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par Vincent Vantighem
le 11 Mars 2025
« Ouvrir le feu constituait nécessairement et à tout le moins une prise de risque inconsidérée... ». Voilà en substance comment le parquet de Nanterre a réclamé, mardi 4 mars, un procès aux assises pour « meurtre » contre le policier ayant tiré sur Nahel, l’adolescent de 17 ans dont la mort, en juin 2023, avait embrasé la France. Choquant l’opinion, son décès avait entraîné plusieurs nuits d’émeutes à travers tout le pays en lutte contre les violences policières.
Après quasiment deux ans d’enquête, le parquet a donc requis un procès pour l’auteur du tir mortel. Mais aussi un non-lieu pour l’autre policier qui l’accompagnait au moment du contrôle et dont l’action avait été, un temps, sujette à caution. « Il n’y a pas d’élément matérialisant l’acte positif de complicité. Il n’apparaît pas que le tir ait été effectué dans le cadre d’échanges ou interactions ».
Une première version policière contredite par une vidéo amateur.
Le jeune adolescent était mort le 27 juin 2023 d’une balle tirée quasiment à bout portant dans la région du cœur et des poumons par un policier qui contrôlait le véhicule qu’il conduisait sans permis et après avoir été l’auteur de plusieurs embardées dangereuses. Au moment précis des faits, alors que le véhicule était bloqué dans la circulation. « Même s’il tentait de redémarrer lors du contrôle, il n’apparaît pas qu’il ait représenté un danger immédiat pour les policiers », écrit dans son réquisitoire définitif le parquet de Nanterre.
Juste après le drame, une enquête pour meurtre avait été ouverte. Une première version policière, selon laquelle le jeune homme aurait foncé sur le motard, avait été infirmée par une vidéo amateur diffusée, notamment, sur les réseaux sociaux.
« En réalité, selon toute vraisemblance, le déclenchement du tir s’explique essentiellement par l’état de tension extrême dans lequel la scène a eu lieu, mais précisément, en sa qualité de fonctionnaire de police expérimenté, le policier aurait dû conserver son sang-froid », indique encore le réquisitoire qui précise qu’il était « possible [pour lui] de tirer sur le capot ou sur les pneus du véhicule » et qui met en avant la très grande expérience du policier en matière d’armes à feu, notamment en raison de son passé de militaire.
Un « soulagement » pour la mère de Nahel.
« C’est sans surprise que nous avons pris connaissance de la position du parquet dans cette affaire, qui reste identique à celle affichée au moment des faits », a réagi Laurent-Franck Lienard, l’avocat du policier incriminé, pour qui « le tir mortel était parfaitement conforme au cadre légal ».
« Nous espérons que les juges d’instruction chargés de régler le dossier sauront marquer leur indépendance », a-t-il poursuivi, dénonçant des « erreurs juridiques et factuelles du parquet de Nanterre ».
De l’autre côté, c’est évidemment le soulagement qui prédomine. « Pour la mère de Nahel, oui, c’est un vrai soulagement, a ainsi expliqué Frank Berton, son avocat. Cette femme n’avait qu’une crainte, c’est que dans le combat qu’elle menait pour établir que son fils avait été tué volontairement, on arrive par je ne sais pas quelle opération à éviter une comparution devant la cour d’assises des policiers. Il n’y avait pas d’autre qualification envisageable dans cette affaire : le geste est volontaire et l’intention de tuer évidente ».
Les syndicats de policiers dénoncent le réquisitoire du parquet.
Au-delà de l’aspect purement juridique de ce dossier, l’annonce de ce réquisitoire définitif n’a pas manqué de remettre deux sous dans la machine des syndicats de policiers qui réclament, depuis des années, un statut spécial pour les forces de l’ordre sur le terrain et, surtout, une juridiction spécialisée pour traiter des affaires de ce genre. Dès le mercredi 5 mars, ils ont appelé à des rassemblements devant tous les commissariats de France pour soutenir leurs collègues et dénoncer la décision du parquet de Nanterre, expliquant que, désormais, les policiers craignaient plus que tout les refus d’obtempérer où ils sont mis en danger.
Remis en liberté après cinq mois de détention provisoire, Florian. M. attend lui, désormais, la décision des juges d’instruction de le renvoyer, ou pas, devant une cour d’assises pour des faits qui lui feront encourir la réclusion criminelle à perpétuité. En 2023, 36 personnes sont mortes dans le cadre d’une mission de police, selon le rapport annuel de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN).
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