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N2141ABW
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par D. M.
le 07 Octobre 2010
Partant du constat que l'issue d'une procédure de surendettement ne permettait pas au débiteur, dont la situation était lourdement obérée, de retrouver un état financier personnel stable, le Gouvernement a décidé d'instaurer une procédure de rétablissement personnel. Dans les grandes lignes, cette procédure permet au débiteur de "souffler et de repartir dans la vie. Cette réforme, voulue par nombre de familles touchées par le surendettement, s'inscrit dans la politique du Gouvernement de lutte contre l'exclusion" (J.-L. Borloo, ministre de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, mise en place du Comité de pilotage crée dans la mise en oeuvre de la loi réformant le surendettement des particuliers, mercredi 12 mai 2004, [LxB=N1606AB4]). Pour ce faire, l'issue du rétablissement personnel conduit à l'effacement des dettes non professionnelles du débiteur. Bien qu'il soit lié à la procédure de surendettement des particuliers, le rétablissement personnel ne s'adresse qu'à une certaine catégorie de débiteurs qui acceptent une lourde procédure de liquidation de leurs biens. Afin de comprendre le rétablissement personnel, il convient de détailler cette procédure qui réforme également certains points du surendettement des particuliers.
I- Les principaux changements procéduraux
Dans le but de mieux évaluer la situation du débiteur, la Commission comprend deux nouveaux intervenants associés à l'instruction du dossier. Il s'agit d'un conseiller en économie sociale et familiale et d'un juriste, tous deux nommés par arrêté du préfet (C. consom., art. L. 331-1 [LxB=L6790AB4]). Ils n'ont qu'une voix consultative aux réunions de la Commission et peuvent participer à l'audition du débiteur.
Désormais, le débiteur devra, dans son dossier, indiquer s'il est suivi ou non par un travailleur social. Il est dans l'obligation d'en préciser son nom, son prénom et les coordonnées de ce dernier. Cette mention supplémentaire permettra au juge de l'exécution de convoquer, s'il le souhaite, ce travailleur social à l'audience d'ouverture de la procédure de rétablissement personnel.
Afin de mieux cerner l'actif du débiteur, le dossier de surendettement devra également comporter un état de son actif patrimonial détaillant les immeubles et meubles de ce dernier.
Le dossier devra, en sus, mentionner toutes les dettes fiscales non professionnelles du débiteur.
Enfin, le dossier doit comprendre l'information selon laquelle le débiteur est ou non inscrit au Fichier national de remboursement des crédits aux particuliers (FICP).
Dans un délai de maximum six mois, la Commission décide de l'orientation du dossier. Elle peut saisir le juge de l'exécution d'une demande d'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel. Néanmoins, elle devra recueillir, préalablement, l'accord du débiteur. Celui-ci donne son approbation par écrit à l'aide d'un formulaire. Cette précaution est établie du fait du risque lié à l'issue éventuelle de la procédure, à savoir la liquidation du patrimoine du débiteur.
II- Le rétablissement personnel
Par l'article L. 330-1 du Code de la consommation ([LxB=L3063DAP]), le juge "connaît de la procédure de traitement des situations de surendettement devant la Commission de surendettement et de la procédure de rétablissement personnel".
Pour la phase de liquidation de la procédure, comportant notamment des procédures de saisies immobilières et des procédures d'ordre, le Tribunal de grande instance est compétent.
En principe, c'est la Commission qui saisit le juge de l'exécution lorsqu'elle décide de l'orientation du dossier en rétablissement personnel (C. consom., art. L. 331-3 [LxB=L6792AB8]). Cependant, le juge de l'exécution peut décider d'office de l'ouverture lorsqu'il est saisi d'un recours à l'encontre d'une décision relative à l'orientation du dossier par la Commission. Dans ce cas, l'accord du débiteur sera recueilli à l'audience. Enfin, et de manière exceptionnelle, le débiteur peut saisir lui-même le juge si le délai de neuf mois à compter du dépôt du dossier s'est écoulé sans décision d'orientation de la Commission.
Le juge de l'exécution doit préalablement constater la situation irrémédiablement compromise du débiteur et sa bonne foi, avant de prononcer le jugement d'ouverture. Ce jugement entraîne la suspension des poursuites, à savoir "des procédures d'exécutions diligentées contre le débiteur et portant sur les dettes autres qu'alimentaires" (C. consom., art. L. 332-6 [LxB=L5289DA7]).
Afin de l'aider dans sa prise de décision, le juge peut, dès l'ouverture du jugement, désigner un mandataire chargé d'établir un bilan économique et social (C. consom., art. L. 332-6). De même, et dans le souci d'avoir la mainmise sur le débiteur à compter du jugement d'ouverture, le juge peut ordonner un suivi social de celui-ci afin d'éviter l'accroissement de son endettement.
Les créanciers doivent, dans les deux mois de la publicité du jugement, déclarer leurs créances au mandataire ou, à défaut, au greffe du juge de l'exécution (C. consom., art. L. 331-3). Les créanciers doivent déclarer, à peine de nullité, le montant en principal, intérêts, accessoires et frais de la créance au jour de la déclaration. A défaut de déclaration dans les délais, les créanciers ont toujours la possibilité de saisir le juge dans un délai de six mois à compter de la publicité du jugement d'ouverture. Dès lors, le juge effectue un relevé de forclusion dans le cas où le créancier demandeur justifie que son défaut de déclaration n'est pas dû de son fait.
