Le Quotidien du 13 novembre 2024 : Copropriété

[Brèves] La vérification par le juge des pouvoirs d’un administrateur provisoire est nécessaire en cas de demande en paiement de charges de copropriété

Réf. : Cass. civ. 3, 10 octobre 2024 n° 23-11.308, F-D N° Lexbase : A839159N

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N0866B3H

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par Martine Dagneaux, Conseiller honoraire à la Cour de cassation

le 08 Novembre 2024

Lorsque l’administrateur provisoire désigné pour rétablir le fonctionnement normal d’une copropriété exerce les pouvoirs de l'assemblée générale, l’approbation des comptes et du budget du syndicat n’a plus à être soumise à cette assemblée ; en conséquence, les juges saisis d’une demande de condamnation au paiement de charges doivent vérifier l’étendue des pouvoirs de l’administrateur. 

Deux époux, copropriétaires dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, ont formé opposition à l'ordonnance d’injonction de payer, qui les condamnait à payer au syndicat des copropriétaires, placé sous administration provisoire, un arriéré de charges de copropriété.

Le tribunal judiciaire, statuant en dernier ressort, a rejeté la demande du syndicat des copropriétaires de paiement des charges au motif qu'il était impossible de déterminer si les appels de fonds correspondaient aux dispositions adoptées en assemblée générale alors que, même si le syndicat des copropriétaires faisait l'objet d'une administration provisoire, il n'exposait pas en quoi il était dispensé de la tenue des assemblées générales et ne produisait aucun procès-verbal d'assemblée générale.

Le syndicat des copropriétaires s’est pourvu en cassation en reprochant au tribunal de ne pas avoir recherché si les pouvoirs dévolus normalement à l'assemblée générale en matière d'appel de charges avaient été confiés à l'administrateur provisoire dont les décisions ne pouvaient plus être remises en cause par les copropriétaires.

La Cour de cassation a admis le pourvoi et cassé le jugement déféré en reprochant effectivement au tribunal judiciaire un manque de base légale pour ne pas avoir procédé à cette recherche.

C’est l'article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 N° Lexbase : C184649A qui règlemente les conditions de désignation et les pouvoirs de l’administrateur provisoire. En l’espèce, la Cour de cassation précise qu’il s’agit du texte dans sa version issue de la loi n° 2014-366, du 24 mars 2014 N° Lexbase : L8342IZY et antérieure à l'ordonnance n° 2019-1101, du 30 octobre 2019 N° Lexbase : Z955378U, mais sur le sujet qui nous intéresse, la seule différence entre les deux textes concerne la compétence du juge chargé de nommer l’administrateur provisoire (il s’agit désormais du président du tribunal judiciaire). 

L’administrateur provisoire peut être désigné non seulement en cas de difficulté financière (si l'équilibre financier du syndicat des copropriétaires est gravement compromis), mais aussi en cas de difficulté de gouvernance (si le syndicat est dans l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble : par exemple dans un cas où un immeuble devait être démoli, compte tenu de son état de dégradation et où l'opposition de certains copropriétaires à la vente créait une situation de blocage du fonctionnement du syndicat, v. Cass. civ. 3, 23 janvier 2013, n° 09-13.398, FS-P+B N° Lexbase : A8868I3T).

Le président du tribunal judiciaire, en désignant l’administrateur provisoire, fixe le contenu et le délai de sa mission (qui ne peut être inférieure à une année). Le nombre de personnes qui peuvent saisir le président du tribunal est limité : ce sont soit des copropriétaires, sous la réserve qu’ils détiennent ensemble 15% des voix du syndicat, le syndic, le maire de la commune de situation de l'immeuble, le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat, le représentant de l'État dans le département, le procureur de la République ou le mandataire ad hoc, lorsque la demande de désignation a été précédée d’une  procédure prévue aux articles 29-1 A N° Lexbase : Z97770WI et 29-1 B N° Lexbase : L5479IGZ.

L’administrateur va devenir l’homme-orchestre de la copropriété. En effet, outre les pouvoirs du syndic automatiquement dévolus, le président du tribunal judiciaire peut lui confier tout ou partie de ceux de l'assemblée générale (l’administrateur provisoire ne peut cependant modifier ou établir le règlement de copropriété dans la mesure où il concerne la jouissance, l'usage et l'administration des parties communes) et tout ou partie de ceux du conseil syndical.

Il était donc important en l’espèce de déterminer si l'assemblée générale avait conservé ses pouvoirs, auquel cas c’était à elle qu’il revenait d’approuver les comptes, ou si au contraire l’administrateur provisoire s’était vu confier les pouvoirs de l'assemblée générale auquel cas il n’y avait plus besoin de cette approbation des comptes. Certes, dans ce dernier cas, l’administrateur provisoire doit recueillir l’avis du conseil syndical avant de prendre les décisions qui lui paraissent nécessaires à l'accomplissement de sa mission, sauf urgence (décret n° 67-223, du 17 mars 1967, art. 62-7 N° Lexbase : L5585IGX), en cas de cession d’actifs cessibles, notamment des locaux ou des parcelles de terrain non bâti, de nature à apurer les dettes du syndicat (loi du 10 juillet 1965, art. 29-6 N° Lexbase : L5481IG4), en cas de constitution de syndicats secondaires ou de scission de la copropriété (loi du 10 juillet 1965, art. 29-8 N° Lexbase : L3647I4T).

Cette question d’étendue des pouvoirs de l’administrateur provisoire était d’autant plus importante que les décisions de ce dernier, lorsqu’il exerce les pouvoirs normalement dévolus à l'assemblée générale, ils ne sont pas susceptibles de recours (Cass. civ. 3, 17 novembre 1999, n° 98-12.946 N° Lexbase : A0721CWM ; Cass. civ. 3, 13 avril 2022, n° 21-15.923, FS-B N° Lexbase : A41227TT ; Cass. civ. 3, 25 janvier 2024, n° 22-21.724, F-D N° Lexbase : A47812HK).

S’il n’existe pas de recours direct contre la décision prise par l’administrateur provisoire, les copropriétaires peuvent toutefois, en vertu de l'article 29-1, I, de la loi du 10 juillet 1965, en référer au président du tribunal judiciaire (Cass. civ. 3, 22 avril 2022, n° 21-15.923, FS-B N° Lexbase : A41227TT ; Cass. civ. 3, 25 janvier 2024, n° 22-21.724 N° Lexbase : A47812HK). Un seul copropriétaire devrait pouvoir saisir le président du tribunal, sans qu’il y ait besoin qu’il détienne 15 % des voix du syndicat comme l’exige l'article 29-1, I, pour la désignation de l’administrateur.

Les copropriétaires pourraient aussi engager la responsabilité de l’administrateur provisoire si la ou les décisions prises par celui-ci leur créaient un préjudice. Mais cette procédure est beaucoup plus aléatoire et difficile à mener que celle consistant à demander au président du tribunal judiciaire de mettre fin à la mission de l’administrateur, au besoin en en désignant un autre.

Il est donc important pour le syndicat des copropriétaires qui demande la condamnation d’un copropriétaire au paiement de charges d’indiquer l’étendue des pouvoirs confiés à l’administrateur provisoire, afin que le juge puisse vérifier si l'assemblée générale a gardé ou non compétence pour approuver les comptes.

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