Réf. : Loi n° 2005-358, 20 avril 2005, tendant à créer un Conseil des prélèvements obligatoires (N° Lexbase : L2539G8K)
Lecture: 6 min
N5762AIA
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Valérie Le Quintrec, Université de Bourgogne
le 07 Octobre 2010
La reprise à l'identique de ce texte, sous la forme d'une proposition de loi par messieurs Jean Arthuis et Philippe Marini votée par le Sénat le 8 février 2005, a, par la suite, été opérée (article unique créant un nouveau titre, le titre V, dans le livre III du Code des juridictions financières, composé des articles L. 351-1 à L. 351-13).
Afin de mieux appréhender la mise en place de cette nouvelle institution, dont la compétence, la composition et l'organisation se distinguent nettement de celles du Conseil des impôts (2), il convient de rappeler les raisons qui ont poussé le législateur à une telle réforme (1).
1. La création justifiée du Conseil des prélèvements obligatoires ou la réforme nécessaire du Conseil des impôts
En dépit d'une minorité dissidente, la réforme du Conseil des impôts faisait l'objet d'un consensus aussi bien pour le Gouvernement, qu'au sein du Parlement français.
Il convient, de prime abord, de rappeler que les prélèvements obligatoires représentent à eux seuls 43,7 % de la richesse de la France.
Par ailleurs, les délocalisations en chaîne et l'expatriation des compétences et des capitaux liées à des coûts de production et de travail trop élevés s'expliquent, principalement, par le poids des prélèvements sociaux.
Il faut ajouter à cela les déficits abyssaux du système français de protection sociale, ainsi que la forte dégradation des finances publiques.
Au vu de ce qui précède, il était, ainsi, indispensable d'avoir une appréhension d'ensemble de ces prélèvements obligatoires.
C'est, dorénavant, chose faite avec la création de ce nouveau Conseil.
La mise en place de cette institution va, en effet, selon certains députés, "permettre au Parlement de mieux exercer son contrôle sur des sommes, dont le montant approche la moitié du produit intérieur brut (PIB)" et "de renouer avec une économie dynamique et compétitive, de rendre le territoire attractif pour les investisseurs en même temps que favorable à l'innovation et au développement des technologies de pointe, et, ainsi, de permettre à la France de retrouver la voie de la création de richesses".
Le nouveau Conseil mis en place se distingue très nettement du Conseil des impôts en raison, d'une part, d'un champ d'action plus large et, d'autre part, d'une composition et d'un mode de fonctionnement plus diversifiés.
2. Conseil des impôts et Conseil des prélèvements obligatoires, deux institutions bien distinctes
2.1. Un champ d'action élargi pour le Conseil des prélèvements obligatoires
Rattaché à la Cour des comptes, le Conseil des impôts est un organisme indépendant d'analyses ayant force de proposition dans le domaine de la fiscalité.
Institué par un décret du 22 février 1971, il est chargé "de constater la répartition de la charge fiscale et d'en mesurer l'évolution compte tenu, notamment, des caractéristiques économiques et sociales des catégories de redevables concernés" (décret n° 71-142, du 22 février 1971, portant création du Conseil des impôts modifié par les décrets n° 73-122, du 8 février 1973 et n° 77-1309, du 25 novembre 1977 N° Lexbase : L5628G9C).
Il établit périodiquement un rapport sur l'exécution de ses travaux. Ce rapport est, ensuite, remis au président de la République et publié (décret n° 77-1309, du 25 novembre 1977, art. 1er).
Le Conseil des impôts peut, également, être chargé, à la demande du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie d'études relatives à l'élaboration ou à la mise en oeuvre de certains aspects de la politique fiscale. Les rapports qu'il établit à ce titre sont remis au ministre concerné (décret n° 77-1309, du 25 novembre 1977, art. 2).
En d'autres termes, cette institution associée à la Cour des comptes joue, essentiellement, un rôle d'information et de réflexion. Ses analyses visent à éclairer le débat en matière fiscale.
A toutes fins utiles, il est nécessaire de souligner que des propositions du Conseil des impôts ont été reprises par le Gouvernement et le Parlement, parmi lesquelles on peut citer :
- l'élargissement de l'assiette de la CSG ;
- la baisse des droits de mutation à titre onéreux ;
- l'extension du régime micro-foncier et la simplification de l'imposition des plus-values de cession sur valeurs mobilières.
On remarquera, toutefois, que son champ d'action se trouve limité à la seule question des impôts proprement dits, les autres prélèvements ne relevant pas de sa compétence.
