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N1140BLS
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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris
le 07 Octobre 2010
Plus stricte que le Conseil d'Etat, la Cour de cassation considère que les services des impôts qui utilisent une partie seulement d'un document obtenu auprès d'un tiers doivent, pour l'application de l'article L. 76 B du LPF,(N° Lexbase : L7606HEG) communiquer, lorsque le contribuable en fait la demande, l'intégralité de ce document.
On sait que, pour vérifier les impositions d'un contribuable, l'administration peut utiliser des renseignements recueillis auprès de tiers, que ce soit dans le cadre de son droit de communication ou lors d'un contrôle de ces tiers. Elle peut, également, se servir de renseignements obtenus de personnes non soumises au droit de communication, à condition que les demandes aient été effectuées de telle façon que la personne questionnée n'ait pas été induite en erreur sur son droit de s'abstenir de répondre (ainsi, l'enquête effectuée auprès de particuliers, au cours de laquelle, en l'absence de réponse, le service avait adressé une relance comminatoire, est irrégulière et entraîne l'annulation des redressements : CAA Lyon, 2ème ch., 24 juillet 2003, n° 98LY00342, M. Gilles Poncet N° Lexbase : A9382EIC). Dans ce cadre, l'article L. 76 B du LPF assure l'information du contribuable en imposant à l'administration, d'une part, l'obligation de lui indiquer la teneur et l'origine des renseignements, d'autre part, l'obligation de communiquer au contribuable qui le demande lesdits documents. Ces dispositions visent tous les types de contrôles, sur pièces, ou externe, toutes les procédures, contradictoires ou d'office.
1. Obligation d'information
L'obligation d'informer vise les renseignements et documents ayant permis de justifier les redressements notifiés. Il s'agit de déclarations ou d'actes déposés auprès de l'administration fiscale, de renseignements transmis par l'autorité judiciaire, de rapports de police, de procès-verbaux dressés par les agents du contrôle économique. L'obligation concerne, également, les informations recueillis lors du contrôle de la comptabilité de tiers, sauf dans l'hypothèse où les renseignements en cause sont couverts par le secret professionnel (CAA Versailles, 3ème ch., 7 juin 2005, n° 03VE00238, SARL GEI N° Lexbase : A0613DLB). En revanche, cette obligation ne vise pas l'utilisation des informations fournies annuellement par des tiers à l'administration conformément aux dispositions du CGI (CE, avis, 21 décembre 2006, n° 293749, Mme Duguay N° Lexbase : A1476DTT), ni les renseignements obtenus auprès d'un autre service de l'administration (par exemple, extraits du fichier immobilier de la conservation des hypothèques : TA Amiens, 10 mars 2005, n° 01-3667). L'obligation d'information est la seule de nature à permettre à l'administration de prouver qu'elle a mis le contribuable en mesure de demander la communication des pièces. Ce qui met, ensuite, ce dernier en situation de pouvoir les contester au cours de la procédure. Pour respecter ce principe, l'administration précise que l'information doit être effectuée au stade de la proposition de rectification (BOI 13 L-6-06, n° 8 du 21 septembre 2006 N° Lexbase : X7347ADH).
2. Obligation de communication sur demande
La communication est liée à une demande préalable du contribuable. Cette demande écrite (ou par courriel) doit être expresse et explicite. Ainsi, la personne vérifiée qui, informée de l'utilisation par l'administration de renseignements obtenus auprès de tiers, "déplore" l'absence de présentation de ces documents, ne fait pas état d'une demande explicite (CAA Versailles, 3ème ch., 7 juin 2005, n° 02VE03837, M. Alain Baudin N° Lexbase : A0572DLR). La demande doit être formulée auprès du service chargé du contrôle avant la mise en recouvrement des impositions. S'agissant de l'étendue de cette obligation, la doctrine administrative précise que ne sont concernés que les documents qui justifient les redressements (BOI 13 L-6-06 précitée n° 16). C'est cette doctrine, validée par le Conseil d'Etat, qui vient d'être condamnée par la Haute juridiction. L'administration doit communiquer l'intégralité du document dont seuls certains extraits ont été utilisés par le vérificateur.
