La lettre juridique n°180 du 8 septembre 2005 : Social général

[Textes] Le nouveau régime de l'insertion par l'économique

Réf. : Décret du 2 août 2005, n° 2005-905, modifiant le décret n° 99-109 du 18 février 1999 relatif aux associations intermédiaires (N° Lexbase : L0914HBH)

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le 07 Octobre 2010

Le secteur de l'insertion par l'économique regroupe les entreprises d'insertion (EI), les entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI), les associations intermédiaires (AI) et, depuis la loi de cohésion sociale (loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale N° Lexbase : L6384G49), qui les a consacrés légalement, les chantiers d'insertion. Ces structures remplissent une double fonction : lutter contre le chômage en recrutant du personnel et lutter contre l'exclusion sociale en recrutant exclusivement les personnes les plus éloignées de l'emploi. C'est en considération de cette double mission que l'Etat et les collectivités territoriales apportent massivement leur aide, au titre des politiques de l'emploi. Depuis la loi de cohésion sociale, le régime juridique de ces aides publiques a changé sensiblement, qu'il s'agisse des chantiers d'insertion (1) ou des autres structures déjà connues (2). Ces réformes résultent de dispositifs divers et de différentes natures. 1. Ateliers et chantiers d'insertion

Les chantiers d'insertion constituent le dispositif le plus récent du secteur de l'insertion par l'activité économique, auquel ils sont rattachés depuis 1998, à côté des entreprises d'insertion, des associations intermédiaires et des entreprises d'intérim d'insertion. L'appellation exacte des chantiers d'insertion est "organisme développant des activités d'utilité sociale", la dénomination "chantier d'insertion" ne renvoyant à aucun texte précis et étant utilisée par commodité.

1.1. Objet des ateliers et chantiers d'insertion

Ces structures ont pour objectif la mise en oeuvre d'actions visant à accompagner de manière spécifique un groupe de personnes en difficulté dans la perspective d'une insertion, la production étant le support de l'insertion (1).

Jusqu'en 2005, ces structures n'avaient qu'un régime fixé par des dispositions réglementaires (circ. DGEFP, n° 2000/15, du 20 juin 2000, relative aux modalités de conventionnement des organismes qui développent des activités d'utilité sociale tout en produisant des biens et services en vue de leur commercialisation N° Lexbase : L9375HBT). La loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 (art. 66) a donné une existence légale aux chantiers d'insertion, ainsi qu'une définition (visée à l'article L. 322-4-16-8 du Code du travail N° Lexbase : L7725HBQ).

Selon les statisticiens, en 2001, 1 100 structures qui ont porté 2 294 chantiers d'insertion, accueillait plus de 39 000 personnes (34 000 en CES, 5 000 en CEC), soit plus que l'ensemble des autres structures d'insertion, des entreprises d'insertion, des associations intermédiaires et des entreprises d'intérim d'insertion. Ils présentent des caractéristiques propres qui les distinguent des autres structures de l'insertion par l'économique : accueil des publics les plus en difficulté, les plus éloignés de l'emploi, pour lesquels la priorité est souvent le traitement de problèmes d'ordre social (allocataires du RMI, pour environ 70 %) ; utilisation exclusive du CES/CEC (avant que ces contrats ne disparaissent par l'effet de la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005) pour la prise en charge des salaires des personnes en insertion.

Les chantiers d'insertion sont généralement des associations, mais certaines collectivités locales créent leur propre chantier. En 2003, on estime à 1 900 le nombre d'organismes qui portent des chantiers d'insertion. Plus de neuf fois sur dix, il s'agit d'une association, les autres organismes étant principalement des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale. Les autres organismes sont essentiellement des structures de l'IAE (16 %), des organismes de formation (14 %) et des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (6 %). Plus d'un tiers des actions d'insertion recensées sous l'appellation "chantier" se déroulent dans le domaine de l'environnement et des espaces verts, et près d'un quart dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.

