Le jugement d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre d'une société n'a eu d'effet suspensif de prescription qu'à l'égard de cette seule société, et non de ses codébiteurs solidaires, à l'égard desquels le comptable public disposait d'un droit de poursuite individuelle pendant toute la durée de cette procédure, bien que l'effet interruptif de prescription de la déclaration de créance, qui s'étend aux débiteurs solidaires, ait produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. Telle est la décision retenue par le Conseil d'Etat le 10 octobre 2014 (CE 9° et 10° s-s-r., 10 octobre 2014, n° 364344, mentionné aux tables du recueil Lebon
N° Lexbase : A2255MY8). Dans cette affaire, une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société a été ouverte. Le comptable public a procédé, le 7 janvier 2004, à la déclaration de la créance litigieuse à la procédure collective. Un jugement de clôture pour insuffisance d'actif a été prononcé le 9 novembre 2009. Par la suite, les 20 septembre, 8 octobre et 24 décembre 2010, le service des impôts des entreprises de Paris a décerné à une autre société (requérante), prise en sa qualité de débitrice solidaire, des mises en demeure, valant commandements, pour avoir paiement d'une somme correspondant au reliquat de la redevance due. Le Conseil d'Etat a précisé que le jugement d'ouverture de la procédure collective ne suspend la prescription qu'à l'égard de la personne visée par cette procédure, l'effet interruptif de prescription d'une déclaration de créance au passif d'une procédure collective ouverte à l'encontre de l'un des débiteurs solidaires s'étend aux autres débiteurs solidaires, pour les impositions au paiement desquelles ils sont solidairement tenus. De plus, le Conseil a ajouté que, selon le paragraphe 152 de l'instruction 12-C-1-98 du 23 mars 1998 (
N° Lexbase : X6183AAA), applicable à la date des réclamations présentées par la société requérante : "
le bénéfice de la suspension ne peut être invoqué que contre les personnes vis-à-vis desquelles la suspension est édictée. Ainsi, le créancier qui bénéficie d'une suspension de prescription parce qu'il est privé du droit d'agir contre son débiteur principal ou l'un de ses codébiteurs, même solidaire, ne peut invoquer la suspension de la prescription à l'égard de la caution ou des autres codébiteurs dès lors qu'il dispose de son droit de poursuite individuelle à leur égard". Cette interprétation administrative ne vise que les cas de suspension de prescription, et ne peut être utilement invoquée que par les personnes vis-à-vis desquelles la suspension a été édictée. Ainsi, le jugement d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre d'une société n'a d'effet suspensif de prescription qu'à l'égard de cette seule société, bien que l'effet interruptif de prescription de la déclaration de créance, qui s'étend aux débiteurs solidaires, ait produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance .
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable