Réf. : Cass. com., 8 novembre 2023, n° 22-13.750, F-B N° Lexbase : A14281X8
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par Jérôme Lasserre Capdeville
le 16 Novembre 2023
L’obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l'égard d'un emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne porte que sur l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur et sur le risque de l'endettement qui résulte de son octroi, et ce, que le prêt soit remboursable par échéances ou en une seule fois à la fin.
Un prêt in fine est un type de prêt non amortissable, souvent utilisé par les investisseurs patrimoniaux. Il a pour caractéristique que, pendant la durée du crédit, l’emprunteur ne s’acquitte que des intérêts et des frais d’assurance. Le remboursement du capital n’intervient, pour sa part, que lors du paiement de la dernière mensualité, et ce en une seule fois. Il n’est pas rare que la Haute juridiction rende des décisions intéressant spécifiquement ce prêt in fine (v. par ex., Cass. com., 25 janvier 2023, n° 20-12.811, FS-B N° Lexbase : A06479A9, J. Lasserre-Capdeville, Lexbase Affaires, février 2023, n° 744 N° Lexbase : N4172BZK ; Cass. com., 21 juin 2023, n° 21-18.312, N° Lexbase : A983293K, J. Lasserre-Capdeville, Lexbase Affaires, juillet 2023, n° 763 N° Lexbase : N6176BZR). Nous en avons une nouvelle illustration à travers un arrêt du 8 novembre 2023.
Faits et procédure. Les faits étaient les suivants. Les 3 février et 10 décembre 2012, M. L. avait souscrit auprès de la banque X. deux prêts remboursables in fine. Or le 15 mars 2018, M. L. avait assigné la banque en nullité des contrats de prêts et en indemnisation de son préjudice matériel et moral, invoquant un manquement par celle-ci à son obligation de mise en garde.
Par une décision du 20 janvier 2022, la cour d’appel de Pau (CA Pau, 20 janvier 2022, n° 20/01362 N° Lexbase : A91027IX) avait condamné M. L. au paiement d’une certaine somme à la banque et avait rejeté ses demandes contre la banque.
Pourvoi. L’intéressé avait alors formé un pourvoi en cassation. Il prétendait, par l’intermédiaire de ce dernier, qu'un crédit in fine, dont le capital est remboursé en une seule fois à la fin du prêt, fait naître un risque particulier sur lequel le banquier doit mettre en garde l'emprunteur non averti, même si le crédit est adapté aux capacités financières de ce dernier, le risque étant inhérent à la nature du prêt. Dès lors, en retenant que, si la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d'un emprunteur non averti lorsqu'au jour de l'octroi du prêt, il existe un risque d'endettement excessif du fait de l’inadaptation de l'engagement à ses capacités financières, tel n'est pas le cas si l'emprunteur est propriétaire d’un immeuble dont la valeur se trouve en adéquation avec la somme empruntée, la cour d'appel aurait violé l'article 1147 du Code civil N° Lexbase : L1248ABT, dans sa rédaction applicable au moment des faits.
Décision. La Cour de cassation rejette cependant le pourvoi. Elle considère, en effet, que l’obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l’égard d’un emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne porte que sur l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur et sur le risque de l'endettement qui résulte de son octroi, et ce, que le prêt soit remboursable par échéances ou en une seule fois à la fin.
Cette solution ne surprendra pas le lecteur. Même si le prêt in fine présente une certaine dangerosité, la dernière échéance se révélant particulièrement lourde, la jurisprudence n’a jamais considéré pour autant que cette forme de prêt était par nature risquée et impliquait en conséquence le respect, par le banquier, de son devoir de mise en garde. La solution est désormais clairement affirmée.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Droit de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit, Le contenu du devoir de mise en garde, in Droit bancaire, (J. Lasserr-Capdeville), Lexbase N° Lexbase : E14203PB. |
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