Le Quotidien du 3 octobre 2023 : Salariés protégés

[Brèves] Autorisation administrative de licenciement : quand les faits font naître un doute sérieux sur sa légalité

Réf. : TA Amiens, 18 septembre 2023, n° 2302902 N° Lexbase : A40861HS

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[Brèves] Autorisation administrative de licenciement : quand les faits font naître un doute sérieux sur sa légalité. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/100033768-breves-autorisation-administrative-de-licenciement-quand-les-faits-font-naitre-un-doute-serieux-sur-
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par Lisa Poinsot

le 19 Novembre 2023

L’existence de faits de racisme, d’homophobie, de discrimination à l’embauche et de harcèlement managérial, soulevée par divers témoignages et ayant un impact financier sur l’entreprise, un impact sur la santé des salariés exerçant leur droit de retrait et un impact sur l’organisation même de l’entreprise, caractérise une situation d’urgence qui justifie que soit prononcée la suspension de la décision de l’inspecteur du travail refusant le licenciement d’une salariée protégée.

Faits et procédure. Une association souhaite licencier une salariée titulaire du mandat de membre du comité social et économique et responsable d’un secteur en se fondant sur plusieurs griefs tenant :

  • aux propos racistes et homophobes tenus de manière répétée par l’intéressée ;
  • à une discrimination à l’embauche du fait de la transidentité supposée d’une candidate ;
  • à un management déstabilisant et injuste, marqué par des dénigrements et propos vexatoires répétés, impactant la santé mentale des salariés ;
  • à un comportement non professionnel et agressif envers la clientèle.

En raison de ces évènements, la société met à pied la salariée et fait une demande d’autorisation de licenciement auprès de l’inspection du travail qui, par une décision du 30 juin 2023, lui refuse.

Réintégrée de ce fait, la salariée refuse néanmoins d’être placée en situation de dispense totale d’activité.

Il en résulte l’exercice du droit de retrait des 4 salariés permanents de son secteur ainsi que 9 salariées en insertion sur 10 en invoquant leur impossibilité de travailler avec elle.

L’employeur prévoit alors un aménagement du temps de travail de ces salariés afin limiter au maximum les contacts entre ces derniers et la salariée protégée.

L’association saisit alors le juge des référés d’une demande de suspension d’exécution de cette décision en s’appuyant sur la condition d’urgence.

Sur la situation d’urgence, le tribunal administratif relève que la nouvelle organisation de travail a :

  • un impact financier substantiel (majoration salariale de 10 % et augmentation de 25 % des heures de récupération) ;
  • un impact sur la santé des salariés ;
  • un impact sur l’organisation même de l’activité de l’association (faire bénéficier aux salariés en insertion professionnelle d’un accompagnement spécifique).

En outre, le recours hiérarchique formé par l’employeur suppose que le ministre du Travail dispose d’un délai de 4 mois pour statuer, à l’expiration duquel interviendra une décision implicite de rejet si aucune décision explicite n’est intervenue avant. Dès lors, ces éléments caractérisent une situation d’urgence.

Pour aller plus loin :

  • v. formulaires, MDS0107, Recours hiérarchique du salarié contre la décision d’autorisation de l’inspecteur du travail N° Lexbase : X5520AP7 ; MDS0106, Recours hiérarchique de l’employeur contre la décision de refus d’autorisation de l’inspecteur du travail N° Lexbase : X5519AP4, Droit du travail ;
  • v. ÉTUDE : Le licenciement des salariés protégés, Le recours hiérarchique contre la décision de l’inspecteur du travail, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E9582ESP.

Par ailleurs, concernant la légalité de la décision attaquée, le tribunal administratif relève que de nombreux témoignages précis et concordants émanant des salariés et du directeur général de la société, de la stagiaire s’étant déclarée victime d’une discrimination à l’embauche, d’une collaboratrice auprès de laquelle la salariée a commenté le refus opposé à cette candidature, des autres stagiaires recrutées par la salariée, et, enfin de clients de la société, viennent accréditer les différents éléments soumis par l’employeur au soutien de sa demande d’autorisation de licenciement.

Il ressort également que la procédure de licenciement de l’intéressée intervient après un avertissement notifié par son employeur un an plus tôt en raison de violences verbales envers 3 salariées, et après une enquête réalisée au sein de l’association à l’issue de laquelle l’inspecteur du travail a relevé l’existence de risques psychosociaux de témoignages mettant en cause son management.

En réponse, le ministre du Travail est dans l’impossibilité de se prononcer sur la légalité de la décision de l’inspecteur du travail. Par ailleurs, l’intéressée n’a pas présenté d’observations en défense.

La solution. Le tribunal administratif d’Amiens applique l’article L. 521-1 du Code de justice administrative N° Lexbase : L3057ALS selon lequel « quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».

Le tribunal rappelle également que « l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sur la situation de ce dernier ou, le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce ».

En l’espèce, il est jugé que les faits reprochés à la salariée protégée sont matériellement établis et peuvent lui être imputés de sorte à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision de l’inspecteur du travail.

En conséquence, il est ordonné la suspension de l’exécution de la décision du 30 juin 2023 refusant l’autorisation de licencier la salariée protégée.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le licenciement des salariés protégés, Le recours contentieux contre la décision de l’inspecteur du travail, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E9587ESU.

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