Le Quotidien du 17 juillet 2024 : Copropriété

[Brèves] Le juge, le syndicat secondaire des copropriétaires, et l’opposition au paiement du prix de vente d’un lot de copropriété

Réf. : Cass. civ. 3, 11 juillet 2024, n° 23-11.700, FS-B N° Lexbase : A44165PA

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N0003B3I

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par Martine Dagneaux, Conseiller honoraire à la Cour de cassation

le 17 Juillet 2024

Les juges du fond peuvent interpréter les dispositions du règlement de copropriété pour déterminer si cet acte a prévu la constitution d’un syndicat secondaire des copropriétaires, doté de la personnalité juridique ;

L’opposition au paiement du prix de vente d’un lot situé dans un immeuble soumis au statut de la copropriété ne constituant ni une demande en justice ni un jugement, le paiement effectué sans réserve par le notaire chargé de la vente du montant réclamé dans cette opposition, ne vaut pas acquiescement aux causes du jugement condamnant le vendeur au paiement de charges de copropriété.

L'arrêt rapporté rappelle les conditions dans lesquelles un syndicat secondaire des copropriétaires peut être créé et précise que le paiement des charges effectué par le notaire lors de la vente d’un lot de copropriété en conséquence de l’opposition faite par le syndicat des copropriétaires, ne peut caractériser un acquiescement à la condamnation au paiement prononcée par un jugement exécutoire par provision, frappé d’appel.

En l’espèce, une société civile immobilière (SCI), propriétaire de plusieurs lots dans le bâtiment I d’un ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété, assignée en paiement de charges par le syndicat des copropriétaires, contestait l’existence d’un syndicat secondaire des copropriétaires pour le bâtiment I qui lui réclamait paiement de charges. Cette SCI a mis en vente deux des lots dont elle était propriétaire et le syndicat des copropriétaires a formé opposition sur le prix de vente pour obtenir paiement des charges contestées par ce copropriétaire. Le notaire a payé le syndicat des copropriétaires sur les fonds provenant de la vente.

Dans son pourvoi, la SCI reprochait à la cour d'appel (CA Rouen, 25 mai 2022, n° 19/04699 N° Lexbase : A33787YR) d’avoir reconnu l’existence d’un syndicat secondaire des copropriétaires et d’avoir considéré qu’elle avait acquiescé aux causes de la condamnation prononcée en première instance, de sorte que le paiement effectué sans réserve par le notaire avait mis fin au litige.

  • La question de la constitution d’un syndicat secondaire des copropriétaires

L’article 27 de la loi n° 65-557, du 10 juillet 1965 N° Lexbase : L4829AHC fait partie des dispositions que l’article 43 N° Lexbase : L4850AH4 répute d’ordre public. Il prévoit la possibilité de créer un syndicat secondaire des copropriétaires lorsque l'immeuble comporte plusieurs bâtiments, ce syndicat ayant pour objet d'assurer la gestion, l'entretien et l'amélioration interne du bâtiment ainsi isolé. Ce syndicat est doté de la personnalité morale.

Ce syndicat peut être prévu dès l’origine dans le règlement de copropriété à la condition expresse qu’il existe plusieurs bâtiments (Cass. civ. 3, 18 février 2004, n° 02-20.531, FS-D N° Lexbase : A3275DBW ; Cass. civ. 3, 20 novembre 2007, n° 07-12.000, F-D N° Lexbase : A7212DZ7 ; Cass. civ. 3, 20 mai 2009, n° 07-22.051, FS-P+B N° Lexbase : A1861EHE ; Cass. civ. 3, 2 décembre 2009, n° 08-19.870, FS-D N° Lexbase : A3437EPY ; Cass. civ. 3, 17 juin 2014, n° 13-15.069, F-D N° Lexbase : A5839MRP ; Cass. civ. 3, 19 novembre 2015, n° 14-21.862, F-D N° Lexbase : A5445NXX ; Cass. civ. 3, 26 mai 2016, n° 15-14.475 et 15-17.190, FS-P+B N° Lexbase : A0130RRA ; Cass. civ. 3, 12 juillet 2018, n° 17-26.133, FS-P+B+I N° Lexbase : A7973XXL).

Il faut par ailleurs que les lots destinés à constituer un syndicat secondaire des copropriétaires appartiennent à des propriétaires distincts (Cass. civ. 3, 28 janvier 2016, n° 14-29.582, FS-D N° Lexbase : A3313N7T).

Et la circonstance que le règlement de copropriété prévoit des parties communes spéciales et que soient appelées des charges spéciales sur lesquelles seuls les copropriétaires concernés sont appelés à délibérer, ne suffit pas à caractériser la création d'un syndicat secondaire des copropriétaires (Cass. civ. 3, 14 mars 2019, n° 18-10.217, FS-D N° Lexbase : A0266Y4M et 18-10.214, FS-P+B+I N° Lexbase : A0258Y4C).

