Réf. : Cass. soc., 26 mai 2004, n° 03-60.125, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2483DCX) ; Cass. soc., 26 mai 2004, n° 03-60.358, F-P+B+R+I (N° Lexbase : A2484DCY)
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N1751ABH
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par Aurélie Garat
SGR Droit social
le 07 Octobre 2010
Décision :
1. Cass. soc., 26 mai 2004, n° 03-60.125, Syndicat CGT Renault Grand couronne et autre c/ Société Renault Grand couronne et autres, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2483DCX).
2. Cass. soc., 26 mai 2004, n° 03-60.358, publié, Société Renault SAS c/ Syndicat CGT ouvriers de Renault et autres, F-P+B+R+I (N° Lexbase : A2484DCY) Textes visés : C. trav., art. L. 421-2 (N° Lexbase : L6353ACB) et C. trav., art. L. 431-2 (N° Lexbase : L6392ACQ) Liens base : ; ; |
Faits :
1. Pourvoi n° 03-60.125 :
2. Pourvoi n° 03-60.358 : |
Solution :
1. Pourvoi n° 03-60.125 :
2. Pourvoi n° 03-60.358 : |
Commentaire
Nombreux sont les salariés que certains employeurs ont souhaité exclure du décompte des effectifs afin d'échapper, dans la mesure du possible, à des élections professionnelles mettant en place des institutions représentatives : salariés exécutant leur contrat de travail à l'étranger (Cass. soc., 4 mai 1994, n° 91-60.008, Syndicat CFTC des activités d'armement c/ Société Cofras et autre, publié N° Lexbase : A1918AAB ; Cass. soc., 29 janvier 1992, n° 90-60.526, Banque Sudameris c/ Syndicat CFDT du personnel des banques et sociétés financières de la Région parisienne et autre, publié N° Lexbase : A5240ABP), salariés effectuant un préavis (Cass. soc., 13 mars 1985, n° 84-60.731, Société Matra Manurhin Défense c/ USTM CGT du Haut-Rhin, publié N° Lexbase : A3305AAN), salariés non soumis à un horaire de travail (Cass. soc., 4 juin 2003, n° 02-60.630, Syndicat national de Presse-Edition-Publicité FO c/ Société Delta Diffusion, inédit N° Lexbase : A9405C7H), titulaires de contrats emploi-consolidé et emploi-solidarité (Cass. soc., 15 janvier 2002, n° 00-60.287, Etablissement La Fondation Casip-Cojasor c/ Syndicat CGT santé privée, publié N° Lexbase : A7945AXK), cadres qui représentent le chef d'entreprise auprès du personnel (Cass. soc., 3 juillet 1985, n° 84-61.020, Société des Avions Marcel Dassault-Bréguet Aviation c/ Gilles et autre, publié N° Lexbase : A4923AAL ; Cass. soc., 30 mai 2001, n° 99-60.564, M. Jean-Luc Aubagnac c/ M. Recena Emmanuel, publié N° Lexbase : A5673ATB), mandataires sociaux (Cass. soc., 29 mai 1979, n° 78-60.768, Société Hadel, Société RES, Société Brevitas c/ Union locale CGT Bagneux, publié N° Lexbase : A1695ABE), salariés absents ou dont le contrat est suspendu (Cass. soc., 18 février 1988, n° 87-60.043, Société anonyme Libon c/ M Boyon, publié N° Lexbase : A7193AAN), salariés en contrat à durée déterminée (Cass. soc., 28 mars 2000, n° 98-60.440, Syndicat SCE-CFDT Artois Val-de-Lys et autres c/ Syndicat CFTC Société Stora Corbehem et autres, publié N° Lexbase : A6306AGN) ou à temps partiel... La liste est trop longue pour être exhaustive. Dans les deux arrêts en date du 26 mai 2004, le litige concernait la prise en compte des salariés mis à disposition d'une entreprise utilisatrice dans les effectifs pour les élections des délégués du personnel et des membres du comité d'établissement. En vertu des articles L. 421-2 (N° Lexbase : L6353ACB) et L. 431-2 (N° Lexbase : L6392ACQ) du Code du travail, "les salariés mis à la disposition de l'entreprise par une entreprise extérieure, y compris les travailleurs temporaires, sont pris en compte dans l'effectif de l'entreprise au prorata de leur temps de présence dans celle-ci au cours des douze mois précédents". La jurisprudence déduit de ces dispositions -à juste titre- que les salariés mis à la disposition de l'entreprise par une entreprise externe doivent être pris en compte dans l'effectif de l'entreprise au prorata de leur temps de présence (Cass. soc., 28 mars 2000, n° 98-60.440, Syndicat SCE-CFDT Artois Val-de-Lys et autres c/ Syndicat CFTC Société Stora Corbehem et autres, publié N° Lexbase : A6306AGN). Sur ce point, le texte légal semble on ne peut plus clair. Pourtant, ces articles du Code du travail ne précisent pas si tous les salariés mis à disposition doivent être, sans distinction, pris en compte dans le décompte des effectifs. C'est ainsi que la Cour de cassation a eu se prononcer, par exemple, sur la prise en compte des salariés mis à la disposition d'une entreprise et qui ne sont pas dans un état de subordination à son égard. La solution est désormais clairement établie (Cass. soc., 28 mars 2000, n° 98-60.440, F-P N° Lexbase : A7939AYP). C'est également dans cette brèche juridique que s'est faufilée la société Renault en soutenant que "la mise à disposition de travailleurs et leur participation au "processus de travail" des entreprises qui les occupent, sont des conditions nécessaires pour que les travailleurs des entreprises extérieures soient pris en compte au prorata de leur temps de présence". En pratique, la société Renault souhaitait n'inclure dans les effectifs que "les salariés des entreprises prestataires dont l'activité relève des métiers de l'automobile et, en tout état de cause, de l'activité principale de l'établissement à l'exclusion des autres salariés mis à disposition". Le raisonnement était audacieux. Peut être un peu trop puisqu'il revenait, peu ou prou, à ajouter à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas. C'est en tout cas l'avis de la Cour de cassation qui rejette le raisonnement de la société Renault. Selon la Cour Suprême, tous les salariés mis à disposition entrent dans le décompte des effectifs de l'entreprise utilisatrice au prorata de leur temps de travail dès lors qu'ils participent aux activités nécessaires au fonctionnement de l'entreprise utilisatrice. En conséquence, la prise en compte dans l'effectif des seuls salariés mis à disposition qui "participent directement au processus de production" viole les articles L. 421-2 (N° Lexbase : L6353ACB) et L. 431-2 (N° Lexbase : L6392ACQ) du Code du travail. A première vue, cette solution est logique et doit être approuvée. D'une part, en censurant le raisonnement de la société Renault tendant à restreindre le champ des salariés susceptibles d'être pris en compte dans l'effectif de l'entreprise, la Cour suprême semble contribuer à l'implantation d'institutions représentatives du personnel. D'autre part, sur un plan théorique, elle est conforme aux exigences légales. En effet, en application de l'adage "ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus", dans le silence de la loi sur un cas spécifique -en l'espèce, les salariés mis à disposition qui ne participent pas directement au processus de production- le principe général, et lui seul, doit trouver pleine application. Or, les articles L. 421-2 (N° Lexbase : L6353ACB) et L. 431-2 (N° Lexbase : L6392ACQ) du Code du travail qui disposent que "les salariés mis à la disposition de l'entreprise par une entreprise extérieure, y compris les travailleurs temporaires, sont pris en compte dans l'effectif de l'entreprise au prorata de leur temps de présence dans celle-ci au cours des douze mois précédents" ne prévoient pas d'exclure les salariés qui ne participent pas directement au processus de production. A y regarder de plus près, on peut toutefois s'interroger sur la volonté réelle de la Cour de cassation et sur la pertinence de la formulation utilisée. En effet, en excluant l'exigence de "participation directe au processus de production", la Cour de cassation n'a-t-elle pas introduit la condition de "participation aux activités nécessaires au fonctionnement de l'entreprise utilisatrice", certes moins contraignante mais néanmoins restrictive ? En d'autres termes, la Cour de cassation n'a-t-elle pas finalement contrevenu à l'adage "ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus" ? Pour mesurer la portée de cette nouvelle condition, il faudra attendre les précisions des juges quant à l'appréciation de la notion de participation aux activités nécessaires au fonctionnement de l'entreprise utilisatrice... |
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