Réf. : Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, art. 24 I N° Lexbase : Z00019UY ; loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite N° Lexbase : L2872MI9
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par Sylvian Dorol, Commissaire de justice associé, Directeur scientifique de la revue Lexbase Contentieux et recouvrement, Expert près l’UIHJ
Le 25 Octobre 2023
Julien Laurent, Professeur à l'Université Toulouse Capitole, Directeur du Master droit immobilier (FOAD), Centre IEJUC
Il y a des sujets qui réunissent la profession. D’autres provoquent de très vives discussions, comme la question de savoir si le nouvel article 24-I de la loi du 10 juillet 1989 (dans sa version issue de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite N° Lexbase : L2872MI9, prévoyant désormais l’insertion systématique d’une clause résolutoire dans le contrat de bail d’habitation) s’applique aux contrats en cours ou non. Afin d’arbitrer, il me fallait interroger un tiers spécialiste. Le Professeur Julien Laurent l’est. Agrégé des facultés de droit, spécialiste de droit immobilier et notamment des baux, il a accepté de répondre à mes interrogations. J’aurais adoré le rencontrer à Toulouse, où il enseigne, pour l’interroger, mais nous avons préféré un entretien téléphonique. Initialement, nos avis étaient opposés, mais je dois avouer qu’il est très persuasif, avec des arguments extrêmement percutants !
Sylvian Dorol : Que prévoyait l’article 24-I de la loi du 6 juillet 1989 ancien ?
M. Le Pr. Julien Laurent : Jusqu’à la promulgation de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite N° Lexbase : L2872MI9, l’article 24 de la loi de 1989 N° Lexbase : Z00019UY autorisait, conformément au droit commun et plus précisément l’article 1224 du Code civil N° Lexbase : L0826KZM, mais en l’encadrant strictement, la stipulation d’une clause résolutoire en cas de non-paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou en cas de non-versement du dépôt de garantie. Le texte disposait que « I.-Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux ».
L’avantage de ce type de clause est bien connu : si l’inexécution par l’une des parties au contrat de bail peut bien entendu toujours potentiellement justifier la résolution judicaire du contrat (C. civ. art. 1224), voire une résolution unilatérale aux risques et périls du bailleur (art. 1226, C. civ.) c’est à la condition que le juge estime que le manquement contractuel reproché au locataire est suffisamment grave. Afin précisément de priver le juge de son pouvoir d’appréciation sur la gravité de l’inexécution, les parties prennent souvent le soin d’insérer dans le contrat une clause résolutoire de plein droit (C. civ. art.1225 N° Lexbase : L0828KZP) Il suffit que le juge constate le manquement reproché pour faire produire à la clause son effet et donc prononce la résolution du contrat. Du fait de sa dangerosité pour le locataire, deux règles encadrent la stipulation d’une clause résolutoire : d’une part, la clause résolutoire de plein droit ne peut viser qu’un certain type de défaut d’exécution, parmi lesquels figure évidemment et notamment le non-paiement du loyer, des charges et du dépôt de garantie (L. 89, art. 4, g)) ; d’autre part, sa prise d’effet est subordonnée à un commandement de payer resté infructueux pendant deux mois (art. 24-I, ancien). Cette clause résolutoire est très couramment prévue en pratique.
Sylvian Dorol : Quelles modifications ont apporté l’article 9 de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite à l’article 24-I de la loi du 6 juillet 1989 ?
M. Le Pr. Julien Laurent : Entre autres innovations, la loi du 27 juillet 2023 n° 2023-668 N° Lexbase : L2872MI9 réécrit l’article 24-I de la loi du 6 juillet 1989. Le nouveau texte prévoit désormais que « I. - Tout contrat de bail d'habitation contient une clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie. Cette clause ne produit effet que six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux. ».
Autrement dit, la loi prévoit une systématisation de la clause de résiliation du bail (pour défaut de paiement de loyer ou des charges ou de versement du dépôt de garantie) dans les contrats de bail qu’elle concerne. Corollairement, il est prévu que le commandement de payer contient, à peine de nullité la mention que le locataire dispose d'un délai de six semaines pour payer sa dette (même texte).
Dans le même temps, le délai minimal entre l’assignation aux fins de constat de la résiliation et l’audience diligentée par le commissaire de justice est également réduit de deux mois à six semaines (art. 24-III).
Sylvian Dorol : Comment devrait s’appliquer le nouveau texte dans le temps ? S’applique-t-il notamment aux contrats de bail en cours ?
M. Le Pr. Julien Laurent : Il faut d’emblée préciser que la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 ne contient pas de dispositions transitoires venant régler les conditions de son application dans le temps. Il faut donc revenir aux principes généraux.
Toutefois, et par exception, les lois nouvelles sont parfois immédiatement applicables aux contrats en cours. La Cour de cassation – aiguillée par la doctrine – a eu ainsi en sus recours notamment à deux critères permettant de fonder cette application immédiate de la loi nouvelle aux situations contractuelles nées antérieurement à la loi mais toujours en cours : le critère de l’ « ordre public » (de protection ou de direction), et dans le dernier état de sa jurisprudence, l’ « effet légal du contrat » (une partie du contrat, largement prédéfini par la loi, de sorte qu’elle en deviendrait plus « legalsensible », et verrait ses effets soumis pour cette part à la loi nouvelle). Derrière ces concepts (aux différences parfois subtiles), l’idée est au fond toujours la même : la loi nouvelle est munie d’une certaine « charge » impérative, suffisante pour justifier l’uniformisation entre les contrats soumis à la nouvelle loi et les contrats en cours, au détriment des prévisions contractuelles, qui intégraient la loi ancienne.
L’article 24-I relève-il de cette catégorie de disposition ? Quel que soit le critère justifiant l’application immédiate de la loi nouvelle au contrat en cours auquel on pourrait avoir recours, il y a, selon nous, tout lieu de le penser.
En somme, quel que soit le critère retenu, une considération d’uniformité devrait selon nous prévaloir et conduire à faire produire effet immédiat à la loi nouvelle aux baux en cours. À défaut, coexisteraient (certes pendant trois ans au plus) deux catégories de baux d’habitation relevant de la même loi : ceux qui contiendront automatiquement une clause produisant effet après un délai de six semaines et ceux qui, soit n’en contiendront jamais (parce que les parties ne l’avaient pas prévu) soit en contiendront une mais ne produisant effet qu’après un délai de deux mois, créant ainsi deux catégories de locataires et de bailleurs très différemment protégées. Ce serait à notre avis inopportun.
Sylvian Dorol : Quel sera probablement l’effet concret du nouveau texte sur les contrats de bail qui ne contiennent aucune clause résolutoire ?
M. Le Pr. Julien Laurent : Si l’on accepte les prémisses d’une application immédiate de la loi nouvelle aux contrats en cours, les contrats ne contenant aucune clause résolutoire – hypothèse rare en pratique – seront immédiatement soumis à la loi nouvelle. Ils contiennent donc depuis l’entrée en vigueur de la loi, tous, une clause résolutoire prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie. Cette clause produit effet six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux.
Sylvian Dorol : Quel sera l’effet du nouveau texte sur les contrats de bail qui contiennent une clause résolutoire ?
M. Le Pr. Julien Laurent : S’agissant des contrats contenant une clause résolutoire se bornant à reprendre l’ancien article 24-I de loi de 89 (en substance ou servilement), se référant notamment au délai (ancien) de deux mois avant que la clause ne puisse produire effet, ces clauses sont de plein droit remplacées, dès l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, par une clause résolutoire prenant effet six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux. Ici, le principe de l’application immédiate de la loi nouvelle aux effets légaux du contrat devrait jouer à plein, s’agissant d’une clause dont les conditions d’application sont empruntées à la loi ancienne et qui se trouverait remplacée dans ses effets par la loi nouvelle.
