La lettre juridique n°972 du 1 février 2024 : Fiscalité des entreprises

[Focus] Les principales mesures de la loi de finances pour 2024 concernant le secteur agricole

Réf. : Loi n° 2023-1322, du 29 décembre 2023, de finances pour 2024 N° Lexbase : L9444MKY

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N8240BZ9

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par Jérôme Mazeres, Fiscaliste - Diplômé en gestion de patrimoine, Les fourmis du patrimoine

le 31 Janvier 2024

Mots-clés : loi de finances pour 2024 • secteur agricole • travaux agricoles • plus-values professionnelles • crédit d’impôt

1.- Cette année, la loi de finances pour 2024 est riche pour le secteur agricole. De nombreuses mesures sont susceptibles d’avoir un impact significatif.

Parmi ces mesures, on relèvera que plusieurs d’entres elles concernent des logiques de réactualisation de seuil. On pensera notamment à la DEP ou au régime micro-BA par exemple.

Également, la création de seuils spécifiques pour l’application du régime d’exonération des plus-values professionnelles visé à l’article 151 septies du CGI N° Lexbase : L4192LI4 s’avère, extrêmement intéressante, même si cela devrait entraîner quelques interrogations pour les exercices clos en cours d’année.


 

1. Plus-professionnelles et article 151 septies du CGI : la création d’un nouveau seuil pour le monde agricole et les entreprises de travaux agricoles (article 94) 

2.- La loi de finances pour 2024 modifie les seuils d’application de l’article 151 septies du CGI, uniquement  pour le milieu agricole.

3.- Pour les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2023, les seuils d’application du régime d’exonération en fonction du chiffre d’affaires, appréciés sur la période biennale de référence, les nouveaux seuils s’appliquent comme suit :

  • en deçà de 350 000 euros, exonération totale ;
  • entre 350 000 euros et 450 000 euros, l’exonération est partielle.

4.- On relèvera que cette modification s’applique également aux entreprises de travaux agricoles (ETA) respectant certaines conditions.

5.- On ne peut que saluer une telle mesure en tant que praticien. Cependant, la date d’entrée en vigueur de la mesure posera des questions aux professionnels du droit et du chiffre, dans la mesure dans certains cas les exercices sont déjà clos.

Que faire lorsque le régime a été appliqué partiellement ? Faudra-t-il « déclôturer » ou traiter le sujet au moyen d’une réclamation précontentieuse ?

Cela devrait également poser quelques difficultés dans les cas où le régime d’exonération n’a pas été appliqué, mais qu’il lui a été préféré un régime de report d’imposition par exemple.

À titre d’exemple, simplement pour illustrer la difficulté du problème, certains régimes de report d’imposition sont automatiques. Cela est notamment le cas des articles 151 nonies III et IV du CGI N° Lexbase : L9116LKT, qui vise respectivement les situations d’une option pour l’impôt sur les sociétés pour une société agricole à l’IR, ou la cessation de l’activité professionnelle au sein de la société agricole à l’impôt sur le revenu par son associé.

Ici, la doctrine administrative précise que ces régimes ne s’appliquent que sous réserve que l’article 151 septies du CGI ne trouve pas à s’appliquer (voir BOI-BIC-PVMV-40-30-10-20, n° 90 N° Lexbase : X6540ALS). Que faire dans cette situation ? Est-il possible de bénéficier à postériori de l’article 151 septies ?

Autant de questions qui risquent d’interroger les contribuables et leurs conseils dans les prochaines semaines.

6.- Il y a ainsi dorénavant trois seuils susceptibles de s’appliquer selon le type d’activité exercée (commerciale, agricole et prestations de services).

7.- La loi de finances pour 2024 modifie également les modalités d’application de l’article 151 septies du CGI au cas des activités mixte, afin d’intégrer la création de ce nouveau seuil spécifique aux activités agricoles et aux ETA.

Dans cette situation, c’est-à-dire lorsque l’activité de l’entreprise se rattache à au moins deux des trois seuils de l’article 151 septies du CGI, l’exonération sera totale si le montant global des recettes est inférieur ou égal au plus élevé des trois seuils, et si le montant afférent à chacune des activités est inférieur ou égal au seuil de sa catégorie.

