Réf. : Cass. civ. 3, 30 mai 2024, n° 22-20.711, FP-B N° Lexbase : A97745DD
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J AVOCATS, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 05 Juin 2024
► Clarification : l’article L. 243-1-1, II, du Code des assurances reprend de sa superbe ;
L’assurance obligatoire ne s’applique que si l’ouvrage existant s’incorpore totalement dans l’ouvrage neuf ;
À défaut, les dommages subis par l’existant ne relèvent pas de l’assurance obligatoire des constructeurs.
À quelques jours du revirement de jurisprudence aux termes duquel les éléments d’équipements sur existant ne sont plus éligibles aux garanties légales sauf lorsqu’ils sont constitutifs d’un ouvrage (Cass. civ. 3, 21 mars 2024, n° 22-18.694 FS-B+R N° Lexbase : A24682WC), cette décision est la bienvenue en ce qu’elle en est le prolongement naturel.
Tous se souviennent de l’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 26 octobre 2017 (Cass. civ. 3, 26 octobre 2017, n° 16-18.120, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8797WWQ), relatif au régime de la garantie d’assurance applicable à la responsabilité civile des constructeurs au titre des dommages consécutifs causés aux existants. Cet arrêt, pour protéger le constructeur et le contraindre à s’assurer, avait refusé d’appliquer l’article L. 243-1-1, II, du Code des assurances N° Lexbase : L2007IBX qui exclut l’application des garanties d’assurance obligatoire pour l’indemnisation des dommages aux existants. Cet arrêt s’inscrivait dans le prolongement de l’arrêt sur les responsabilités rendu par cette même chambre, le 15 juin 2017 (Cass. civ. 3, 15 juin 2017, n° 16-19.640, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6831WHH).
La façon est la même. Après une décision sur les responsabilités, suit celle sur le régime d’assurance obligatoire. La démarche est cohérente, à la faveur des assureurs.
En l’espèce, des maîtres d’ouvrage ont confié à un constructeur des travaux de remplacement des tuiles de la couverture de leur maison d’habitation. Les travaux se sont terminés en janvier 2012 et ont été tacitement réceptionnés. Se plaignant d’une déformation du rampant de la toiture, les maîtres d’ouvrage assignent le constructeur et son assureur de responsabilité civile décennale.
La cour d’appel de Caen, dans un arrêt rendu le 14 juin 2022 (CA Caen, 14 juin 2022, n° 19/01103 N° Lexbase : A653877B), condamne l’assureur à garantir les dommages à l’existant. Il forme un pourvoi en cassation qui est accueilli.
Au visa de l’article L. 243-1-1, II, précité, la Haute juridiction rappelle que les articles relatifs à l’assurance obligatoire ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l’ouverture du chantier à l’exception de ceux qui, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf, en deviennent complètement indivisibles.
Il en résulte que l’assurance obligatoire ne garantit les dommages à l’ouvrage existant provoqués par la construction d’un ouvrage neuf que dans le cas d’une indivisibilité technique des deux ouvrages et si celle-ci procède de l’incorporation totale de l’existant dans le neuf.
Faute de rapporter cette double condition, dont l’appréciation relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond, il n’est pas possible de condamner l’assureur de responsabilité civile décennale à garantir les dommages subis à l’existant.
Ainsi, les juges du fond auraient dû rechercher si la charpente forme un tout indivisible pour constituer la toiture.
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