Mais la même solution devrait prévaloir à notre avis pour les clauses ayant accordé un délai supérieur au minimum légal (donc plus de deux mois). Certes, on pourrait arguer qu’en stipulant de la sorte, les parties auraient entendu se mettre hors du champ légal et qu’il conviendrait par conséquent de ne pas appliquer la loi nouvelle à leur contrat. Ce serait à notre sens parfaitement fictif et rétrospectif puisqu’elles ignoraient par hypothèse la survenance de la loi nouvelle ; comment préjuger dans ces conditions et a posteriori de leur volonté ? Au demeurant, cela reviendrait non sans paradoxe à traiter plus sévèrement les bailleurs ayant pris la précaution d’insérer une clause résolutoire (soumise par conséquent au délai minimum de deux mois ou plus), que ceux qui n’auraient rien prévu, puisque leur contrat se verrait appliquer immédiatement la loi nouvelle et bénéficieraient ainsi du délai accéléré de six semaines.
Sylvian Dorol : Comment analyser techniquement l’effet de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle sur les stipulations contractuelles existantes ?
M. Le Pr. Julien Laurent : À notre sens, il est possible de considérer que les clauses anciennes deviennent caduques du fait de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle. Il n’y a donc pas lieu d’agir en nullité des anciennes clauses.
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Réf. : CA Paris, 4, 10, 6 juillet 2023, n° 20/06579 N° Lexbase : A448099S
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par Jean-Luc Bourdiec, Commissaire de justice, Délégué de la cour d'appel d'Orléans à la Chambre nationale des commissaires de justice et Pierre-Harald Leducq, Commissaire de justice
Le 27 Septembre 2023
Mots clés : commissaire-priseur judiciaire • huissier de justice • commissaire de justice • responsabilité contractuelle • responsabilité délictuelle • faute • vente judiciaire
Un créancier engage la responsabilité du commissaire-priseur judiciaire qui a vendu aux enchères des biens précédemment saisis par un huissier en vertu d’un titre exécutoire. Le produit de cette vente n’a pas permis de désintéresser le créancier. Il reproche des fautes professionnelles au commissaire-priseur judiciaire.
La cour d’appel de Paris, après avoir détaillé les obligations et les devoirs de ce dernier, conclut à l’absence de faute.
L’histoire qui a donné lieu à l’arrêt rendu le 6 juillet 2023 par la cour d’appel de Paris se passe entre 2016 et 2018, bien avant l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2023, de la réforme qui a abouti à la fusion des professions de commissaire-priseur judiciaire et d’huissier de justice [1].
Une personne confie un tableau à un galeriste. Ce dernier le vend mais ne reverse pas les fonds. La personne l’assigne en paiement et le galeriste est condamné à payer 85 000 euros en principal par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Paris. Agissant en vertu de cette ordonnance et mandaté par la personne - devenue le créancier, l’huissier de justice saisit les meubles du galeriste, en l’occurrence les tableaux qu’il détient, en compagnie d’un commissaire-priseur judiciaire. Ce dernier procède ensuite au récolement et à l’enlèvement des objets saisis et laisse sur place quelques tableaux faisant à ce moment-là l’objet d’une exposition dans la galerie. Alors que la vente est annoncée à l’hôtel Drouot, le galeriste conteste la saisie et demande l’annulation du procès-verbal. Le juge de l’exécution distrait un des tableaux saisis et des bronzes, œuvres restituées immédiatement au galeriste.
L’huissier de justice et le commissaire-priseur retournent à la galerie, le premier pour effectuer une saisie complémentaire sur d’autres tableaux ainsi que sur un « buste de Johnny » ; le second pour enlever les œuvres laissées sur place lors du premier enlèvement (les tableaux exposés).
La vente est à nouveau programmée à l’hôtel Drouot. Les publicités légales sont publiées dans le Moniteur des Ventes et la Gazette de l’hôtel Drouot. Les biens sont vendus aux enchères publiques. Certains ne trouvent pas preneur. Dix-sept tableaux sont vendus pour un produit total de 5 320 euros. L’expert avait fourni une estimation comprise entre 18 500 et 27 300 euros, pour les œuvres vendues, déduction faite de la valeur des œuvres retirées. Quant au buste de Johnny, l’histoire n’en dit pas plus.
***
S’il n’est pas inhabituel que le débiteur saisi soulève des contestations, dans cette affaire c’est le créancier qui reproche au commissaire-priseur d’avoir manqué à ses devoirs. Il demande réparation du préjudice subi du fait d’une vente à vil prix et selon des modalités inadaptées. Il l’assigne en responsabilité devant le tribunal de grande instance. Il est débouté de l’ensemble ses demandes. Il interjette appel.
En appel, le créancier reproche au commissaire-priseur d’avoir commis une faute engageant sa responsabilité civile professionnelle, notamment pour avoir mis en vente les œuvres saisies pour un prix dérisoire, pour avoir méconnu son obligation de moyens de vendre les œuvres au meilleur prix, et d’avoir manqué à son devoir de conseil.
Très logiquement, la cour confirme la décision dans une décision qui examine de façon clinique les obligations du commissaire-priseur judiciaire. Cet arrêt permet de s’interroger sur la nature de la responsabilité du commissaire-priseur vis-à-vis du créancier lorsqu’il est chargé de vendre des biens saisis pour désintéresser ce créancier, avant d’évoquer plus généralement les obligations du commissaire-priseur judiciaire.
I. Sur le régime de responsabilité du commissaire-priseur judiciaire
La responsabilité du commissaire-priseur judiciaire vis-à-vis du créancier ne peut être que délictuelle, fondée sur l’article 1240 du Code civil N° Lexbase : L0950KZ9. Aucun contrat ne les liant, cette responsabilité ne peut pas être contractuelle.
En effet, le créancier donne mandat à l’huissier de justice de ramener un titre à exécution. Ce dernier procède à la saisie des biens du débiteur et confie ensuite le dossier à un commissaire-priseur judiciaire pour que celui-ci fasse son office. Les liens ne sont donc pas contractuels entre l’officier vendeur et le créancier au profit duquel la vente est organisée. Le régime de la responsabilité ne peut être qu’extracontractuel. Il n’y a pas lieu de chercher dans les termes d’un contrat. Il convient d’envisager les obligations et les devoirs de l’officier vendeur.
Mais avant d’évoquer ces obligations, puisqu’il s’agit en l’occurrence d’une vente forcée et non d’une vente volontaire, la cour rappelle et précise le rôle du commissaire-priseur judiciaire.
« L’huissier et le commissaire-priseur ne sont en effet liés par aucun contrat et le second était tenu de prêter son concours au premier, au titre de la mise en place d’une mesure d’exécution forcée d’une décision de justice, sauf à engager sa responsabilité en cas de refus. »
Il n’intervient qu’à la demande de l’huissier de justice, lequel est chargé de l’exécution et a la responsabilité de la conduite des opérations d’exécution[2]. Il n’intervient pas dans la détermination des biens à saisir. Le commissaire-priseur judiciaire n’a donc pas de devoir de conseil vis-à-vis du créancier puisque rien ne les lie. Il n’a pas non plus de devoir de conseil vis-à-vis de l’huissier de justice, puisque, mis devant l’objet saisi comme devant le fait accompli, il ne peut que vendre au meilleur prix.
