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N7012BUA
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par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine et directeur adjoint de l'Institut de recherches sur l'évolution de la Nation et de l'Etat (IRENEE), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique
le 23 Avril 2015
A l'occasion d'un arrêt du 25 février 2015, le Conseil d'Etat annule l'arrêt de la cour administrative de Nancy qui avait jugé illégal l'arrêté du préfet du Jura du 8 septembre 2010 déclarant d'utilité publique un projet de réhabilitation d'immeubles déclarés en état d'abandon manifeste dans une commune et déclarant cessibles les propriétés nécessaires à la réalisation de cette opération (1).
Il est utile de rappeler qu'en application de l'article L. 2243-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L2087G98) : "Lorsque, dans une commune, des immeubles, parties d'immeubles, voies privées assorties d'une servitude de passage public, installations et terrains sans occupant à titre habituel ne sont manifestement plus entretenus, le maire, à la demande du conseil municipal, engage la procédure de déclaration de la parcelle concernée en état d'abandon manifeste". La procédure se décompose alors en deux séquences. Tout d'abord, l'article L. 2243-2 (N° Lexbase : L9079IZB) précise que le maire constate, par procès-verbal provisoire, l'abandon manifeste de la parcelle, tout en indiquant la nature des travaux indispensables pour faire cesser l'état d'abandon. Ce procès-verbal est ensuite affiché pendant trois mois à la mairie et sur les lieux concernés. Il fait l'objet d'une insertion dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département. En outre, il est notifié aux propriétaires, aux titulaires de droits réels et aux autres intéressés. Ensuite, l'article L. 2243-3 (N° Lexbase : L9078IZA) prévoit que si les mesures requises ne sont pas prises à l'issue d'un délai de six mois à compter de l'exécution des mesures de publicité et des notifications, le maire constate par un procès-verbal définitif l'état d'abandon manifeste de la parcelle. Il saisit alors le conseil municipal qui décide s'il y a lieu de déclarer la parcelle en état d'abandon manifeste et d'en poursuivre l'expropriation au profit de la commune, pour une destination qu'il détermine, étant précisé que cette destination doit être définie de façon suffisamment précise (2).
Il faut relever ici que le procès-verbal définitif, comme le procès-verbal provisoire, constituent des actes préparatoires à la décision éventuelle du conseil municipal de déclarer la parcelle en l'état d'abandon manifeste et de procéder à son expropriation (3). Ils ne peuvent donc faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, mais les illégalités les entachant peuvent être invoquées à l'appui du recours dirigé contre la décision de déclaration d'abandon manifeste. Par ailleurs, même s'il s'agit de procédures relevant d'autorités distinctes, la déclaration de parcelle en état d'abandon manifeste et la déclaration d'utilité publique constituent une opération complexe. L'illégalité de la première décision peut donc être invoquée à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre la seconde.
C'est cette procédure qui a conduit dans la présente affaire à l'arrêté préfectoral dont la légalité est contestée par un propriétaire indivis du terrain d'assiette du projet. Le litige porte ici exclusivement sur la reconnaissance de l'utilité publique de l'opération projetée qui consistait, précisément, à créer dans une commune rurale quatre logements et un commerce de proximité-restaurant ainsi que seize places de parking. La cour administrative d'appel de Nancy avait considéré que l'intérêt de cette opération, à le supposer établi, ne pouvait, à lui seul, lui conférer un caractère d'utilité publique, eu égard à son coût financier excessif au regard des possibilités financières de la commune. Elle a donc prononcé l'annulation de la déclaration d'utilité publique, en application de la théorie du bilan qui implique "qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente" (4).
