Réf. : CAA Douai, 2ème ch., 7 décembre 2004, n° 00DA01085, Société anonyme Sana c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A9602DED)
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par Sophie Duval, Juriste-fiscaliste
le 07 Octobre 2010
Pour bénéficier de ce régime de faveur, un certain nombre de conditions est posé par l'article 145 du CGI et par l'article 54 de l'annexe II du même code . Si les conditions relatives aux sociétés du groupe ne sont pas très restrictives, celles concernant la nature et l'importance des participations sont beaucoup plus contraignantes.
Ainsi, sont concernées par ce régime, toutes les sociétés mères, personnes morales ou organismes, quelle que soit leur nationalité, qui sont soumises de plein droit ou sur option à l'impôt sur les sociétés au taux normal sur tout ou partie de leur activité. La forme des filiales n'a pas, en principe, d'incidence sur l'application du régime. Sur ce dernier point, l'administration a, toutefois, apporté une restriction à ce champ d'application très large du régime en indiquant que les sociétés de personnes, imposables en vertu de l'article 8 du CGI , ne constituent pas des filiales au sens de ce régime spécial.
Seules les participations satisfaisant aux conditions posées par l'article 145 du CGI entrent dans le champ d'application du régime spécial des sociétés mères et filiales.
Ainsi, pour ouvrir droit à ce régime, les titres de participations détenus par la mère doivent revêtir la forme nominative ou être déposés dans un établissement agréé par l'administration. Ils doivent représenter un pourcentage minimal du capital de la filiale. Ce pourcentage a varié dans le temps. Ainsi, pour la détermination des résultats des exercices clos avant le 31 décembre 2000, le régime fiscal des sociétés mères était réservé aux participations qui représentaient au moins 10 % du capital de la société émettrice, ou dont le prix de revient était au moins égal à 150 millions de francs (22 800 000 euros). Pour la détermination des résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2000, ce pourcentage est fixé à 5 % du capital de la filiale. Attention, cet élargissement du champ d'application du régime de faveur est moins important qu'il n'y paraît au premier abord car, désormais, une société détenant une participation qui représente moins de 5 % du capital de la société émettrice ne peut plus opter pour le régime des sociétés mères, même si son prix de revient est supérieur ou égal à 22, 8 millions d'euros.
Par ailleurs, pour pouvoir bénéficier du régime spécial, les titres doivent avoir été souscrits à l'émission ou, à défaut, avoir fait l'objet d'un engagement de conservation pendant 2 ans par la société mère.
Enfin, le régime des sociétés mères n'est pas applicable aux produits des titres auxquels ne sont pas attachés des droits de votes. Dès lors, seuls les titres qui comportent à la fois un droit de vote et un droit à dividende sont susceptibles de bénéficier de ce régime (instruction du 27 avril 1993, BOI n° 4 H-12-93).
L'administration avait, déjà, eu l'occasion d'indiquer qu'elle considérait, en conséquence, que les produits des actions à dividendes prioritaires sans droit de vote et les produits des certificats d'investissement étaient exclus de ce régime de faveur.
La cour administrative d'appel de Douai va plus loin en refusant le bénéfice du régime spécial aux produits de titres détenus par la société mère en usufruit. Elle rappelle que le législateur a entendu réserver le bénéfice de ce régime fiscal aux titres ne représentant pas seulement une participation financière de la société détentrice, mais lui conférant, également, un contrôle sur la vie sociale et la politique de sa filiale. Conformément aux dispositions de l'article L. 225-110 du Code de commerce (N° Lexbase : L5981AID), une société ne détenant que l'usufruit des titres ne dispose du droit de vote qu'au sein des assemblées générales ordinaires de sa filiale. Elle ne peut pas, dès lors, participer aux assemblées générales extraordinaires dans lesquelles sont délibérées les modifications statutaires pouvant toucher, notamment, l'objet ou les règles de fonctionnement de la société, le montant de son capital social, le droit de vote appartenant, alors, au nu-propriétaire.
La cour a, donc, considéré que compte-tenu des restrictions au droit de vote de la société mère découlant du démembrement des titres, celle-ci n'est, en pratique, pas en mesure d'exercer sur sa filiale le contrôle nécessaire prévu par l'article 145 du CGI pour l'application du régime de faveur.
Voici une conséquence inattendue du démembrement de titres à laquelle devront faire très attention les sociétés, qui entendent opter pour le régime des sociétés mères. Cette décision importante sur le champ d'application de ce régime devra toutefois être confirmée par le Conseil d'Etat. A suivre.
Il convient, par ailleurs, de noter que la cour administrative d'appel de Douai, à l'occasion de cet arrêt, précise que le plafonnement du crédit d'impôt à concurrence de l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise au titre du même exercice prévu par l'article 209 bis 1 du CGI ne peut être regardé comme portant atteinte, par lui-même, au respect des biens des redevables de l'impôt sur les sociétés et ne contrevient ni dans son objet, ni dans ses effets aux principes posés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses protocoles additionnels.
Elle considère, en conséquence, que le contribuable ne saurait invoquer les discriminations prohibées par l'article 14 de la CESDH (N° Lexbase : L4747AQU) pour obtenir la restitution intégrale de son avoir fiscal.
En statuant ainsi, les magistrats reprennent à leur compte la position du Conseil d'Etat (voir, par exemple, CE Contentieux, avis, 12 avril 2002, n° 239693, Société anonyme Financiers Labeyrie c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A6303AY4) qui fait une lecture très restrictive de la possibilité donnée au contribuable d'invoquer les principes posés par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme pour établir une discrimination en matière fiscale. Il est, ainsi, rappelé que c'est au contribuable d'apporter la preuve de la violation des principes qu'il allège et que cette preuve est toujours extrêmement difficile à rapporter !
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