Le Quotidien du 25 janvier 2024 : Entreprises en difficulté

[Brèves] Superprivilège des créances salariales : l’AGS peut recevoir un paiement sur les premières rentrées de fonds de la procédure collective

Réf. : Cass. com., 17 janvier 2024, deux arrêts, n° 22-19.451, FS-B+R N° Lexbase : A43472EQ et n° 23-12.283, F-B+R N° Lexbase : A43382EE

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[Brèves] Superprivilège des créances salariales : l’AGS peut recevoir un paiement sur les premières rentrées de fonds de la procédure collective. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/104248876-0
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par Vincent Téchené

le 24 Janvier 2024

► La subrogation dont bénéficie l’AGS a pour effet de l’investir de la créance des salariés avec tous ses avantages et accessoires, présents et à venir. Le superprivilège garantissant le paiement de leurs créances n'est pas exclusivement attaché à la personne des salariés, mais est transmis à l'AGS qui bénéficie ainsi du droit à recevoir un paiement sur les premières rentrées de fonds de la procédure collective.

Dans deux arrêts rendus le même jour et appelés à être signalés au Rapport annuel – c’est dire leur importance –, la Cour de cassation tranche la question de savoir si l'AGS peut être remboursée sur les premières rentrées de fonds ou si ce paiement est un « droit attaché exclusivement à la personne du salarié en raison du caractère alimentaire de ses créances ». La doctrine était en effet divisée sur cette question.

Sans rentrer dans le détail, on relèvera que, dans la première affaire (n° 22-20.185), la cour d’appel de Rennes (CA Rennes, 7 juin 2022, n° 21/07704 N° Lexbase : A131577T) avait infirmé une ordonnance du juge-commissaire selon laquelle le paiement autorisé au profit de l'AGS au titre de la créance superprivilégiée serait fait à titre provisionnel et que les fonds indûment versés devraient être restitués sur première demande du liquidateur en application des dispositions de l'article R. 643-2 du Code de commerce N° Lexbase : L1111HZ8. Dans la seconde affaire (n° 23-12.283), la cour d’appel de Toulouse (CA Toulouse, 20 janvier 2023, n° 22/02135 N° Lexbase : A47932B7) avait rejeté la demande de l'AGS tendant à recevoir un paiement sur les premières rentrées de fonds de la procédure collective au titre de sa créance superprivilégiée, au motif que cela revenait à remettre en cause les distributions de l'actif distribuable dans l'ordre défini par l'article L. 643-8 du Code de commerce N° Lexbase : L9504MIT.

Décisions. Dans les deux arrêts du 17 janvier, la Chambre commerciale rappelle d’abord que selon l'article L. 625-8 du Code de commerce N° Lexbase : L3391ICL, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-14, alinéa 1er N° Lexbase : L9199L7T, nonobstant l'existence de toute autre créance, les créances que garantit le superprivilège des salaires (C. trav., art. L. 3253-2 N° Lexbase : L0955H9A, L. 3253-3 N° Lexbase : L0957H9C, L. 3253-4 N° Lexbase : L0959H9E  et L. 7313-8 N° Lexbase : L3442H9D) doivent, sur ordonnance du juge-commissaire, être payées dans les dix jours du prononcé du jugement ouvrant la procédure par le débiteur ou, lorsqu'il a une mission d'assistance, par l'administrateur, si le débiteur ou l'administrateur dispose des fonds nécessaires et que, à défaut de disponibilités, ces sommes doivent être acquittées sur les premières rentrées de fonds.

Par ailleurs, ajoute la Cour, il résulte du 2° de l'article L. 3253-16 du Code du travail N° Lexbase : L5779IAB, que, lors d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, les institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 de ce code N° Lexbase : L5777IA9 sont subrogées dans les droits des salariés pour lesquels elles ont réalisé des avances, pour les créances garanties par le privilège prévu aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8, et les créances avancées au titre du 3° de l'article L. 3253-8 du même code N° Lexbase : L7959LGU.

Elle retient alors que la subrogation dont bénéficient les institutions de garantie a pour effet de les investir de la créance des salariés avec tous ses avantages et accessoires, présents et à venir et que le superprivilège garantissant le paiement de leurs créances, n'est pas exclusivement attaché à la personne des salariés, mais est transmis à l'AGS qui bénéficie ainsi du droit à recevoir un paiement sur les premières rentrées de fonds de la procédure collective. Dans l’un des deux arrêts (n° 22-20.185), approuvant en cela la cour d’appel de Rennes, elle ajoute que ce paiement, effectué hors le classement des différentes créances sujettes à admission, ne constitue pas un paiement à titre provisionnel opéré sur le fondement de l'article L. 643-3, alinéa 1er, du Code de commerce et ne peut ainsi donner lieu à répétition.

Observations. Cette solution assure le mécanisme subrogatoire indispensable à l’équilibre financier de l’AGS. En effet, on se souvient que par un important arrêt du 7 juillet dernier (Cass. com., 7 juillet 2023, n° 22-17.902, FS-B+R N° Lexbase : A3799989, H. Nasom-Tissandier, Lexbase Social, octobre 2023, n° 959 N° Lexbase : N6958BZQ), la Chambre commerciale avait retenu que l'obligation de justification préalable par le mandataire judiciaire de l'insuffisance des fonds disponibles de la procédure collective et la possibilité de sa contestation immédiate par les institutions de garantie ne sont prévues qu'en cas de sauvegarde. Elle en avait alors déduit qu'en dehors de cette procédure, aucun contrôle a priori n'est ouvert à l'AGS, de sorte que, sur la présentation d'un relevé de créances salariales établi sous sa responsabilité par le mandataire judiciaire, et afin de répondre à l'objectif d'une prise en charge rapide de ces créances, l'institution de garantie est tenue de verser les avances demandées (cette solution est d’ailleurs rappelée dans l’un des deux arrêts du 17 janvier 2024 – n° 23-12.283). De la sorte, la Haute juridiction a mis un terme aux oppositions entre juridictions du fond (v. pour un premier courant : CA Toulouse, 9 septembre 2022, n° 22/01754 N° Lexbase : A47048UR et CA Paris, 13 octobre 2022, n° 21/08986 N° Lexbase : A90778PU  – contra, CA Pau, 23 mars 2017, n° 14/03566 N° Lexbase : A9940UEU et CA Metz, 21 juin 2022, n° 20/01915 N° Lexbase : A398178X) qui ne faisait que manifester le conflit entre les mandataires et l’AGS.  

Or, la question tranchée par l’arrêt du 7 juillet 2023 et celle tranchée par les arrêts du 17 janvier 2024 sont liées. En effet, comme l’expose fort justement un auteur « si les chances de remboursement de l'AGS sont amoindries, elle aura tendance à invoquer le caractère subsidiaire pour éviter de faire l'avance, quand elle estimera que cette demande du mandataire n'est pas justifiée. À l'inverse, si elle peut obtenir le remboursement dans de meilleures conditions, ce principe de subsidiarité perd de son intérêt, ses finances étant finalement protégées » (L. Fin-Langer, Être ou ne pas être subsidiaire et subrogée, telle est la question posée à l’AGS !, RDT, 2023, p. 167).

Pour aller plus loin :

  • v. ÉTUDE : La garantie des créances salariales (AGS), Le remboursement des créances bénéficiant de la subrogation, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E1768EQK ;
  • v. ÉTUDE : La protection du salaire, Les modalités de versement des avances par l'AGS, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E1294ET4.

 

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