont les heures de travail effectif, au sens de l'article L. 212-4 du Code du travail (N° Lexbase : L8959G7X) (temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles). Certains employeurs demandaient, à l'inverse, que soit retenue une définition plus large des heures rémunérées, qui inclut tous les temps de pause, d'astreinte, d'habillage ou de déshabillage (...), qui peuvent faire l'objet d'une rémunération, sans être des temps de travail effectif. Cette définition extensive leur permet de bénéficier d'allégements de cotisations plus importants, par l'effet de la formule de calcul.
L'article 13 § 1 de la LFSS pour 2006 opte pour la définition la plus restrictive : par un nouvel article L. 241-15 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L9683HED), il est désormais prévu que, pour l'ensemble des mesures d'exonération ou de réduction de cotisations de sécurité sociale prévues par le même code ou par toute autre disposition législative ou règlementaire, les heures rémunérées s'entendent des heures de travail effectif. La clarification proposée a donc un champ d'application très large : elle concerne l'allégement "Fillon" mais, également, tous les autres dispositifs d'allégements de charges en vigueur.
L'article 13 § 2 de la LFSS pour 2006 vise à lever d'autres difficultés d'interprétation posées par certaines dispositions relatives à l'assiette des cotisations sociales. Le 1° du II précise que la compensation salariale d'une perte de rémunération résultant d'une mesure de réduction de la durée du travail est toujours considérée comme une rémunération, qu'elle prenne la forme d'un complément différentiel de salaire ou d'une hausse du taux de salaire horaire, notamment.
Cet ajout vise à lever les incertitudes découlant de certaines modalités d'application de la loi n° 96-502 du 11 juin 1996, tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail, dite loi "de Robien" (N° Lexbase : L7981AIG). La compensation salariale de la réduction du temps de travail est un élément de rémunération, quelle que soit sa forme, et est donc assujettie à cotisations.
Le Sénat a relevé que la modification aura un impact budgétaire significatif, probablement de l'ordre de plusieurs centaines de millions d'euros, qui sera supporté in fine par le budget de l'Etat, puisque les allégements font l'objet d'une compensation.
1.3. Assiette de cotisations retraite complémentaire
La LFSS pour 2006 modifie l'article L. 242-1, alinéa 5, du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L9684HEE), dont la rédaction est issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites (N° Lexbase : L9595CAM) et qui exclut de l'assiette des cotisations les contributions des employeurs au financement de certains régimes de retraite complémentaire.
Seules donnent lieu à l'exonération les contributions finançant des régimes de retraite complémentaire et correspondant à la part patronale due en application d'une disposition législative ou réglementaire, d'un accord national interprofessionnel ou d'engagements de retraite complémentaire souscrits antérieurement à l'adhésion des employeurs aux institutions mettant en oeuvre les régimes institués en application de l'article L. 921-4 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5848ADX).
La loi du 21 août 2003, portant réforme des retraites, a modifié le régime social des contributions patronales destinées au financement des régimes de retraite et de prévoyance complémentaire. Elle a distingué, d'une part, les contributions aux régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires, qui sont exemptes de tout prélèvement social (Arrco, Agirc, AGFF, Ircantec et Caisse de retraite du personnel naviguant de l'aviation civile) ; le même régime social s'applique aux contributions patronales versées en couverture d'engagements souscrits avant l'adhésion à l'un de ces régimes légalement obligatoires, ce qui vise les dispositifs de maintien de droits mis en place lors de l'intégration d'un secteur professionnel dans les régimes interprofessionnels de l'Arrco et Agirc ; et, d'autre part, les contributions destinées aux autres régimes de retraite et de prévoyance complémentaire, qui sont bien exclues de l'assiette des cotisations, mais sous conditions et dans certaines limites.
