Réf. : Cass. civ. 1, 23 mai 2024, n° 22-22.600, FS-B N° Lexbase : A86145CZ
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par Adeline Gouttenoire, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux et Directrice du CERFAP
le 03 Juin 2024
► Dans le cadre d’une ordonnance de protection, le juge aux affaires familiales n’est pas tenu, pour interdire les contacts entre l’auteur des violences conjugales et son enfant, d’établir un danger spécifique encouru par ce dernier.
L’arrêt de la Cour de cassation du 23 mai 2024 apporte une précision intéressante, et inédite, quant au contenu de l’ordonnance de protection concernant les enfants du couple.
Dans cette décision, la Cour de cassation interprète les articles 515-11, 1° et 1° bis, du Code civil, en vertu desquels le juge aux affaires familiales, lorsqu’il estime qu'il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel est exposée la victime et que celle-ci est parent d'un ou plusieurs enfants, peut, pour assurer sa protection, interdire à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer le ou les enfants, ainsi que d'entrer en relation avec eux, de quelque façon que ce soit, autrement qu'à l'occasion du droit de visite qu'il lui a, le cas échéant, accordé, et de se rendre au domicile familial où la victime demeure avec eux.
Il s’agissait de savoir si, pour prononcer une telle mesure limitative des droits parentaux de l’auteur des violences, le juge devait établir l’existence d’un danger spécifique encouru par l’enfant. L’hésitation pouvait résulter de la formulation de l’article 515-9 du Code civil N° Lexbase : L2997LUK, subordonnant le prononcé d’une ordonnance de protection, en plus de la vraisemblance des violences conjugales, à la mise en danger de « la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants ». L’extension du domaine de l’ordonnance de protection au danger encouru par les enfants résulte de la loi n° 2014-873, du 4 août 2014, pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes N° Lexbase : L9079I3N, et témoigne de la volonté du législateur de protéger les enfants des effets des violences conjugales. Elle met en œuvre l’idée, désormais acquise, selon laquelle l’impact des violences conjugales constitue un danger pour les enfants aussi.
La Cour de cassation considère, à juste titre, que l’existence de violences à l’encontre de la mère et le danger auquel elle est exposée, constitue en elle-même un motif pour réduire et encadrer les contacts de l’auteur des violences avec l’enfant. Ce faisant, elle rejette l’argument du pourvoi selon lequel, l'existence d'un danger pour l'enfant ne peut se déduire du seul fait que sa mère est exposée à des violences vraisemblables et à un danger.
Cette solution paraît logique puisque, dans le cadre de l’ordonnance de protection, en vertu de l’article 515-111, 1° du Code civil, lorsque le juge aux affaires familiales, ordonne une interdiction de contact avec la victime, « la décision de ne pas ordonner l'exercice du droit de visite dans un espace de rencontre désigné ou en présence d'un tiers de confiance est spécialement motivée ». Il serait en effet paradoxal de fixer le droit de visite du parent violent dans un lieu neutre et de ne pas interdire à celui-ci de voir l’enfant en dehors de ce cadre destiné à assurer la protection de l’enfant et partant de sa mère.
Cette décision est bienvenue en ce qu’elle s’inscrit dans la tendance contemporaine à limiter les droits parentaux du conjoint violent, notamment en évitant les contacts entre l’auteur et la victime des violences, dont on sait qu’ils sont propices à la réitération de celles-ci.
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