Lecture: 8 min
N2127ABE
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Christophe Willmann, Maître de conférences à l'Université de Picardie
le 07 Octobre 2010
1.1. Consécration législative
Avant la réforme de 2003, le cadre juridique était le suivant : le code de la Sécurité sociale prévoyait, dans son article L.161-17 (N° Lexbase : L4693AD8) deux obligations pour l'ensemble des régimes (hors fonction publique d'Etat). Deux autres articles traitaient de l'information : les articles R.112-2 (N° Lexbase : L6078ADH) et L. 815-6 (N° Lexbase : L5785ADM).
La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, comporte d'importantes dispositions relatives au droit à l'information individuelle des assurés, en modifiant l'article L. 161-17 du code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7738DKS). La loi pose ainsi d'importants principes, fondés sur la reconnaissance générale du droit de la personne à une information individuelle sur sa retraite qui se décompose de la façon suivante :
- droit à obtenir périodiquement une information consolidée sur l'ensemble des droits qu'elle a jusqu'à présent acquis dans l'ensemble des régimes de retraite obligatoires (de base et complémentaires) dont elle a relevé ;
- droit à obtenir, également périodiquement et à partir d'un certain âge, une estimation des droits qu'elle sera susceptible d'avoir dans l'ensemble des régimes de retraite obligatoires (de base et complémentaires) dont elle aura relevé au moment de son départ à la retraite.
La loi prévoit que cette information sera délivrée par un interlocuteur unique, régime de retraite auquel l'assuré est ou a été affilié, selon des modalités qui seront fixées par décret. Elle pose les bases, jusqu'alors inexistantes, d'une coordination entre régimes pour la constitution puis la diffusion de l'information avec la mise en place d'un GIP (groupement d'intérêt public) associant l'ensemble des organismes gestionnaires de régimes de retraite et les services de l'Etat chargés du service des pensions des fonctionnaires. Le GIP devrait jouer le rôle d'une instance technique, les régimes demeurant les interlocuteurs des assurés sociaux.
1.2. Développements judiciaires
Outre la jurisprudence déjà examinée (Cass. soc., 28 avril 1994, n° 91-20.609, Caisse organic Cavicorg c/ Mme Adrai, inédit N° Lexbase : A2318AGX), il faut citer quelques décisions topiques, extraites d'un ensemble de références jurisprudentielles conséquent.
La Caisse, tenue à l'égard d'un assuré social d'un devoir d'information, ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle lui a rappelé, avant l'expiration du délai, les conséquences attachées à sa méconnaissance (Cass. soc., 12 octobre 2000, n° 98-15.831, M. Zappellini c/ Caisse nationale d'assurance vieillesse et autre, publié N° Lexbase : A7663AHB). Dans un sens plus définitif, la Cour de cassation a retenu le principe selon lequel il incombe à la Caisse régionale d'assurance maladie de rapporter la preuve de l'exécution de son obligation d'information des assurés (Cass. soc., 6 mars 2003, n° 01-20.840, Caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) de Normandie c/ Mme Françoise Gaillardon, F-D N° Lexbase : A3725A74).
Une assurée sociale dispose d'un droit personnel et reconnu à l'égard de la Caisse en matière d'information : mais, selon la Cour de cassation, l'article L. 161-17 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7738DKS) n'impose d'obligation aux Caisses de retraite qu'à l'égard de leurs ressortissants. Or, le bénéficiaire éventuel d'une pension de réversion n'a pas cette qualité (Cass. soc., 26 avril 2001, n° 99-18.548, Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN) c/ Mme Christiane Renaudineau, publié N° Lexbase : A2927ATL).
Il résulte des articles L. 222-1 (N° Lexbase : L7691DK3) et R. 222-1 (N° Lexbase : L5637ABE) du Code de la Sécurité sociale que la Caisse nationale d'assurance vieillesse qui coordonne et contrôle par les caisses régionales d'assurance maladie, la gestion de l'assurance veuvage notamment en ce qui concerne les modalités de liquidation des droits et le paiement des prestations, n'est pas un tiers par rapport à ces organismes. Caractérise une faute de la Caisse nationale d'assurance vieillesse de nature à engager la responsabilité de la caisse régionale d'assurance maladie l'arrêt qui relève que les renseignements donnés par la caisse nationale à la suite du courrier adressé par le fils de l'assurée avaient conduit cette dernière à déposer tardivement sa demande d'allocation de veuvage, la privant ainsi du bénéfice de cette prestation dans des conditions qu'elle n'avait pu prévoir (Cass. soc., 19 juillet 2001, n° 00-11.699, Caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) Nord Picardie c/ Mme Zohra Ouldi Benameur, publié N° Lexbase : A2308AUZ).
Il ressort de ces décisions que l'obligation d'information au profit des assurés sociaux, en matière de vieillesse, répond à des réelles préoccupations de prise en charge et de bénéfice de prestations, refusées, modifiées, suspendues ou reportées parce que l'assuré ne connaissait pas ses droits, et parce que la CPAM ou l'organisme assurant le versement d'une prestation (pension) n'a pas respecté son obligation d'information.
2. Obligation d'information du futur retraité : la contribution prospective du COR
2.1. Constats
L'information individuelle des assurés, qui est de la responsabilité des régimes de retraite dont ils relèvent, est orientée par l'objectif de préparation du dossier de liquidation de la pension. Dans la plupart des régimes, l'information et les échanges avec les assurés se concentrent au cours des quelques années précédant le moment du départ à la retraite. Mais le COR déplore que l'information se fasse de façon très souvent dispersée, régime par régime, ce qui constitue une importante difficulté pour les nombreux assurés qui ont relevé au cours de leur vie professionnelle de plusieurs régimes de retraite.