Par la suite, le mandataire établit son bilan économique et social de la situation du débiteur qui comprend un état des créances. De son côté, le greffe dresse aussi l'état de celles-ci et le notifie aux parties par lettre recommandée.
Le juge peut prononcer la liquidation judiciaire du patrimoine non professionnel du débiteur (C. consom., art. L. 332-8 [LxB=L5319DAA]). Il ne peut prendre une telle décision qu'au vu du bilan économique et social du mandataire ainsi qu'à l'aide de l'instruction de la Commission. De même, le juge ne peut prononcer une telle liquidation, facultative, que si elle permet de contenter le plus grand nombre de créancier.
Un liquidateur, nommé par le juge de l'exécution, tente, en premier lieu, une vente amiable. Les biens meublants nécessaires à la vie courante et les biens non professionnels indispensables à l'exercice de l'activité professionnelle en sont exclus par l'article 39 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ([LxB=L9125AG3]). Dans le cas d'une absence de vente amiable, le liquidateur doit procéder à la vente forcée des biens du débiteur.
La clôture est prononcée soit pour extinction du passif soit pour insuffisance d'actif (C. consom., art. L. 332-9 [LxB=L4839DAH]). Il entraîne alors l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur à l'exception de celles dont le prix a été payé aux lieu et place du débiteur.
Le jugement de clôture peut ordonner une mesure de suivi social destinée à aider le débiteur dans la gestion de son budget afin d'éviter un nouvel endettement.
Aspects jurisprudentiels
Une banque forme un recours contre une décision de la Commission de surendettement. Celle-ci avait, en effet, reçu la demande de surendettement d'un particulier. Le juge de l'exécution relève que les dettes visées sont des dettes non professionnelles contraires l'article L. 330-1 du Code de la consommation ([LxB=L3063DAP]). En effet, les dettes du débiteur ont été contractées en qualité de conjoint collaborateur d'un commerçant exploitant un fonds de commerce. De même, le prêt contracté par les co-débiteurs n'a servi qu'à l'acquisition du fonds susvisé et le surendettement du conjoint collaborateur n'est dû qu'au financement de ce fonds. Le juge de l'exécution s'appuie sur la circulaire d'application de la procédure de situation de surendettement des particuliers (Circulaire min., du 24 mars 1999, section 1 [LxB=L2034ATI]) qui stipule que "doit être considérée comme professionnelle toute dette ayant un rapport direct ou indirect avec l'activité économique exercée par le débiteur". On voit mal, alors, pourquoi les juges de la Cour de cassation n'ont pas accueilli les conclusions du juge de l'exécution. Pour constater le caractère non professionnel des dettes, la Haute juridiction se fonde sur interprétation ad litteram de l'article L. 330-1 du Code de la consommation ([LxB=L3055DAE]) selon lequel le débiteur peut bénéficier d'une procédure de surendettement s'il a souscrit "un engagement d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société dès lors qu'il n'a pas été, en droit ou en fait, dirigeant de celle-ci". En outre, le caractère professionnel des dettes ne peut en aucun cas découler, de manière singulière, des qualités de co-emprunteur et de conjoint collaborateur du débiteur, et ce, même si elles n'ont servi qu'à l'acquisition d'un fonds de commerce.
Il convient toujours de vérifier si le débiteur est dans l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles ou à échoire. Contrevenir à l'article L. 330-1 du Code de la consommation ([LxB=L3063DAP]) est irrémédiablement sanctionné par la Cour de cassation. Ainsi une commission de surendettement avait-elle reçu la demande d'une débitrice. Le juge de l'exécution avait même rééchelonné le paiement des dettes de celle-ci et réduit le aux des intérêts. Pourtant, le litige est présenté à la cour d'appel à la suite d'un recours formé par la banque créancière, au motif que la débitrice n'est pas véritablement en état de surendettement. En effet, et dans le cadre d'une interprétation in extenso, la commission aurait dû prendre en considération la valeur de l'aliénation du bien immobilier du débiteur. Les juges de la deuxième chambre civile accueillent cet argument puisque la cour d'appel aurait dû s'interroger sur l'ensemble du patrimoine du débiteur et non se cantonner aux revenus et charge de celui-ci.
A la suite d'un plan conventionnel de redressement non respecté, deux co-débiteurs demandent à ce que leur situation de surendettement soit réexaminée. De prime abord refusée, la demande est finalement acceptée par une Commission de surendettement. Le juge de l'exécution déclare la demande irrecevable au motif que les débiteurs sont de mauvaise foi, puisqu'on ne peut aggraver sa situation après un plan conventionnel de redressement. Pour justifier sa décision, le juge prend appui sur l'article L. 333-2 du Code de la consommation ([LxB=L6806ABP]) qui dispose que le débiteur est déchu lorsque celui-ci a aggravé son endettement sans l'accord de la Commission ou du juge. Néanmoins, et au regard des faits, il apparaît que les débiteurs n'ont pas intentionnellement empiré leur situation de surendettement. D'une part, l'un des époux a, en effet, fait valoir son arrêt de travail pour cause de maladie. D'autre part, l'autre époux, pour cause de maternité, a été contraint de cesser son emploi. Or, selon une jurisprudence constante, le fait pour un débiteur de contracter des dettes, même après avoir été licencié pour faute, est insuffisant pour caractériser la mauvaise foi (Cass. civ. 1, 31 mars 1992, n° 90-04.065, M. Zanarde c/ Comité interprofessionnel du logement, [LxB=A3120ACK]). En conséquence, le juge de l'exécution n'a pas pris ensemble tous les éléments pour apprécier la bonne foi des débiteurs.
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