Réf. : Cass. com., 7 octobre 2020, n° 19-12.996, F-P+B (N° Lexbase : A32863XY)
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par Vincent Téchené
le 14 Octobre 2020
► L'exercice du droit propre du débiteur à relever appel du jugement arrêtant le plan de cession de son entreprise échappe, par principe, puisqu'il peut exercer seul un tel droit, à la répartition des pouvoirs entre le débiteur et les organes de sa procédure collective ; il en résulte que la créance d'honoraires de l'avocat du débiteur assistant celui-ci dans l'exercice de ses droits propres est toujours née régulièrement ;
En outre, les honoraires étant relatifs à des procédures en lien avec l'adoption du plan de cession qui ont permis de le consolider et de le sécuriser, la créance d'honoraires était née pour les besoins du déroulement de la procédure.
Faits et procédure. Une société dont les parts sont détenues à égalité par les membres de deux familles a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, qui a été convertie en redressement judiciaire. Le tribunal a arrêté un plan de cession. Le cessionnaire désigné s'est substitué une société. Le jugement a été confirmé et l'acte de cession a été signé. La société a été mise en liquidation judiciaire trois mois plus tard. Le gérant a alors demandé l'inscription sur la liste des créances postérieures prévue par l'article L. 641-13, IV du Code de commerce (N° Lexbase : L2747LBD), d'une créance résultant d'une inscription en compte courant d'associé après le jugement arrêtant le plan, dont le montant correspondait au paiement, sur son compte bancaire personnel, de factures d'honoraires de professionnels qu'il avait sollicités dans le cadre de l'activité de la société. Le liquidateur a refusé d'inscrire la créance. Après le décès du gérant, ses héritières ont contesté la liste des créances devant le juge-commissaire, qui a rejeté la contestation.
La cour d’appel (CA Aix-en-Provence, 21 juin 2018, n° 17/13046 N° Lexbase : A5827XTY ; rectifié par CA Aix-en-Provence, 12 juillet 2018, n° 18/10716 N° Lexbase : A8333XXW) ayant ordonné l'inscription sur la liste des créances postérieures prévue par l'article L. 641-13, IV du Code de commerce des créances réglées par le gérant au titre des honoraires d'avocat, un pourvoi en cassation a été formé.
Décision. La Cour de cassation énonce que d'une part, l'exercice du droit propre du débiteur à relever appel du jugement arrêtant le plan de cession de son entreprise échappe, par principe, puisqu'il peut exercer seul un tel droit, à la répartition des pouvoirs entre le débiteur et les organes de sa procédure collective. Il en résulte que la créance d'honoraires de l'avocat du débiteur assistant celui-ci dans l'exercice de ses droits propres est toujours née régulièrement.
Or, l’arrêt d’appel relève que c'est en vertu du droit propre de la société débitrice que son gérant a interjeté appel du jugement arrêtant le plan de cession, a agi en référé pour arrêter l'exécution provisoire et a défendu à l'action en référé engagée par le cessionnaire de l'entreprise pour entrer en possession de celle-ci. Dès lors, les honoraires réclamés par l'avocat, dans le cadre de ces actions, étaient bien des créances nées régulièrement.
D'autre part, l'arrêt d’appel relève que les procédures conduites par l'avocat étaient en lien avec l'adoption du plan de cession, que les recours et le suivi des procédures ont permis de consolider et de sécuriser, eu égard aux craintes qui pouvaient naître sur la pérennité de l'entreprise et la préservation de l'emploi, du fait de la personnalité du repreneur, ex-salarié licencié et ex-concubin d'une fille du gérant. La créance d'honoraires était donc bien née pour les besoins du déroulement de la procédure.
Enfin, la cour d'appel, qui a indiqué précisément le montant des honoraires correspondant à chacune des procédures menées par la société débitrice dans l'exercice de ses droits propres, a souverainement apprécié le caractère proportionné de la créance et sa conformité aux besoins de la procédure.
Par conséquent, la Cour de cassation rejette le pourvoi.
Dans un précédent arrêt rendu le 1er décembre 2015, la Cour de cassation (Cass. com., 1er décembre 2015, n° 14-20.668, F-P+B N° Lexbase : A6989NYI) avait censuré un arrêt d’appel retenant qu’en excluant par principe que la créance d'honoraires de l'avocat du débiteur assistant celui-ci dans l'exercice de ses droits propres puisse naître pour les besoins du déroulement de la procédure, la cour d'appel avait violé l'article L. 622-17, I du Code de commerce (N° Lexbase : L8102IZ4).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les créanciers postérieurs, La notion de créances nées régulièrement (N° Lexbase : E0312EU4) et L'utilité de la créance (N° Lexbase : E0390EUY), in Entreprises en difficulté, Lexbase. |
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