Lexbase Social n°109 du 26 février 2004 : Rel. collectives de travail

[Le point sur...] Les conventions et accords collectifs de groupe à l'heure de la consécration législative

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[Le point sur...] Les conventions et accords collectifs de groupe à l'heure de la consécration législative. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3162446-le-point-sur-les-conventions-et-accords-collectifs-de-groupe-a-lheure-de-la-consecration-legislative
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le 07 Octobre 2010

On se souvient que par un arrêt particulièrement remarqué rendu le 30 avril 2003, la Cour de cassation a consacré les conventions et accords collectifs de groupe (Cass. soc., 30 avril 2003, n° 01-10.027, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7524BSH, Consécration jurisprudentielle des accords collectifs de groupe, Lexbase Hebdo n° 71 du jeudi 15 mai 2003 - édition sociale N° Lexbase : N9953AAU) (1). Aux termes d'un motif de principe, la Chambre sociale a affirmé que "des employeurs et des syndicats représentatifs peuvent instituer, par voie d'accord collectif, en vue de négocier des accords portant sur des sujets d'intérêt commun aux personnels des entreprises concernées du groupe, une représentation syndicale de groupe composée de délégués choisis par les organisations syndicales selon des modalités préétablies, dès lors que les négociations pour lesquelles il lui donne compétence ne substituent pas à la négociation d'entreprise ; (...) un tel accord qui ne requiert pas l'unanimité des organisations syndicales représentatives est opposable aux organisations non signataires". Une fois n'est pas coutume, il n'aura pas fallu attendre longtemps avant que la loi vienne prendre le relais de la jurisprudence de la Cour de cassation, afin d'ancrer définitivement les conventions et accords collectifs de groupe dans notre droit positif. Tel est en effet l'objet de l'article 40 du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social qui, à l'heure où nous écrivons ces lignes, a été adopté en première lecture par le Sénat, le 11 février dernier. Quoique le texte en cause puisse encore faire l'objet de modifications, cette disposition suscite d'ores et déjà le commentaire, ne serait-ce qu'en raison des précisions apportées par le législateur, par rapport à la solution arrêtée par la Cour de cassation (2). 

Il convient en premier lieu de noter que le paragraphe I de l'article 40 du projet de loi modifie l'article L. 132-8 du Code du travail (N° Lexbase : L5688ACN), en ajoutant les conventions et accords collectifs de groupe aux accords et conventions régis par la section III du chapitre II du titre III du livre Ier du Code du travail, relative aux conventions et accords collectifs d'entreprise. Ce faisant, le législateur assimile les conventions et accords collectifs de groupe à des conventions et accords d'entreprise, alors que la Cour de cassation semblait plutôt faire du groupe un niveau de négociation autonome, situé entre la branche et l'entreprise. Ce sentiment est confirmé par le nouvel article L. 132-19-1 du Code du travail (art. 40, § II du projet de loi) qui concerne tant la conclusion des conventions et accords collectifs de groupe, que leur régime juridique.

1. Conclusion des conventions et accords collectifs de groupe

Reprenant de ce point de vue la solution retenue par la Cour de cassation, le projet de loi prévoit que "la convention ou l'accord de groupe fixe son champ d'application, constitué de tout ou partie des entreprises constitutives du groupe" (3). En d'autres termes, la convention ou l'accord de groupe peut être limité à certaines entreprises du groupe, les parties disposant ici d'une grande liberté pour déterminer les entités concernées.

S'agissant des acteurs de la négociation, leur détermination découle pour partie de la règle qui vient d'être évoquée, s'agissant à tout le moins de la partie patronale. En effet, il est précisé que "la convention ou l'accord de groupe est négocié et conclu entre, d'une part, l'employeur de l'entreprise dominante ou un ou plusieurs représentants, mandatés à cet effet, des employeurs des entreprises concernées par le champ de la convention ou de l'accord et, d'autre part, les organisations syndicales de salariés représentatives, au sens de l'article L. 132-2 (N° Lexbase : L5680ACD), dans le groupe ou dans l'ensemble des entreprises concernées par le champ de la convention ou de l'accord". Il résulte de cette disposition, dont on peut regretter la formulation maladroite, que les parties à l'acte vont varier en fonction de son champ d'application.

Si l'accord a vocation à couvrir l'ensemble des entreprises du groupe, il sera négocié entre "l'employeur de l'entreprise dominante" (sic) et les syndicats représentatifs au niveau du groupe. Dans cette hypothèse, l'accord de groupe sera donc négocié par le représentant de l'entreprise dominante, sans qu'il soit pour autant expressément exigé que celui-ci ait reçu un mandat en ce sens de la part des représentants des entreprises composant le groupe. Il semble toutefois difficile d'échapper ici au mécanisme de la représentation conventionnelle. Pour ce qui est des syndicats de salariés, leur représentativité devra être appréciée au niveau du groupe et non dans chacune des entreprises de celui-ci.

Lorsque l'accord n'a vocation à s'appliquer que dans certaines entreprises du groupe, seront appelées à la négociation les syndicats représentatifs dans l'ensemble des entreprises concernées et, pour ce qui est de la partie patronale, un ou plusieurs représentants mandatés à cet effet par ces mêmes entreprises.

Conformément à l'une des innovations majeures apportées par le projet de loi, celui-ci prévoit que les conditions de validité des conventions ou accords collectifs d'entreprise ou d'établissement prévues par le § III du futur article L. 132-2-2 sont applicables aux conventions ou accords de groupe. En d'autres termes, les accords de groupe sont soumis au principe majoritaire, dont les modalités (droit d'opposition ou majorité d'engagement) sont déterminées par un accord de branche (art. 34 du projet de loi). Sachant que plusieurs accords de branche peuvent être applicables dans un même groupe (4), on saura gré aux sénateurs d'avoir compléter l'alinéa 2 du futur article L. 132-19-1 du Code du travail, afin de prévoir que, dans une telle hypothèse, la condition de validité applicable à la convention ou à l'accord de groupe sera l'absence d'opposition (5).