II. Les obligations du commissaire-priseur judiciaire
La cour d’appel de Paris rappelle que, conformément aux dispositions des articles L. 221-3 N° Lexbase : L9499I7X et L. 221-4 N° Lexbase : L5854IRA et R. 221-33 N° Lexbase : L2278ITK et suivants du Code des procédures civiles d’exécution, seule une obligation de moyen est mise à la charge du commissaire-priseur judiciaire : celle de vendre les objets saisis au meilleur prix. La cour rappelle également les autres obligations incombant au commissaire-priseur judiciaire : obligation sur la présentation des œuvres et la publicité, sur la mise à prix et la formation des lots, sur la poursuite de la vente et sur le prix d’adjudication. Dans le cas d’espèce, toutes ces obligations ont été respectées par le commissaire-priseur judiciaire.
D’abord, l’obligation de présenter les œuvres au lieu où se trouvent les objets saisis ou en salle des ventes ou tout autre lieu ouvert au public, en application des articles R. 221-33 du Code des procédures civiles d’exécution. Le commissaire-priseur judiciaire doit également procéder à des publicités dans des journaux spécialisés et exposer ces œuvres avant la vente aux enchères.
Par ailleurs, la cour considère que le rôle de l’expert, rôle facultatif, est essentiellement l’authentification et l’attribution d’une œuvre à un peintre. S’agissant des estimations de ce dernier, la cour précise qu’elles ne sont fixées qu’à titre indicatif. Ainsi, le commissaire-priseur judiciaire n’est pas tenu par ces estimations et reste donc maître de la mise à prix des objets figurant dans sa vente. En outre, la cour rappelle que le prix doit être attractif afin d’engendrer un surenchérissement des acquéreurs potentiels.
Enfin, aucun texte n’impose au commissaire-priseur judicaire d’interrompre la vente aux enchères lorsque le prix ne couvre pas le montant de la créance. Les frais déjà engagés sur la vente et l’annulation de la vente précédente lui permettent d’adjuger ces œuvres en deçà des estimations données.
Pour autant, la cour d’appel de Paris n’a rappelé qu’une partie des obligations légales mises à la charge du commissaire-priseur judiciaire. Il semble opportun de préciser que ce dernier est également soumis à d’autres obligations, notamment :
À ces obligations légales viennent s’ajouter des obligations déontologiques et des devoirs généraux. Le commissaire-priseur judiciaire doit faire preuve de loyauté, de transparence et de discrétion au sujet des informations dont il a connaissance dans le cadre de ses activités. Il doit également être diligent, indépendant et vigilant ainsi que veiller à ne pas générer de conflit d’intérêts.
Conclusion
Cette décision est sans doute la dernière qui tranche un litige entre le créancier et le commissaire-priseur judiciaire chargé de vendre les biens du débiteur au profit du premier. En effet, les fonctions dévolues à ce professionnel sont désormais l’apanage des commissaires de justice, nouvelle profession en exercice depuis le 1er juillet 2022.
Reste ouverte la question de la responsabilité du nouveau commissaire de justice à l’égard de son mandant, et des obligations générales de cet officier ministériel agissant désormais en tant qu’agent chargé à la fois de saisir et de vendre aux enchères publiques les biens du débiteur.
À cet égard il n’est pas inutile de rappeler que les fonctions d’huissier et d’officier priseur vendeur de meubles, déjà séparées, ont été regroupées en 1576, puis à nouveau séparées en 1691 à Paris puis dans toute la France en 1696 pour les raisons que donne Louis XIV dans son édit de Fontainebleau d’octobre 1696 :
« Comme nous avons reconnu que le public se trouve mieux servi par ces officiers, lesquels n’étant presque employés qu’à ces fonctions, acquièrent la connaissance nécessaire pour faire une juste estimation du prix des meubles, nous avons jugé à propos de distraire pareillement ces fonctions de celles des huissiers et sergents de nos autres justices royales, et d’y créer des huissiers priseurs vendeurs desdits biens meubles » partout en France.
Depuis la création de la profession de commissaire de justice, ces fonctions sont à nouveau réunies. Désormais, le commissaire de justice sera lié au créancier-requérant par un mandat. Il sera toujours tenu à des devoirs généraux et déontologiques, outre les obligations résultant du Code des procédures civiles d’exécution. S’agissant du devoir de conseil, par exemple sur l’opportunité de saisir un buste de Johnny, il est probable que le commissaire de justice y sera tenu contrairement au commissaire-priseur judiciaire qui ne l’était pas, ce qui donnera lieu assurément à de nombreuses jurisprudences.
[1] Ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice N° Lexbase : L4070K8A.
[2] CPCEx, art. L. 122-2 N° Lexbase : L5811IRN: L'huissier de justice chargé de l'exécution a la responsabilité de la conduite des opérations d'exécution.
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par Sylvian Dorol, Commissaire de justice associé, Directeur scientifique de la revue Lexbase Contentieux et recouvrement, Expert près l’UIHJ, Intervenant à l’ENM, EFB et Sciences Po
Le 12 Décembre 2023
Mots-clés : commissaire de justice • déontologie • déontologie • acte numérique
Le « hors le droit » désigne toutes ces situations où l’application de la règle le droit est impossible, ou aboutit à un résultat contraire à l’esprit du texte. Urgentiste du droit, professionnel de terrain, le commissaire de justice est très régulièrement appelé à œuvrer dans cette zone grise qu’est le « hors le droit ».
La particularité du commissaire de justice est que, contrairement aux autres professionnels du droit, il ne dispose que très peu de temps pour résoudre les problématiques juridiques qu’il rencontre. En saisie-vente, en expulsion, ou en constat sur ordonnance, il est inenvisageable de prendre quelques minutes pour effectuer des recherches juridiques au risque de voir son autorité pâtir de cet aveu…
Les lignes qui suivent explorent les raisons qui peuvent pousser le commissaire de justice à œuvre « hors le droit », à ignorer la lettre du texte pour en respecter l’esprit.
« Moi ? Jamais ! »… Le sujet du hors la loi est très difficile, presque tabou, pour un commissaire de justice.
En effet, en tant qu’officier public et ministériel, il est délicat de ne pas respecter le droit. Cela découle de la formule même du serment que le commissaire de justice prête et dont il est ci-après rappelé la formule : « Je jure de loyalement remplis mes fonctions avec exactitude et probité de remplir en tout les obligations qu’elles m’imposent ».
Cependant, en tant qu’urgentiste du droit, le commissaire de justice doit souvent parer à l’imprévu : il ne sait jamais ce qui se cache derrière une porte avant de l’ouvrir… Ainsi, il est des situations où la règle de droit et la hiérarchie des normes de Hans Kelsen est bouleversée par la suprématie de la formule :« Nécessité fait loi ». La formule, si elle est appliquée sur le moment, est cependant parfois difficile à justifier a posteriori et c’est pourquoi il est important de s’y pencher quelques instants ensemble.
Parce que « nécessité fait loi », les lignes qui suivent dérogent au sacro-saint plan juridique en deux parties pour lui préférer un exposé en trois parties en étudiant :
Dans un premier temps : le hors le droit justifié par la déontologie du commissaire de justice ;
Dans un deuxième temps : le hors le droit justifié par l’acte numérique du commissaire de justice ;
Dans un troisième et dernier temps : le hors le droit justifié par la réalité du commissaire de justice.
I. Le hors le droit justifié par la déontologie du commissaire de justice
Étonnamment, la déontologie du commissaire de justice était difficilement accessible, presque réservée aux initiés. Cependant, avec la réforme de la déontologie des officiers publics et ministériels, il est sûr que cela va changer. Le texte spécifique à la profession étant en cours d’élaboration, les réflexions qui suivent naissent à la lecture du Règlement déontologique national du 5 décembre 2018.