1.2. Conventionnement des ateliers et des chantiers d'insertion par les communes

Les chantiers d'insertion ne peuvent donner lieu au bénéfice d'aides financières accordées par l'Etat que sous certaines conditions et sous réserve d'un conventionnement. L'Etat, après consultation des partenaires locaux (le préfet, des représentants des collectivités territoriales, des organisations professionnelles ou interprofessionnelles, des organisations syndicales et des personnes qualifiées) réunis au sein du conseil départemental de l'insertion par l'activité économique, peut conclure des conventions avec des employeurs dont l'activité a pour objet de permettre à des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales ou professionnelles particulières de bénéficier d'une réinsertion (C. trav., art. L. 322-4-16 N° Lexbase : L7724HBP ; v., aussi, décret n° 2000-502, 7 juin 2000, relatif aux conditions de conventionnement des structures d'insertion par l'activité économique prévues par le IV de l'article L. 322-4-16 du Code du travail N° Lexbase : L9376HBU).

Ces conventions peuvent être conclues avec des personnes morales de droit public ou de droit privé à but lucratif ou non lucratif. Il s'agit d'entreprises d'insertion ou d'associations dont l'objet est l'insertion par l'activité économique. Les ateliers et chantiers d'insertion (2) sont portés par un centre communal ou intercommunal d'action sociale ou par une association d'insertion qui ont conclu une convention à cet effet. Ils assurent l'embauche, le suivi, l'encadrement technique et la formation des personnes concernées par le dispositif.

La nouvelle rédaction de l'article L. 322-4-16 (N° Lexbase : L7724HBP) par la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 (loi du 26 juillet 2005, n° 2005-841, relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, art. 19, 1° N° Lexbase : L8799G9R) permet à l'Etat de conventionner directement des communes, afin qu'elles portent elles-mêmes des ateliers et chantiers d'insertion. Les travaux parlementaires (3) montrent un consensus sur cette ouverture aux communes du conventionnement et du droit de porter des ateliers et des chantiers d'insertion.

2. Nouveau régime des associations intermédiaires

L'insertion par l'économique, assurée par les associations intermédiaires, selon les travaux statistiques (4) représentait, en 2003, 922 associations pour des effectifs calculés en équivalents temps plein de 3 288, générant un volume d'activité assez modeste (chiffré par le nombre de salariés mis à disposition au cours de l'année 2003, soit 175 000), représentant 25 000 salariés agréés par l'ANPE, 2 110 contrats de mise à disposition au cours de l'année. Ces structures ont une véritable utilité, dans la mesure où le service rendu aux personnes en situation d'exclusion sociale est réel (5).

Les derniers textes relatifs aux associations d'insertion, toujours en vigueur, remontent à 1999 (décret n° 99-109, 18 février 1999, relatif aux associations intermédiaires N° Lexbase : L8369AIS modifié par le décret n° 2005-905) et 2002 (décret n° 2002-1469 du 17 décembre 2002 modifiant le décret n° 99-109 du 18 février 1999 relatif aux associations intermédiaires N° Lexbase : L9461A8W, supprimant la limitation de durée de mise à disposition des salariés auprès des entreprises).

2.1. Conventionnement avec l'Etat

Le décret n° 99-109 du 18 février 1999 (décret n° 99-109, 18 février 1999, relatif aux associations intermédiaires N° Lexbase : L8369AIS) portait essentiellement sur la procédure de conventionnement des associations intermédiaires avec l'Etat, condition au bénéfice d'un financement public.

Le décret n° 2005-905 du 2 août 2005 apporte des modifications d'une portée et d'un intérêt très variables. Dorénavant, la convention conclue avec l'Etat doit préciser les engagements pris par l'association au titre de l'accompagnement et du suivi de ces personnes et les objectifs de retour à l'emploi des intéressés (art. 2, décr. n° 2005-905 du 2 août 2005).

Enfin, la convention Etat-association doit désormais préciser les modalités de collaboration avec les organismes et services chargés de l'emploi, de la formation professionnelle et de l'insertion sociale et professionnelle des personnes prises en charge par l'association intermédiaire et la nature des informations à transmettre à l'autorité administrative signataire de la convention.

