Le régime particulier de preuve prévu par le Code du travail au bénéfice du salarié s'estimant victime de harcèlement moral n'est pas applicable lorsque survient un litige, auquel ce dernier n'est pas partie, opposant un employeur à l'un de ses salariés auquel il est reproché d'être l'auteur de tels faits. Pour apprécier si des agissements sont constitutifs d'un harcèlement moral, l'inspecteur du travail doit, sous le contrôle du juge administratif, tenir compte des comportements respectifs du salarié auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et du salarié susceptible d'en être victime, indépendamment du comportement de l'employeur ; il appartient, en revanche, à l'inspecteur du travail, lorsqu'il estime, par l'appréciation ainsi portée, qu'un comportement de harcèlement moral est caractérisé, de prendre en compte le comportement de l'employeur pour apprécier si la faute résultant d'un tel comportement est d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement ; commet une erreur de droit la cour administrative d'appel (CAA Marseille, 10 juillet 2012, n° 11MA01556
N° Lexbase : A4002IRN) qui tient compte, pour écarter la qualification de harcèlement, du système de management mis en place par l'employeur ainsi que de l'inaction prolongée de ce dernier face aux agissements de sa salariée. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 10 décembre 2014 (CE 4° et 5° s-s-r., 10 décembre 2014, n° 362663, mentionné aux tables du recueil Lebon
N° Lexbase : A6164M7G). Dans cette affaire, par une décision du 22 décembre 2008, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser l'association S. à licencier pour faute Mme A., médecin du travail employée par cette association, qui lui reprochait des agissements considérés comme constitutifs de harcèlement moral à l'encontre de trois secrétaires médicales. Par une décision du 18 juin 2009, le ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville a confirmé ce refus en rejetant le recours hiérarchique formé par l'association contre la décision de l'inspecteur. Par un arrêt du 10 juillet 2012 contre lequel cette association se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel a rejeté l'appel formé par cette dernière contre le jugement du tribunal administratif rejetant sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux décisions.
Rappelant la règle susvisée, le Conseil d'Etat considère que l'association est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0280E7I).
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