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N0212BUE
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
le 27 Mars 2014
Aussi, me réfugierai-je dans la prospective, plus juridique que médiatique, à l'annonce d'un possible "statut du beau-parent". 1,5 million d'enfants mineurs et autant de beaux-parents, rien de moins, seraient dès lors concernés par une telle légalisation de leurs relations souvent compliquées au quotidien, parfois difficiles à gérer ou à épanouir.
C'est bien évidemment à l'occasion des réflexions en cours, sur l'élaboration d'une prochaine réforme du droit de la famille, que la question des relations beaux-parentales a ressurgi. "Sécuriser le rôle de l'adulte et le positionnement de l'enfant", tel était la noble ambition avouée de Dominique Bertinotti, ministre déléguée, chargée de la Famille. Levée de boucliers immédiate : le droit de la famille et la famille même en général ne supporteraient pas un tel affront à l'autorité parentale telle qu'elle est traditionnellement admise en France. Cette autorité ne se partage pas, tout juste se délègue-t-elle ; et à quel prix procédural ! La multiparentalité n'est pas de mise ; et le "mariage pour tous" n'y a rien changé : les associations concernées rappelant que l'homoparentalité n'induit pas la notion de beau-parent, mais celle de parent à part entière. Finalement, faire de l'autorité parentale la "conséquence des seuls liens affectifs, introduisant ainsi le trouble et l'ambiguïté dans l'identification de ses parents par l'enfant" serait une gageure ; mieux vaut rester sur le plan strictement juridique. Et, la création d'un statut du "tiers" serait un carcan trop étroit et inefficace pour résoudre les problèmes délicats rencontrés par les familles recomposées.
Alors, bien évidemment, c'est un enterrement de première classe auquel nous assisterons. Le ministère évoque, désormais, à moins d'un mois de la remise du fameux rapport qui donnera lieu à toutes les conjectures sur les prochaines réformes en la matière, "la mise à disposition d'une boîte à outils juridiques", fameuse allégorie que l'on sert, lorsque l'on veut "faire maigre". Une simplification de la délégation partage de l'autorité parentale serait à l'étude. Une délégation que l'on pourrait rompre facilement ; et, surtout, aucun droit de visite ou aucun droit de quelque sorte que ce soit ne perdurerait en cas de séparation entre le parent délégant et le beau-parent délégataire. Une solution de fortune en somme.
Pourtant, la question d'une reconnaissance juridique de la relation entre beau-parent et enfant n'est pas à prendre à la légère. Un mariage sur deux finit par un divorce : et, encore, un quart des couples ne sont pas mariés ! Aussi, la propension à la recomposition familiale est-elle prégnante. A l'heure où une étude de l'Insee, publiée le 9 janvier 2014, montre que les couples anticipent de plus en plus leur rupture en optant, devant notaire et sans tabou, pour le régime matrimonial de la séparation des biens, il ne serait pas inutile de se pencher, outre sur la famille homosexuelle, sur la famille de demain : de plus en plus recomposée, assurément. Si "la séparation des biens s'est décomplexée", peut-être, justement, est-ce parce que le regard porté par les nouvelles générations sur le couple et la famille a changé ? Ce faisant, leur regard sur l'exercice de l'autorité parentale, voire même sur l'exercice de la parentalité, a éventuellement changé, également. Hier, l'homoparentalité était inenvisageable, car juridiquement et sociologiquement "hérétique" ; demain, qu'en sera-t-il de la multiparentalité ?
Attention à ne pas perdre de temps, "avec du bricolage". On sait finalement ce dont le pacte civil de solidarité fut les prémices. En attendant, trois millions de personnes doivent gérer une situation complexe de tous les jours, sans existence légale de leurs relations, souvent, affectives. La vie maritale est un choix ; le Pacs fut un pis-aller pour nombre de couples homosexuels (manifestement) ; quelle amélioration tangible proposer aux beaux-parents et aux enfants élevés, aussi, par ces beaux-parents, ne serait-ce que par leur obligation de contribution au ménage ?
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