L'allégation selon laquelle la signature apposée sur l'accusé de réception de la réponse aux observations du contribuable n'est pas la sienne ne peut être retenue que si le contribuable démontre que le pli aurait été reçu par une personne n'ayant pas qualité pour le faire.
Lorsque le destinataire d'une proposition de rectification est une personne physique, le pli doit être envoyé à la dernière adresse connue par le service. Ainsi, comme dans l'affaire qui était soumise aux juges du Palais-Royal, le destinataire ne peut invoquer l'irrégularité de la procédure que s'il justifie avoir signalé son changement d'adresse. De même, la fausse bonne idée selon laquelle la signature figurant sur l'accusé de réception n'est pas celle du contribuable ne peut être retenue que si celui-ci établit formellement que cette signature n'est pas la sienne (CE, 2 octobre 1989, n° 70219, Matijaca N° Lexbase : A0659AQH).
1. L'envoi du pli à l'adresse connue par le service
En cas de changement d'adresse, le contribuable doit en informer le service et prendre toutes mesures pour faire suivre son courrier (Doc. adm. 13 L-1513, n° 67 du 1er juillet 2002). Cette doctrine, qui a été confirmée par le juge, concerne, non seulement les propositions de rectification, mais aussi les décisions de rejet des réclamations. Ainsi, par exemple, une proposition de rectification envoyée à l'adresse qui figurait sur la dernière déclaration de revenus du contribuable retourné à l'expéditeur avec la mention "n'habite plus à l'adresse indiquée" n'est pas régulièrement signifiée au motif que le contribuable avait déposé à son bureau de poste un ordre de réexpédition définitif de son courrier (CAA Paris, 2ème ch., 29 septembre 2004, n° 00PA00024, M. Gérard Schlumberger N° Lexbase : A3581DED). Cependant, le juge fait preuve d'un certain pragmatisme. En effet, même si la notification est envoyée à l'ancienne adresse, alors que le contribuable avait communiqué la nouvelle, la procédure est régulière dès lors qu'il a eu connaissance du document puisqu'il en accusait réception dans sa réponse au service (CE, 20 février 1985, n° 39700).
2. Qualité du signataire
En principe, l'avis contenant la proposition de rectification doit être signé par le contribuable lui-même. Bien entendu, l'avis annonçant un contrôle des comptes de deux époux peut être adressé à un seul d'entre eux. En revanche, s'il s'agit de la vérification de la comptabilité de l'entreprise exploitée par un seul d'entre eux, ce dernier doit recevoir l'avis de vérification à son nom. Dans l'hypothèse où la proposition de rectification n'est remise ni au contribuable, ni à son représentant légal ou son fondé de pouvoir, le Conseil d'Etat considère que les dispositions de la réglementation postale ne peuvent empêcher l'expéditeur d'un pli d'estimer qu'il est régulièrement parvenu à son destinataire, quel que soit le signataire, dès lors que l'avis de réception lui à été renvoyé. Tel est le cas lorsque le pli a été remis à l'adresse indiquée par le contribuable et que le signataire de l'avis a des liens personnels ou professionnels suffisants avec le destinataire. Ce qui vise les membres de la famille du destinataire, ses employés ou ses associés. Ainsi une proposition de rectification reste régulière, lorsque, adressée à un notaire, elle a été reçue par un clerc, personne qui, d'après les usages de la profession, a qualité pour recevoir cette proposition (CE, 28 janvier 1981, n° 16600 N° Lexbase : A3456AK9). En revanche, les redressements ne sauraient être considérés comme valablement notifiés lorsque la lettre recommandée a été remise à une personne n'ayant aucune qualité pour la recevoir et qu'il n'est pas établi que le contribuable en aurait eu connaissance (Doc. adm. 13 l 1513, n° 25 du 1er juillet 2002). Dans l'affaire soumise récemment aux juges, même si le contribuable alléguait que la signature portée sur l'accusé de réception n'était pas le sienne, la procédure a été jugée régulière puisqu'il ne démontrait pas que le pli aurait été reçu par une personne n'ayant pas qualité pour le faire. Ainsi, dans ce domaine, la charge de la preuve est renversée, au motif que, dépendante du service des postes, l'administration n'a pas de contrôle sur les conditions dans lesquelles ses plis sont remis.