La cour avait relevé que le coût du projet s'élevait à 684 200 euros, dont 20 % étaient couverts par des subventions de l'Etat et du département du Jura. Or, il n'était pas démontré que la commune, qui est un village rural comptant 235 habitants dont le taux d'endettement est inconnu, puisse financer le solde de cette somme par autofinancement et par recours à l'endettement. Dans le cadre de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, le commissaire enquêteur avait d'ailleurs émis de sérieux doutes sur le caractère soutenable du montage financier très sommaire retenu par la commune. Ainsi, pour la cour, "l'intérêt de l'opération déclarée d'utilité publique [...] à le supposer établi, ne pouvait, à lui seul, lui conférer un caractère d'utilité publique, eu égard à son coût financier excessif au regard des possibilités financières de la commune" (5).
On sait pourtant que si l'apparition de la théorie du bilan paraît avantageuse pour les requérants, elle aboutit assez peu fréquemment, dans la pratique, à des annulations. Par ailleurs, si les contours de la notion d'utilité publique ont été principalement définis par la jurisprudence, il existe des cas où le législateur est intervenu en prévoyant expressément des hypothèses précises dans lesquelles les pouvoirs publics ont la possibilité de recourir à l'expropriation : pour la prévention des risques naturels majeurs prévisibles (6), pour la suppression de l'habitat insalubre, mais également pour la constatation de l'état d'abandon manifeste d'une parcelle.
Il est probable que le fait que le législateur a prévu la possibilité pour les pouvoirs publics de recourir à l'expropriation pour la suppression de l'habitat insalubre favorise la reconnaissance de l'utilité publique des opérations qui poursuivent cet objet. C'est certainement pour cette raison que le Conseil d'Etat ne se réfère pas expressément à la théorie du bilan pour apprécier la légalité de la déclaration d'utilité publique contestée. Les juges relèvent d'abord que l'opération mise en oeuvre "poursuit [...] un but d'utilité collective". Par ailleurs, ils estiment que le coût de l'opération est modéré "et ce alors même que le plan de financement présenté ne serait pas complètement stabilisé à ce stade de la procédure d'utilité publique". Enfin, ils considèrent que "le dossier soumis aux juges du fond ne fait apparaître aucune difficulté financière particulière de la commune". L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy est donc cassé pour erreur de qualification juridique des faits. Toutefois, plutôt que de régler lui-même l'affaire au fond, le Conseil d'Etat choisit de la renvoyer à la cour.
A l'occasion de sa décision du 13 février 2015, rendue dans le cadre de la procédure de question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel met certainement un point final aux nombreux questionnements qui ont été suscités par l'article L. 15-2 du Code de l'expropriation. C'est en effet la deuxième décision rendue par le Conseil constitutionnel concernant ces dispositions. Une première déclaration d'inconstitutionnalité était intervenue le 6 avril 2012 (7). Elle avait conduit à la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013, portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports (N° Lexbase : L8932IWQ), qui a modifié les articles L. 15-1 (N° Lexbase : L9123IWS) et L. 15-2 du Code de l'expropriation. La conformité de ces textes à la Constitution a de nouveau été contestée, ce qui a conduit la Cour de cassation à transmettre une nouvelle QPC au Conseil constitutionnel (8).
Dans sa rédaction originelle, issue du décret n° 77-392 du 28 mars 1977, l'article L. 15-1 (N° Lexbase : L2960HL9) précisait que "dans le délai d'un mois, soit du paiement ou de la consignation de l'indemnité, soit de l'acceptation ou de la validation de l'offre d'un local de remplacement, les détenteurs sont tenus d'abandonner les lieux". L'article L. 15-2 N° Lexbase : L2961HLA, sur lequel se concentre l'essentiel des difficultés, prévoyait quant à lui que "l'expropriant peut prendre possession, moyennant versement d'une indemnité au moins égale aux propositions faites par lui et consignation du surplus de l'indemnité fixée par le juge".
Dans leur rédaction originelle, ces dispositions posaient une difficulté au regard de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1364A9E), dont il résulte que "la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité". Plus précisément, il s'agissait de déterminer si la possibilité ouverte à l'expropriant de consigner l'indemnité répondait à l'exigence constitutionnelle d'une "juste et préalable indemnité".