L’alinéa 2 de l’article 2 dispose ainsi que « l’huissier veille avec humanité à la stricte proportionnalité de ses actes » et l’article 36 indique que « l’huissier de justice agit avec tact et humanité vis-à-vis des débiteurs, sans exercer de contrainte inutile, ni mettre en œuvre des mesures disproportionnées ». Il est possible de remarquer que le mot « humanité », utilisé à deux reprises dans le Règlement déontologique national du 5 décembre 2018, impose à l’huissier de justice de mesurer ces actions, alors même qu’il n’est employé ni dans le Code de procédure civile, ni dans le code des procédures civiles d’exécution… Cela pourrait même être dangereux puisque l’humanité renvoie au sens moral de l’homme qui porte la robe du professionnel : c’est donc une notion intime, voire arbitraire…
Justement : Jhering enseignait que « Ennemie jurée de l’arbitraire, la forme est la sœur jumelle de la liberté ». C’est alors qu’il est possible de commencer à comprendre le dilemme qui va s’imposer au commissaire de justice dans l’exercice de son ministère.
Pour comprendre, il faut envisager un cas concret :
Un huissier de justice, qu’on appellera Cadet Rousselle, est requis de signifier un acte en DJT (acronyme désignant dans la profession : Dernier Jour Tardif. Il s’agit d’un acte qui doit être signifié le jour-même sous peine de voir sa responsabilité civile professionnelle engagée), comme une assignation en contestation de saisie-attribution.
Parvenu au domicile du destinataire de l’acte, en ayant usé du pass Vigik dont le législateur l’a gracieusement équipé il y a peu, il monte au quatrième étage et tape à la porte du requis.
La porte s’ouvre sur un homme, qui se trouve être le frère du requis. Il explique à l’huissier de justice que son frère est bien là, mais effondré par la mort de sa fille qu’il vient d’apprendre le matin même.
La problématique qui se pose à l’huissier de justice est de savoir s’il doit demander à voir le père en larmes pour satisfaire à l’article 654 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6820H7Q qui dispose que l’acte doit être remis à la personne de son destinataire, ou s’il doit remettre l’acte au frère, voire se retirer... Sachant que dans toutes les hypothèses, son acte sera critiqué.
La déontologie commande dans cette hypothèse de faire preuve d’humanité et de se retirer. Il serait cependant possible d’affirmer que, plus que la déontologie, c’est la destinée de la signification qui impose à l’officier public et ministériel de se retirer. En effet, la signification n’est pas seulement remettre un acte, mais transmettre une information.
Comment admettre que l’homme éploré qui se voit remettre un acte sera conscient de la portée de celui-ci, tant ce bout de papier est dérisoire par rapport au chagrin qu’il traverse ? Même remis à son destinataire dans ce cas, la signification serait inutile eu égard à sa finalité en raison de l’incapacité émotionnelle temporaire du requis.
Dans ce cas, et dans d’autres, la déontologie du commissaire de justice sera le motif du non-respect du droit par cet officier public et ministériel. Il instrumentera hors le droit…
Mais il est certaines hypothèses qui sont tout autant surprenantes, comme celle où la pratique hors droit est justifiée par l’acte numérique du commissaire de justice.
II. Le hors le droit justifié par l’acte numérique du commissaire de justice
Dans les développements qui suivent, il faut garder à l’esprit la célèbre formule de Lessig : « Code is Law »… Cette maxime en tête, il faut aborder le cas de la procédure de saisie-attribution, qui permet à un créancier porteur d’un titre exécutoire de procéder à la saisie des créances de son débiteur entre les mains d’un tiers (c’est classiquement le cas de la saisie de compte bancaire).
Cette procédure est régie par le code des procédures civiles d’exécution et l’acte de saisie est décrit en l’article R. 211-1 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2207ITW. Cet article dispose notamment que l’acte contient « L’indication des nom et domicile du débiteur ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ».
Le problème est qu’en pratique, il est impossible de réaliser une saisie-attribution si l’acte ne porte pas les date et lieu de naissance du débiteur. Sur ce point, il était possible de lire dans le journal de la Chambre nationale des huissiers de justice de septembre 2021 que certaines banques rejetaient les saisies à ce motif, sans pour autant s’avancer sur les conséquences de droit, et notamment si cela constituait un motif légitime permettant à la banque de s’exonérer de son obligation de réponse sur le champs… Dans ce cas, le hors le droit va à l’encontre de la force de la saisie, puisqu’aucun texte n’exige ces mentions !
Dans le même sens, il est prévu que, lorsque la banque a consenti à la signification électronique, la saisie doit lui être délivrée ainsi. Pour autant, rien n’est indiqué quant à la validité de la saisie « papier », qui peut parfois s’avérer nécessaire, notamment en cas de mise à jour informatique… Dans cette hypothèse, il est possible de penser que l’acte « papier » sera valide, mais que le tiers saisi disposera d’un motif légitime pour ne pas répondre sur le champ...
La saisie-attribution électronique pratiquée, il faut la dénoncer au débiteur. Pour cet acte, il faut donc se référer à l’article R. 211-3 du code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2667ITX qui prévoit notamment que l’acte doit contenir « la reproduction des renseignements communiqués par le tiers saisi ». Dans l’hypothèse où la réponse tarde, la dénonciation de la saisie ne comportera pas la déclaration du tiers saisi. La cour d’appel Toulousaine dans ce cas juge qu’il s’agit d’une nullité de forme, nécessitant pour le débiteur de prouver le grief que lui cause l’absence de réponse écrite de la banque (CA Toulouse, 9 juillet 2021, n° 20/03273 N° Lexbase : A55434YX)…
Si le cœur a ses raisons que la raison ignore, il ressort des lignes précédentes que l’acte numérique a ses raisons que le droit ignore…
III. Le hors le droit justifié par la réalité du commissaire de justice
Dans certaines situations, il est difficile pour l’officier public et ministériel qu’est le commissaire de justice de garder les mains propres, au sens propre du terme. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder quelques photographies d’expulsion qui fleurissent sur les réseaux sociaux abreuvés par des commissaires de justice très enclins à partager leur quotidien et leurs visites de domiciles de personnes atteintes du syndrome de Diogène.
Pour comprendre le rapport avec le sujet, il faut savoir que le procès-verbal d’expulsion, doit notamment comporter l’inventaire des biens de la personne expulsée (CPCEx, art. R. 433-1 N° Lexbase : L5601LTM).
Dans le cas d’un syndrome de Diogène, l’inventaire exhaustif est souvent impossible et il appartient à l’huissier de justice de sélectionner les biens mentionnés à l’inventaire, en photographiant les lieux pour démontrer en cas de contestation que l’inventaire était matériellement impossible. La réalité démontrée justifiera le non-respect du texte par le commissaire de justice.
Dans un autre esprit, il faut évoquer à nouveau la problématique de la signification. Trop souvent, le commissaire de justice de justice se trouve confronté à une porte à code qui l’empêche de pénétrer dans un immeuble pour signifier un acte. Depuis peu, il est possible de disposer de pass Vigik grâce à la signature d’une convention entre la Chambre nationale des commissaires de justice et l’association Vigik C’est là une réelle avancée. Mais comment faisaient les commissaires de justice avant ?
Il existait deux voies :
« Nécessité fait loi ». Il est facile de le penser lorsque l’officier public et ministériel constate que le droit n’est pas assez fort pour affronter la réalité.
