Le Quotidien du 24 mars 2021 : Divorce

[Brèves] Le divorce par compensation (« khol’â ») algérien (réservé à la seule épouse) est-il contraire au principe d’égalité entre époux ?

Réf. : Cass. civ. 1, 17 mars 2021, n° 20-14.506, FS-P (N° Lexbase : A89574LC)

Lecture: 5 min

N6887BYQ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Le divorce par compensation (« khol’â ») algérien (réservé à la seule épouse) est-il contraire au principe d’égalité entre époux ?. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/66046045-breves-le-divorce-par-compensation-ikhol-a-i-algerien-reserve-a-la-seule-epouse-est-il-contraire-au
Copier

par Anne-Lise Lonné-Clément

le 24 Mars 2021

► Une décision de divorce prononcée par les juridictions algériennes en application de l’article 54 du Code de la famille algérien, qui permet à la seule épouse d’obtenir le divorce par compensation (sans l’accord de l’époux, moyennant le versement d’une somme à titre de « khol’â »), n’est pas contraire au principe d’égalité entre époux, et sa reconnaissance ne heurte donc pas l’ordre public international, dès lors que :
- l’épouse qui l’invoque est soumise à des règles moins favorables que l’époux (qui lui peut obtenir un divorce pour répudiation lequel n’est pas subordonné au paiement d’une somme d’argent) ;
- et que la procédure suivie n’a pas été entachée de fraude et que l’autre époux a pu faire valoir ses droits.

Divorce par compensation algérien. L’article 54 du Code de la famille algérien prévoit que « L’épouse peut se séparer de son conjoint, sans l’accord de ce dernier, moyennant le versement d’une somme à titre de "khol’â".

En cas de désaccord sur la contrepartie, le juge ordonne le versement d’une somme dont le montant ne saurait dépasser la valeur de la dot de parité "sadaq el mithl" évaluée à la date du jugement. »

Question soulevée. La question s’est ainsi posée, devant la première chambre civile de la Cour de cassation, de savoir si un jugement algérien prononçant un divorce en application de ce texte, pouvait être déclaré irrégulier, comme étant contraire au principe d’égalité entre époux, et donc contraire à l’ordre public international.

C’est ce que prétendait le requérant qui  faisait grief à l’arrêt de déclarer régulier et opposable le jugement de divorce rendu le 4 juillet 2017 par le tribunal de Hussein Dey (Algérie), d’autoriser en conséquence son épouse à faire procéder à son expulsion de la maison d’habitation appartenant à cette dernière, et de le condamner à payer une indemnité d’occupation jusqu’à son départ effectif du logement.

Il n’obtiendra pas gain de cause.

Réponse de la Cour de cassation. Selon la Haute juridiction, lorsqu’une décision de divorce a été prononcée à l’étranger en application d’une loi qui n’accorde pas à l’un des époux, en raison de son appartenance à l’un ou l’autre sexe, une égalité d’accès au divorce, sa reconnaissance ne heurte pas l’ordre public international, dès lors :

1° qu’elle est invoquée par celui des époux à l’égard duquel sont prévues les règles les moins favorables ;
2° que la procédure suivie n’a pas été entachée de fraude ;
3° et que l’autre époux a pu faire valoir ses droits.

L’arrêt est intéressant en ce qu’il indique que, dans le cas du divorce par compensation algérien, la première condition est vérifiée. En effet, la Cour de cassation valide le raisonnement des juges d’appel qui ont énoncé exactement, tant par motifs propres qu’adoptés, que toute assimilation du divorce par compensation prévu à l’article 54 du Code de la famille algérien à la répudiation prévue à l’article 48 du même code doit être écartée, dès lors que le premier, prononcé à l’initiative de l’épouse, est subordonné au paiement d’une somme d’argent, tandis que la seconde procède de la seule volonté de l’époux, lequel ne peut être tenu à une réparation pécuniaire qu’en cas de reconnaissance par le juge d’un abus de droit.

Pour les autres conditions, elles étaient également remplies en l’espèce, les juges d’appel ayant relevé que l’époux avait pu faire valoir ses moyens de défense et qu’il n’établissait pas que la saisine du juge algérien par l’épouse ait été entachée de fraude.

De ces énonciations et appréciations, la cour d’appel a exactement déduit que la décision algérienne, invoquée par l’épouse, n’était pas contraire au principe d’égalité des époux lors de la dissolution du mariage, et donc à l’ordre public international.

À propos du divorce par répudiation algérien. On relèvera que la Cour de cassation a été amenée à juger, au contraire, à propos du divorce par répudiation algérien, que celui-ci pouvait emporter violation du principe de l'égalité des époux : est contraire à l'ordre public international un jugement de divorce algérien constatant la répudiation unilatérale et discrétionnaire par la seule volonté du mari, pour des motifs que ce dernier n'était tenu ni de révéler, ni de justifier, sans donner d'effet juridique à l'opposition de l'épouse, fût-elle dûment convoquée, ce qui rendait cette décision contraire au principe de l'égalité des époux lors de la dissolution du mariage, quelles que soient les nouvelles voies de droit ouvertes à l'épouse pour y parvenir (Cass. civ. 1, 23 octobre 2013, n° 12-21.344, FS-P+B+I N° Lexbase : A2621KNE).

newsid:476887