Réf. : Cass. com., 4 janvier 2005, n° 03-14.150, M. Léon Lamole c/ Mme Nadine Bréion, FS-P+B (N° Lexbase : A8733DE8)
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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur des Universités, Directeur du Master Droit de la Banque de la Faculté de Toulon et du Var
le 16 Octobre 2017
Le principe "faillite sur faillite ne vaut", qui paraissait bien assis, est ainsi assorti d'un tempérament qu'il faut exactement circonscrire : la Cour de cassation prend ici le soin de préciser que l'ouverture de la procédure ne fait pas obstacle au prononcé d'une seconde procédure "à titre de sanction". C'est donc l'idée de sanction qui a, ici, incontestablement animé la Cour de cassation. Il faut voir dans cette décision un tempérament au principe "faillite sur faillite ne vaut", plutôt qu'un revirement.
Les textes n'ignorent d'ailleurs pas l'hypothèse de la double procédure collective en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, sur le fondement de l'article L. 624-5 du Code de commerce. L'article 166 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 (N° Lexbase : L5280A4C) envisage, en ce sens, le cas du redressement ou de la liquidation judiciaire d'un dirigeant de la personne morale débitrice, prononcé contre une personne déjà soumise à une procédure collective. Il indique que la procédure se poursuit devant la juridiction ayant prononcé la liquidation judiciaire. Les créanciers, admis dans le cadre de la procédure qui n'est pas poursuivie, sont admis de plein droit dans celle qui est poursuivie. Enfin, la date de cessation des paiements ne peut être postérieure à celle de la personne morale, dont la procédure collective a justifié le prononcé de la sanction. Le cas envisagé expressément par l'article 166 du décret, à savoir celui du dirigeant condamné sur le fondement de l'article L. 624-5 du Code de commerce, n'est pas exactement celui de l'espèce. La question qui se pose, dès lors, est de savoir si les solutions retenues par l'article 166 du décret peuvent être transposées au cas de la personne déclarée en redressement ou en liquidation judiciaire au titre d'une activité indépendante, puis en redressement ou en liquidation judiciaire, en tant que dirigeant, pour inexécution de la décision de condamnation à combler le passif. Une réponse positive ne nous apparaît pas douteuse. Si les cas de prononcé du redressement et de la liquidation judiciaires personnels sont différents, la nature de la sanction est exactement la même. Il n'y a aucune raison de ne pas aligner les régimes.
En ce qui concerne, tout d'abord, la date de cessation des paiements à retenir pour la procédure ouverte contre le dirigeant, suggérons de retenir la plus ancienne des dates de cessation des paiements, pour éviter qu'un débiteur soit en état de cessation des paiements, à l'égard de certaines personnes seulement. La solution envisagée par l'article 166 du décret peut, donc, prospérer.
Le deuxième problème qui peut surgir intéresse les créanciers. Les créanciers personnels du dirigeant, dont les dettes sont nées après l'ouverture de sa première procédure, seront, dans la seconde procédure, des créanciers antérieurs astreints à déclarer leur créance au passif dans les délais classiques.
Le passif de la personne morale est mis à charge du dirigeant du fait de l'ouverture de la procédure à titre de sanction. Le liquidateur de la personne morale doit-il déclarer la créance de support du passif social dans la procédure ouverte contre le dirigeant ? Une réponse positive semble devoir être donnée mais dans une hypothèse seulement : celle dans laquelle le dirigeant n'avait été condamné qu'à une partie de l'insuffisance d'actif. En ce cas, le liquidateur du groupement devra, semble-t-il, déclarer au passif du dirigeant la différence entre, d'une part, le total de l'insuffisance d'actif du groupement et, d'autre part, le montant de la condamnation à combler le passif, à concurrence de la fraction non exécutée.
Les problèmes induits par la brèche ouverte dans le principe "faillite sur faillite ne vaut" n'auront plus l'occasion de se poser avec la réforme. Le projet de sauvegarde des entreprises (art. 145) supprime, en effet, les "extensions sanctions", qu'il s'agisse de l'extension au dirigeant pour faits visés à l'article L. 624-5 du Code de commerce, ou de l'extension au dirigeant pour inexécution de la décision de condamnation à combler le passif. Il remplace ces sanctions par une obligation aux dettes sociales, qui, dans la situation de l'espèce, conduirait simplement à ajouter au passif de la personne physique déjà en liquidation judiciaire, les dettes de la société.
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