Que penser du « hors le droit » finalement ? Chacun est libre d’avoir son opinion. Mais le commissaire de justice n’est pas un robot, et ne souhaite pas le devenir en appliquant sans distinction la règle de procédure et ainsi contribuer à une justice déshumanisée, en totale contradiction avec sa déontologie…
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Réf. : Alexandre Duflos, Commissaire de justice associé - Médiateur (SAS Nemesis)
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par Alexandre Duflos, Commissaire de justice associé - Médiateur (SAS Nemesis)
Le 27 Septembre 2023
Mots-clés : constat • record du monde • procès-verbal
La revue Lexbase Contentieux et Recouvrement a le plaisir de vous présenter la rubrique « Le jour où » qui laisse la parole libre à des professionnels du droit, ayant rencontré des difficultés pratiques lors de la mise en œuvre d’une procédure ou une anecdote particulière. L’objectif de cette rubrique est, au-delà de constituer un retour d’expérience, de démontrer en quoi la réalité du droit peut être éloignée des textes, contraignant le professionnel à improviser pour parvenir à ses fins.
« Je me souviens d'une anecdote liée à un dossier dans lequel j'ai été impliqué pour homologuer un record du monde pour un constructeur automobile de renom. L'objectif était de faire homologuer le record d'endurance en parcourant le plus grand nombre de kilomètres en 24 heures avec une voiture de série électrique.
Dès que le client m'a contacté, en tant que juriste de formation, ma première réflexion a naturellement porté sur l'aspect juridique de cette homologation. Je me demandais quel serait l'apport juridique de ce constat. Rapidement, il est devenu évident que ce constat d'huissier serait principalement utilisé à des fins publicitaires et commerciales.
J'ai donc entamé des discussions avec le client pour définir le mode opératoire dans lequel le constat devrait être réalisé. Le client m'a expliqué qu'ils prévoyaient de faire tourner deux voitures de série similaires sur un circuit pendant 24 heures, pour éviter la panne de l’un des véhicules et de vérifier que les deux voitures terminaient bien la course.
Dans un premier temps, nous avons effectué un prérequis aux constatations que j'ai recommandé. Il était essentiel de vérifier minutieusement tous les éléments du moteur et de la carrosserie pour prouver qu'il s'agissait bien d'une voiture de série non modifiée. Cette étape a pris environ une heure.
Nous avons ensuite procédé à une comparaison avec les données du constructeur pour confirmer qu'il s'agissait bien d'une voiture de série et non d'un véhicule spécialement préparé pour pratiquer le constat.
J'ai proposé initialement d'être à bord de l'un des véhicules pour garantir une homologation précise, mais le constructeur m'a expliqué que ma présence alourdirait le poids de la voiture et affecterait ses performances. Je voulais vérifier qu’il ne s'arrêtait pas à un moment donné pour remettre des batteries supplémentaires ou trafiquer la voiture.
Nous avons donc opté pour une solution alternative en plaçant un GPS à l'intérieur du véhicule, préalablement calibré à l'arrêt. Les données étaient recueillies à intervalles réguliers, tour par tour.
Pendant les 24 heures, mon associé et moi nous sommes relayés, nous nous sommes positionnés à un endroit stratégique du circuit, près des stands de recharge. Nous avons démarré le chronomètre, et en plus des données GPS, j'ai compté manuellement les tours, enregistrant également les arrêts. Nous avons mesuré la piste pour calculer la distance parcourue en multipliant le nombre de tours par la longueur du circuit. Les véhicules ont tourné sans interruption.
Après 24 heures, nous avons analysé les données GPS en collaboration avec les ingénieurs. Les relevés GPS avaient été extraits immédiatement sur la piste pour bien montrer qu’il n’y avait pas eu d'arrêt sur l'anneau de vitesse.
Il en ressort que les voitures avaient maintenu une vitesse constante et précise pour ne pas consommer et économiser de l'énergie. Sur l’ensemble des tours, aucune donnée ne révélait un arrêt prolongé à un endroit spécifique. À la fin des 24 heures, la dernière voiture en piste s'est arrêtée, la première ayant du abandonner pour cause de panne.
Le record précédent avait été battu. Lorsque le client m'a demandé de rédiger le procès-verbal, il s'agissait essentiellement de certifier la distance parcourue selon une norme, non pas juridique, mais que l’on pourrait qualifier de populaire, puisqu'il s'agissait d'un record du monde.
Nous étions donc plus dans le domaine de la publicité et de l'argument commercial. Ce constat est devenu un argument de vente, puisqu’il a été exposé lors des salons automobiles pour promouvoir le record homologué. »
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Réf. : Convention of 2 July 2019 on the Recognition and Enforcement of Foreign Judgments in Civil or Commercial Matters N° Lexbase : L2659LSB
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par Patrick Gielen, Secretary UIHJ, Judicial Officer (Modero Brussels)
Le 27 Septembre 2023
Keywords : civil and commercial matters • recognition • enforcement • world passport • Hague Conference • abolition of exequatur • entry into force
Today, 1 September 2023, the Convention of 2 July 2019 on the Recognition and Enforcement of Foreign Judgments in Civil or Commercial Matters (2019 Judgments Convention) allowing, for the first time, a judgment to travel freely not only between European Union countries but also with third countries, entered into force, just over four years after its adoption on 2 July 2019. As of today, the Convention has effect between the European Union (EU), including its Members States (except Denmark), and Ukraine.
The Hague Convention on the Recognition and Enforcement of Foreign Judgments in Civil or Commercial Matters N° Lexbase : L2659LSB, adopted on the 2nd of July 2019 by the Hague Conference on Private International Law, marks a significant step forward in simplifying and facilitating the process of recognition and enforcement of foreign judgments.
The purpose of this Convention is to facilitate the circulation of judgments between the Contracting Parties by laying down not only the conditions for the recognition and enforcement of judgments but also to set out the grounds for refusal.
It is based on the models of the Brussels Convention N° Lexbase : L6340MIN, the Brussels I N° Lexbase : L7541A8S and I bis N° Lexbase : L9189IUU Regulations and the Lugano Convention N° Lexbase : L2559I8B, while establishing a new category of judgments benefiting from its provisions.
I. Main features of the Convention
The Convention applies to the recognition and enforcement of judgments in civil or commercial matters (art. 1), including to consumers and individual contracts of employment.
The Convention excludes certain matters from its scope, including the status and capacity of natural persons, family law matters, insolvency, the right to privacy, intellectual property, and certain barriers to competition (art. 2(1)).
Moreover, it does not apply to arbitration and related proceedings (art. 2 (3)) or to interim measures of protection (art. 3(1)(b)).
Contracting Parties may also declare that they will not apply the Convention to other specific matters (Art. 18(1)).
The Convention establishes a common framework under which judgments of one contracting party will be recognized and/or enforced in another, provided that they meet the conditions for circulation and that no grounds for refusal apply.
The Convention provides a list of criteria for the requested court to ascertain whether the judgment is capable of recognition and enforcement (sometimes referred to as "indirect grounds of jurisdiction").
Consequently, the Convention does not provide for rules of direct jurisdiction applicable in the court of origin or in the court in which enforcement is sought.
A judgment may be recognized and enforced under the Convention if one of the criteria listed in Article 5(1) is met.
Article 6 provides an exclusive basis for recognition of enforcement for judgments relating to rights in rem in immovable property, which may be recognized and enforced if, and only if, the immovable property is situated in the State of origin.
These are minimum conditions for recognition and enforcement.
In other words, the Convention does not prohibit or limit the recognition and enforcement of judgments under national law, bilateral, regional, or other international instruments (arts. 15 and 23), subject to article 6.
In this sense, the Convention establishes a "threshold" rather than a "ceiling" for the recognition and enforcement of foreign judgments.
Recognition and enforcement may be refused only on one of the grounds enumerated in the Convention.
