Lexbase Social n°109 du 26 février 2004 : Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Plan de sauvegarde de l'emploi : la jurisprudence Sietam de retour !

Réf. : Cass. soc., 10 février 2004, n° 02-40.182, M. Baudoin Libert c/ Mme Colette Basset, publié (N° Lexbase : A2777DBH)

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par Christophe Willmann, Maître de conférences à l'Université de Picardie

le 07 Octobre 2010

La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 10 février 2004, s'est encore prononcée sur la validité de la procédure de licenciement économique collectif associée à la mise en place d'un plan social (rebaptisé, aujourd'hui, depuis la loi de modernisation sociale, "plan de sauvegarde de l'emploi"). Dès lors que le juge constate l'insuffisance d'un plan de sauvegarde de l'emploi, en raison du caractère vague et approximatif des mesures qu'il contient, la question se pose des conséquences juridiques à en tirer. La première, la plus aisée, est fixée par les textes (C. trav., art. L. 321-4-1 N° Lexbase : L6113ACE) : le plan de sauvegarde de l'emploi doit alors être annulé. La seconde est d'origine jurisprudentielle : l'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi emporte l'annulation de la procédure de licenciement économique collectif (Cass. soc., 16 avril 1996, n° 94-11.660, Société Sietam industries c/ Comité d'établissement de Dax de la société Sietam industries, publié N° Lexbase : A2116AAM). La troisième est relative à l'obligation de l'employeur de reprendre intégralement, ex nihilo, la procédure de licenciement économique collectif (donc, de soumettre à nouveau aux représentants du personnel un nouveau plan de sauvegarde de l'emploi), comme s'il n'avait jamais engagé de procédure (arrêt commenté). Aussi, les arrêts Sietam permettent de mieux saisir les conséquences juridiques de l'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi et de la procédure de licenciement économique collectif (1) et donc les conséquences juridiques des irrégularités de procédure (2). 1. Conséquences juridiques de l'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi et de la procédure de licenciement économique collectif

- Dans la première décision rendue le 16 avril 1996, la Cour de cassation avait, logiquement, décidé que si le plan de sauvegarde de l'emploi présenté au comité d'entreprise (en application de l'article L. 321-4 du Code du travail N° Lexbase : L6112ACD) pouvait être modifié et amélioré dans son contenu au cours des réunions du comité d'entreprise, la procédure de consultation devait être entièrement reprise si, le plan initial proposé étant nul, l'employeur était amené à établir un plan de sauvegarde de l'emploi entièrement nouveau. En effet, le plan de sauvegarde de l'emploi initial, qui était vague et ne contenait aucune référence vérifiable, a été annulé par les premiers juges ; mais un nouveau plan présenté aux représentants du personnel comportait, au contraire, des précisions quant aux mesures que l'employeur envisageait de mettre en oeuvre pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pouvait être évité. La Cour de cassation en a tiré la conséquence que ce dernier plan était nouveau : c'est à bon droit que la cour d'appel a prononcé la nullité de la procédure suivie.

- Dans un second arrêt (Cass. soc., 18 décembre 2000, n° 98-41.952, Mme Ginette Artiguevielle et autres c/ Société Sietam Industries, société anonyme et autres, inédit N° Lexbase : A3786AUR), la Cour de cassation cassait les arrêts par lesquels les juges du fond avaient estimé que l'employeur pouvait, à bon droit, reprendre la procédure au stade où elle avait été validée (la seconde réunion, la procédure de consultation des représentants du personnel au titre du licenciement économique collectif ayant été validée, s'agissant de la consultation des représentants du personnel dans le cadre de la première réunion du comité d'entreprise). Pour débouter les salariés de leur demande, la cour d'appel décidait qu'en application de l'article L. 321-2 du Code du travail (N° Lexbase : L6109ACA), il est acquis que la procédure de licenciement collectif résultant de la fermeture d'un établissement doit donner lieu à une double consultation des représentants du personnel. Le caractère successif de ces deux consultations exclut que la première doive être réitérée lorsque, par l'effet d'une décision judiciaire annulant le plan de sauvegarde de l'emploi, la consultation des représentants du personnel doit être reprise sur ce plan. Là encore, très logiquement, la Cour de cassation, par cet arrêt rendu le 18 décembre 2000, considérait au contraire que lorsqu'une procédure de licenciement est annulée en application de l'article L. 321-4-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6113ACE), à raison de la nullité ou de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, la procédure de consultation des représentants du personnel sur le nouveau plan établi par l'employeur devait être entièrement reprise. La doctrine avait approuvé cette solution jurisprudentielle, comme conforme à la théorie de la nullité des actes juridiques : le plan de sauvegarde de l'emploi et la procédure de licenciement économique collectif étant anéantis rétroactivement, ils n'ont plus aucune existence juridique. L'employeur ne peut pas reprendre la procédure en l'état, puisque celle-ci n'avait même plus d'existence juridique. Il fallait donc soumettre un plan de sauvegarde de l'emploi, à nouveau, aux représentants du personnel, dans le cadre d'une nouvelle procédure de licenciement économique collectif, comme si aucune procédure n'avait été engagée.