La question n'était pas inédite puisqu'elle s'était déjà posée dans le cadre de certaines procédures dérogatoires du droit commun qui autorisent le recours à la consignation. Le Conseil constitutionnel avait ainsi déjà eu l'occasion de juger, dans sa décision "Loi portant dispositions diverses en matière d'urbanisme et d'agglomérations nouvelles" du 25 juillet 1989 (9), que dans le cadre du dispositif organisé par l'article L. 15-9 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L7735IMG), qui organise une procédure d'extrême urgence permettant une prise de possession rapide, "l'octroi par la collectivité expropriante d'une provision représentative de l'indemnité due n'est pas incompatible avec le respect (des exigences constitutionnelles) si un tel mécanisme répond à des motifs impérieux d'intérêt général et est assorti de la garantie des droits des propriétaires intéressés", ce qui est le cas pour cette procédure. Le même raisonnement a ensuite été appliqué par une décision du 17 septembre 2010 (10) concernant le régime spécial d'expropriation pour la résorption de l'habitat insalubre qui prévoit également l'octroi par la collectivité expropriante d'une provision représentative de l'indemnité due.
Toutefois, il s'agissait ici de procédures dérogatoires du droit commun qui n'avaient vocation à s'appliquer que dans des hypothèses exceptionnelles. Or, comme l'a précisé le Conseil constitutionnel, "si le législateur peut déterminer les circonstances particulières dans lesquelles la consignation vaut paiement au regard des exigences de l'article 17 de la Déclaration de 1789, ces exigences doivent en principe conduire au versement de l'indemnité au jour de la dépossession". Il en résultait que les dispositions de l'article L. 15-1 relatives à la consignation de l'indemnité étaient contraires à l'exigence selon laquelle nul ne peut être privé de sa propriété que sous la condition d'une juste et préalable indemnité. Les juges critiquaient surtout les dispositions de l'article L. 15-2 qui prévoyaient, en cas d'appel contre l'ordonnance fixant l'indemnité, que "quelles que soient les circonstances", l'expropriant peut prendre possession des biens expropriés "moyennant le versement d'une indemnité égale aux propositions qu'il a faites et inférieure à celle fixée par le juge de première instance et consignation du surplus". S'il peut être admis, dans des hypothèses précisément circonscrites, que la consignation de l'indemnité autorise la prise de possession, la généralité du principe défini par les articles L. 15-1 et L. 15-2 a conduit le Conseil constitutionnel à conclure à leur inconstitutionnalité au regard du principe selon lequel les personnes expropriées ont le droit à une "juste et préalable indemnité".
Conformément aux dispositions de l'article 62 de la Constitution (N° Lexbase : L1328A93), les juges ont décidé, eu égard aux conséquences manifestement excessives qu'aurait une abrogation immédiate des dispositions susvisées, de reporter au 1er juillet 2013 la date de cette abrogation. Finalement, la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013 est intervenue en vue de modifier les articles L. 15-1 et L. 15-2 du Code de l'expropriation (11). L'article L. 15-1 n'avait toutefois fait l'objet d'aucune modification de fond, le législateur se bornant à préciser, confirmant l'état du droit antérieur, les deux cas dans lesquels l'expropriant est autorisé à prendre possession du bien contre consignation : en cas d'obstacles au paiement et lorsque l'exproprié refuse de recevoir l'indemnité fixée à son profit, ce qui renvoie aux dispositions de l'article R. 13-65 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L3198HLZ) (12). En revanche, l'article 15-2 a été profondément remanié dans le sens où il limite les possibilités de prise de possession anticipée en cas d'appel aux seules hypothèses où "il existe des indices sérieux laissant présumer qu'en cas d'infirmation, l'expropriant ne pourrait recouvrer tout ou partie des sommes qui lui seraient dues en restitution".
