Le Quotidien du 16 octobre 2023 : Aide juridictionnelle

[Brèves] Pourvoi en cassation : la demande d’AJ déposée auprès d’un BAJ incompétent interrompt les délais

Réf. : Cass. civ. 2, 5 octobre 2023, n° 20-21.308, FS-B N° Lexbase : A17161KR

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par Marie Le Guerroué

le 16 Octobre 2023

► Au regard du droit d'accès au juge de cassation, garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, il y a lieu d'interpréter les dispositions de l'article 44, I, du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 en ce sens qu'une demande d'aide juridictionnelle, dès lors qu'elle est déposée ou adressée avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, auprès d'un bureau d'aide juridictionnelle incompétent, interrompt les délais pour former un pourvoi ou déposer un mémoire

 

Procédure. Une allocataire s'était pourvue en cassation, le 23 octobre 2020, contre une décision rendue le 19 juin 2020 par la cour d'appel de Paris dans une instance dirigée contre la caisse d'allocations familiales de l'Essonne. L'allocataire a déposé, le 18 février 2021, une demande d'aide juridictionnelle au bureau établi au siège du tribunal judiciaire de Paris qui s'est déclaré incompétent au profit du bureau d'aide juridictionnelle établi près la Cour de cassation, à qui la demande a été transmise. Par décision du bureau d'aide juridictionnelle de la Cour de cassation du 16 juin 2021, notifiée à l'allocataire le 16 juillet 2021, la demande a été rejetée. 

 

Question préalable. Une question préalable à l'examen du pourvoi formé par l'allocataire se posait. Elle portait sur le point de savoir si, en matière civile, à la suite de la déclaration de pourvoi qu'elle avait formée, la demanderesse, qui a déposé une demande d'aide juridictionnelle auprès d'un bureau d'aide juridictionnelle incompétent, aux fins d'assistance et de représentation d'un avocat, bénéficiait de l'interruption du délai prévu pour déposer un mémoire ampliatif, par l'intermédiaire de son avocat, ou bien si, à l'inverse, la déchéance du pourvoi était encourue.
 

Raisonnement de la Cour. Il résulte de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L7558AIR que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement [...] par un tribunal [...], qui décidera [...] des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil [...] ». Selon la Cour européenne des droits de l'Homme, le « droit à un tribunal », dont le droit d'accès constitue un aspect (CEDH, 21 février 1975, Req. 4451/70, Golder c/ Royaume-Uni N° Lexbase : A1951D7E, § 36, série A n° 18), n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, notamment en ce qui concerne les conditions de la recevabilité d'un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l'État, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation.
La Cour européenne retient que la réglementation relative aux formalités et aux délais à respecter pour former un recours vise à assurer la bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique et ajoute que les intéressés doivent pouvoir s'attendre à ce que ces règles soient appliquées. Toutefois, elle précise que les règles en question, ou l'application qui en est faite, ne devraient pas empêcher le justiciable d'utiliser une voie de recours disponible (CEDH, 6 octobre 2011, Req. 52124/08, Staszkow c/ France N° Lexbase : A6277HY7, § 44).
Le droit d'accès à un tribunal implique que le demandeur, à qui l'aide juridictionnelle est accordée, puisse bénéficier de l'assistance effective d'un avocat pour accomplir, dans les délais impartis, les actes de la procédure.
Il résulte de l'article 978 du Code de procédure civile qu'à peine de déchéance du pourvoi, le demandeur en cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.
Aux termes de l'article 12 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 N° Lexbase : L8607BBE, l'admission à l'aide juridictionnelle est prononcée par un bureau d'aide juridictionnelle.
En matière d'aide juridictionnelle devant la Cour de cassation, il résulte tant de l'article 44, I, du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 N° Lexbase : L3115LZE portant application de la loi du 10 juillet 1991 N° Lexbase : L6343AGZ que de l'article 39 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 N° Lexbase : L0627ATE auquel il se substitue, que, lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle en vue de se pourvoir devant la Cour de cassation est déposée ou adressée au bureau d'aide juridictionnelle établi près la Cour de cassation avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu. Un nouveau délai de recours court à compter de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.
Selon une jurisprudence publiée, rendue en application des dispositions du décret du 19 décembre 1991 précité, la Cour de cassation a jugé que seule la demande d'aide juridictionnelle, en vue de se pourvoir en matière civile devant la Cour de cassation adressée au bureau d'aide juridictionnelle établi près cette juridiction, interrompt le délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, de sorte qu'un tel effet interruptif n'est attaché ni au dépôt de la demande devant un autre bureau d'aide juridictionnelle ni à la transmission de la demande par celui-ci au bureau de la Cour de cassation (Cass. soc., 3 mai 2016, n° 14-16.533, FS-P+B N° Lexbase : A3359RNQ, Bull. 2016, V, n° 78).


Réponse de la Cour. Dès lors, au regard du droit d'accès au juge de cassation, garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, il y a, pour la Haute juridiction, lieu désormais d'interpréter les dispositions de l'article 44, I, précité en ce sens qu'une demande d'aide juridictionnelle, dès lors qu'elle est déposée ou adressée avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, auprès d'un bureau d'aide juridictionnelle incompétent, interrompt les délais pour former un pourvoi ou déposer un mémoire. Dès lors, un nouveau délai court, conformément à l'article 44, I, à compter de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle établi près la Cour de cassation ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. 

Déchéance du pourvoi (non).  En l'espèce, la déchéance du pourvoi de l'allocataire en tant qu'il est dirigé contre la caisse n'est donc pas encourue.

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