- Le troisième arrêt, rendu le 10 février 2004 (arrêt commenté) par la Cour de cassation, vient confirmer la solution affirmée à deux reprises (décision du 16 avril 1996, supra et décision du 18 décembre 2000, supra). La Cour suprême rappelle que selon l'article L. 321-4-1, alinéa 2 du Code du travail (N° Lexbase : L6113ACE), la procédure de licenciement est nulle et de nul effet tant qu'un plan visant au reclassement des salariés s'intégrant au plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés. Dès lors, lorsqu'une première procédure de licenciement a été annulée en raison de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, la procédure de consultation des représentants du personnel sur un nouveau plan établi par l'employeur doit être entièrement reprise à peine de nullité de la procédure de licenciement. Aussi, après l'annulation d'une première procédure de licenciement, un nouveau plan avait été présenté au comité d'entreprise par l'employeur, au stade qu'avait atteint la procédure annulée. Mais, faute pour l'employeur d'avoir entièrement repris la procédure de consultation sur le nouveau plan qu'il était tenu de présenter aux représentants du personnel, la procédure de licenciement était nulle et de nul effet.

2. Conséquences juridiques des irrégularités de procédure

Si la nullité de la procédure de licenciement économique collectif s'impose, lorsque le juge prononce la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi fondée sur son insuffisance, la question du régime des sanctions est ouverte, dès lors que l'employeur n'a pas respecté les règles de consultation des représentants du personnel. La jurisprudence est moins sévère dans ce cas qu'en matière d'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi. Reste que les partenaires sociaux ont intérêt à anticiper ces difficultés procédurales, en négociant un accord de méthode.

  • Irrégularités dans la procédure de consultation

Les irrégularités dans la procédure de consultation des représentants du personnel peuvent donner lieu à plusieurs types de sanctions, en l'absence de précision des normes en vigueur.

- La première sanction repose sur l'idée de régularisation. Le juge des référés peut enjoindre l'employeur à reprendre la procédure de licenciement, tout en suspendant des licenciements éventuellement prononcés (Cass. soc., 12 novembre 1996, n° 92-44.905, Société Timo Breiz c/ M. Paillard et autres, publié N° Lexbase : A3964AA3 ; Cass. soc., 14 janvier 2003, n° 01-10.239, Société Euridep c/ Comité central d'entreprise de l'UES Kalon France, publié N° Lexbase : A6811A4Z).

- La question s'est posée du prononcé des sanctions plus sévères à l'encontre de l'employeur défaillant dans le respect des dispositions codifiées de procédure de consultation des représentants du personnel. La Cour de cassation, pragmatique, retient le principe d'une sanction peu sévère. L'irrégularité de la procédure consultative permet seulement d'obtenir la suspension de la procédure de licenciement, mais non sa nullité (Cass. soc., 2 mars 1999, n° 97-15.625, comité d'entreprise de la société Fonderie de l'Authion c/ Société Fonderie de l'Authion, société anonyme, inédit N° Lexbase : A2249CLU ; Cass. soc., 9 mai 2000, n° 98-20.588, M. Amini et autres c/ Société Cideb, publié N° Lexbase : A9368AT7).

En effet, seule l'absence d'un plan de sauvegarde de l'emploi ou la nullité de celui-ci entraîne la nullité de la procédure de licenciement. L'irrégularité de la procédure consultative permet seulement d'obtenir la suspension de la procédure de licenciement si celle-ci n'est pas terminée ou, à défaut, la réparation du préjudice subi (C. trav., art. L. 122-14-4 N° Lexbase : L5569ACA).

  • Intérêts des accords de méthode

L'affaire Sietam, en ses trois développements judiciaires, déclinés sur une période de plus de onze ans, illustre le rôle central du contrôle judiciaire des plans sociaux (puisque à l'origine de cette cascade de contentieux, il ne faut pas l'oublier, on trouve une décision d'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi fondée sur son insuffisance) et le souci, poussé très loin par les juges, de rendre efficace et opérationnelle l'obligation de reclassement à la charge de l'employeur. En même temps, ces trois arrêts Sietam, rendus par la Cour de cassation, témoignent des dérives judiciaires du droit du reclassement, les syndicats, les salariés et les employeurs eux-mêmes instrumentalisant parfois l'action du juge pour retarder, empêcher ou remettre en cause la procédure de licenciement économique collectif.

Ces observations ont été exprimées par une partie de la doctrine (B. Brunhes, Le droit du licenciement collectif : les humeurs d'un praticien, Dr. soc. 2003, p. 40, spec. p. 43), relayée plus tard par le législateur (loi du 3 janvier 2003, n° 2003-6 N° Lexbase : L9374A8P). L'inquiétude porte sur une "judiciarisation" de la procédure de licenciement collectif. C'est dans cet esprit que certaines entreprises ont mis en place des accords de méthode, qui ne sont rien d'autre que des accords d'entreprise dont l'objet est de fixer, par avance, les règles de consultation des représentants du personnel afin d'anticiper toute dérive judiciaire.

La loi du 3 janvier 2003 prévoit la possibilité de conclure un accord d'entreprise portant sur les modalités de consultation des représentants du personnel sur les projets de licenciement économique de plus de dix salariés dans une même période de trente jours. Ces accords d'entreprise ont vocation à être négociés et à s'appliquer dans les entreprises qui remplissent les conditions de mise en place d'un comité d'entreprise, à savoir les entreprises employant au moins cinquante salariés (C. trav., art. L. 431-1 N° Lexbase : L6389ACM), dès lors qu'un tel comité a effectivement été mis en place (Numéro spécial de Semaine sociale Lamy, n° 1152, 19 janv. 2004, et spec. les contributions de G. Couturier et T. Grumbach ; P.H. Antonmattei, Licenciements économiques et négociation collective : un nouvel accord collectif de travail est né, Dr. soc. 2003, p. 486 ; C. Radé, Brèves remarques sur les accords de méthode après l'accord GIAT industrie du 12 mai 2003, Lexbase Hebdo n° 73 du jeudi 29 mai 2003 - édition sociale N° Lexbase : N7559AA9).

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