Lexbase Fiscal n°863 du 29 avril 2021 : Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Focus] TVA : la consécration des opérations complexes uniques dans le Code général des impôts

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par Guillaume Massé - Avocat à la Cour et Estelle Biemmi - Juriste D'Alverny Avocats

le 29 Avril 2021


Mots-clés : loi de finances pour 2021 • TVA • offres composites

La loi de finances pour 2021 (loi n° 2020-1721, du 29 décembre 2020, de finances pour 2021 N° Lexbase : L3002LZ9) vient inscrire dans le Code général des impôts les principes dégagés par la CJUE en matière de TVA pour les opérations constituées de plusieurs éléments relevant de régimes de TVA différents. Des règles spécifiques sont également prévues pour les offres d’abonnement comprenant des services numériques. Ces nouvelles règles entrent en vigueur au 1er janvier 2021.


 

Le nouvel article 257 ter du CGI (N° Lexbase : L7014LZS) vient intégrer la réglementation européenne. Il prévoit désormais que : « chaque opération imposable à la TVA doit être considérée comme étant distincte et indépendante et soumise à son régime propre déterminé, en fonction de son élément principal ou de ses éléments autres qu’accessoires ; relèvent d’une seule et même opération les éléments d’une opération qui sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel ; lorsqu’un élément est accessoire à un ou plusieurs autres éléments, il relève de la même opération que ces derniers ».

Cet article précise également la manière dont doit être appréciée une opération afin de déterminer son régime. Il s’agit d’une appréciation d’ensemble réalisée du point de vue du consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, tenant compte de l’importance qualitative et quantitative des différents éléments en cause ainsi que l’ensemble des circonstances dans lesquelles l’opération se déroule.

Quelles sont les nouvelles règles générales ?

Le Code général des impôts intègre les principes dégagés par la CJUE en matière de TVA des offres composites. En effet, la CJUE a précisé que, lors d’une opération constituée de plusieurs éléments, il y a lieu de prendre en considération l’ensemble des circonstances dans lesquelles se déroule l’opération en question afin de déterminer le taux de TVA applicable. Il convient d’apprécier s’il s’agit de plusieurs opérations distinctes ou d’une opération unique.

Le principe veut que chaque opération doive normalement être considérée comme distincte et indépendante. Il est cependant des opérations qu’il serait artificiel de séparer, c’est pourquoi des règles d’appréciation de ces opérations ont été dégagées.

Deux types de prestations uniques ont été réglementées : les prestations uniques dont les éléments sont étroitement liés et forment une prestation indissociable, et les prestations dont certains éléments forment une prestation principale et les autres sont accessoires.    

Quel régime pour les prestations économiques indissociables ?

Il s’agit des prestations dans lesquelles deux ou plusieurs éléments fournis sont étroitement liés et forment objectivement une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel.

Lors d’une opération unique comprenant des éléments devant être considérés comme équivalents et relevant de taux différents, le taux applicable à l’opération est le taux le plus élevé parmi ceux applicables à ces éléments.

La CJUE a précisé que ce type de prestations n’est pas susceptible de bénéficier d’un taux réduit [1] et que si l’un des éléments est exonéré alors que l’autre ne l’est pas, la prestation unique ne peut être exonérée [2]. Le taux applicable sera alors celui de l’élément qui n’est pas exonéré de TVA.

Quel régime pour les prestations contenant des éléments principaux et des éléments accessoires ?

Il s’agit des opérations dans lesquelles un ou plusieurs éléments forment une prestation principale et dont les autres sont accessoires. L’élément accessoire ayant été défini par la CJUE [3] comme un élément qui ne constitue pas pour la clientèle une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions de la prestation principale. La CJUE [4] examine l’ensemble des circonstances dans lesquelles se déroule l’opération en cause et recherche si elle présente un caractère facultatif et si elle peut être fournie par un autre opérateur. Cette analyse a été reprise par le Conseil d’État [5]. Selon la doctrine administrative [6], la prestation accessoire peut également être celle qui présente un intérêt limité au sein de l’ensemble de l’offre.

Lors d’une opération unique comprenant un élément principal et un élément accessoire, le taux de TVA de l’opération doit être celui de l’élément principal. L’élément accessoire est taxable dans les mêmes conditions que l’élément principal. Si l’élément principal est exonéré de taxe, l’élément accessoire l’est également.  

S’il y a plusieurs éléments accessoires soumis à des taux différents, c’est le plus élevé de ces taux qui s’applique à l’ensemble des éléments accessoires.

