Si le fait de solliciter une autorisation d'exploitation d'une chaîne de télévision, sans avoir réuni les moyens nécessaires pour exploiter le service de télévision conformément aux engagements souscrits, présenterait le caractère d'une fraude, le simple fait qu'un actionnaire cède des actions et réalise une plus-value ne suffit pas à faire regarder l'opération comme illicite. Tel est le sens d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 30 mars 2016, censurant la décision du CSA qui avait retiré son autorisation à la société qui exploite la chaîne Numéro 23 (CE Contentieux, 30 mars 2016, n° 395702, publié au recueil Lebon
N° Lexbase : A6792RAS). Le Conseil précise que le propriétaire d'actions d'une société titulaire d'une autorisation délivrée par le CSA a le droit de céder tout ou partie de ses actions, à condition de respecter les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 (loi n° 86-1067
N° Lexbase : L8240AGB). La circonstance que le prix des actions tienne compte du fait que la société dispose d'une autorisation et que le vendeur réalise une plus-value ne suffit pas à regarder l'opération comme illicite. En revanche, le fait de solliciter une autorisation dans le but exclusif de réaliser une telle plus-value, sans avoir réuni les moyens nécessaires pour exploiter le service conformément aux engagements souscrits lors de l'appel aux candidatures, présenterait le caractère d'une fraude. Le Conseil d'Etat examine ensuite la décision par laquelle le CSA a décidé d'abroger l'autorisation de la société Diversité TV France. Il se fonde sur deux éléments. D'une part, selon le CSA, le pacte d'actionnaire du 21 octobre 2013 révèle l'intention de l'actionnaire principal de Diversité TV France de sortir du capital de la société dès que possible (à expiration du délai de deux ans et demi prévu par la convention du 3 juillet 2012). Mais le Conseil d'Etat observe que ce pacte a été conclu en octobre 2013 et souligne donc que le raisonnement du CSA, qu'il soit fondé ou pas, ne suffit de toute façon pas à démontrer que l'intéressé aurait eu pour seul objectif de réaliser une plus-value lorsqu'il a présenté sa candidature (à la fin de l'année 2011) ou lorsque le CSA a délivré l'autorisation (en juillet 2012). D'autre part, le Conseil d'Etat relève que la société Diversité TV France a réuni les financements nécessaires au développement de la chaîne Numéro 23 et que cette chaîne a obtenu certains résultats en termes de part d'audience. Ainsi, il y a peut-être lieu de rappeler à la société certaines de ses obligations, le cas échéant en lui adressant une mise en demeure, mais on ne saurait lui reprocher de n'avoir pas mis en oeuvre les moyens nécessaires à l'exploitation du service de télévision pour la diffusion duquel elle était autorisée à utiliser une fréquence. Le Conseil d'Etat estime au total que l'existence de la fraude à la loi invoquée pour justifier le retrait de l'autorisation n'est pas démontrée. Il annule, par conséquent, la décision du CSA.
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