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N1220BLR
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par Anne Lebescond, Journaliste juridique
le 07 Octobre 2010
- une diminution de 20 % des émissions de GES en l'absence d'accord international, et de 30 % dans le cas contraire ;
- une diminution de la consommation d'énergie de 20 % ;
- et une couverture de 20 % de nos besoins énergétiques grâce aux énergies renouvelables.
Leader dans les négociations sur la scène internationale, l'Union se veut un exemple pour les autres Etats. Or, seul un encadrement juridique complet et efficace sur tous les plans (environnemental, mais aussi économique) sera à même d'emporter leur conviction. Pour lutter contre le réchauffement climatique et atteindre les objectifs énoncés ci-dessus, l'Europe a donc mis en place un système d'échange de quotas destiné à réduire les émissions de GES, et a adopté une politique de promotion des énergies renouvelables. Le dispositif nécessitait encore certaines précisions apportées par les Directives (CE) du 23 avril 2009, 2009/28, relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables (N° Lexbase : L3135IET) et 2009/29, modifiant la Directive (CE) 2003/87 (N° Lexbase : L5687DL9) afin d'améliorer et d'étendre le système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (N° Lexbase : L3136IEU). Les textes apportent quelques aménagements aux mécanismes en place, mais ils rappellent, surtout, la nécessité de construire l'"après-Kyoto" et le lobbying de l'Europe pour y parvenir. Lexbase Hebdo - édition publique a souhaité faire le point avec Maître Marie-Laetitia de La Ville-Baugé, collaboratrice au sein du cabinet d'avocats Baker & Mc Kenzie, sur cette réponse communautaire et, plus généralement, sur les enjeux de la lutte contre le réchauffement climatique et sa prise en compte au niveau international.
Lexbase : Quel est, aujourd'hui, le degré de prise en compte des problématiques liées au réchauffement climatique de la planète par l'Union européenne et la Communauté internationale ?
Marie-Laetitia de La Ville-Baugé : La prise en compte des enjeux liés au réchauffement climatique a été progressive, mais elle s'est accélérée ces dernières années. Les Etats sont, aujourd'hui, conscients qu'ils se trouvent "au pied du mur". Au plan international, trois accords majeurs ont été conclus, mettant à la charge des pays développés certaines obligations. Ces accords, qui expirent en 2012, sont :
- la Convention cadre des Nations-Unies contre le réchauffement climatique, entrée en vigueur le 14 juin 1994 ; son objectif est de stabiliser les concentrations de GES dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation d'origine humaine du système climatique, mais elle n'édicte aucune obligation contraignante pour les Etats signataires ;
- la Convention sur la diversité biologique, entrée en vigueur le 29 décembre 1993, qui reconnaît que la conservation de la diversité est "une préoccupation commune à l'humanité" et qu'elle fait partie du processus de développement ;
- et le protocole de Kyoto, adopté lors de la troisième conférence des Nations-unies sur les changements climatiques le 11 décembre 1997, ratifié par 141 pays et entré en vigueur le 16 février 2005.
Ce dernier accord, contraignant, quantifie l'engagement de principe pris en 1992 par les pays développés de réduire leurs émissions de GES. Il met, également, en place des mécanismes dit "de flexibilité" (marché de permis, mise en oeuvre conjointe et mécanisme de développement propre, dits "projets de Kyoto" concernant les pays en voie de développement). Il engage 38 pays industrialisés à réduire les émissions de 5,2 % en moyenne d'ici 2012, par rapport au niveau de 1990, année de référence (8 % pour l'Union européenne).
Seule une action concertée de tous les pays permettrait d'enrayer le phénomène, mais le refus des Etats-Unis et de l'Australie de ratifier le protocole compromettait les chances d'y parvenir (les émissions américaines représentant plus de 20 % des émissions mondiales), d'autant que les pays en voie de développement ne sont pas soit parties, soit liés par les principales obligations. Les Etats-Unis avançaient l'absence d'adhésion de ces derniers pour justifier leur refus, faisant de la question de l'association de ces pays aux efforts de réductions des émissions l'un des enjeux majeurs de "l'après-Kyoto". C'était oublier les raisons qui fondent cette absence : les pays en voie de développement ne se sentent pas responsables des conséquences actuelles du réchauffement climatique, dû en grande majorité au monde industrialisé. Le 8 juillet 2008, George Bush a engagé les Etats-Unis à réduire de moitié des émissions des émissions de GES d'ici à 2050, dans le cadre d'une réunion du G8. Plus récemment, Barack Obama a confirmé l'engagement des Etats-Unis dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Sur la question des pays en voie de développement, le protocole de Kyoto prévoit, déjà, un mécanisme de "développement propre", qui permet aux investisseurs des pays développés, en contrepartie d'un investissement "propre" dans un pays en développement, de gagner des "crédits carbone". Ce mécanisme permet à ces investisseurs de diminuer le coût de leur engagement en réalisant des investissements à moindre coût dans les pays en développement et aux pays en développement de bénéficier d'investissements "propres". Il encourage, qui plus est, les transferts de technologie.