Cette modification du régime social ne visait, initialement, que la part patronale de la cotisation due à ces régimes. Elle a eu des conséquences directes sur le régime social applicable à la prise en charge par l'employeur de tout ou partie de la part salariale de la cotisation due à ces régimes. Mais, selon la Cour de cassation, la prise en charge par l'employeur de la cotisation salariale à un régime de retraite complémentaire s'analyse en une contribution patronale (au sens de l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale). Cette assimilation entraîne l'application du même régime social, en l'espèce l'exonération totale et sans limite de cotisations et contributions sociales.
En outre, les régimes Arrco et Agirc ont admis, en septembre 2004, que les employeurs puissent modifier (exclusivement dans un sens plus favorable pour les salariés) la clé de répartition des cotisations de retraite à la charge des employeurs et des salariés, telle qu'elle est fixée par les accords fondateurs. L'usage de cette faculté permet de modifier à la hausse le niveau de la contribution patronale. Or, en tant que contribution de l'employeur au sens de l'article L. 242-1, alinéa 5, du Code de la Sécurité sociale, elle se trouve exclue en totalité de l'assiette des cotisations et contributions sociales. L'effet combiné de ces deux mécanismes a produit un effet d'aubaine pour les entreprises qui distribuent un élément de rémunération sans versement de charges sociales.
La LFSS pour 2006 neutralise cet effet d'aubaine en recentrant l'exonération totale des cotisations de sécurité sociale sur la seule part patronale des cotisations dues à ces régimes, telle qu'elle résulte d'une disposition législative ou d'un accord interprofessionnel visé à l'article L. 921-4 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5848ADX). Cette rédaction permet de figer l'exonération au niveau de la part patronale fixée par les accords fondateurs et de qualifier d'élément de rémunération la part de l'employeur qui excède ce niveau.
2. Régime social de certaines indemnités
Le droit actuel en matière d'indemnité de rupture du contrat de travail est généralement présenté comme un dispositif complexe, permettant de larges exonérations fiscales et sociales : c'est pourquoi la LFSS en modifie sensiblement le régime. De même, la LFSS pour 2006 statue sur le régime social d'une nouvelle prime (d'un montant de 1 000 euros), innovation de cette LFSS.
2.1. Nouveau régime social des indemnités de rupture du contrat de travail
La LFSS pour 2006 (art. 12) modifie les conditions d'assujettissement à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales des indemnités versées aux salariés en cas de rupture du contrat de travail et aux dirigeants de société en cas de départ forcé. Le régime social des indemnités liées à la rupture du contrat de travail ou à la cessation forcée des fonctions des mandataires sociaux est aligné sur leur régime fiscal.
La LFSS modifie le Code général des impôts afin d'unifier le régime fiscal et social applicable aux indemnités de licenciement ou de primes de départ à la retraite, qu'elles soient versées ou non dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Elle diminue, également, la limite dans laquelle ces indemnités sont exonérées. Ces modifications s'appliquent aussi aux indemnités versées aux dirigeants de société en cas de départ forcé.
L'article 12-I modifie l'article 80 duodecies du Code général des impôts , lequel définit, dans son premier alinéa, la notion de rémunération imposable. Il pose un principe général d'imposition fiscale et sociale de toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail. Les indemnités de licenciement, les indemnités de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et les autres indemnités de licenciement ne sont plus totalement exonérées ; seules restent totalement exonérées les indemnités versées en cas de licenciement irrégulier.
L'article 12-II de la LFSS modifie l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale, qui définit les conditions d'assujettissement aux cotisations sociales des indemnités versées aux salariés en cas de rupture du contrat de travail et des indemnités versées aux mandataires sociaux à l'occasion de la cessation forcée de leurs fonctions. La rédaction en vigueur de l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale dispose que "les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur" et les sommes versées aux mandataires sociaux à l'occasion de la cessation forcée de leurs fonctions sont assujetties aux cotisations sociales à la hauteur de la fraction de ces indemnités imposable à l'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodecies du CGI.