À noter 

Lorsque l’élément principal relève du taux particulier de 2,1 %, cet élément sera soumis au taux particulier et l’élément accessoire au taux qui lui est propre. Le taux particulier de 2,1 % ne peut pas être étendu à l’élément accessoire.

Si parmi les éléments composant la prestation complexe unique il n’est pas possible de déterminer un élément principal et un ou plusieurs éléments accessoires, les éléments composant cette prestation doivent être considérés comme équivalents.

Le saviez-vous ?

Les dispositions de l’article 268 bis du CGI (N° Lexbase : L7025LZ9) qui prévoyaient une ventilation lorsqu’une personne effectue concurremment des opérations se rapportant à plusieurs catégories sont supprimées. En effet, lorsqu’une opération est considérée comme une opération unique les règles de ventilation n’ont donc plus vocation à s’appliquer.  

Cet article prévoit désormais la base d’imposition spécifique pour les offres d’abonnement comprenant des services numériques.

Quelles règles spécifiques pour les services d’abonnement numérique ?

L’article 268 bis du Code général des impôts vient désormais consacrer des règles particulières d’imposition pour certaines offres composites prévoyant des services d’abonnement numérique.

Il s’agit des offres d’abonnement comprenant plusieurs services dont au moins un service de télécommunication, un service de radiodiffusion ou de télévision ou encore un service électronique, qui sont fournis en contrepartie d’un prix forfaitaire, lorsqu’elles sont constituées de plusieurs opérations imposables à la TVA.

Pour ces offres, la règle applicable est celle du « supplément de prix ». Cette règle prévoit que lorsqu’il existe une offre identique ne comprenant pas tout ou partie des services de cette opération et commercialisés par le fournisseur dans des conditions comparables, la base d’imposition est constituée de la différence de prix forfaitaire entre les deux offres. Ce qui permet d’isoler la base d’imposition d’une prestation soumise à un taux réduit.

Dans ce cas les factures clients, assujettis à la TVA, devront mentionner distinctement cette répartition de TVA en fonction du taux des différentes prestations de l’offre [7].

On peut cependant regretter que cet article ne prévoie pas le cas où il n’existerait pas d’offre identique proposée dans des conditions comparables.

À noter

Ces règles ne viennent s’appliquer que dans le cadre où l’offre est composée de plusieurs éléments dissociables.  À défaut, ce sera la règle prévue pour les prestations uniques qui devra être appliquée, telle que vue précédemment.

Ces règles s’appliqueront pour les opérations dont l’exigibilité et le fait générateur interviennent à compter du 1er janvier 2021.

Quelles règles spécifiques pour les prestations d’agents de voyages ?

Les différents éléments fournis pour la réalisation d’un voyage par une agence de voyages ou un organisateur de circuits touristiques qui agit en son nom propre à l’égard du voyageur et recourt à des livraisons de biens ou à des prestations de services d’autres assujettis constituent une prestation de service unique soumise à un régime propre (CGI, art. 257 ter III).  

Il s’agit du régime déjà prévu pour ce type de prestations, cependant les divers textes mentionnant les prestations uniques de voyage » renvoient désormais à l’article 257 ter III du CGI (CGI art. 259 A, 8° N° Lexbase : L7015LZT, CGI art. 262 bis N° Lexbase : L7021LZ3 et CGI art. 266, 1-e N° Lexbase : L7023LZ7).

 

[1] CJUE, 10 novembre 2016, aff. C-432/15, Pavlína Baatová (N° Lexbase : A3800SGT).

[2] CJUE, 19 juillet 2012, aff. C-44/11, Finanzamt Frankfurt am Main V-Höchst c/ Deutsche Bank AG (N° Lexbase : A0045IR4).

[3] CJUE, 18 janvier 2018, aff. C-463/16, Stadion Amsterdam CV (N° Lexbase : A4172XAR).

[4] CJUE, 16 juillet 2015, aff. C-584/13, Mapfre asistencia compania internacional de seguros y reaseguros SA (N° Lexbase : A8972NMA).

[5] CE 9° et 10° ch.-r., 24 avril 2019, n° 411007, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7390Y9L) ; CE 9° et 10° ch.-r., 24 avril 2019, n° 418912, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7408Y9A).

[6] BOI-TVA-LIQ-30-20-50 n° 140 (N° Lexbase : X7756ALT).

[7] BOI-TVA-LIQ-30-20-100 n° 120 (N° Lexbase : X5557ALE).

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