Réf. : Cass. civ. 2, 6 février 2025, n° 22-18.078, F-B N° Lexbase : A60576TI
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N1812B3I
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par Marion Damy, Docteure en droit, CERFAPS, Université de Bordeaux
le 19 Mars 2025
Dans une décision du 6 février 2025, la Cour de cassation confirme l’appréciation de la juridiction d’appel qui refuse la récusation d’un juge des enfants dont l’impartialité était contestée en raison de l’inimitié que soulevait le requérant dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative.
Récusation pour cause de partialité du juge des enfants. Remettant en question la légitimité de la justice, la récusation d’un juge est strictement encadrée, ce que la décision du 6 février 2025 confirme une nouvelle fois, dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative.
En l’espèce, une procédure d’assistance éducative avait été prononcée le 25 septembre 2020. Lors de l’audience du 3 novembre 2021, la juge des enfants ordonne le placement de l’enfant. Le 13 mai 2022, le père sollicite la demande de récusation de la juge ce que refuse le premier président de la cour d’appel saisi de cette requête. Le père forme donc un pourvoi en cassation, estimant que le juge saisi de la demande de récusation n’a pas recherché si les différentes circonstances justifiant la demande et prises dans leur ensemble ne remettaient en cause l’impartialité de la juge des enfants. Autrement dit, il estimait que l’ordonnance n’avait pas considéré ces circonstances comme un tout constituant une cause suffisante pour remettre en question l’impartialité du juge. Procédant à une vérification minutieuse de l’argumentaire de l’ordonnance, la Cour de cassation rejette le pourvoi.
Confirmation de l’objectivité de la procédure. Pour rejeter le pourvoi, la Cour de cassation rappelle les règles des articles 341 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6752LES et L. 111-6 du Code de l’organisation judiciaire N° Lexbase : L2516LBS, bien qu’elle ne vise pas explicitement ces deux articles. Elle expose cependant leur contenu, rappelant que la récusation doit être justifiée par la démonstration d’une inimitié notoire manifestée par le juge. Elle reprend ensuite les différentes justifications contenues dans l’ordonnance refusant la récusation. Il ressort de cet examen la densité de l’argumentaire contenu dans l’ordonnance, le premier président de la cour d’appel se fondant tant sur des éléments de fait que des éléments de droit, mais appréciant visiblement la situation dans son ensemble puisqu’il relève notamment que la juge n’est pas à l’initiative de l’ensemble des évènements procéduraux. Substantiellement, chaque élément évoqué par le père est objectivement justifié : par exemple, la mention erronée sur la convocation crée un risque de vice de procédure difficilement conciliable avec un comportement personnel de la juge, de même que l’absence de convocation de l’avocat du père ; la présence de la police lors de l’audience du 3 novembre est justifiée par des motifs de sécurité des personnes ; et surtout, la tenue de l’audience a permis au père de faire valoir ses observations malgré des décisions prises par la juge de report d’audience et d’absence de débat contradictoire. À ce titre, la Cour de cassation rappelle le contenu de l’article 1184 du Code de procédure civile N° Lexbase : L8890IW8 autorisant le juge des enfants à modifier, si l’urgence de commande, la mesure d’assistance éducative en dispensant les parties de comparaître.
Elle relève également que l’urgence est justifiée par le dépôt de demandes par le père dans des délais trop brefs, étant précisé que l’audience devait avoir lieu depuis février et avait été reportée pour des raisons objectives de procédure.
Enfin, les mesures visant plus directement le père, à savoir une mesure judiciaire d’investigation éducative et une expertise psychiatrique, avaient été préconisées par les rapports sociaux pour la première et par le ministère public pour la seconde.
Légitimité de la justice. On le voit, les arguments étaient nombreux et précis pour justifier le caractère objectif des différents choix opérés lors de la procédure d’assistance éducative et ainsi rejeter l’accusation de partialité adressée à la juge des enfants. Il est en effet de jurisprudence constante que la preuve de l’inimitié notoire d’un juge relève de l’appréciation souveraine des juges du fond et est difficile à apporter tant le risque d’atteinte à la probité de la justice est grand (V. par ex. pour la même solution également en matière d’assistance éducative Cass. civ. 2, 7 juillet 2005, n° 04-17.663, F-P+B N° Lexbase : A9021DIX). Ce risque est particulièrement vrai dans le cas d’une procédure d’assistance éducative en raison des enjeux d’une telle procédure.
Portant atteinte à l’effectivité des relations parents-enfant, la procédure d’assistance éducative peut facilement être perçue par les parents comme des choix arbitraires des juges, les punissant davantage qu’ils ne protègent leur enfant. Les conditions d’une demande de récusation se doivent dès lors d’être exigeantes, au risque d’encourager de telles procédures, densifiant un contentieux déjà complexe et procéduralement lourd.
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