These grounds for refusal are not mandatory, which gives the requested court discretion in deciding to refuse.
The grounds listed in Article 7 are widely accepted within the various jurisdictions, including public policy, procedural fairness, and conflicting judgments.
II. Contracting Parties
This Convention, which now includes the European Union (EU) [1] and Ukraine among its members, entered into force on 1 September 2023, in accordance with Article 28, paragraph 1, of the Convention.
Preceded by earlier attempts, including the 1971 Convention, which met with little international adherence, the current Convention was renegotiated at the initiative of the United States in 1992, culminating in its adoption in 2019.
So far, it has been signed by several countries, including Costa Rica, the EU, Israel, the Russian Federation, Ukraine, the United States of America, Uruguay, North Macedonia, and Montenegro.
Only the European Union and Ukraine have ratified the judgment agreement allowing its entry into force on 1 September 2023.
Conclusion The Convention, while open to accession by other States, could contribute to the harmonization of regimes for the recognition and enforcement of foreign judgments, particularly in the United States and the United Kingdom. In short, the Hague Convention on the recognition and enforcement of foreign judgments in civil and commercial matters marks an important step towards simplifying and harmonizing procedures for the recognition and enforcement of foreign judgments, offering greater legal certainty for the parties concerned and facilitating international trade. Its entry into force in September 2023 promises to further strengthen international cooperation in judicial matters. |
[1] See council decision (EU) 2022/1206 of 12 July 2022 concerning the accession of the European Union to the Convention on the Recognition and Enforcement of Foreign Judgments in Civil or Commercial Matters N° Lexbase : L4299MDL et in English [online].
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Réf. : Règlement (UE) n° 2020/1784 du Parlement européen et du Conseil, 25-11-2020, relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (signification ou notification des actes) N° Lexbase : L8247LY4
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par Patrick Gielen, Secrétaire de l’UIHJ, Huissier de Justice Belgique (Modero Bruxelles)
Le 27 Septembre 2023
Mots clés : matière civile et commerciale • signification • notification • États UE • formulaires • recherche d’adresse • e-Codex • signification électronique
Un peu plus d’un an après son entrée en vigueur il était temps de faire un rappel des modifications apportées par le nouveau Règlement signification UE n° 1784/2020. La première modification est l’évolution des formulaires uniformisé. Nous évoquerons également la possibilité de la signature électrique, l’importante modification permettant de rechercher l’adresse des destinataires des actes sans oublier la numérisation de la transmission par le système de l’e-Codex ainsi que la nouvelle signification électronique.
Le Règlement (UE) n° 2020/1784 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale N° Lexbase : L8247LY4 a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 2 décembre 2020 (L 405). Il est entré en vigueur vingt jours ouvrables après cette date et est applicable à compter du 1er juillet 2022. En vue de sa bonne application, vous trouverez ci-après quelques précisions et conseils.
I. Utilisation de nouveaux formulaires
Depuis le 1er juillet 2022, toute demande de signification doit obligatoirement être envoyée en utilisant les nouveaux formulaires du Règlement (UE) n° 1784/2020. Il comporte en effet douze formulaires, c’est-à-dire cinq de plus que le précédent Règlement (CE) n° 1393/2007 N° Lexbase : L4841H3P. Ces nouveaux formulaires sont les suivants:
Les entités d’origine sont amenées à remplir les formulaires A, B, C et I.
Les entités requises sont amenées à remplir les formulaires D, E, F, G, H, J, K et L.
Le destinataire de l’acte est amené à remplir et retourner le formulaire L qui lui est remis par l’entité requise ou l’autorité chargée de la signification ou de la notification à l’occasion de celle-ci.
Vous trouverez les nouveaux formulaires [en ligne].
Vous pouvez cependant trouver les nouveaux formulaires à la suite du Règlement tel qu’il a été publié au Journal officiel de l’Union européenne [en ligne].
II. Signature électronique des actes, documents et formulaires (article 5.3)
Lorsque les actes à signifier ou à notifier, les demandes, les confirmations, les reçus, les attestations et les autres communications visés au paragraphe 1 de l’article 5 exigent ou portent un cachet ou une signature manuscrite, ceux-ci peuvent être remplacés par des “cachets électroniques qualifiés” ou des “signatures électroniques qualifiées”, au sens du Règlement (UE) n° 910/2014.
Selon l’UEHJ, la signature électronique de l’acte peut être utilisée dès le 1er juillet 2022 à condition que cette signature électronique respecte le prescrit du Règlement (UE) n° 910/2014 N° Lexbase : L1237I4L. Nous vous invitons, par mesure de prudence, à prendre contact avec votre software provider afin de vérifier si votre signature électronique respecte les exigences du Règlement (UE) n°2020/1784.
III. Refus de réception d’un acte (article 12)
Nous vous informons de deux changements :
Le premier changement, à partir du 1er juillet 2022, l’entité requise informe le destinataire du droit prévu de refuser de recevoir l’acte à signifier lorsque cet acte n’est pas rédigé, ou n’est pas accompagné d’une traduction, dans une langue visée au point b) du paragraphe de l’article 12 – la langue officielle de l’État membre requis ou, s’il existe plusieurs langues officielles dans cet État membre, la langue officielle ou l’une des langues officielles du lieu où il doit être procédé à la signification ou à la notification-, en joignant à l’acte à signifier ou à notifier le nouveau formulaire L qui figure à l’annexe I, qui est fourni :
S’il apparaît que le destinataire comprend une langue officielle d’un autre État membre, le formulaire L qui figure à l’annexe I est également fourni dans cette langue. Il n’est dès lors plus nécessaire de joindre le formulaire L dans toutes les langues de l’Union européenne comme c’était le cas dans le règlement (CE) n° 1393/2007.
Le deuxième changement, à partir du 1er juillet 2022, le destinataire peut refuser de recevoir l’acte soit au moment de la signification ou de la notification, soit dans un délai de deux semaines – et non plus sept jours comme prévu dans le Règlement (CE) n° 1393/2007 – à compter de la signification ou de la notification, par déclaration écrite de refus de réception.
IV. Assistance à la recherche d’adresse
L’article 7 du Règlement impose aux États membres d’assurer un service permettant de localiser le destinataire de l’acte, lorsque l’entité d’origine chargée de transmettre l’acte à signifier ou à notifier ne dispose pas d’adresse connue dans un autre État membre, à savoir :
Il appartient ici à chaque pays de communiquer à la Commission européenne de quelle manière ce pays assure ce service afin de trouver l’adresse du destinataire de l’acte lorsque celle-ci est inconnue.
Vous trouverez toutes les informations [en ligne].
V. e-Codex
L’un des changements majeurs du Règlement (UE) n°2020/1784 concerne le recours obligatoire, entre les entités d’origine et les entités requises, à un système informatique décentralisé, composé de systèmes informatiques nationaux interconnectés afin de pouvoir procéder à la transmission des actes judiciaires et extrajudiciaires, tel que prévu par le nouvel article 5 du règlement. Ce système décentralisé est l’e-Codex. Toutes les communications et tous les échanges d’actes entre les entités et organes désignés par les États membres devraient, par principe, être effectués au moyen d’un système informatique décentralisé sécurisé et fiable, composé de systèmes informatiques nationaux qui sont interconnectés et techniquement interopérables, par exemple, et sans préjudice de progrès technologiques ultérieurs, sur la base de l’e-Codex.
Cette modification n’opère aucune influence sur vos transmissions qui se feront à partir du 1er juillet 2022 dès lors que ce système ne deviendra obligatoire qu’en mars 2025, afin de donner le temps à la Commission européenne de créer la plateforme permettant cette transmission par l’e-Codex.