Le renforcement des moyens d'action du Conseil des Impôts s'avérait, donc, nécessaire.
Dans son 18ème rapport (dix-huitième rapport du Conseil des impôts), le Conseil des impôts lui-même réclamait un renforcement de ses moyens "pour lui permettre de réaliser un plus grand nombre d'études et de répondre aux demandes éventuelles des pouvoirs publics".
Dès lors, le nouveau Conseil des prélèvements obligatoires, également placé auprès de la Cour des comptes, est chargé d'apprécier l'évolution et l'impact économique, social et budgétaire de l'ensemble des prélèvements obligatoires, ainsi que de formuler des recommandations sur toute question relative aux prélèvements obligatoires.
2.2. Une composition et un fonctionnement révisés pour le Conseil des prélèvements obligatoires
D'un côté, le Conseil des impôts, présidé par le Premier président de la Cour des comptes, est composé de deux conseillers d'Etat, de deux conseillers à la Cour de cassation, de deux conseillers maîtres à la Cour des comptes, de deux inspecteurs généraux des finances, d'un inspecteur général de I'INSEE et d'un professeur agrégé des facultés de droit et de sciences économiques.
L'indépendance de cette institution est patente.
D'une part, outre le Premier président de la Cour des comptes, six de ses membres appartiennent à des corps juridictionnels et quatre sont issus des grands corps de la fonction publique.
D'autre part, il choisit librement les sujets de ses travaux et en fixe seul le calendrier.
La composition du Conseil des prélèvements obligatoires est, quant à elle, beaucoup plus diversifiée dans la mesure où le recrutement ne se limite pas à la fonction publique.
En effet, cette nouvelle institution comprend, outre le Premier président de la Cour des comptes comme l'actuel Conseil des impôts, huit magistrats et fonctionnaires et sept personnalités qualifiées du monde économique et social.
Ces derniers membres, choisis en raison de leur expérience professionnelle, donneront très certainement un éclairage nouveau et plus adapté aux attentes des acteurs économiques du pays.
Il convient de noter que les membres (sauf le président) seront nommés pour deux ans, leur mandat étant renouvelable une seule fois. Le nombre total des membres du Conseil des prélèvements obligatoires, président y compris, sera, ainsi, de seize (contre onze magistrats, fonctionnaires et universitaire pour le Conseil des impôts).
En outre, il est à préciser qu'une des priorités de la loi du 20 avril 2005 est de garantir l'indépendance des membres et rapporteurs du Conseil des prélèvements obligatoires et de les soumettre au secret professionnel. A cette fin, il est prévu que "dans l'exercice des missions qu'[ils] accomplissent pour le Conseil des prélèvements obligatoires, les [membres du Conseil et de son secrétariat, ainsi que ses rapporteurs] ne peuvent solliciter ou recevoir aucune instruction du Gouvernement ou de toute autre personne publique ou privée".
Par ailleurs, les règles de nomination des membres du Conseil, qui sont, elles aussi, un gage d'indépendance, sont mieux garanties par une loi, ne serait-ce que parce que quatre membres du Conseil sont nommés par les autorités parlementaires.
Autre nouveauté pour le Conseil des prélèvements obligatoires, un droit de saisine est, désormais, reconnu aux commissions des finances et des affaires sociales des assemblées et, naturellement, au Premier ministre.
Cette saisine n'est pas possible dans la configuration actuelle.
De plus, les rapports au président de la République et au Parlement, dans lesquels les membres du Conseil des prélèvements obligatoires peuvent inclure une contribution personnelle, éventuellement dissidente, seront rendus publics, ainsi que les débats auxquels ils auront donné lieu au sein du Conseil.
Enfin, les membres et les rapporteurs de la nouvelle institution disposent d'un droit d'accès à l'information comparable à celui reconnu par les textes aux grands corps d'inspection.
Ils ont, en conséquence, libre accès aux services, établissements, institutions et organismes entrant dans le champ de leurs compétences.
Ceux-ci sont, dès lors, tenus de leur prêter leur concours, de leur fournir toutes justifications et tous renseignements utiles à l'accomplissement de leurs missions.
Pour le reste, le statut du Conseil des prélèvements obligatoire est similaire à celui du Conseil des impôts.
Les dispositions de la loi du 20 avril 2005 entreront en vigueur le 1er octobre prochain laissant l'actuel Conseil terminer son 23ème rapport, consacré à la fiscalité environnementale et ses membres terminer en toute sérénité, leur mandat.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:75762