Dès l'origine des négociations, l'Union européenne s'est posée en acteur essentiel dans les débats et son système de réduction des émissions de GES a inspiré le mécanisme mis en place au niveau international. Elle prépare l'"après-2012" et espère la conclusion d'un nouvel accord international poursuivant ces efforts. Dans ce cadre, elle milite pour un engagement des Etats de réduire leurs émissions de GES de 30 % pour 2020, et d'au moins la moitié en 2050. Elle envisage, toutefois, la possibilité d'absence de consensus et revoit, dans ce cas, les objectifs qu'elle s'est fixé à la baisse, pour les ramener de 30 à 20 % en 2020. Pour l'heure, les annonces formulées dans le cadre du G8, tenu en juillet dernier, portent sur un engagement des Etats à réduire leurs émissions de GES de 80 % en 2050, mais aucune étape intermédiaire n'est envisagée pour le moment.
La réduction des émissions de GES implique une meilleure consommation de l'énergie. L'Europe a donc, également, adopté une politique de promotion de l'énergie, en particulier, concernant le recours aux énergies renouvelables.
Lexbase : Quelle législation a été mise en place par l'Union européenne pour atteindre ses différents objectifs de réduction des émissions de GES ?
Marie-Laetitia de La Ville-Baugé : L'Europe a mis en place, via la Directive (CE) 2003/87 du 13 octobre 2003, un système d'échange de quotas des émissions de GES au sein de l'Union européenne, pour lui permettre, notamment, de respecter les engagements qu'elle a pris dans le cadre du protocole de Kyoto (réduction de 8 % de ses émissions de GES d'ici 2012). Ce système s'applique, à compter du 1er janvier 2005, à tous les Etats membres de l'Union, ainsi qu'à la Norvège, à l'Islande et au Liechtenstein, et concerne les installations ayant des activités dans le secteur de l'énergie, la production et la transformation de métaux ferreux, l'industrie minérale et la fabrication de papier et de carton (correspondant aux installations listées à l'annexe I de la Directive). Les Etats membres peuvent choisir de l'appliquer aux installations listées à l'annexe I, qui n'atteignent pas les niveaux d'émissions fixés par le texte, voire à d'autres installations, activités et GES.
Le "quota" est le droit d'émettre une tonne de dioxyde de carbone ou de tout autre GES équivalent au cours d'une période spécifiée (d'abord trois ans, puis cinq à compter du 1er janvier 2008). L'Union s'est vue attribuer une enveloppe globale de quotas au titre du protocole, qu'elle a réparti entre les Etats, à charge pour eux de les attribuer annuellement, à leur tour, aux exploitants des installations situées sur leur territoire. Ceux-ci doivent les restituer lors des quatre premiers mois de l'année suivant celle de l'attribution. Un système à plusieurs niveaux de responsabilité (national, communautaire et international) est, ainsi, institué. Les attributions s'effectuent en conformité avec le plan national élaboré par l'Etat et sur lequel la Commission dispose d'un droit de regard. L'autorisation d'émettre des GES est délivrée aux exploitants par l'autorité compétente de l'Etat, s'il s'avère que ceux-ci sont en mesure de surveiller et de déclarer les émissions. La Directive prévoit une allocation à titre gratuit à hauteur de 95 % des quotas pour la première période triennale, et à hauteur de 90 % pour la période suivante. Il appartient, en outre, aux Etats membres d'assurer la libre circulation des quotas et de veiller à leur bonne restitution aux périodes prévues. En cas de non-restitution des quotas en temps et en heure, l'exploitant devra payer une amende sur les émissions excédentaires, qui s'élève à 60 euros par tonne d'équivalent-dioxyde de carbone pendant les trois premières années, et à 100 euros par la suite. Enfin, la Directive (CE) 2003/87 articule son système d'échange de quotas avec la mise en oeuvre conjointe (MOC) et le mécanisme de développement propre (MDP) prévus au protocole de Kyoto. Le texte reconnaît la validité des crédits résultants des projets de MOC et de MDP au même titre que les quotas : les unités de réductions des émissions (URE) dans le cadre de la MOC, et les réductions d'émissions certifiées (REC) dans le cadre des MDP.