VI. Signification électronique directe
Un autre changement majeur opéré par le Règlement (UE) n° 2020/1784 concerne la signification électronique directe. Il devrait désormais être possible de faire procéder à la signification ou à la notification d’actes directement par voie électronique à un destinataire qui a une adresse connue à des fins de signification ou de notification dans un autre État membre.
Les conditions pour pouvoir recourir à ce type de signification ou notification électronique directe devraient être de nature à garantir qu’il ne soit procédé à la signification ou la notification par voie électronique qu’en utilisant des moyens électroniques disponibles selon le droit de l’État membre du for pour la signification ou la notification nationale d’actes, et à garantir également l’existence de garde-fous appropriés pour protéger les intérêts du destinataire, notamment des normes techniques d’un niveau élevé et l’obligation de recueillir le consentement exprès du destinataire.
Le Règlement, prévoit, dans ses considérants 32 et 33, les garanties nécessaires pour qu’une telle signification électronique respecte les droits des parties en présence.
Il est notamment prévu :
Vous trouverez toutes les informations [en ligne].
Enfin, la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) prononcée à l’égard du Règlement (CE) n° 1393/2007 devrait mutatis mutandis conserver sa pertinence.
Nous vous souhaitons une bonne utilisation du Règlement !
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par Alexandra Martinez-Ohayon
Le 27 Septembre 2023
Le 7 septembre 2023, était organisé par les chambres régionales des commissaires de justice des cours d’appel Angers, Caen et Rennes, un colloque intitulé « Déontologie et procédures disciplinaires à l’encontre des officiers publics et ministériels ». La Revue Lexbase Contentieux et Recouvrement vous propose de retrouver une partie des actes de ce colloque.
Sommaire
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par Natalie Fricero, professeur des Universités, ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature, membre du Conseil national de la médiation
Le 27 Septembre 2023
Mots clés : déontologie • commissaire de justice
La revue Lexbase Contentieux et Recouvrement vous propose de retrouver une partie des actes du colloque intitulé « Déontologie et procédures disciplinaires à l’encontre des officiers publics et ministériels », qui s’est déroulé le 7 septembre 2023 à Rennes, et qui était organisé par les chambres régionales des commissaires de justice des cours d’appel Angers, Caen et Rennes.
Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici :
La déontologie (du grec deontos, qui signifie devoir) est la science des obligations et devoirs des professionnels. Elle fait référence à l’éthique et guide les comportements professionnels. Son contenu est défini par la profession elle-même (c’est le cas des officiers ministériels, le code de déontologie étant préparé par l’instance nationale de la profession) et on la retrouve dans des codes, chartes, guides ou recueils. Pour la rendre transparente, les règles de déontologie de certaines professions sont reprises dans des dispositions normatives et on attend une publication par décret du code de déontologie des Commissaires de justice. L’article 2 de l’ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels N° Lexbase : L3778MCW prévoit que l’instance nationale précise par voie de règlement les règles professionnelles propres à assurer le respect du code de déontologie. Pour les officiers publics et ministériels, ce règlement sera approuvé par un arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice. Cette transparence est essentielle pour assurer la légitimité de la profession de Commissaire de justice.
La Cour européenne des droits de l’Homme, dans l’arrêt « Pini, Bertani, Manera et Atripaldi contre Roumanie » du 22 juin 2004 (n°s 78028/01 et 78030/01 N° Lexbase : A7527DCR) juge (à propos d’un huissier de justice séquestré dans l’exercice de sa fonction d’exécution) au § 183. « De l'avis de la Cour, une telle attitude envers les huissiers de justice - qui œuvrent dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, ce qui fait d'eux un élément essentiel de l'Etat de droit – était incompatible avec leur qualité de dépositaires de la force publique en matière d'exécution et ne saurait demeurer sans conséquences pour ceux qui en sont responsables. A ce titre, il appartient à l'Etat de prendre toutes les mesures nécessaires afin qu'ils puissent mener à bien la tâche dont ils ont été investis, notamment en leur assurant le concours effectif des autres autorités qui peuvent prêter main forte à l'exécution là où la situation s'impose, à défaut de quoi les garanties dont a bénéficié le justiciable pendant la phase judiciaire de la procédure perdent toute raison d'être. » À propos de l’obligation pour le gagnant de payer une partie des frais d’exécution au commissaire de justice, la Cour européenne des droits de l’Homme a précisé, dans l’arrêt « 3A.CZ S.R.O. c. République tchèque » du 10 février 2011 (n° 21835/06 N° Lexbase : A2515GTC) au § 62 : « La Cour accepte ensuite que les dispositions relatives au paiement des frais d’exécution et l'application qu'en ont faites en l'espèce les tribunaux, poursuivent le but légitime d'une bonne administration de la justice dont font partie les huissiers de justice ». Pour bénéficier de cette qualité, le commissaire de justice doit respecter une stricte déontologie.
La discipline définit des règles de conduite professionnelle qui sont sanctionnées par une juridiction disciplinaire à l’issue d’une procédure organisée. Les liens entre la déontologie et la discipline sont très forts s’agissant des officiers publics et ministériels : l’article 7 de l’ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 N° Lexbase : L3778MCW définit la faute disciplinaire en précisant que « toute contravention aux lois et règlements, tout fait contraire au code de déontologie, commis par un professionnel, même se rapportant à des faits commis en dehors de l’exercice de sa profession, et toute infraction aux règles professionnelles, constituent un manquement disciplinaire » : le rattachement de la déontologie à la discipline est évident.
La réforme de la déontologie et de la discipline, issue essentiellement de l’ordonnance du 13 avril 2022 et du décret n° 2022-900 du 17 juin 2022 relatif à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels N° Lexbase : L1594MDE (auxquels il faut ajouter la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire N° Lexbase : Z459921T, l’arrêté du 22 avril 2022 N° Lexbase : L5286MCR qui désigne les chambres de discipline instituées en application de l’article 11 de l’ordonnance du 13 avril 2022, et le décret n° 2022-545 du 13 avril 2022, qui définit l’organisation, les missions et le fonctionnement des collèges de déontologie N° Lexbase : L3654MCC), font l’objet de cette journée d’études.
La réforme répond à quatre enjeux essentiels :
Les différents intervenants vont successivement nous présenter tous les aspects de cette réforme, l’importance de la déontologie, y compris à travers l’histoire, et les implications concrètes sur l’exercice de la profession de commissaire de justice. La présence des notaires et des greffiers des tribunaux de commerce permettra d’utiles comparaisons.
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par Chantal Bussiere, Présidente du collège de déontologie des commissaires de Justice
Le 27 Septembre 2023
Mots clés: déontologie • commissaire de justice
La revue Lexbase Contentieux et Recouvrement vous propose de retrouver une partie des actes du colloque intitulé « Déontologie et procédures disciplinaires à l’encontre des officiers publics et ministériels », qui s’est déroulé le 7 septembre 2023 à Rennes, et qui était organisé par les chambres régionales des commissaires de justice des cours d’appel Angers, Caen et Rennes.
Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici :
« Monsieur le président, messieurs les avocats généraux, mes chers collègues, professeurs, chère Natalie, mesdames et messieurs les présidents des chambres régionales de commissaires de justice et de notaires, mesdames et messieurs les commissaires de justice, notaires et greffiers de commerce, Mesdames et Messieurs. C’est avec la même émotion que mes prédécesseurs que je prends la parole après avoir appris l’abominable et lâche agression dont a été si dramatiquement victime votre confrère, tout simplement parce qu’il accomplissait sa mission. Toutes mes condoléances vont à sa famille, ses amis et ses confrères.