Le système de retraite français est fractionné en de multiples régimes de base et complémentaires structurés sur une base professionnelle : régimes de base (régime général) et complémentaires (ARRCO et AGIRC) des salariés du secteur privé, régimes de base et complémentaires des artisans, des commerçants, des professions libérales et des exploitants agricoles, régimes des fonctionnaires, régimes spéciaux. Chaque régime a ses règles propres et ses organismes gestionnaires. Bref, la situation actuelle qui se caractérise par le morcellement de l'information entre les différents régimes et par une diffusion de l'information concentrée, pour l'essentiel, à la fin de la vie active des assurés, est très largement insatisfaisante.
2.2. Propositions du COR
L'objectif est de mieux répondre aux attentes des assurés qui ne disposent aujourd'hui que d'une information fractionnée par régime et de nature essentiellement rétrospective.
- Une information globale, dispensée par un interlocuteur unique
Selon le COR, il est souhaitable que l'information diffusée soit globale, c'est-à-dire consolidée, pour tous les régimes obligatoires de base et complémentaires confondus. Il paraît également indispensable qu'elle soit émise par un interlocuteur unique. Le Conseil a souligné la nécessité que les régimes de retraite demeurent les seuls interlocuteurs des assurés. Dans un souci de simplicité, la proposition faite par le Conseil est que, en règle générale, l'interlocuteur de l'assuré pour la diffusion d'une information consolidée sur ses droits dans l'ensemble des régimes, soit son actuel ou dernier régime d'affiliation (avec, le cas échéant la faculté pour l'assuré de choisir entre régime de base et régime complémentaire). Ceci exclut toute solution faisant d'un groupement d'intérêt public associant l'ensemble des régimes un nouveau guichet et un lieu de centralisation des données détenues par les différents régimes de retraite.
L'orientation retenue suppose que toute la complexité du système soit gérée par les régimes et non, comme c'est aujourd'hui le cas, supportée par l'assuré. A cette fin, une coordination efficace reposant sur des échanges d'informations entre les régimes doit être mise en place. C'est à un groupement d'intérêt public, associant l'ensemble des régimes, qu'il appartient d'organiser cette coordination et de mettre en place une normalisation permettant des échanges informatiques de données entre régimes.
- Une information à caractère rétrospectif et prospectif
La question se pose de savoir si l'information délivrée ne doit avoir qu'un caractère rétrospectif (portant sur les droits déjà constitués dans les régimes de retraite) ou aussi, un caractère prospectif (portant sur les droits susceptibles d'être acquis à l'avenir).
Jusqu'à présent, l'ensemble des gestionnaires s'est montré extrêmement prudent vis-à-vis de la fourniture d'estimations de montants de retraite. Ces estimations peuvent, en effet, être prises par les assurés pour des engagements du régime.
Pour répondre aux attentes exprimées, il peut être souhaitable de fournir aux personnes de moins de 55 ans non seulement une présentation synthétique des éléments constitutifs de leurs droits à pension, mais aussi la possibilité d'avoir, en fonction d'hypothèses diverses, une estimation du montant de cette pension. Cette estimation, réalisée avec un outil de simulation, devrait comporter des hypothèses (entre lesquelles un certain choix pourrait être laissé à l'assuré) relatives à l'évolution du contexte économique général (évolution des salaires, de l'emploi...) et de la réglementation et relatives à sa propre trajectoire professionnelle et personnelle.
Jusqu'à présent, l'information individuelle se concentre, dans la plupart des régimes, peu de temps avant le passage à la retraite, répondant mal au besoin d'information tout au long de la vie qui devrait se développer à l'avenir.
- Une information systématique à l'entrée dans la vie active
Il paraît tout d'abord essentiel pour le COR de diffuser très tôt, au début de la vie active, une information sur la retraite. Dès l'entrée dans la vie active, tout nouvel actif devrait être destinataire d'une brochure d'information générale, par son employeur lorsqu'il est salarié, par sa caisse de retraite ou par son organisme professionnel lorsqu'il est non salarié. L'envoi d'un relevé de carrière par son régime, à tout jeune de 25 à 32 ans ayant un premier "report à son compte retraite", à l'instar de ce qui s'est fait en 2000 dans le régime général, pourrait constituer une action complémentaire de la précédente, extrêmement utile.
- Une information périodique et modulée, dans la suite de la vie active
Dans la suite de la vie active, il paraît possible de distinguer trois types de population ayant des besoins distincts :
- les personnes de plus de 55 ans qui entrent dans une phase de préparation de leur passage à la retraite et peuvent être confrontées à des choix relatifs notamment à leur âge de départ en retraite ;
- les personnes de moins de 55 ans qui n'ont pas de préoccupation immédiate en termes de cessation d'activité et qui, lorsqu'elles se soucient de leurs droits à la retraite le font, le plus souvent, en liaison avec une préoccupation d'épargne (acquisition de logement, épargne complémentaire en vue de la retraite...) ;
- des populations spécifiques pour qui une information sur la retraite peut être utile dans un contexte professionnel ou familial particulier (choix d'un statut professionnel en cas de changement d'activité, divorce, veuvage, départ à la retraite avant 60 ans...).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:12127