Le Quotidien du 21 octobre 2024 : Pénal

[Brèves] La réhabilitation de l’honneur d’une personne condamnée à mort et exécutée n’est pas de plein droit

Réf. : Cass. crim., 15 octobre 2024, n° 23-81.968, FP-B N° Lexbase : A838059A

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par Pauline Le Guen

le 21 Octobre 2024

► L’article 2 de la loi du 9 octobre 1981, portant abolition de la peine de mort, permet aux ayants droit de déposer une requête tendant au rétablissement de l’honneur de la personne condamnée et exécutée ; toutefois, cette réhabilitation n’est pas de plein droit et doivent ainsi être démontrés des gages d’amendement du condamné, appréciés par la juridiction saisie. 

Rappel des faits et de la procédure. En 1954, un homme commet un vol à main armée, à l’occasion duquel il frappe la victime avant de s’enfuir et de se réfugier dans un immeuble, où un gardien de la paix pénètre à son tour. L’homme tire sur l’agent, l’atteignant mortellement. Dans sa fuite, il tire sur d’autres passants, avant d’être maîtrisé et désarmé. À l’issue de l’information ouverte sur ces faits, il est déclaré coupable de meurtre sur agent de la force publique dans l’exercice de ses fonctions, tentatives de meurtres et vol qualifié. Il est condamné à la peine de mort et est exécuté, après que son pourvoi et son recours en grâce ont été rejetés. En 2018, son fils a déposé auprès de la Chambre criminelle une requête en réhabilitation, tendant au rétablissement de l’honneur de son père. 

Contexte. La requête a été présentée sur le fondement de la loi n° 81-908, du 9 octobre 1981 N° Lexbase : L7253IED, dont le premier article abolit la peine de mort et l’article 2, modifié par la loi n° 2020-1672, du 24 décembre 2020 N° Lexbase : L2698LZX (à la suite d’une QPC posée par le requérant lui-même), permet aux ayants droit d’une personne exécutée de saisir la Chambre criminelle d’une demande tendant au rétablissement de l’honneur de cette personne, à raison de gages d’amendement qu’elle aurait pu fournir. 

Gages d’amendement. Les gages d’amendement ne sont pas définis par la loi et doivent être appréciés par la Chambre criminelle, au regard de la nature et de la gravité des faits, de l’évolution de la personnalité du condamné, son comportement et les diverses pièces produites. 

Appréciation des gages d’amendement par la Chambre criminelle. En l’espèce, le requérant faisait valoir la conduite irréprochable de son père en détention, l’expression de ses sincères regrets ainsi que son cheminement social et religieux. Par ailleurs, la requête relevait que l’exécution du condamné ne lui avait pas permis de parachever son œuvre d’amendement en se réinsérant dans la société. 

La Chambre criminelle relève quant à elle que certains passages des écrits du condamné semblaient indiquer qu’il ne se sentait pas responsable de ses actes. Par ailleurs, elle souligne que la requête ne mentionne pas l’indemnisation des victimes et qu’aucune preuve de ces versements permettant d’établir la réalité de l’indemnisation ne pouvait être apportée. Concernant la démarche religieuse du condamné, la Cour souligne qu’elle ne saurait s’analyser en elle-même comme un gage d’amendement, tout comme la large diffusion de ses écrits, intervenue après son décès et donc indépendamment de sa volonté. Enfin, les circonstances dans lesquelles la peine a été prononcée et exécutée sont étrangères à l’appréciation des gages requis. 

Pour ces considérations, la Haute juridiction rejette la requête. En effet, ces éléments ne sont pas de nature à constituer des gages d’amendement suffisants au regard des faits, la réhabilitation de l’honneur d’une personne condamnée et exécutée n’étant pas une conséquence de plein droit de l’abolition de la peine de mort. 

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