Ces mêmes sénateurs ont apporté une autre modification notable au texte, qui indique désormais que pour la négociation en cause, les organisations syndicales de salariés représentatives peuvent désigner un ou des coordonnateurs syndicaux de groupe choisis parmi les délégués syndicaux du groupe et habilités à négocier et à signer la convention ou l'accord de groupe. On peut noter qu'il s'agit là de la mise en oeuvre de l'une des propositions du rapport de Virville.

2. Régime juridique des conventions et accords collectifs de groupe

L'alinéa 1er du futur article L. 132-19-1 précise, in fine, que "la convention ou l'accord de groupe emporte les mêmes effets que la convention ou l'accord d'entreprise". Cette précision confirme que le législateur n'a pas souhaité consacrer le groupe comme un nouveau niveau de négociation situé entre la branche et l'entreprise. On peut regretter un tel choix et avancer qu'il aurait sans doute mieux valu faire du groupe un niveau de négociation à part entière (6). En tout état de cause, la négociation de groupe ne remettra pas en cause les négociations pouvant être menées au niveau de chacune des entreprises le composant.

Le troisième et dernier alinéa de cette même disposition concerne l'articulation entre accord de groupe et accord de branche. Ainsi, "les conventions ou les accords de groupe ne peuvent comporter des dispositions dérogatoires à celles qui sont applicables en vertu de conventions de branche ou d'accords professionnels dont relèvent les entreprises ou établissements appartenant à ce groupe, sauf disposition expresse de ces conventions de branche ou accords professionnels". Il convient de relever que, ce faisant, cette disposition renverse le principe d'autonomie applicable à l'articulation entre accord d'entreprise et accord de branche, tel que défini à l'article 37 du projet de loi (7). Règle de principe dans ce second cas, la dérogation n'est que l'exception dans le premier.

Ce dispositif est de nature à permettre de régler la question de l'unicité du statut du personnel du groupe. Il convient en effet de rappeler que la Cour de cassation refuse de faire produire effet à un accord de groupe prévoyant l'application de la même convention de branche à toutes les sociétés du groupe. Le projet de loi ne remet pas en cause la règle de principe, consacrée par cette dernière solution, selon laquelle les entreprises du groupe doivent être soumises aux conventions collectives de branche qui leur sont applicables en vertu de leur activité principale. Cependant, ces mêmes conventions de branche pourront autoriser les accords de groupe à déroger à leurs dispositions, permettant par là-même une unification du statut du personnel. Mais, eu égard à la complexité du dispositif mis en place, il est évident que cette unification ne pourra être que limitée et parcellaire, sauf à ce que chacune des conventions de branche en cause prévoit de larges et identiques possibilités de dérogation. Il aurait sans doute mieux valu reconnaître aux partenaires sociaux la faculté de choisir la convention collective devant régir l'ensemble des salariés du groupe (8). Toutefois, pour être simple en son principe, cette solution n'en aurait pas moins posé de sérieuses difficultés, bien compréhensibles, quant à sa mise en oeuvre pratique.

Gilles Auzero
Maître de conférences à l'Université Montesquieu Bordeaux IV


(1) V. aussi, P. Rodière, L'émergence d'un nouveau cadre de négociation collective ? : Sem. soc. Lamy, n° 1125 du 2 juin 2003, p. 6 ; M.-L. Morin, Les accords collectifs de groupe. Une variété d'accords collectifs de droit commun : RJS 10/03, p. 743.

(2) Pour un premier commentaire des dispositions du projet de loi, v. Ph. Langlois, Approche critique des principales dispositions du projet de loi (I) : Sem. soc. Lamy, n° 1152 du 19 janv. 2004, p. 6.

(3) Le recours à la notion d'entreprise prête moins à discussion ici qu'à l'accoutumé. En effet, si le groupe est habituellement constitué de sociétés, ou mieux de personnes morales distinctes, il peut également comporter des unités économiques et sociales, dont on sait qu'elles peuvent être assimilées à des entreprises.

(4) Chacune des entreprises du groupe a en effet vocation à relever de sa propre convention de branche en fonction de l'activité qu'elle exerce. Une telle situation ne posera évidemment problème que dans la mesure où ces conventions de branches auront arrêté des conditions de validité aux conventions et accords d'entreprise ou d'établissement qui diffèreront.

(5) Ainsi que l'indique le professeur Langlois (art. préc., p. 9), "il conviendra alors de ne prendre en considération que l'opposition exprimée par les organisations majoritaires lors des dernières élections professionnelles, ce qui exclura du dispositif les entreprises dans lesquelles ces élections n'ont pas eu lieu et conduit à se demander si, pour de tels accords, l'exigence directe de l'application du principe majoritaire ne devrait pas être privilégiée, ou, pour le moins, laissée au choix des partenaires sociaux au niveau du groupe, plutôt qu'à celui de la branche".

(6) V. à ce propos les pertinentes observations de Madame Marie-Laure Morin (art. préc.).

(7) "(...) la convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement peut comporter des dispositions dérogeant en tout ou partie à celles qui lui sont applicables en vertu d'une convention ou d'un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, sauf si cette convention ou cet accord en dispose autrement".

(8) V. en ce sens, Ph. Langlois, op. cit., p. 10.

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