De prime abord, cette réécriture des textes pouvait paraître conforme à la décision du Conseil constitutionnel du 6 avril 2012. Elle présentait toutefois de sérieuses lacunes, ce qui a conduit la Cour de cassation à transmettre une nouvelle QPC au Conseil constitutionnel. D'une part, en effet, la loi n'organise aucune procédure devant être utilisée par l'expropriant pour être autorisé à consigner l'indemnité, puisque l'article L. 15-2 se borne à préciser que "celui-ci peut être autorisé par le juge à consigner tout ou partie du montant de l'indemnité supérieur à ce que l'expropriant avait proposé". D'autre part elle ne définit pas ce que sont les "indices sérieux" qui permettront à l'expropriant de prendre possession des biens de façon anticipée contre consignation de l'indemnité.
En dépit de ces griefs, le Conseil constitutionnel a considéré que l'article L. 15-2 du Code de l'expropriation, dans sa rédaction issue de la loi du 28 mai 2013, était conforme à l'article 17 de la Déclaration de 1789. Il a considéré, en effet, que le législateur avait précisément défini les circonstances dans lesquelles la consignation vaut paiement, cette possibilité étant subordonnée à une autorisation du juge.
Toutefois, le Conseil constitutionnel définit une réserve d'interprétation, au regard non plus de l'exigence d'une indemnité "préalable", mais au regard de l'exigence d'une juste "indemnisation". Comme a déjà eu l'occasion de le juger le Conseil constitutionnel, "pour être juste, l'indemnisation doit couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation" (13). L'objet ainsi recherché est de permettre à la personne évincée de faire l'acquisition d'un bien équivalent. Or, puisqu'en cas de consignation l'indemnité n'est pas perçue dans son intégralité au jour de la perte de possession, le propriétaire exproprié peut subir un préjudice résultant de l'impossibilité, faute d'avoir perçu une indemnité intégrale, de faire l'acquisition d'un bien équivalent. Cette solution est d'ailleurs retenue par les articles L. 521-5 (N° Lexbase : L8055I44) et L. 522-4 (N° Lexbase : L8062I4D) du Code de l'expropriation qui prévoient, dans le cadre de la procédure d'extrême urgence, l'octroi d'une "indemnité spéciale aux personnes intéressées qui justifient d'un préjudice causé par la rapidité de la procédure". Il en résulte, pour le Conseil constitutionnel, que, "lorsque l'indemnité définitivement fixée excède la fraction de l'indemnité fixée par le juge de première instance qui a été versée à l'exproprié lors de la prise de possession du bien, l'exproprié doit pouvoir obtenir la réparation du préjudice résultant de l'absence de perception de l'intégralité de l'indemnité d'expropriation lors de la prise de possession".
A l'occasion de l'arrêt n° 382502 du 27 février 2015, le Conseil d'Etat décide que la violation des règles de procédure relatives aux enquêtes publiques régies par le Code de l'environnement n'entraîne pas nécessairement l'annulation de la déclaration d'utilité publique. Cette décision se situe dans le droit fil de la jurisprudence "Danthony" (14), qui a profondément modifié le régime juridique des vices de procédure. L'arrêt "Danthony" a en effet abandonné la distinction qui était auparavant opérée entre les vices de procédure substantiels, qui sont systématiquement sanctionnés, et les vices de procédure non substantiels qui ne le sont jamais. Désormais, "si les actes administratifs doivent être pris selon des formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie". Ce texte conduit donc le juge à avoir une démarche très concrète qui le conduit à évaluer quelle est l'influence de la règle violée sur la décision qui a été prise. En d'autres termes, comme l'a relevé le Conseil d'Etat dans son rapport annuel de 2011, cette évolution "place le juge en arbitre subjectif des intentions plutôt qu'en marqueur des irrégularités" (15).
Cette logique s'applique dans de nombreux domaines, notamment en matière de procédure de révision du plan local d'urbanisme (16), ou encore dans le cadre des autorisations d'exploiter une installation classée (17). Elle s'applique surtout, ce qui nous intéresse ici plus directement, aux formalités de publicité encadrant l'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique.
