Les autorités nationales devraient être tenues d'examiner au cas par cas la question de savoir s'il est dans l'intérêt supérieur d'un enfant de demeurer en contact avec une personne donnée, que celle-ci soit ou non liée à lui biologiquement. Telle est la solution retenue par la Cour européenne des droits de l'Homme, dans son arrêt de chambre du 16 juillet 2015 (CEDH, 1 juillet 2015, Req. 39438/13,
disponible en anglais). En l'espèce, M. N., est un ressortissant russe né en 1965 et résidant en Russie. Alors qu'il était marié, sa femme eut une fille, A., née en 2007. Le couple divorça en 2010 et les autorités d'assistance à l'enfance attribuèrent aux deux parents la garde alternée de A.. Il s'ensuivit une procédure judiciaire dans laquelle les deux parties sollicitaient la garde exclusive de l'enfant. A partir de mars 2011, malgré l'existence de décisions de justice ordonnant que A. réside chez sa mère, M. N. refusa de la rendre à son ex-femme, soupçonnant son nouveau partenaire de maltraiter l'enfant. Au bout d'un an, la mère enleva A.. Depuis lors, elle empêche M. N. de la voir. La procédure pénale relative à des maltraitances et abus sexuels supposés de la part du beau-père de A. sur l'enfant fut close en avril 2013 pour manque de preuves. Entre-temps, la mère contesta la paternité de M. N. et, en juillet 2012, il fut établi qu'il n'était pas le père biologique de l'enfant. Ainsi, en septembre 2012, le tribunal russe déclara que M. N. n'était juridiquement pas le père de A.. Cette décision fut confirmée en appel par la Cour suprême, en février 2013. En conséquence, M. N. perdit tous ses droits parentaux, y compris celui de demeurer en contact avec A.. De plus, son nom fut retiré du certificat de naissance de l'enfant et le nom de famille de celle-ci dut être changé. La Cour considère que les autorités ont manqué à ménager une possibilité de maintenir les liens familiaux entre le requérant et l'enfant, qui avaient développé un lien affectif étroit pendant de nombreuses années et qui croyaient être père et fille. En excluant complètement et automatiquement le requérant de la vie de l'enfant après avoir constaté qu'il n'en était pas le père, sans tenir compte de l'intérêt supérieur de cet enfant (du fait de l'inflexibilité du droit interne qui prévoit que seuls les membres de la famille unis par les liens du sang peuvent demeurer en contact), les juges ont manqué à respecter la vie familiale du requérant (CESDH., art. 8
N° Lexbase : L4798AQR). La Cour conclut, en outre, à la solution susvisée (cf. l’Ouvrage "La filiation" N° Lexbase : E4375EYP).
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