La condamnation à une peine d'emprisonnement s'analyse en une ingérence dans le droit à la liberté de manifester sa religion, peu importe que les personnes en mémoire desquelles a eu lieu la cérémonie litigieuse aient été membres d'une organisation illégale ou que celle-ci ait été organisée dans les locaux d'un parti politique où des symboles d'une organisation terroriste étaient présents. Telle est la substance d'un arrêt de la CEDH, rendu le 2 décembre 2014 (CEDH, 2 décembre 2014, Req. 31706/10
N° Lexbase : A7479M4R). En l'espèce, le 21 août 2006, les requérants participèrent à une cérémonie religieuse dans les locaux d'un parti dont ils étaient alors membres actifs et dirigeants régionaux en mémoire de trois membres du PKK, tués par les forces de l'ordre. A la suite de l'enquête menée par le Parquet, une action pénale fut engagée contre les requérants qui furent traduits devant la cour d'assises d'Ankara pour propagande terroriste. Devant cette juridiction, ils plaidèrent qu'ils avaient participé à cette cérémonie pour remplir leurs obligations religieuses. Par un jugement du 24 septembre 2008, la cour d'assises, se fondant sur l'article 7 § 2 de la loi n° 3713, relative à la lutte contre le terrorisme, condamna les deux requérants à une peine de dix mois d'emprisonnement. Elle considéra notamment que les personnes en mémoire desquelles la cérémonie avait été organisée étaient membres d'une organisation terroriste, qu'elles avaient été tuées par les forces de sécurité lors d'actions menées dans le cadre de cette organisation et qu'il existait des doutes sérieux quant aux motifs réels du rassemblement en raison du choix du lieu de celui-ci, à savoir les locaux d'un parti politique où étaient présents des symboles de l'organisation illégale. Le jugement fut confirmé par un arrêt définitif de la Cour de cassation, le 8 mars 2010 et les requérants furent placés en détention afin de purger leur peine. Invoquant les articles 7 (
N° Lexbase : L4797AQQ) (pas de peine sans loi), 9 (
N° Lexbase : L4799AQS) (droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion) et 11 (
N° Lexbase : L4744AQR) (liberté de réunion et d'association) de la CESDH, les requérants ont allégué devant la CEDH que leur condamnation était fondée sur leur participation à une cérémonie religieuse qui aurait consisté en une simple manifestation publique de leur pratique religieuse. La CEDH leur donne raison et relève qu'il n'était pas possible de prévoir que la simple participation à une cérémonie religieuse pourrait tomber dans le champ d'application de l'article 7 § 2 de la loi relative à la lutte contre le terrorisme. Par conséquent, la Cour conclut à la violation de l'article 9 de la CESDH (
N° Lexbase : L4799AQS) (cf. l’Ouvrage "Droit pénal spécial"
N° Lexbase : E5501EXZ).
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