La lettre juridique n°173 du 23 juin 2005 :

[Jurisprudence] Le renoncement du créancier au bénéfice du gage et le bénéfice de subrogation de la caution de l'article 2037 du Code civil

Réf. : Chbre mixte, 10 juin 2005, n° 02-21.296, Banque Hervet c/ M. Louis X..., et autres, publié (N° Lexbase : A6758DI7)

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le 07 Octobre 2010

Aux termes de l'article 2037 du Code civil (N° Lexbase : L2282AB7), "la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution". Il s'agit là d'une cause d'extinction du cautionnement sans incidence sur l'obligation principale : dans l'hypothèse dans laquelle, en effet, le créancier bénéficierait, outre le cautionnement, d'autres sûretés, conventionnelles ou légales, personnelles ou réelles, ou de droits préférentiels divers, ces sûretés ou droits préférentiels sont de nature à profiter à la caution au cas où, après avoir été actionnée, elle entendrait se retourner contre le débiteur principal ou contre des tiers sur le fondement de la subrogation dans les droits du créancier. Or, précisément, lorsque la perte de ces sûretés ou droits est imputable au créancier, l'article 2037 du Code civil, à titre de sanction, prive celui-ci de son action contre la caution. Encore faut-il, pour qu'il en soit ainsi, qu'une faute puisse être reprochée au créancier, comme l'illustre encore, après beaucoup d'autres, un arrêt rendu en Chambre mixte par la Cour de cassation le 10 juin dernier. En l'espèce, une banque (le créancier) avait, par acte sous seing privé du 1er juillet 1992, accordé à une société (le débiteur) un prêt destiné à financer l'acquisition de matériel d'outillage et d'équipement. En garantie, elle s'était fait consentir, dans le même acte, un nantissement sur le matériel en question, ainsi qu'un cautionnement. Le débiteur principal ayant été mis en liquidation judiciaire, le créancier a assigné la caution en paiement qui, en défense, avait fait valoir que le créancier avait commis une faute en accordant au liquidateur la mainlevée de son nantissement : en clair, par application de l'article 2037 du Code civil, la caution se trouverait, ainsi, déchargée de son obligation. La Cour de cassation approuve les premiers juges d'avoir accueilli l'argumentation de la caution et, donc, d'avoir rejeté la demande du créancier : selon les hauts magistrats, "en retenant que la banque avait renoncé au bénéfice du gage, la cour d'appel en a exactement déduit que la caution était déchargée de son obligation".

Il faut rappeler que, selon la jurisprudence, toute faute peut être retenue contre le créancier (1), que ladite faute soit intentionnelle ou de négligence (2), qu'elle résulte d'un acte de commission ou d'une omission (3). Inversement, la caution n'est pas déchargée de son obligation et le créancier n'est pas privé de son action contre la caution dans l'hypothèse dans laquelle il n'aurait commis aucune faute ou, bien entendu, lorsque la perte de la sûreté ou du droit préférentiel est imputable à la caution elle-même, au débiteur principal ou à un tiers (4).

Dans l'affaire jugée en Chambre mixte, la faute du créancier était, semble-t-il, caractérisée, le fait, pour le créancier, de renoncer au bénéfice du gage constituant certainement une faute (5).

David Bakouche
Professeur agrégé des Facultés de droit


(1) Voir not., sur le fait pour le créancier de donner prématurément mainlevée d'une sûreté inscrite : Cass. com., 24 avril 1972, n° 71-11.596, Leredu c/ Société de Crédit Sofinco, publié au bulletin (N° Lexbase : A8158CIY), Bull. civ. IV, n° 116 ; de céder à vil prix le bien gagé dans des conditions rendant impossible toute appréciation de sa valeur vénale réelle : Cass. civ. 1, 1er juin 1999, n° 97-15.754, Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) de la Drôme c/ Société Landois (N° Lexbase : A5435A43), Bull. civ. I, n° 182 ; d'omettre d'inscrire une sûreté : Cass. civ. 1, 24 février 1982, n° 81-10.163, Société Crédifrance (N° Lexbase : A7220DIA), Bull. civ. I, n° 89 et Cass. com., 3 février 1998, n° 95-13.853, Banque Petrofigaz c/ M. Longo (N° Lexbase : A2362ACH), Bull. civ. IV, n° 57 ; d'omettre d'en renouveler l'inscription : Cass. com., 5 mars 1980, n° 78-16.412, Rigaud c/ Bouvet, Goujon, publié au bulletin (N° Lexbase : A1616CGX), Bull. civ. IV, n° 105.
(2) Cass. civ. 1, 24 janvier 1979, n° 76-14.714, Société Tielsa Mobel Werke GMBH et Cie, Société Wohnidyll International GMBH c/ Dlle Georget, publié au bulletin (N° Lexbase : A7787CIA), Bull. civ. I, n° 33 ; Cass. com., 17 mars 1992, n° 90-13.819, Mme Biré c/ Banque de Bretagne et autres (N° Lexbase : A4164ABT), Bull. civ. IV, n° 115.
(3) Voir not. Cass. com., 16 avril 1991, n° 89-15.983, M Venot c/ Banque de Neuflize, Schlumberger et Mallet (N° Lexbase : A2698ABK), Bull. civ. IV, n° 142 ; Cass. com., 13 mai 2003, n° 00-15.404, Société coopérative Banque populaire de Lorraine c/ M. Jacques Delcroix, FS-P (N° Lexbase : A0109B78), Bull. civ. IV, n° 73.
(4) Voir, ainsi, jugeant que la caution ne peut être déchargée lorsque la perte d'une sûreté ou d'un droit préférentiel n'est pas le fait exclusif du créancier, Cass. com., 11 janvier 1994, n° 91-17.691, M. Eugène Petit c/ Epoux Léo Petit et autres (N° Lexbase : A6478ABK), Bull. civ. IV, n° 15 ; Cass. civ. 1, 9 mai 2001, n° 98-23.144, Société Soderbanque c/ M. Jean Duthieuw (N° Lexbase : A4029ATE), Bull. civ. I, n° 125 et Cass. civ. 1, 22 mai 2002, n ° 99-17.245, M. Patrick Louis c/ Banque nationale de Paris (BNP), FS-P+B+R (N° Lexbase : A6942AYR), Bull. civ. I, n° 139.
(5) Voir, d'une manière générale, énonçant que la faute du créancier est établie lorsqu'il a accepté de renoncer à une sûreté, même à la demande de celui qui devait la consentir, Cass. civ. 1, 6 juin 2001, n° 98-22.640, Société Udéco diffusion c/ M. Roland Dalloux (N° Lexbase : A5329ATK), Bull. civ. I, n° 161 ; comp., déjà, affirmant que commet une faute de nature à libérer la caution le créancier qui s'est dessaisi de son gage, Cass. civ., 3 décembre 1941, DA 1942, p. 49.

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