À titre d’exemple, si un exploitant agricole exerce une activité commerciale, agricole et de services, il pourra bénéficier du régime d’exonération totale sous réserve que :

  • les recettes de l’activité de services demeurent inférieures à 90 000 euros ;
  • les recettes de l’activité commerciale demeurent inférieures à 250 000 euros ;
  • les recettes de l’activité agricole demeurent inférieures à 350 000 euros ;
  • et que les recettes globales de l’entreprise demeurent inférieures à 350 000 euros.

8.- L’exonération sera en revanche partielle dans la situation où les conditions vues ci-dessus ne sont pas remplies, mais que les recettes globales de l’entreprise sont inférieures au seuil plafond le plus élevé des activités exercées, et si le montant des recettes afférentes à chacune des activités est inférieur au montant plafond de chacune d’elles. Le taux de l’exonération est égal au taux le plus faible entre :

  • le taux déterminé par rapport à l’activité donnant lieu à l’application du taux plafond le plus élevé, considérant que toutes les recettes de l’entreprise relèveraient de celui-ci ;
  • et le taux d’exonération partielle déterminé par rapport à chacune des activités

2. Exonération d’une fraction des indemnités journalières versées au titre d’un régime d’assurance obligatoire contre les accidents du travail et les maladies (article 5)

9.- Il est inséré un article 72 A bis au sein du Code général des impôts.

10.- Au titre de celui-ci, les indemnités journalières versées au titre d’un régime d’assurance obligatoire contre les accidents du travail et les maladies professionnelles aux exploitants agricoles soumis à un régime réel d’imposition sont exonérées à hauteur de 50 % de leur montant.

3. Extension du forfait cadastral forestier (article 6) 

11.- L’article 76 du CGI N° Lexbase : L3847KWE prévoit une modalité spécifique de détermination du bénéfice agricole pour les bois, aulnaies et saussaies. Celui-ci est fixé à une somme égale au revenu ayant servi de base à la taxe foncière établie sur ces propriétés.

12.- La loi de finances pour 2024 étend ce régime au bénéfice agricole provenant de la captation de carbone additionnelle réalisée dans le cadre de projets forestiers admis au label « bas carbone » mentionné à l’article L. 121-2 du Code forestier N° Lexbase : C02687QY et qui est mis en œuvre pour assurer le boisement ou la reconstitution de peuplements forestiers dégradés.

4. Abattement jeunes agriculteurs et mise à jour de l’encadrement européen (article 46)

13.- Le mécanisme de l’abattement JA est subordonné au respect du règlement général par catégorie agricole (Règlement (UE) n° 702/2014 de la Commission, 25 juin 2014, déclarant certaines catégories d'aides, dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales, compatibles avec le marché intérieur, en application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne N° Lexbase : L6358I3U).

14.- La loi de finances pour 2024 tire les conséquences de la publication du Règlement de la Commission du 14 décembre 2022 (Règlement (UE) n° 2022/2472 de la Commission, 14 décembre 2022, déclarant certaines catégories d'aides dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne N° Lexbase : L2603MGI) afin d’adapter la rédaction de l’article 73 B du CGI qui fera dorénavant référence à ce Règlement.

5. Amélioration du crédit d’impôt au titre des dépenses de remplacement pour congés de certains exploitants agricoles (article 50) 

15.- L'article 200 undecies du CGI N° Lexbase : L5674MAE prévoit un crédit d'impôt au titre des dépenses supportées par un agriculteur, dont la présence quotidienne est nécessaire sur l'exploitation, afin d'assurer son remplacement par un tiers durant une période de congé.

16.- Le crédit d'impôt est égal à 50 % des dépenses de remplacement effectivement supportées, dans la limite annuelle de quatorze jours de remplacement pour congé.

17.- Ici, la loi de finances pour 2024 apporte quelques améliorations. Le taux du crédit d’impôt est rehaussé à 60 %, de même que la limite journalière qui passe à 17 jours.

En outre, jusqu’à présent le taux du crédit d’impôt était de 60% au titre des dépenses engagées pour assurer un remplacement pour congé en raison d'une maladie ou d'un accident du travail. La loi de finances pour 2024 rehausse également ce taux à 80 %. Le bénéfice de ce taux majoré est également étendu aux situations de formation professionnelle.

18.- Ces différentes mesures s’appliquent aux dépenses engagées à compter du 1er janvier 2024.

6. Crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique et mise à jour de l’encadrement européen (article 65)

19.- La loi de finances pour 2024 modifie la rédaction de l’article 244 quater L du Code général des impôts en faisant dorénavant référence au : « Règlement (UE) n° 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 établissant des règles régissant l'aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (plans stratégiques relevant de la PAC) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et abrogeant les Règlements (UE) n° 1305/2013 et (UE) n° 1307/2013 ». 

7. Crédit d’impôt HVE et prorogation pour les certifications obtenues en 2024 (article 68) 

20.- Le crédit d’impôt HVE est prorogé pour les certifications HVE obtenues en 2024.

8. Création d’une provision temporaire pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes (article 70)

21.- La loi de finances pour 2024 prévoit la possibilité pour les exploitations agricoles relevant d’un régime réel d’imposition, de pratiquer une déduction pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes. Ce régime ne s’applique pas aux immobilisations.

La hausse de la valeur du stock résultant de l’augmentation du nombre d’animaux n’est pas prise en compte. Pour bénéficier de cette déduction égale à 150€ par vache inscrite en stock à la clôture de l’exercice, le montant de la déduction ne pouvant excéder 15 000€ au titre d’un exercice, nécessite de remplir plusieurs conditions.

Pour les GAEC et les EARL à l’IR, ce plafond est multiplié par le nombre d’associés exploitants dans la limite de 4.

22.- Il doit être constaté, à la clôture de l’exercice, une hausse de la valeur unitaire de ces stocks supérieure à 10 % par rapport à la valeur unitaire de ces mêmes stocks déterminée à l’ouverture de l’exercice précédent ou à l’ouverture de l’exercice considéré.

Pour les exercices clos à compter du 1er janvier 2024 et jusqu'au 31 décembre 2024, cette hausse est appréciée par comparaison avec la valeur de ces mêmes stocks déterminée à l'ouverture de l'exercice considéré

23.- Attention, il s’agit d’une forme d’aide de trésorerie temporaire. En effet, cette déduction est rapportée aux résultats imposables de l’exercice de cession ou de sortie de l’actif de l’animal, et au plus tard du sixième exercice suivant celui au titre duquel la déduction a été pratiquée.

La déduction n'est pas rapportée au résultat de l'exercice de sortie des stocks de l'animal lorsque cette sortie est compensée par l'entrée d'un nouvel animal dans les stocks avant la clôture de ce même exercice ou, au plus tard, avant le dépôt de la déclaration des bénéfices agricoles.

24.- En outre, cette déduction s’applique à compter des exercices clos à compter du 1er janvier 2023 et jusqu’au 31 décembre 2024. La mesure intègre le régime des aides de minimas agricole.

9. DEP et rehaussement du plafonnement en fonction des bénéfices (article 94)

25.- La déduction pour épargne de précaution permet de déduire des bénéfices imposables une somme, sous réserve de constituer une épargne de précaution.

Cette épargne de précaution peut être constituée sous différente forme, notamment en numéraire ou en nature.

26.- Cette déduction est plafonnée. Le plafond de la déduction pour épargne de précaution (DEP) pratiquée au titre d'un exercice est limité au plus faible des trois montants : 

  • un plafond annuel déterminé en fonction du bénéfice imposable ;
  • un plafond pluriannuel de déduction ;
  • le montant du bénéfice imposable.

27.- La loi de finances pour 2024 revalorise comme suit le plafonnement en fonction du bénéfice :

  • 100 % du bénéfice imposable, s'il est inférieur à 32 608 euros ;
  • la somme de 32 608 euros majorée de 30 % du bénéfice imposable excédant cette limite, lorsqu'il est supérieur ou égal à 32 608 euros et inférieur à 60 835 euros ;
  • la somme de 40 942 euros majorée de 20 % du bénéfice imposable excédant 60 835 euros, lorsqu'il est supérieur ou égal à 60 835 euros et inférieur à 90 579 euros ;
  • la somme de 46 979 euros majorée de 10 % du bénéfice imposable excédant 90 579 euros, lorsqu'il est supérieur ou égal à 90 579 euros et inférieur à 120 771 euros ;
  • la somme de 50 000 euros, lorsque le bénéfice imposable est supérieur ou égal à 120 771 euros.

28.- Cette modification s’applique à compter de l’impôt dû au titre de l’année 2024.

10. Micro-BA et hausse du seuil (article 94) 

29.- Le seuil du régime micro-BA est revalorisé par la loi de finances 2024, à compter de l’impôt dû au titre de l’année 2024. Le seuil de 91 900 euros est revalorisé pour atteindre 120 000 euros.

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