Dans son arrêt "Commune de Noisy-le-Grand" du 3 juin 2013 (18), le Conseil d'Etat avait ainsi considéré que le non-respect d'une règle de procédure de l'enquête publique relevant du Code de l'expropriation ne devait pas nécessairement entraîner l'annulation de la déclaration d'utilité publique. En l'espèce, il était reproché au préfet d'avoir procédé au rappel de la publicité de l'avis d'ouverture de l'enquête publique dans un seul journal régional ou local, alors que ce sont deux publications qui sont requises par l'article R. 11-4 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L3018HLD). Toutefois, la méconnaissance de ces dispositions n'est de nature à entraîner l'illégalité de la déclaration d'utilité publique "que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative".
C'est cette logique qui est transposée dans la présente affaire aux enquêtes publiques organisées en application des dispositions du Code de l'environnement. Rappelons ici que sont concernés, au titre de l'article L. 122-1, I du Code de l'environnement (N° Lexbase : L8199I4G), les "projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact". L'article L. 122-1 renvoie lui-même aux articles R. 122-1 (N° Lexbase : L5491IRS) et suivants qui définissent ces projets. Ainsi, par exemple, ce sont les dispositions du Code de l'environnement, et non celles du Code de l'expropriation, qui régissent l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique pour les projets de construction de ponts d'une longueur d'au moins 100 mètres ou encore pour les routes d'une longueur égale ou supérieure à trois kilomètres.
Plus précisément ce sont trois enquêtes publiques relatives à différents travaux devant permettre d'assurer la desserte du futur grand stade de l'agglomération lyonnaise qui sont ici en cause. Dans la présente affaire, le préfet avait omis d'indiquer dans les arrêtés annonçant l'ouverture des enquêtes publiques la présence dans le dossier de l'étude d'impact dont le projet avait été l'objet, comme l'exige l'article R. 123-13 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L0748ISI) (19). La même omission entachait également les avis au public relatifs à ces enquêtes visés par les articles R. 123-14 (N° Lexbase : L0747ISH) et suivants (20).
La cour administrative d'appel de Lyon, faisant application de la jurisprudence "Commune de Noisy-le-Grand", avait estimé que ces omissions avaient été de nature à nuire à l'information des personnes intéressées par le projet et justifiait l'annulation des arrêtés portant déclaration d'utilité publique. Cette analyse n'est toutefois par partagée par le Conseil d'Etat qui relève d'abord que l'étude d'impact qui est qualifiée de "particulièrement volumineuse", figurait dans le dossier d'enquête et avait pu être consultée par le public lors des permanences de la commission d'enquête. Par ailleurs, les juges relèvent le nombre d'observations recueillies au cours de l'enquête, ainsi que le fait que le programme du Grand Stade avait été largement couvert par les médias et que le dossier de permis de construire le stade avait lui-même été soumis à enquête publique avec mention de l'existence de l'étude d'impact. Enfin, les juges relèvent que la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement avait émis un avis sur l'étude d'impact disponible par voie électronique. En conséquence, le Conseil d'Etat annule l'arrêt attaqué pour erreur de droit, la violation des règles de procédure susvisées n'étant pas, en l'absence d'autres circonstances, de nature à faire obstacle, faute d'information suffisante, à la participation effective du public à l'enquête ou à exercer une influence sur les résultats de l'enquête.
(1) CAA Nancy, 1ère ch., 19 décembre 2013, n°13NC00302 (N° Lexbase : A7046MLK).
(2) CAA Douai, 1ère ch., 11 décembre 2013, n° 13DA00030 (N° Lexbase : A1598MPU).
(3) CE 4° et 5° s-s-r., 18 février 2009, n° 301466, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2533ED8), BJCL, 2009, p.333, concl. C. De Salins et obs. B.P ; CAA Versailles, 2ème ch., 11 avril 2013, n° 11VE00659 (N° Lexbase : A8573MQL).
