Le Quotidien du 24 mars 2021 : Construction

[Brèves] De la validité de la clause d’exclusion de garantie en cas d’abandon de chantier

Réf. : Cass. civ. 3, 4 mars 2021, n° 19-21.309, F D (N° Lexbase : A02254KK)

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[Brèves] De la validité de la clause d’exclusion de garantie en cas d’abandon de chantier. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/65964756-breves-de-la-validite-de-la-clause-dexclusion-de-garantie-en-cas-dabandon-de-chantier
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 18 Mars 2021

► Les clauses exclusives ou limitatives de garanties sont, par principe, valables dans les polices d’assurance de responsabilité civile ;
► pour être valable, la clause d’exclusion doit être stipulée en caractères apparents mais également claire, précise, formelle et limitée, ce qui exclut la nécessité d’interpréter le contrat.

Pour aboutir à une position de non-garantie de l’assureur, les clauses d’exclusion de garantie stipulées dans les polices doivent remplir plusieurs conditions pour être valablement appliquées. L’article L. 113-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L0060AAH), au visa duquel le présent arrêt a été rendu, autorise, en effet, les parties à stipuler des exclusions de garanties. Dans le domaine des assurances obligatoires, ces clauses sont, par principe, réputées nulles et non-écrites, (pour reprendre l’expression consacrée) sauf à entrer dans les rares cas permis par les clause-types. Dans le domaine des assurances facultatives, c’est-à-dire dans les polices RC, la clause d’exclusion est, au contraire, réputée valable pourvu qu’elle soit suffisamment claire, précise, formelle et limitée en ce qu’elle ne vide pas le contrat de toute substance (V. parmi de nombreux exemples, Cass. civ. 3, 24 mars 2015, n° 13-25.737, F-D N° Lexbase : A6699NET ou, plus récemment, Cass. civ. 2, 19 septembre 2018, n° 18-19.616, FS-P+B+I A8473ZN7 et Cass. civ. 3, 19 décembre 2019, 18-10.678, F-D N° Lexbase : A1218Z9Y). A la variété de ces conditions de validité s’oppose la compréhension qui en faite par la jurisprudence qui semble appréhender ces conditions ensemble, sous la formule type, inlassablement reprise, selon laquelle « une clause d’exclusion de garantie ne se référant pas à des critères précis et des hypothèses limitativement énumérées n’est pas formelle et limitée et ne peut pas recevoir application en raison de son imprécision » (Cass. civ. 2, 5 février 2015, n° 14-10.507, F-D N° Lexbase : A2417NB7).

L’importance des conséquences de l’application de ces clauses, qui aboutissent à un refus de garantie de l’assureur, explique, à elle seule, l’abondance des contentieux, d’autant que l’appréciation de la validité de la clause est soumise à la libre appréciation des juges du fond, même si la Cour de cassation exerce un contrôle de motivation (V. pour exemple Cass. civ. 3, 27 octobre 2016, n° 15-23.841, FS-P+B N° Lexbase : A3270SC4).

L’arrêt rapporté en est une illustration supplémentaire mais son intérêt ne réside pas uniquement là. La clause prise en litige était stipulée dans une police de RC professionnelle souscrite par un maître d’œuvre auprès de la Compagnie ELITE, l’assureur dit LPS funestement connue pour avoir laissé sans assureur des milliers d’assurés depuis sa liquidation judiciaire en 2019 (V. not. M.C. Carrière, Construction, Elite Insurance, en liquidation judiciaire, compte 60 000 assurés, L’Argus de L’assurance, 13 fevrier 2020).

En l’espèce, la clause prévoyait une exclusion de garantie en cas d’abandon de chantier. L’assureur avait refusé sa garantie en application de cette clause, ce qui était contesté par l’assuré qui exposait que cette clause ne pouvait recevoir application dès lors que l’abandon du chantier ne résultait pas de son fait. Les juges du fond ont rejeté les demandes formées contre l’assureur. L’assuré forme un pourvoi en cassation aux termes duquel il expose, notamment, que la clause prise en litige avait été interprétée par les juges du fond, qui avaient estimé qu’il importait peu que l’assuré ou un tiers ait abandonné le chantier.

La Haute juridiction considère que la cour d’appel a retenu, sans dénaturation, que l’abandon du chantier visé par la clause d’exclusion de garantie était un chantier arrêté sur lequel aucune entreprise ne travaillait. Le pourvoi est rejeté.

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