Le Quotidien du 4 juillet 2024 : Responsabilité

[Brèves] Responsabilité des parents séparés du fait de leurs enfants mineurs : revirement de jurisprudence

Réf. : Ass. plén., 28 juin 2024, n° 22-84.760 N° Lexbase : A55625LL

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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 03 Juillet 2024

► Dorénavant, lorsque des parents séparés exercent conjointement l’autorité parentale, ils sont tous deux responsables des dommages causés par leur enfant mineur, même si celui-ci ne réside que chez l’un de ses parents ; il n'en va autrement que si le mineur a été confié à un tiers par une décision administrative ou judiciaire.

Faits et procédure. L’affaire concernait un mineur qui avait déclenché l’incendie de plusieurs espaces boisés. Le tribunal a condamné le mineur pour « destruction de bois par incendie pouvant causer un dommage aux personnes ou un dommage irréversible à l'environnement ». Il avait déclaré ses deux parents civilement responsables des dommages causés par les incendies.

Le père a fait appel, faisant valoir que sa responsabilité ne pouvait être engagée dès lors que la résidence habituelle de son enfant n’avait pas été fixée chez lui.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence lui a donné raison, jugeant que seule la mère pouvait être déclarée civilement responsable.

La mère, le mineur et des parties civiles ont formé des pourvois en cassation. Par une décision rendue en assemblée plénière, la Cour de cassation décide de faire évoluer sa jurisprudence.

Rappel des textes et de la jurisprudence. Pour mémoire, la responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur est prévue à l’article 1242, alinéa 4, du Code civil N° Lexbase : L0948KZ7, qui dispose que le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.

Ce texte n'envisageant que la situation de l'enfant habitant avec ses deux parents, la jurisprudence a dû interpréter la notion de cohabitation lorsque les parents ne vivent pas ensemble.

En cas de séparation des parents, la Cour de cassation considérait alors que la condition de « cohabitation » prévue par le Code civil pour engager la responsabilité n’était remplie qu’à l’égard du parent chez lequel la justice avait fixé la résidence habituelle de l’enfant (Cass. civ. 2, 20 janvier 2000, n° 98-14.479, publié au bulletin N° Lexbase : A5477AWR). Dès lors, seul ce parent pouvait être condamné à réparer les dommages causés par son enfant mineur, quand bien même l'autre parent, bénéficiaire d'un droit de visite et d'hébergement, exerce conjointement l'autorité parentale (Cass. crim., 6 novembre 2012, n° 11-86.857, F-P+B N° Lexbase : A6767IWK), et que le fait dommageable de l'enfant a eu lieu pendant cet exercice.

Revirement de jurisprudence. Désormais, la Cour de cassation considère la notion de cohabitation comme la conséquence de l'exercice conjoint de l'autorité parentale, laquelle emporte pour chacun des parents un ensemble de droits et de devoirs.

Lorsque les parents exercent conjointement l’autorité parentale, la condition de cohabitation est donc considérée comme remplie même lorsqu’ils sont séparés et que l’enfant ne réside plus que chez l’un d’entre eux.

Dans ce cas, les deux parents demeurent responsables des dommages causés par l’enfant mineur.

La Cour de cassation juge que cette cohabitation ne cesse que si une décision administrative ou judiciaire confie l’enfant à un tiers. Dans ce cas, l’enfant réside chez cette tierce personne et la responsabilité des parents de l’enfant mineur ne pourra pas être engagée, même si ces derniers continuent d’exercer leur autorité parentale.

Pour aller plus loin : cette décision fera l’objet d’un commentaire approfondi par le Professeur Adeline Gouttenoire, à paraître prochainement dans la revue Lexbase Droit privé.

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