À défaut de constitution du syndicat secondaire dans le règlement de copropriété, il faut réunir une assemblée générale spéciale qui est convoquée dans les mêmes conditions que l’assemblée générale ordinaire (v. décret du 17 mars 1967, art. 20). Seuls les copropriétaires concernés décident de la constitution d’un syndicat secondaire des copropriétaires (Cass. civ. 3, 30 novembre 2023, n° 22-21.579, FS-B N° Lexbase : A022717K) et la condition de l’existence de plusieurs bâtiments est également exigée.

En l’espèce, la cour d’appel a analysé les dispositions du règlement de copropriété établi antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 65-557, du 10 juillet 1965 et de son modificatif établi, en 1973, lors de la construction d’un troisième bâtiment. Ces dispositions prévoyaient un fonctionnement autonome pour le bâtiment I. Elle a par ailleurs relevé que le syndicat des copropriétaires a effectivement fonctionné et a notamment procédé à une modification de l'état descriptif de division du bâtiment I. De ces éléments, elle a déduit que le règlement de copropriété avait créé un syndicat secondaire des copropriétaires.

La Cour de cassation rejette le pourvoi en exerçant un contrôle léger, puisque les juridictions du fond interprètent souverainement les contrats (dont fait partie le règlement de copropriété), ce pouvoir d’interprétation trouvant cependant une limite dans la dénaturation, reprochée à la cour d'appel par la SCI mais que la Cour de cassation exclut en l’espèce.

  • Le paiement du prix de vente d’un lot par le notaire en vertu de l’opposition formée par le syndicat des copropriétaires et l’absence de contestation par le vendeur

La loi n° 65-557, du 10 juillet 1965, et le décret n° 67-223, du 17 mars 1967, prévoient que le notaire chargé de la vente d’un bien situé dans un immeuble soumis au statut de la copropriété doit accomplir un certain nombres de formalités auprès du syndic lors de la vente (v. à cet égard : décret n° 67-223, du 17 mars 1967, art. 5 N° Lexbase : L5556IGU et 6 N° Lexbase : L5570IGE ; et loi n° 65-557, du 10 juillet 1965, art. 20 N° Lexbase : Z98754WI).

L’article 20 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit en son I que le notaire doit adresser au syndic un avis de mutation lorsque le vendeur n’a pas présenté de certificat de ce dernier attestant de ce qu’il est libre de toute obligation à l’égard du syndicat des copropriétaires.

L’envoi de l’avis de mutation prévu à cet article est une formalité substantielle (Cass. civ. 3, 13 décembre 1995, n° 94-13.761, inédit au bulletin N° Lexbase : A8551CSI). Il doit se faire par lettre recommandée avec accusé de réception afin de fixer le point de départ du délai de quinze jours dont le syndic dispose pour former opposition au versement des fonds au vendeur pour obtenir le paiement des charges dont celui-ci reste débiteur. Si l’avis n’est pas donné, le délai ne court pas, mais le syndic qui aurait cependant connaissance de la mutation peut former opposition.

L’opposition du syndic doit nécessairement être faite par acte d’huissier de justice.

L’article 5-1 du décret du 17 mars 1967 N° Lexbase : L5554IGS précise les conditions à remplir pour que l'opposition soit valable : il faut que le syndicat ait une créance, que celle-ci soit liquide et exigible. L'opposition doit par ailleurs indiquer d'une manière précise le montant et les causes de la créance du syndicat.

L'article 20 précité prévoit que le notaire libère les fonds dès l’accord entre le syndic et le vendeur sur les sommes restant dues. À défaut d’accord, le notaire ne peut verser les sommes retenues qu’à l’expiration d’un délai de trois mois, sauf à l’une des parties (en général le vendeur qui veut obtenir paiement du prix de vente) à saisir le tribunal en contestation de l’opposition.

En l’espèce, le jugement étant exécutoire par provision, le notaire a payé au syndicat des copropriétaires les causes du jugement et même une somme supérieure au montant de la condamnation prononcée en première instance. La SCI n’a pas alors contesté ce paiement mais dans le cadre de son pourvoi, elle a reproché à la cour d'appel d’avoir considéré que par ce paiement, elle avait acquiescé au jugement.

Les articles 408 N° Lexbase : L6509H79 et 409 N° Lexbase : L6510H7A du Code de procédure civile prévoient deux types d’acquiescement : l’acquiescement à la demande qui emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l’adversaire et l’acquiescement au jugement qui emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours.

Si la seule exécution d’une décision exécutoire ne vaut pas acquiescement (v. pour un exemple récent : Cass. civ. 2, 23 mars 2023, n° 21-20.289, F-B N° Lexbase : A39519KK) et qu’il faut caractériser des faits ou actes démontrant la volonté d’acquiescer, en l’espèce, la Cour de cassation s’est placée sur un autre terrain. Elle a considéré, à juste titre, que ce paiement effectué par le notaire ne peut constituer un acquiescement tel que défini par les articles 408 et 409 du Code de procédure civile, car l’opposition effectuée par le syndic n’est pas une demande ou un jugement. 

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