Le Quotidien du 13 novembre 2024 : Propriété intellectuelle

[Brèves] Protection des œuvres d’art sur le territoire de l’UE, indépendamment du pays d’origine des œuvres ou de la nationalité de l’auteur

Réf. : CJUE, 24 octobre 2024, aff. C-227/23 N° Lexbase : A80306BZ

Lecture: 5 min

N0841B3K

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Protection des œuvres d’art sur le territoire de l’UE, indépendamment du pays d’origine des œuvres ou de la nationalité de l’auteur. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/112518397-breves-protection-des-uvres-dart-sur-le-territoire-de-lue-independamment-du-pays-dorigine-des-uvres-
Copier

par Vincent Téchené

le 08 Novembre 2024

► Les États membres ne peuvent pas appliquer, en droit national, le critère de réciprocité matérielle prévu par la Convention de Berne à l’égard d’une œuvre des arts appliqués dont le pays d’origine est un pays tiers et dont l’auteur est un ressortissant d’un pays tiers ; il n’existe pas de dérogation à cette règle à l’égard d’une œuvre dont le pays d’origine est les États-Unis d’Amérique.

Vitra, une société suisse fabriquant des meubles design, est titulaire de droits de propriété intellectuelle sur des chaises conçues par les époux, entretemps décédés, Charles et Ray Eames, ressortissants des États-Unis d’Amérique. Parmi ces meubles figure, notamment, la Dining Sidechair Wood, réalisée dans le cadre d’un concours de conception de meubles lancé par le Museum of Modern Art de New York (États-Unis) et exposée dans ce musée à partir de l’année 1950.

La société Kwantum, qui exploite, aux Pays-Bas et en Belgique, une chaîne de magasins de mobilier d’intérieur, a commercialisé une chaise, dénommée « chaise Paris », en prétendue méconnaissance des droits d’auteur de Vitra sur la Dining Sidechair Wood. Cette dernière a saisi les juridictions néerlandaises afin, notamment, de faire cesser cette commercialisation.

Dans ce contexte, la Cour suprême des Pays-Bas a décidé de poser des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne relatives à la protection, au titre de la Directive (CE) n° 2001/29 (Directive (CE) n° 2001/29, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information N° Lexbase : L8089AU7), de l’article 17, paragraphe 2, et de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), dont peut jouir, au sein de l’Union, une œuvre des arts appliqués qui provient d’un pays tiers et dont l’auteur n’est pas un ressortissant d’un État membre.

En droit international, la Convention de Berne prévoit que les auteurs ressortissants des pays signataires jouissent, dans les autres pays signataires, en principe, des mêmes droits que les auteurs nationaux. Une exception à ce principe concerne toutefois la protection des œuvres des arts appliqués. À cet égard, les parties contractantes ont établi une clause de réciprocité matérielle selon laquelle les œuvres des arts appliqués originaires des pays dans lesquels de telles œuvres sont protégées uniquement en tant que dessins ou modèles ne peuvent prétendre, dans les autres pays signataires, au cumul de cette protection avec la protection par le droit d’auteur.

À cet égard, la question soumise par la Cour suprême des Pays-Bas à la Cour de justice est celle de savoir si les États membres sont encore libres d’appliquer la clause de réciprocité matérielle contenue dans la convention de Berne aux œuvres des arts appliqués originaires des pays tiers qui protège ces œuvres seulement en vertu d’un régime spécial, alors même que le législateur de l’Union n’a pas prévu une telle limitation.

Décision. Dans son arrêt, la Cour de justice répond par la négative : dans le champ d’application de la Directive (CE) n° 2001/29, les États membres ne sont plus compétents pour mettre en œuvre les stipulations pertinentes de la Convention de Berne.

Tout d’abord, la Cour clarifie à cet égard qu’une situation dans laquelle une société revendique une protection par le droit d’auteur d’un objet des arts appliqués commercialisé dans un État membre, pour autant qu’un tel objet peut être qualifié d’« œuvre », au sens de la Directive (CE) n° 2001/29, relève du champ d’application matériel du droit de l’Union.

Ensuite, la Cour constate que le législateur de l’Union, en adoptant cette Directive, a nécessairement pris en compte l’ensemble des œuvres dont la protection est demandée sur le territoire de l’Union, ladite Directive ne comportant d’ailleurs pas de critère relatif au pays d’origine de ces œuvres ou à la nationalité de leur auteur. La Cour ajoute que l’application de la clause de réciprocité matérielle contenue dans la Convention de Berne remettrait en cause l’objectif de la Directive (CE) n° 2001/29, consistant en l’harmonisation du droit d’auteur dans le marché intérieur, puisque, en application de cette clause, des œuvres des arts appliqués originaires de pays tiers pourraient être traitées de manière différente dans différents États membres.

Enfin, la Cour souligne que, les droits de propriété intellectuelle en cause étant protégés par l’article 17, paragraphe 2, de la Charte, toute limitation à ces droits doit, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, être prévue par la loi. Or, c’est au seul législateur de l’Union qu’il appartient de déterminer s’il y a lieu de limiter l’octroi, dans l’Union, des droits prévus par la Directive (CE) n° 2001/29.

Dans ces conditions, un État membre ne saurait se prévaloir de la Convention de Berne pour s’exonérer des obligations découlant de cette Directive. Un État membre ne peut dès lors pas, par dérogation aux dispositions du droit de l’Union, appliquer la clause de réciprocité matérielle contenue dans la Convention de Berne à l’égard d’une œuvre dont le pays d’origine est les États-Unis d’Amérique.

Ainsi, en d’autres termes, pour la Cour de justice, les États membres sont tenus de protéger les œuvres d’art sur le territoire de l’Union indépendamment du pays d’origine de ces œuvres ou de la nationalité de leur auteur.

 

newsid:490841

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus