Le Quotidien du 12 juin 2024 : Avocats/Publicité

[Focus] Un cabinet d'avocat peut-il sponsoriser les maillots d'une équipe de foot ?

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par Cathie-Sophie Pinat, Maître de conférences à la faculté de droit Julie-Victoire Daubié, Université Lyon 2. Membre de l’axe Justice(s), Transversales (UR 4573).

le 02 Août 2024

Mots-clés : avocat • communication •  publicité • sponsoring • parrainage •  mécénat • associations sportives • réduction fiscale

L’avocat peut recourir à la publicité pour la promotion de son activité. Cette publicité peut se faire sur tout support, y compris dans le cadre d’opérations de sponsoring, également appelées opérations de parrainage ou de mécénat. La publicité par parrainage doit être distinguée de la communication par mécénat au regard des objectifs poursuivis par le professionnel.


 

Libéralisation de la communication de l’avocat. Sous l’influence de l’Union européenne[1], la profession d’avocat s’est progressivement ouverte à la logique marchande et s’est vue autorisée le recours à la publicité dans le respect des principes déontologiques. D’abord interdite, ensuite cantonnée à une simple communication, la publicité a été totalement autorisée en 2014 à la faveur d’une loi permettant expressément à l’avocat de procéder par « sollicitation personnalisée »[2]. En application de l’article 10 du Règlement intérieur national N° Lexbase : L4063IP8 [3], la publicité, qui consiste pour l’avocat à faire la promotion de ses services, peut consister en une simplement information diffusée à un public indéterminé ou prendre la forme d’une sollicitation personnalisée, supposant une démarche active du professionnel qui contacte personnellement un client potentiel[4]. Le Conseil d’État a par ailleurs précisé que la publicité pouvait se faire sur tout support[5]. L’avocat peut promouvoir ses prestations à la télévision, sur internet, à la radio, sur des tracts etc.

Autorisation du soutien à des associations sportives ou culturelles. Dans cette dynamique libérale, l’avocat est parfaitement autorisé à participer à une opération de mécénat ou de sponsoring. Le conseil national des barreaux précise en ce sens que rien ne s’oppose à ce que les cabinets d’avocats soutiennent une association sportive ou culturelle. Il a ainsi été décidé que « l’affichage par un cabinet d’avocats d’un panneau publicitaire dans l’enceinte d’un club ainsi que l’apposition d’un logo sur des tenues de sport ne sont pas interdits »[6]. Ainsi, pour répondre précisément à la question posée dans ce focus, il est possible d’apposer le logo d’un cabinet d’avocat sur des tenues d’une équipe de football. Reste toutefois à déterminer précisément les objectifs poursuivis par le professionnel. 

Distinction entre mécénat et sponsoring. Cette forme de communication, qui peut être très gratifiante pour le professionnel, peut prendre deux formes aux répercussions sensiblement différentes : le mécénat ou le sponsoring. L’avocat doit en conséquence clairement établir sa stratégie dans le cadre de cette action de valorisation.

Publicité sous forme de sponsoring ou de parrainage. La démarche peut être authentiquement commerciale en ce sens que l’apposition du logo sur le maillot est motivée par les retombées financières importantes attendues par le cabinet. En ce cas, les dépenses publicitaires engagées, assimilées à du parrainage ou du sponsoring, sont traitées, d’un point fiscal, comme des dépenses déductibles. Cette hypothèse se rencontre lorsque le club de sport, réuni sous forme sociétaire ou associative, évolue à un niveau élevé lui offrant une visibilité importante, notamment si les rencontres disputées sont filmées et diffusées sur internet ou à la télévision. Concrètement, l’avocat engage ici des dépenses afin d’avoir l’opportunité de faire figurer son logo sur les maillots de l’équipe renommée et dans l’espoir d’attirer une clientèle intéressée par ses services.

Communication sous forme de mécénat. La démarche peut autrement être désintéressée, guidée par la volonté du professionnel d’apporter son concours financier à une cause qui lui est chère, soutien qui lui permettra au demeurant de valoriser son image auprès des licenciés et du réseau de l’association. Cette hypothèse se rencontre lorsque le professionnel a des liens personnels avec une structure associative ou lorsqu’il est sensible à un évènement qu’elle organise comme une rencontre caritative ou rencontre valorisant le sport adapté (joueurs en situation de handicap). Concrètement, l’avocat fait un don à l’association sans calcul des retombées éventuelles liées à sa générosité. Le soutien apporté par le professionnel sera fiscalement considéré comme du mécénat s’il est destiné à un organisme d’intérêt général à but non lucratif comme le sont la plupart des associations sportives dans le cadre d’une œuvre d’intérêt général[7]. Cette stratégie est doublement intéressante car tout en flattant l’image du cabinet mécène, elle ouvre droit à une réduction d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés, plafonnée en fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise. En pratique, le professionnel peut par exemple financer le coût de confection des tenues de l’équipe contre l’apposition de son logo et pourra bénéficier d’une réduction de son impôt équivalente à 60 % du montant du versement effectué[8]. Le bénéficiaire du don pourra par ailleurs offrir des contreparties au donateur à condition que leurs valeurs n’excèdent un quart du montant initialement accordé par le mécène. Par exemple, si un cabinet d’avocat effectue un don de 4 000 euros pour équiper entièrement une équipe de maillots avec son logo, le mécène pourra en sus bénéficier d’une réduction d’impôt de 2 400 euros et être gratifiée par l’association de contreparties n’excédant 1 000 euros (abonnement à l’année pour assister aux rencontres, places offertes pour les clients du cabinet etc.).

En définitive, l’avocat peut faire figurer son logo sur les maillots d’une équipe sportive soit dans le cadre d’une opération commerciale de parrainage soit dans le cadre d’une opération de mécénat. La deuxième option est particulièrement intéressante d’un point de vue fiscal mais aussi au regard des retombées possibles en termes de développement de réseau, de fidélisation de la clientèle et de réputation.


[1] V. Directive n° 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur N° Lexbase : L8989HT4 : « les états membres doivent supprimer toutes les interdictions totales visant les communications commerciales des professions réglementées » ; la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que la réglementation française de la profession d’expert-comptable ne devait pas interdire totalement aux membres de la profession d’effectuer des actes de démarchage (CJUE, 5 avril 2011, aff. C-119/09, Société fiduciaire nationale d'expertise comptable c/ Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique N° Lexbase : A4134HM3).

[2] Loi n° 2014- 344, 17 mars 2014, relative à la consommation, art. 13 N° Lexbase : L7504IZX.

[3] Ci-après RIN.

[4] Dans le cas de la sollicitation personnalisée, elle ne doit pas prendre la forme de messages textuels (SMS) ou visuel (MMS) ou encore de messages préenregistrés diffusés sur le téléphone du client cible. Elle consiste uniquement en un envoi de courrier papier ou électronique.et doit préciser les modalités de calcul du coût de la prestation.

[5] CE 1e et 6e s.-sect. réunies, 9 novembre 2015, n° 386296 N° Lexbase : A3621NWZ et CE, 9 novembre 2015, Req. n° 384728 N° Lexbase : A3616NWT : cette décision juge contraire à la directive service du 12 décembre 2006 les dispositions du décret du 12 juillet 2005 (n° 2005-790, relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat N° Lexbase : L6025IGA) qui interdisait la publicité par voie de tracts, affiches, films, émission radiographiques ou télévisées.

[6] CNB, Comm. RU, avis n° 2011-018, du 25 mai 2011, citée in « Vademecum la Communication des avocats », 3e éd., octobre 2023, Commission des Règles et Usages du Conseil national des barreaux.

[7] V. Instr., 18 décembre 2006, BOI 4 H-5-06, n° 208.

[8] V. CGI, art. 238 bis N° Lexbase : L3844KWB.

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