Réf. : Cass. civ. 2, 18 mars 2004, n° 03-10.327, Caisse nationale de prévoyance assurances c/ M. Jean Fourcade, F-P+B (N° Lexbase : A6082DBU)
Lecture: 4 min
N1224ABX
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit
le 07 Octobre 2010
En l'espèce, en contractant, en 1988, trois emprunts à caractère professionnel destinés à l'achat du droit d'occupation d'un local commercial, aux travaux d'aménagement de celui-ci et à l'achat de matériel, un individu avait adhéré à l'assurance de groupe souscrite par l'établissement financier en vue de garantir le remboursement de l'emprunt en cas de décès ou d'invalidité permanente et absolue. Or, ayant été placé en longue maladie, l'emprunteur a demandé à l'assureur l'exécution de la garantie qui lui a pourtant été refusée au motif que, pour pouvoir prétendre à la prise en charge des échéances du prêt, l'intéressé devait établir qu'il se trouvait, conformément aux exigences contractuelles, non seulement dans l'impossibilité de se livrer à aucune occupation ou activité rémunérée, mais encore dans l'obligation d'avoir recours à une tierce personne pour les actes ordinaires de la vie. Après le décès de l'assuré, ses héritiers ont poursuivi l'assureur en paiement en invoquant, notamment, le caractère abusif, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, de la clause exigeant le recours à une tierce personne. La cour d'Agen a effectivement écarté l'application de la clause litigieuse considérée comme abusive, les juges du fond relevant qu'elle apparaissait "comme excessive dès lors qu'elle déséquilibre les obligations de l'assuré par rapport à celle de l'assureur et, dans les faits, vide de sa substance la garantie due par ce dernier par la limitation à l'excès de sa mise en oeuvre". La décision est cependant cassée au visa de l'article L. 132-1 du Code de la consommation - dans sa rédaction antérieure à la loi n° 95-96 du 1er février 1995 (N° Lexbase : L3301DAI). La Haute juridiction énonce en effet que "le contrat d'assurance était accessoire à des prêts professionnels souscrits [...] pour les besoins de l'exploitation d'un fonds de commerce, ce dont il s'évinçait qu'ils ne relevaient pas de la législation sur les clauses abusives applicable aux consommateurs".
Si, donc, la protection légale contre les clauses abusives est ici écartée, c'est parce que la clause litigieuse figure dans un contrat qui a un rapport direct avec l'activité professionnelle du contractant. Et s'il en va ainsi, c'est, plus exactement, parce que ce contrat est l'accessoire d'un contrat principal - en réalité d'une série de trois - qui, lui, a incontestablement un rapport direct avec l'activité professionnelle du contractant, le contrat ayant été conclu pour les besoins de l'exploitation d'un fonds de commerce. Autrement dit, puisque le contrat principal avait un caractère - ou une destination - professionnel, le contrat accessoire était, dans l'esprit de la Cour de cassation, lui aussi nécessairement conclu entre professionnels, l'accessoire était ce "qui est lié à un élément principal mais distinct et placé sous la dépendance de celui-ci, soit qu'il le complète, soit qu'il n'existe que pour lui" (G. Cornu, Vocabulaire juridique H. Capitant, v° " Accessoire "). Il y avait donc là ce que certains appellent un ensemble contractuel, c'est-à-dire des contrats qui, tout en conservant leur identité propre, poursuivent la réalisation d'une seule et même opération globale (sur cette question, voir notamment F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 8ème éd., n° 348). Or, en raison de l'indivisibilité (voir notamment, à ce propos, J. Moury, "De l'indivisibilité entre les obligations et entre les contrats", RTDCiv. 1994, p. 255 ; J.-B. Seube, L'indivisibilité et les actes juridiques, th. Montpellier, 1999, n° 167 et s. ; S. Amrani-Mekki, "Indivisibilité et ensemble contractuels ; l'anéantissement en cascade des contrats", Defrénois 2002, p. 355) ou de l'interdépendance existant entre les contrats (sur cette notion, voir S. Bros, L'interdépendance contractuelle, th. Paris II, 2001), le fait que le contrat principal soit à vocation professionnelle, ce qui excluait l'application du droit de la consommation, devait rejaillir su le contrat accessoire. Autrement dit, pour savoir si une clause est abusive au sens du droit de la consommation, il ne faut pas se contenter d'examiner de façon isolée le contrat qui la contient ; il faut rechercher si ce contrat ne s'inscrit pas dans une opération plus large et s'il ne dépend pas d'un autre contrat dont il ne serait que l'accessoire, ce qui suppose, enfin, de déterminer si le contrat principal répond au critère personnel d'application de la protection consumériste contre les clauses abusives.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:11224