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N1666ABC
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par S. D.
le 07 Octobre 2010
1. Les caractéristiques du nouvel article 44 sexies du CGI
Afin de poursuivre sa politique en faveur de la création d'entreprises dans certaines zones du territoire, le Gouvernement a reconduit le dispositif d'exonération au profit des entreprises nouvelles, prévu à l'article 44 sexies du CGI. Ce dernier prévoit un régime d'exonération totale ou partielle pendant cinq ans (1.2.) en faveur des entreprises nouvelles respectant certaines conditions (1.1.)
1.1. Une exonération conditionnée
Le bénéfice du régime de faveur est subordonné au respect de plusieurs conditions cumulatives.
Si vous êtes partant, vous devez d'abord vous assurer que le lieu où vous désirez implanter votre entreprise figure sur la liste des zones éligibles au régime de faveur.
En effet, aux termes de l'article 44 sexies du CGI, le siège social, ainsi que l'ensemble de l'activité et des moyens d'exploitation de votre entreprise, doivent être implantés dans l'une des zones suivantes :
a) zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire : la liste de ces zones a été fixée par le décret n°95-149 du 6 février 1995 (décret n° 95-149, du 6 février 1995, relatif à la prime d'aménagement du territoire N° Lexbase : L8413AIG) ;
b) territoires ruraux de développement prioritaire : ces territoires recouvrent les zones défavorisées caractérisées par leur faible niveau économique. La liste de ces zones a été fixée par le décret n° 94-1139 du 26 décembre 1994 (décret n° 94 -1139, du 26 décembre 1994, définissant les territoires ruraux de développement prioritaires, N° Lexbase : L8431AI4) ;
c) zones de redynamisation urbaine : il s'agit de zones urbaines sensibles confrontées à des difficultés particulières, dont la liste a été fixée par les décrets n° 96-1157 du 26 décembre 1996 pour la France métropolitaine et n° 96-1158 du 26 décembre 1996 pour les départements d'outre-mer ;
d) zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A du CGI .
Ensuite, vous devez respecter les autres conditions du régime de faveur, à savoir :
- votre entreprise, quelle que soit sa forme juridique (entreprise individuelle, société de personnes ou de capitaux, à l'exclusion d'un GIE), doit être soumise à un régime réel d'imposition (normal ou simplifié) ;
Si le chiffre d'affaires de votre entreprise n'excède pas les limites du forfait, vous devez opter pour le régime simplifié dans les trois mois du début de l'activité ;
- de plus, vous devez exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale ou artisanale, au sens de l'article 34 du CGI , sous réserve des activités visées à l'article 35 du CGI , des activités bancaires, financières, d'assurance, de gestion ou de location d'immeubles et des entreprises de pêche maritime créées à partir du 1er janvier 1997 ;
- en outre, votre activité doit être réellement nouvelle ;
- et si votre entreprise est une société, son capital ne doit pas être détenu directement ou indirectement pour plus de 50 % par d'autres sociétés. Cette condition doit être satisfaite dès la création de l'entreprise.
Enfin (et surtout), votre entreprise doit être créée entre le 1er octobre 1998 et le 31 décembre 2009. La détermination de la "date de création" suscite, en pratique, quelques interrogations.
En effet, au sens de l'article 44 sexies du CGI, la date de création s'entend du début de son activité. En général, l'administration se réfère à la date inscrite sur la déclaration d'existence souscrite par l'entreprise dans les quinze jours du commencement des opérations, mais elle se réserve, toutefois, le droit d'établir la date réelle de création, si elle dispose d'éléments révélant que le début effectif d'activité est intervenu à une autre date (D. adm. 4 A-52 n° 3). La date du début effectif s'apprécie, alors, à partir d'un faisceau d'indices (CE Contentieux, du 28 juillet 2000, n° 198188, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SARL Soarmi, N° Lexbase : A9673AHQ).
Récemment, le Conseil d'Etat a rappelé que la date de création de l'entreprise est la date de commencement de l'activité, et non celle de la déclaration d'existence souscrite antérieurement (CE 3° et 8° s-s, 7 janvier 2004, n° 242981, M. Carayon c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, N° Lexbase : A6766DAT). En l'espèce, il s'agissait de l'ancien régime de faveur prévu par l'article 44 quater du CGI , applicable aux entreprises nouvelles créées jusqu'au 31 décembre 1986, mais dont la jurisprudence est transposable mutatis mutandis à l'article 44 sexies du CGI. L'immatriculation de la SARL au registre du commerce était intervenue le 29 décembre 1986, alors que la société n'avait effectué et comptabilisé ses premières opérations d'achat et de vente et embauché son personnel qu'à compter d'avril 1987. En raison de ces circonstances, la cour a jugé que la société devait être regardée comme n'ayant effectivement commencé à exercer son activité que postérieurement au 31 décembre 1986, date de commencement de son activité.