En définitive, selon les travaux parlementaires, l'article 12 de la LFSS ne procède plus à la distinction entre les indemnités de licenciement versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et celles qui sont versées en dehors de celui-ci. Les plafonds d'exonération, en matière fiscale et sociale, sont fixés à 6 fois le plafond de la Sécurité sociale (181 152 euros sur la base de sa valeur du 31 juillet 2005). Cela revient à diviser par deux le plafond d'exonération appliqué jusqu'à présent (360 000 euros sur la base de la moitié de la première tranche de l'impôt de solidarité sur la fortune) aux indemnités versées en dehors d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Et cela implique aussi d'assujettir les indemnités de licenciement versées lors d'un plan de sauvegarde de l'emploi, jusqu'ici totalement exonérées.
Au final, ne constituent pas une rémunération imposable :
- les indemnités versées en cas de licenciement irrégulier (C. trav., art. L. 122-14-4 N° Lexbase : L8990G74) ;
- les indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (au sens des articles L. 321-4 N° Lexbase : L9633GQT et L. 321-4-1 N° Lexbase : L8926G7Q du Code du travail) ;
- la fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, qui n'excède pas : soit 2 fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de 6 fois le plafond de la Sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités (186 408 euros pour un plafond de la Sécurité sociale à 31 068 euros au 1er janvier 2006) ; soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ;
- la fraction des indemnités de mise à la retraite qui n'excède pas : soit 2 fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de 5 fois le plafond de la Sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités (155 340 euros pour un plafond de la Sécurité sociale à 31 068 euros au 1er janvier 2006) ; soit le montant de l'indemnité de mise à la retraite prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi.
2.1. Nouveau régime de charges sociales pour une nouvelle indemnité : le bonus de 1 000 euros
La LFSS (art. 13) ouvre la possibilité pour les entreprises de verser à leurs salariés, à titre exceptionnel en 2006, un bonus individuel maximum de 1 000 euros. Cette mesure est destinée à soutenir la croissance et la consommation des ménages, tout en favorisant le partage des résultats de l'activité des entreprises. Cette possibilité de versement exceptionnel est conditionnée à la conclusion préalable d'un accord salarial.
Les entreprises qui, soit sont couvertes par un accord salarial de branche conclu entre le 1er janvier 2005 et le 15 juin 2006, soit auront elles-mêmes conclu un accord salarial au cours de cette même période, pourront verser cette prime. Celle-ci ne pourra se substituer aux augmentations et primes conventionnelles prévues par les accords salariaux.
En outre, pour ne pas pénaliser les salariés des très petites entreprises non couvertes par des accords de branches ou dans lesquelles il n'est pas possible de conclure un accord salarial en l'absence de délégués syndicaux, il est prévu d'autoriser, à titre exceptionnel, la conclusion d'un accord salarial dans les mêmes conditions qu'un accord d'intéressement.
Le versement du bonus doit respecter un calendrier impératif : la décision de l'employeur sur le montant et les modalités de versement du bonus exceptionnel doit être prise avant le 30 juin 2006 ; le versement des sommes ainsi déterminées doit intervenir le 31 juillet 2006 au plus tard ; la décision de l'employeur mentionnant les sommes versées aux salariés fait l'objet d'une notification à l'Urssaf avant le 31 décembre 2006.
Enfin, la LFSS 2006 prévoit explicitement la non-compensation par l'Etat de ces exonérations, par dérogation à l'article L. 131-7 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1575GUU). Certains travaux parlementaires ont relevé que ce régime de charges sociales d'un bonus de 1 000 euros n'est, à proprement parler, pas une perte mais plutôt d'un manque à gagner pour la Sécurité sociale : si ce bonus avait pour effet de retarder des augmentations salariales à la fin de 2006 et au début de 2007, on assisterait alors à une véritable perte pour la Sécurité sociale. D'autres travaux rappellent que la LOLFSS a institué un monopole des lois de financement de la Sécurité sociale sur les mesures dérogeant au principe de compensation par le budget de l'Etat des mesures de réduction, d'exonération ou d'abattement d'assiette de cotisations ou de contributions sociales.
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