Lexbase : En quoi consiste la politique de promotion de l'Union européenne en matière d'énergie ?
Marie-Laetitia de La Ville-Baugé : Le paquet "énergie-climat" pose une réglementation communautaire quant à la réduction des GES, mais édicte, également, une politique de promotion des énergies renouvelables. L'Union s'est, ainsi, fixée pour objectif :
- une réduction de 20 %, d'ici à 2020, de la consommation énergétique estimée ;
- une augmentation de 20 %, d'ici à 2020, de la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale ;
- de porter à au moins 10 %, d'ici à 2020, la part des biocarburants dans la consommation totale d'essence et de diesel, à condition que des biocarburants durables et de deuxième génération soient disponibles sur le marché ;
- de réaliser un marché intérieur de l'énergie apportant des bénéfices concrets aux particuliers et aux entreprises ;
- et d'intensifier la coopération internationale.
La Directive (CE) 2001/77 du 27 septembre 2001, relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité (N° Lexbase : L4711GUZ), régit ces questions et prévoit, également, des mesures spécifiques concernant l'évaluation de l'origine de l'électricité, le raccordement au réseau et les procédures administratives. Le texte s'applique aux énergies renouvelables, la difficulté ayant été de les définir ou, tout du moins, de les lister. Il s'agit de l'électricité produite à partir des sources d'énergies non fossibles renouvelables (énergie éolienne, solaire, géothermique, houlomotrice, marémotrice, hydroélectrique, biomasse, gaz de décharge, gaz des stations d'épuration d'eaux usées et biogaz). Le dispositif mis en place s'inscrit dans le cadre des engagements pris par l'Europe et les Etats membres au titre du protocole de Kyoto. Mais, outre les préoccupations environnementales, il est, également, une réponse aux problèmes de sécurité et de diversification de l'approvisionnement en énergie.
L'Union envisage déjà l'après-2020. Elle espère qu'en 2050, plus de la moitié de l'énergie qu'elle consommera sera tirée de sources ne produisant pas de dioxyde de carbone.
Lexbase : Comment l'Union européenne envisage-t-elle les enjeux économiques de la question du réchauffement climatique ?
Marie-Laetitia de La Ville-Baugé : L'Union européenne appréhende pleinement les enjeux du réchauffement climatique sous ses aspects environnementaux et sociaux, mais, bien évidemment, également, sous ses aspects économiques. Elle crée un marché de l'énergie renouvelable et des échanges de quotas de GES, porteur d'emplois et de croissance, sur lequel elle table beaucoup, compte tenu, notamment, de ses potentialités en la matière.
Le système de mise aux enchères des quotas reflète cette approche économique : les exploitants des installations, s'ils ne sont pas capables de restituer le nombre de quotas qui leur ont été alloués, ont la possibilité d'acheter à d'autres exploitants les quotas non-utilisés ou les crédits carbone acquis dans le cadre de projets dans les pays en voie de développement, ce qui évite d'avoir à régler une forte amende en cas de non-restitution. L'Union réduit, également, progressivement la part des quotas attribués gratuitement aux exploitants : de 95 % pour la première période de 3 ans, elle est passée à 90 % pour la période suivante, renforçant l'idée d'un marché des quotas. Enfin, ces marchés sont soumis à l'ensemble de la réglementation de la Communauté européenne. L'énergie et les quotas doivent, ainsi, pouvoir circuler librement entre les différents Etats membres.
Lexbase : Que sont venues préciser les deux Directives du 23 avril 2009 ?
Marie-Laetitia de La Ville-Baugé : Les Directives du 23 avril 2009 ont vocation à aménager et à préciser un certain nombre de dispositions des régimes mis en place en matière de réduction des GES et de promotion des énergies renouvelables. Mais, elles sont surtout l'occasion, pour l'Union européenne, de rappeler les enjeux liés au changement climatique et ses engagements pour lutter contre ce phénomène. Ces textes s'inscrivent dans le lobbying de l'Europe sur la scène internationale. Edictées peu avant le sommet international du G8 au cours duquel le climat a été l'un des principaux sujets débattus, et quelques mois avant la rencontre de Copenhague (qui se tiendra en décembre 2009), dont l'ordre du jour portera sur la conclusion d'un accord organisant l'"après-Kyoto", les Directives sont imprégnées de ce contexte international. Elles rappellent les impératifs de la survenance d'un consensus international, mais envisagent l'éventualité d'un échec et la politique qui sera celle de l'Union en pareil cas.
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