2.2. Financement des associations intermédiaires

Le décret n° 2005-905 du 2 août 2005 modifie sensiblement le régime de financement des associations intermédiaires, jusque-là ouvert aussi bien au titre du démarrage de l'association que de l'activité d'accompagnement des personnes en situation d'exclusion.

Les associations intermédiaires pouvaient obtenir une aide pour financer leurs projets d'accompagnement en faveur de leurs salariés mis à disposition. L'aide finançait les actions d'accompagnement vers l'emploi (techniques de recherche d'emploi, élaboration de projet, identification et évaluation des compétences, aide à la construction de parcours de formation), ces actions d'accompagnement dans l'emploi visant à relever les difficultés personnelles pouvant être des freins vers le retour au marché du travail ordinaire.

L'aide forfaitaire variait entre 4 600 euros et 24 400 euros (6). Le financement est, depuis le décret n° 2005-905 du 2 août 2005, limitée à ce second volet, l'accompagnement (art. 2). Le financement de l'Etat ne vise donc plus que l'accompagnement et le suivi professionnels de l'ensemble des personnes mises à disposition par l'association intermédiaire en vue de leur accès ou de leur retour à un emploi durable.

Le montant annuel de l'aide est déterminé pour chaque association d'insertion par le représentant de l'Etat dans le département en fonction des caractéristiques des personnes qu'il est envisagé d'accueillir, du nombre de salariés qui seront mis à disposition, des modalités d'accompagnement de ces salariés, notamment de la qualité de celui-ci et des accords conclus par l'association avec des partenaires locaux contribuant à l'insertion sociale et professionnelle de ces salariés. L'aide est attribuée pour le financement des dépenses directement exposées par l'association au titre des actions de suivi et d'accompagnement.

2.3. Aide à l'accompagnement

Depuis le 1er janvier 2005, le montant annuel du financement de l'accompagnement dans les associations intermédiaires est de 30 000 euros maximum. Le montant de l'aide varie en fonction du projet d'accompagnement proposé par l'association intermédiaire. L'aide est versée par le centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) en deux fois : à la conclusion de la convention (50 % du montant total de l'aide inscrit à l'annexe financière de la convention) et après remise d'un compte-rendu d'exécution final par l'association et approbation de celui-ci par la DDTEFP (le montant du solde est déterminé par l'administration en fonction du niveau de réalisation de l'action).

3. Nouveau régime des entreprises d'insertion et des entreprises de travail temporaire d'insertion

3.1. Entreprises d'insertion

  • Aide au poste

Un arrêté du 10 juin 2005 (arrêté du 10 juin 2005, fixant le montant de l''aide au poste prévue par le décret n° 99-107 du 18 février 1999 relatif aux entreprises d''insertion et ses modalités de paiement N° Lexbase : L5019G9R) a défini un nouveau montant annuel de l'aide par poste de travail occupé à temps plein (prévue par l'article 5 du décret n° 99-107 du 18 février 1999) d'un montant de 8 385 euros, porté à 9 681 euros par poste de travail occupé à temps plein par des salariés dont la rémunération ne bénéficie pas de l'exonération dite bas salaire (prévue au II de l'article L. 322-4-16 du Code du travail N° Lexbase : L7724HBP) et qui bénéficie, à compter du 1er juillet 2003, de l'allégement prévu au III de l'article L. 241-13 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0731G9X) (circ. DGEFP, n° 2005/21, du 4 mai 2005, relative à la réforme des modalités de gestion des aides aux entreprises d'insertion et aux entreprises de travail temporaire d'insertion N° Lexbase : L6214G8N).

Depuis le 1er juillet 2005, l'aide est fixée à 9 681 euros par poste de travail occupé à temps plein par des salariés et pour toutes les entreprises d'insertion. Cette aide ne peut pas se cumuler pour un même poste avec une autre aide à l'emploi financée par l'Etat. Elle est proratisée en fonction de la durée annuelle d'occupation du poste par les salariés.

