Le Quotidien du 21 octobre 2024 : Procédure prud'homale

[Brèves] Précisions sur l’interruption de la prescription d’une procédure accélérée au fond du CSE

Réf. : Cass. soc., 9 octobre 2024, n° 23-11.339, F-B N° Lexbase : A290959M

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par Laurence Fin-Langer, Professeur agrégé, Université Caen Normandie, ICREJ

le 16 Octobre 2024

Il suffit que l’assignation soit délivrée à l’employeur avant l’expiration du délai donné au CSE pour rendre son avis pour que la procédure accélérée au fond du CSE devant le président du Tribunal judiciaire, visant à obtenir des informations supplémentaires, soit recevable.

Rappels. Le décret du 20 décembre 2019 a remplacé les anciennes procédures, dites « de référé en la forme », par une procédure commune appelée « procédure accélérée au fond », en insérant un nouvel article 481-1 dans le Code de procédure civile N° Lexbase : L2319LUG, qui en prévoit le régime. Elle permet d’obtenir une solution au fond et non provisoire, tout en suivant des règles de procédure plus rapides, en raison de l’urgence de la situation. Le droit du travail en prévoit un certain nombre des cas. Certains relèvent de la compétence du conseil des prud’hommes, devant, en principe, sa formation des référés (C. trav., art. R. 1455-12 N° Lexbase : L2343LUC, renvoyant aux art. R. 1455-1 N° Lexbase : L0833IA4 et s.), comme pour les refus opposés par l’employeur de prendre certains congés (par ex., congé pour évènement familial : Cass. soc., 23 janvier 2019, n° 17-28.330, FS-P+B N° Lexbase : A3108YUN) ou devant la formation de jugement pour le droit d’alerte des membres du CSE, en cas d’atteinte aux droits des personnes (C. trav., art. L. 2312-19 [LXB= 8268LGC]). D’autres, en matière de conflits collectifs, relèvent du président du tribunal judiciaire.

Faits. Il en est ainsi, par exemple, pour les demandes d’informations supplémentaires en vue de permettre une consultation éclairée des membres du CSE (C. trav., art. L. 2312-15 N° Lexbase : L1768LRW), comme l’illustre l’arrêt publié rendu par la Cour de cassation le 9 octobre 2024. Cette action n’est possible que pendant le délai laissé au CSE pour rendre son avis (Cass. soc., 26 février 2020, n° 18-22.759, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A39973G7). Il est fixé par accord collectif et, à défaut, par décret (Cass. soc., 29 juin 2022, n° 21-11.077, FS-B N° Lexbase : A858278D), en fonction d’un éventuel recours à un expert. En l’espèce, le délai avait commencé à courir le 8 juillet 2021, date de la convocation du CSE pour être consulté sur un projet d’optimisation des frais généraux. Faute d’accord, l’avis devait être rendu dans un délai de 2 mois à compter de la communication de l’ensemble des informations par l’employeur. Le recours pour obtenir des documents et informations supplémentaires ne prolonge pas ce délai qui est donc préfixe, sauf si le juge en décide autrement, en raison de difficultés particulières d’accès (C. trav., art. L. 2312-15 N° Lexbase : L1768LRW). La question soulevée dans l’arrêt du 9 octobre 2024 était de savoir quel événement il fallait prendre en compte pour savoir si la demande était, ou non, tardive et donc recevable. En l’espèce, l’assignation a été délivrée à l’employeur le 6 septembre 2021, mais sa copie n’a été remise au greffe pour enrôlement ou placement, que le 9 septembre 2021. Fallait-il retenir la délivrance de l’assignation ou la remise de la copie au greffe ?

Procédure. Pour la cour d’appel, la demande, formulée après l’expiration du délai de 2 mois, était irrecevable car, selon l’article 481-1 du Code de procédure civile, « 1°) La demande est portée par voie d'assignation à une audience tenue aux jour et heure prévus à cet effet ; 2° Le juge est saisi par la remise d'une copie de l'assignation au greffe avant la date fixée pour l'audience, sous peine de caducité de l'assignation constatée d'office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d'une partie ». Elle retient donc la remise de la copie de l’assignation au greffe, seul moyen de saisir effectivement le juge. Certains demandeurs font en effet délivrer une assignation au défendeur sans en remettre une copie au greffe, en espérant que cela suffise pour obtenir satisfaction sans aller jusqu’à une saisine effective du juge.

Solution. La Cour de cassation casse l’arrêt pour violation des articles L. 2312-15, L. 2312-16, R. 2312-5 et R. 2312-6 du Code du travail et 481-1 du Code de procédure civile : « Il résulte des articles L. 2312-15 du Code du travail et 481-1 du Code de procédure civile que la demande en justice devant le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, étant formée par assignation, la date de saisine du juge s'entend de celle de l'assignation ». Elle retient donc l’assignation, comme sous l’empire des anciens textes et du référé en la forme (Cass. soc., 6 juin 2018, n° 17-17.594, FS-P+B N° Lexbase : A7412XQL). Il s’agit, en effet, d’une des formes possibles de la demande introductive d’instance (CPC, art. 53 N° Lexbase : L1227H49 et 54 N° Lexbase : L8645LYT). La Cour de cassation aurait pu également citer, dans son visa, l’article 2241 du Code civil N° Lexbase : L7181IA9 qui prévoit que c’est la demande en justice qui interrompt les délais de prescription ou de forclusion (v., avant la loi du 25 juin 2008 : Cass. com., 10 octobre 1995, n° 93-21.400 N° Lexbase : A1321ABK, Bull. civ. IV, n° 229). Cette solution peut être contestée, car l’assignation est un moyen de faire connaître, par voie de commissaire de justice au défendeur, l’intention du demandeur de saisir le juge, mais ce dernier ne l’est effectivement que par le biais de la remise d’une copie au greffe. D’ailleurs, à défaut, l’interruption des délais est non avenue, en raison de la caducité de l’acte introductif d’instance, comme le rappelle le 2° de l’article 481-1. Mais, la solution rendue permet de gagner un peu de temps, d’autant qu’il s’agit d’un délai préfix relativement court, parfois réduit à un mois. Pour les procédures accélérées au fond devant le conseil des prud’hommes, les 1 et 2 de l’article 481-1 ne sont pas visés par l’article R. 1455-12 du Code du travail, car le mode de saisine, à savoir la requête, est différent. La requête permet de saisir le conseil, le défendeur étant ensuite convoqué par le greffe (C. trav., art. R. 1452-1 N° Lexbase : L9181LT9 et s.). L’ordre est ainsi inversé.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les attributions du comité social et économique dans les entreprises d'au moins 50 salariés, Les modalités d'exercice par le comité social et économique de ses attributions générales, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E1958GAR.

 

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