1.2. La portée de l'exonération
Si votre structure en devenir remplit toutes ces conditions et, qu'en conséquence, entre dans le champ d'application de l'article 44 sexies du CGI, vous bénéficierez :
1) d'une exonération totale des bénéfices réalisés à compter de la date de création de l'entreprise jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui au cours duquel cette création est intervenue ;
Cette durée est portée à quarante-huit mois si votre entreprise est créée dans une zone de revitalisation rurale ;
2) et d'un abattement de 75 %, 50 % et 25 % sur les bénéfices réalisés au cours de chacune des trois périodes de douze mois suivant cette période d'exonération.
Les bénéfices réalisés s'entendent des bénéfices et des plus-values, à l'exception de celles de réévaluation d'éléments d'actif.
L'exonération s'applique après imputation des déficits reportables et des amortissements réputés différés.
Si la clôture de votre exercice comptable ne correspond pas au terme des périodes d'exonération totale ou partielle, vous devez répartir les bénéfices au prorata temporis.
Enfin, depuis le 1er janvier 2000, le montant maximal du bénéfice exonéré est plafonné à un seuil fixé à 225 000 euros par période de 36 mois.
Ainsi, votre entreprise bénéficiera de l'exonération totale et partielle dans la limite de ce montant pour les 36 premiers mois d'activité et pour les quatrième et cinquième années d'application du dispositif d'un nouveau plafond du même montant.
2. Actualité jurisprudentielle relative à l'article 44 sexies du CGI
Il est judicieux de savoir à l'avance ce qu'examine l'administration fiscale en cas de contrôle. Cependant, il serait fastidieux, dans le cadre de cette étude, d'examiner en détail toutes ces questions de fait et de droit. Nous pouvons, néanmoins, en citer quelques unes, sur lesquelles vous devez être attentif :
Ainsi, l'administration fiscale vérifie notamment que :
- la condition d'implantation exclusive en zone d'aménagement du territoire a bien été respectée. A cet égard, le nouveau dispositif précise que cette condition est réputée satisfaite, pour les entreprises qui exercent une activité non sédentaire, lorsque celles-ci réalisent au plus 15 % de son chiffre d'affaires en dehors de ces zones. Au-delà de ce pourcentage, les bénéfices réalisés en dehors de ces zones sont imposés dans les conditions de droit commun. Le seuil de 15 % du chiffre d'affaires s'apprécie exercice par exercice ;
- si l'entreprise a bien respecté toutes les conditions exigées, à tout moment au cours de la période d'exonération ;
- l'entreprise, bien qu'exonérée, a bien déclaré ses bénéfices dans le délai imparti. En effet, outre la déclaration d'existence, vos déclarations de résultats doivent être accompagnées d'un état sur papier libre conforme au modèle de l'administration, qui précise la situation de l'entreprise et, le cas échéant, de ses associés, au regard des conditions d'exonération.
Enfin, à la lumière de la jurisprudence 2004, on peut remarquer que les tribunaux se sont principalement prononcés sur des questions concernant la nature de l'activité exercée (2.1.), ainsi que sur la notion "d'activité nouvelle" (2.2.).
2.1. L'activité exercée
Aux termes de l'article 44 sexies du CGI, vous devez exercer une activité industrielle, commerciale ou artisanale, sous réserve des activités visées à l'article 35 du CGI , des activités bancaires, financières, d'assurance, de gestion ou de locations d'immeubles et des entreprises de pêche maritime créées à partir du 1er janvier 1997.
La jurisprudence relative aux activités éligibles au dispositif de l'article 44 sexies du CGI est tellement abondante, que nous vous conseillons de vous reporter à la base de droit fiscal .
Retenons ici que les dernières jurisprudences 2004 :
L'activité d'intermédiaire pour l'achat, la souscription ou la vente d'immeubles, de fonds de commerce, d'actions ou parts de sociétés immobilières est une activité commerciale éligible au régime d'exonération de l'article 44 sexies du CGI.
L'activité qui consiste, sur la demande d'éventuels repreneurs, à rechercher des entreprises spécialisées dans un secteur déterminé par eux, établir un diagnostic et une évaluation de ces entreprises, définir les solutions techniques, juridiques et financières, permettant leur rachat, et sélectionner leur futur équipe de direction, n'est pas une activité commerciale.
En l'espèce, tous ces faits ne relèvent pas d'actes d'entremises caractéristiques d'une activité d'agent d'affaires ou de courtier, qui elle, présente un caractère commercial éligible au titre de l'exonération des entreprises nouvelles.