(4) CE Ass., 28 mai 1971, n° 78825, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9136B8U), p. 409, concl. G. Braibant, D. 1972, jurispr. p. 194, note J. Lemasurier, RDP, 1972, p. 454, note M. Waline, AJDA, 1971, p. 404, chron. D. Labetoulle et Cabanes, concl. G. Braibant, Rev. adm. 1971, p. 422, concl. G. Braibant, JCP 1971, II, 16873, note Homont, CJEG, 1972, p. 35, note Virole.
(5) Voir, en revanche, admettant l'utilité publique d'un projet de création d'un aménagement paysager d'un montant légèrement supérieur à 86 000 euros dans une commune rurale, CAA Nancy, 1ère ch., 2 avril 2009, n° 08NC00276 (N° Lexbase : A2087EGE).
(6) C. env., art. L. 561-1 (N° Lexbase : L8171I4E) à L. 565-2.
(7) Cons. const., décision n° 2012-226 QPC du 6 avril 2012 (N° Lexbase : A1495II9).
(8) Cass. QPC, 18 décembre 2014, n° 14-40.046, FS-P+B (N° Lexbase : A2681M8S).
(9) Cons. const., décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989 (N° Lexbase : A8198ACM).
(10) Cons. const., décision n° 2010-26 QPC du 17 septembre 2010 (N° Lexbase : A4758E94).
(11) Depuis l'entrée en vigueur au 1er janvier 2015 de l'ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014, relative à la partie législative du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (N° Lexbase : L7867I47), ces dispositions figurent aux articles L. 331-2 (N° Lexbase : L8011I4H) et L. 331-3 (N° Lexbase : L8012I4I).
(12) Dispositions actuellement codifiées à l'article R. 323-8 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (N° Lexbase : L2186I74).
(13) Cons. const., décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989 (N° Lexbase : A8198ACM), Rec., p. 53 ; Cons. const., décision n° 2010-87 QPC du 21 janvier 2011 (N° Lexbase : A1520GQD), AJDA, 2011, p. 134, p. 447, obs. S. Brondel et R. Hostiou, JCP éd. A, 2011, act. 79, Dr. adm., 2011, comm. 32, Constr.-Urb., 2011, comm. 37, note X. Couton.
(14) CE, Ass., 23 décembre 2011, n° 335033, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9048H8M), p. 649, JCP éd. A, 2012, 2089, note C. Broyelle, JCP éd. G, 2012, 558, note D. Connil, Dr. adm., 2012, comm. 22, note F. Melleray, AJDA, 2012, p. 195, chron. X. Domino et A. Bretonneau, RFDA, 2012, p. 284, concl. G. Dumourtier et note P. Cassia.
(15) EDCE, 2011, p.126.
(16) CE 1° et 6° s-s-r., 17 juillet 2013, n° 350380, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0041KKQ), AJDA, 2013, p. 1548 et 2326, note J.-B. Sibileau, Constr.urb., 2013, comm. 130, note L. Santoni.
(17) CE 1° et 6° s-s-r., 25 septembre 2013, n° 359756, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9657KLA), Environnement et dév. durable, 2013, comm. 82, note D. Gillig.
(18) CE 1° et 6° s-s-r., 3 juin 2013, n° 345174, mentionné aux tables du recueil Lebon ([LXB=A3359KGI)]), AJDA, 2014, p. 515, note N. Ach, BJCL, n° 12, 2014, p. 796, concl. M. Vialettes, JCP éd. A, 2013, act. 521, obs. L. Erstein, RD imm., 2013, p. 349 et 423, note R. Hostiou, Dr. rur. 2013, comm. 206, note P. Tifine.
(19) Ces dispositions sont aujourd'hui codifiées à l'article R. 123-9 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L0752ISN).
(20) Il s'agit de l'actuel article R. 123-11 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L0750ISL).
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