Un avocat ne peut assurer sa propre représentation devant une cour d'appel dans un litige qui l'oppose personnellement à l'administration fiscale.
Il paraît de bon sens de considérer qu'un avocat, de surcroît, spécialiste de la matière dans laquelle se situe le litige qui l'oppose à l'administration, puisse assurer sa propre présentation. Il est vrai que, par ailleurs, lorsque le contentieux concerne ses propres intérêts, le contribuable peut manquer du recul nécessaire à une bonne défense. Le litige qui opposait un avocat à l'administration découle du décret du 24 juin 2003 (décret n° 2003-543, du 24 juin 2003, relatif aux cours administratives d'appel et modifiant la partie réglementaire du Code de justice administrative N° Lexbase : L6539BHN) qui a rendu obligatoire en appel le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ou d'un avocat inscrit au barreau ou d'un avoué en exercice dans le ressort de la Cour. L'article R. 431-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3029ALR) précise, également, que "la signature des requêtes et mémoires par l'un de ces mandataires vaut constitution et élection de domicile chez lui". S'appuyant, d'une part, sur la définition du mandat, acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom, d'autre part, sur le principe d'indépendance de l'avocat, le Conseil d'Etat en conclut que l'avocat doit être une personne distincte du requérant, dont les intérêts personnels ne sont pas en cause dans l'affaire. Par suite, un requérant exerçant la profession d'avocat ne peut, dans une instance dans laquelle il est personnellement partie, assurer sa propre représentation.
Le comité des abus de droit confirme que seule la réappropriation du produit de cession permet à l'administration d'invoquer l'abus de droit en cas de donation d'un bien suivie de sa cession.
1. La distinction abus de droit - optimisation
Si l'excès d'imagination, qui est à l'optimisation ce que le vice est à la vertu, est parfois répréhensible, la démarche qui consiste à exploiter au mieux de ses intérêts la législation fiscale est saine. Selon la nouvelle définition légale, introduite par la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, de finances rectificative pour 2008 (N° Lexbase : L3784IC7), l'abus de droit est démontré lorsque, soit les actes passés par un contribuable ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, auraient normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. Ainsi, l'abus de droit est-il caractérisé lorsque l'acte a un caractère fictif ou lorsque l'intention du contribuable est d'éluder ou d'atténuer une imposition en respectant la lettre de la loi mais pas son esprit. La frontière est donc ténue entre l'habileté fiscale (Cass. com., 19 avril 1988, n° 86-19.079, Mme Dozinel N° Lexbase : A7796AAY) et l'abus, que le regretté professeur Cozian dénommait le péché des surdoués de la fiscalité. L'abus est le détournement de l'esprit de la règle fiscale, à l'encontre des motifs qui l'ont inspirée.
Ainsi, tout contribuable est libre d'arbitrer entre les différentes possibilités que lui offre la législation fiscale dans le sens le plus avantageux pour lui, dès lors que ses choix sont dépourvus de toute intention frauduleuse (Bienvenu et Lambert, Droit fiscal, PUF Droit, coll. droit fondamental, classiques 2003, pp. 205 et 206).
2. La réappropriation
En cas de donation de la pleine propriété ou de la seule nue-propriété d'un bien suivie de sa cession, permettant d'écarter ou de réduire la plus-value, la remise en cause de l'opération n'est validée par le comité que dans l'hypothèse où il est démontré que les donateurs ont conservé l'intégralité du prix de cession. Ainsi, dans une telle hypothèse, il est aisé, pour le service, de démontrer que l'acte de donation ne pouvait traduire une réelle intention libérale qui implique une véritable dépossession (affaire n° 2007-04, conservation directe du prix, affaire n° 2007-27, conservation du prix par la souscription de contrats de capitalisation dont seuls les donateurs étaient propriétaires). En revanche, la conclusion d'une convention de quasi-usufruit, postérieurement à la cession de la nue-propriété par les donataires et de l'usufruit par le donateur, n'autorise pas la mise en oeuvre de la procédure spécifique. En effet, le comité considère que le mécanisme ainsi substitué à l'obligation de remploi imposée à l'usufruitière en cas de cession n'induit pas une réappropriation, même si l'usufruitière est dispensée de fournir caution (affaire n° 2008-06).
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