Le montant de l'aide publique est resté inchangé depuis 2004 (même montant qu'en 2004 : arrêté du 7 juin 2004, modifiant l'arrêté du 25 octobre 2002 fixant le montant annuel de l'aide au poste prévue par le décret n° 99-107 du 18 février 1999 relatif aux entreprises d'insertion N° Lexbase : L5003DZC ; même montant de 9 681 euros par poste de travail occupé à temps plein retenu par l'arrêté du 25 octobre 2002 modifiant l'arrêté du 23 mars 1999 modifié fixant le montant annuel de l'aide au poste N° Lexbase : L4493A8W).

  • Exonération de charges sociales dans les entreprises d'insertion

Jusqu'alors, les entreprises d'insertion bénéficiaient d'une exonération de charges sociales des cotisations patronales au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales dans la limite du Smic (C. trav., art. L. 322-4-16).

L'objectif était de compenser l'effort spécifique consenti pour l'embauche de personnes en difficulté, surcoûts liés à la rotation des personnes en difficulté et à leur faible productivité, coût de leur encadrement et de l'accompagnement social (Circ. DGEFP, n° 99-17, du 26 mars 1999, réforme de l'insertion par l'activité économique N° Lexbase : L0840G8M).

Mais les embauches réalisées à compter du 1er juillet 2005 par les entreprises d'insertion (C. trav., art. L. 322-4-16-1 N° Lexbase : L6146ACM) et par les entreprises de travail temporaire d'insertion (C. trav., art. L. 322-4-16-2 N° Lexbase : L6144ACK) n'ouvrent plus droit à cette exonération (ordonnance n° 2003-1213 du 18 décembre 2003, relative aux mesures de simplification des formalités concernant les entreprises, les travailleurs indépendants, les associations et les particuliers employeurs N° Lexbase : L9710DL9).

3.2. Entreprises de travail temporaire d'insertion

Le montant annuel de l'aide destinée à financer le poste occupé à temps plein par un salarié permanent de l'entreprise de travail temporaire d'insertion pour assurer l'accompagnement social et professionnel de 12 salariés en insertion agréés par l'ANPE (équivalent temps plein) était fixé à 22 415 euros (circ. DGEFP, n° 2005/21, du 4 mai 2005, relative à la réforme des modalités de gestion des aides aux entreprises d'insertion et aux entreprises de travail temporaire d'insertion N° Lexbase : L6214G8N).

Depuis le 1er juillet 2005, le montant annuel de cette aide est doublé, soit 51 000 euros (arrêté 10 juin 2005 N° Lexbase : L5020G9S). Cette aide est proratisée en fonction du nombre de salariés en insertion mis à disposition (équivalent temps plein). Elle ne peut pas se cumuler pour un même poste avec une autre aide à l'emploi financée par l'Etat. Ce montant de 22 415 euros était déjà celui retenu par l'arrêté du 7 juin 2004 modifiant l'arrêté du 23 mars 1999 fixant le montant annuel de l'aide à l'accompagnement social et professionnel prévue par le décret n° 99-108 du 18 février 1999 relatif aux entreprises de travail temporaire d'insertion.

Christophe Willmann
Professeur à l'Université de Haute Alsace


(1) B. Seillier et G. Maigne, Pour un contrat d'accompagnement généralisé - contrat de travail accompagné ou contrat de création accompagné, Rapport au Premier ministre, juil. 2003.

(2) R. Céalis, L'insertion par l'activité économique en 2003, Dares, 1ères informations, 1ères synthèses, fév. 2005, n° 06.2.

(3) D. Leclerc, Rapport n° 414, Sénat, 22 juin 2005.

(4) R. Céalis, L'insertion par l'activité économique en 2003, Dares, 1ères informations, 1ères synthèses, fév. 2005, n° 06.2.

(5) Igas, Synthèse des bilans de la loi du 29 juil. 1998, Rapport 2004/054, fiche n° 3, p. 14 ; B. Seillier et G. Maigne, Pour un contrat d'accompagnement généralisé - contrat de travail accompagné ou contrat de création accompagné, Rapport au Premier ministre, juil. 2003.

(6) Note ANPE n° 2002-108 du 26 juin 2002 ; circulaire DGEFP/DGAS 2002/03 n° 2002-25 du 8 avril 2002 non publiée.

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