Dans cet arrêt, la CAA de Bordeaux rappelle que l'activité de placement de produits financiers et de contrats d'assurance, comme le conseil en gestion de patrimoine ne sont pas de nature commerciale et ne peuvent donc pas bénéficier du régime d'exonération.
Remarque : l'activité commerciale, industrielle ou artisanale doit être exercée à titre exclusif par l'entreprise nouvelle. Elle ne doit donc exercer aucune des activités exclues du régime d'exonération, même si ces activités sont exercées à titre accessoire, comme l'a jugé la CAA de Nantes, dans un arrêt du 3 décembre 2003 : une entreprise individuelle qui offre à ses clients des contrats de location meublée saisonnière, sans être propriétaire des logements ni locataire, et qui fournit de manière distincte des prestations d'entretien, ne bénéficie pas du régime d'exonération (CAA Nantes, 1ère ch., 3 décembre 2003, n° 00NT00720, M. Gérard Gaborit c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A1891DBN).
Par conséquent, vous devez veiller à ne pas exercer une activité mixte, au risque de perdre le bénéfice de l'exonération. Toutefois, l'administration admet quand même que cette condition d'exercice à titre exclusif d'une activité éligible est respectée lorsqu'une activité, a priori exclue du dispositif, constitue le complément indissociable d'une activité principale exonérée (QE n° 16303 de Gilbert Chabroux, JOSEQ du 13 mai 1999 p. 1564, Budget, réponse publ. du 29 juillet 1999 p. 2568, 11e législature N° Lexbase : L5093BCM).
2.2. L'activité réellement nouvelle
L'activité exercée doit être réellement nouvelle. Cela signifie que les entreprises issues d'actions de concentration, de restructuration ou d'extension d'activités préexistantes ou constituées pour la reprise de telles activités, ne peuvent pas bénéficier des allègements.
La loi de finances pour 2000 a précisé la notion d'extension d'activité et disposé qu'elle impliquait un contrat ayant pour objet d'organiser un partenariat avec l'ancienne société (art. 44 sexies III du CGI).
Là aussi, la jurisprudence est plus que pléthorique. La jurisprudence de ce début d'année 2004 précise que :
Bien qu'il ait conclu un contrat de concession exclusive avec un constructeur automobile de renom, le contribuable qui crée, développe une nouvelle clientèle et exerce de manière indépendante, peut bénéficier du régime de faveur.
Une activité complémentaire de celle d'une autre société, soumise aux exigences de celle-ci en matière de gestion financière et commerciale, aux termes d'un contrat de concession, ne constitue pas une extension d'activités préexistantes.
Ne constitue pas une entreprise nouvelle, une société réalisant des plans, mais dont les directives du client lui interdisait tout rôle de conception et qui disposait de moyens matériels et financiers limités.
La simple transformation, sans création d'une personne morale distincte et sans changement de régime fiscal, d'une entreprise individuelle en société de fait, en l'absence d'apport ou de modification des éléments d'actif, est exclue du régime d'exonération.
Un prothésiste dentaire partageant avec son père les locaux, le matériel, et la clientèle ne peut bénéficier des allégements fiscaux prévus, dès lors que cette communauté de moyen et clientèle caractérise l'extension d'une activité préexistante.
Si malgré ces quelques conseils, vous hésitez encore à créer votre entreprise dans une zone défavorisée du territoire afin de répondre à l'appel du Gouvernement, sachez qu'il existe, outre l'exonération temporaire d'impôt sur les bénéfices, d'autres avantages fiscaux en matière de taxe professionnelle, de taxe foncière sur les propriétés bâties et même en matière de droit d'enregistrement.
De plus vous avez la possibilité d'obtenir de l'administration fiscale un accord préalable sur l'éligibilité de votre situation au régime de faveur. Cet accord, rendu possible en application de l'article L. 80 B du LPF (N° Lexbase : L1387DP3), doit être formulé, par écrit, préalablement à l'opération en cause.
Si l'administration ne vous répond pas dans un délai de trois mois, à compter de la réception de la demande ou de la réception de la totalité des éléments nécessaires dans l'hypothèse où celle-ci a été amenée à vous demander des précisions complémentaires, son accord vous est tacitement acquis.
D'autre part, vous pouvez aussi consulter, dans chaque direction territoriale des services fiscaux, un correspondant départemental qui vous renseignera et se prononcera sur l'éligibilité au dispositif de votre entreprise, mais ce, à condition que vous ayez, auparavant, sollicité un accord de l'administration. Cet avis engage l'administration fiscale et vous permet de vous prévaloir pour l'avenir d'une prise de position formelle du service fiscal (QE n° 32506 de Jean-Jacques Delvaux, JOANQ du 27 novembre 1995, p. 4984, min. Economie et Finances, réponse publ. du 22 avril 1996, p. 2195, 10e législature N° Lexbase : L2102DYI).
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