Monsieur le président,
Avant d’entrer dans le vif de mon propos, je voudrais vous dire tout le plaisir qui est le mien de participer à votre colloque, pour évoquer les travaux menés par le collège de déontologie des commissaires de justice.
Par ailleurs, je tiens à remercier monsieur le président Patrick Sannino de m’avoir sollicitée en 2019 afin de présider le conseil consultatif de déontologie des Huissiers de Justice, qui venait d’être renouvelé à la suite de la promulgation, en décembre 2018, du règlement déontologique national.
Avoir prévu un tel organe dans le règlement déontologique national (RDN) était particulièrement visionnaire puisque les textes de 2022 ont officialisé une telle structure en créant le collège de déontologie des commissaires de justice et en instaurant d’ailleurs de tels collèges pour les autres officiers ministériels.
Je remercie également vivement Monsieur le président Benoît Santoire pour la confiance qu’il m’a accordée et l’honneur qu’il m’a fait, en 2022, en me déléguant ses pouvoirs pour présider le nouveau collège de déontologie, confiance et honneur auxquels je suis particulièrement sensible.
Mais bien sûr cette confiance m’oblige comme elle oblige tous les membres du collège avec lesquels j’ai le privilège de siéger au moins une fois par mois, je veux citer mon collègue, Jean-Olivier Viout, procureur général honoraire près la cour d’appel de Lyon et les commissaires de justice, Dominique Aribaut, Myrtille Dumonteil et Elisabeth Fitoussi sans oublier nos 2 deux rapporteurs, Marc Dymant et Romy Gonin, commissaires de justice.
Notre diversité est une garantie de complémentarité, indispensable à la bonne compréhension des enjeux de votre nouvelle profession. Mais cette diversité est aussi la source d’une richesse, créatrice d’une ouverture d’esprit, jamais dénuée de bienveillance.
Alors pourquoi avoir créé un collège de déontologie ? (I)
Quel est son rôle et comment fonctionne-t-il ? (II)
Ce sont les questions auxquelles je vous propose de répondre dans le court laps de temps qui m’est imparti !
I. Alors pourquoi avoir créé un collège de déontologie ?
À première vue, on pourrait s’interroger sur l’opportunité, voir même l’utilité de créer un collège de déontologie des commissaires de justice, car on pourrait être tenté de considérer, qu’étant des officiers publics et ministériels, les commissaires de justice sont imprégnés de déontologie, à la fois par nature et du fait de leur formation.
Cette approche n’est d’ailleurs pas étrangère à celle qu’ont pu avoir d’autres acteurs du monde juridique ou judiciaire puisque notamment les magistrats, jusqu’aux années 2000-2005, étaient hostiles à toute réflexion sur leur déontologie.
Et, malheureusement il a fallu attendre qu’éclate la dramatique affaire « d’Outreau », pour que le législateur, en 2008, impose au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) d’éditer un recueil des principes déontologiques des magistrats qui a vu le jour en 2010 avant d’être actualisé en 2019 par la mandature du CSM à laquelle j’appartenais et qui a voulu en particulier prendre en considération l’impact, pour les magistrats de l’omniprésence des nouvelles technologies et des réseaux sociaux.
Donc comme vous le voyez, la réflexion d’une profession sur sa déontologie est loin d’être surannée.
Alors pourquoi une telle exigence ?
Parce que dans toute société démocratique se pose, en permanence, la question de la légitimité de tout pouvoir détenu par quiconque. Les pouvoirs exécutif et législatif tiennent leur légitimité de l’élection.
Mais d’où provient la légitimité des magistrats, des policiers, des commissaires de justice et en réalité de tous ceux qui exercent une profession en raison de leur savoir ou de leurs fonctions, qui les placent dans une situation de pouvoir exorbitant par rapport à l’usager.
Bien sûr, tous exercent ces fonctions parce qu’ils ont réussi des concours ou des examens exigeants et parce qu’ils ont suivi un parcours de formation approfondie qui a conduit à leurs nominations.
Pour autant, la seule réussite à ces parcours, même s’ils sont d’excellence, ne pourra jamais suffire à asseoir durant toute une vie professionnelle, la légitimité de ceux qui exercent des pouvoirs sur autrui. Certes l’exercice de ces pouvoirs est encadré par la loi, mais la légalité d’un pouvoir ne recouvre pas nécessairement sa légitimité.
Et c’est précisément là, que la réflexion déontologique permanente d’une profession d’autorité prend toute sa place, parce qu’elle est de nature à inspirer confiance aux citoyens, cette confiance étant l’une des sources essentielles de légitimité pour les professions détentrices de pouvoirs. Conçue de cette façon, la déontologie n’est alors plus simplement l’envers de la discipline, comme ce fut le cas pendant très longtemps.
En effet, autrefois, c’était essentiellement au travers des poursuites disciplinaires et de la définition de la faute disciplinaire qu’étaient précisés ou même définis les devoirs déontologiques énoncés de façon souvent très générale et abstraite dans les différents statuts professionnels : on parlait d’indépendance, d’impartialité, de confraternité, de loyauté, mais que voulaient dire exactement ces mots, dont le sens pouvait évoluer au fil des ans. L’approche déontologique de 2023 n’est plus celle de 1990.
C’est pour cela que la déontologie doit être conçue aujourd’hui comme une matière autonome et vivante, qui lui confère un rôle de prévention aux manquements.
Certes le rôle a posteriori de la discipline existera toujours, mais il appartient à chaque profession et donc à celle des commissaires de justice de construire et de faire vivre au quotidien sa déontologie de façon claire et transparente pour tous, y compris pour les citoyens.
C’est précisément à cette mission que s’emploie le collège de déontologie dont la composition, les missions et les modalités de saisine ont été définies par l’ordonnance et le décret du 12 avril 2022.
J’en arrive ainsi à la seconde partie de mes propos.
II. Rôle et aux objectifs du collège de déontologie
Je ne vais pas reprendre les textes et rappellerai seulement qu’en vertu des articles 3 de l’ordonnance et 2 du décret du 13 avril 2022, le collège de déontologie a des compétences relatives au code de déontologie en lui-même et le collège peut formuler des recommandations sur l’application de ce code. C’est précisément ainsi que se construit au jour le jour la déontologie d’une profession.
Le code pour l’élaboration ou la mise à jour duquel nous avons été consultés n’a pas encore été publié si bien que notre document de référence est toujours le règlement déontologique national.
La saisine du collège est aujourd’hui moins large que celle du conseil consultatif puisque le collège ne peut plus être saisi directement par un commissaire de justice.
Il ne peut l’être que par le garde des Sceaux ou le président d’une chambre régionale. Mais, le collège peut aussi se saisir d’office.
Il est encore un peu tôt pour voir l’impact de cette modification sur la saisine du collège : en effet, il est certain que l’activité du conseil consultatif de déontologie avait connu une forte progression entre juin 2019 et fin 2021 puisque les saisines étaient passées de six 6 en 2019 à trente-sept en 2020 pour atteindre cinquante-cinq en 2021.
L’année 2022 a été une année de transition, essentiellement dédiée à la consultation sur le code de déontologie et les règles professionnelles.
Toutefois, depuis janvier 2023, l’activité du collège a bien repris puisque nous avons à ce jour, émis vingt-cinq avis auxquels s’ajouteront les sept que nous donnerons la semaine prochaine, portant à trente-deux les requêtes examinées en 2023.
Nous statuons essentiellement sur saisine des présidents de chambres régionales que je tiens à remercier vivement pour s’être approprié ce pouvoir très utile à l’ensemble de la profession.
Nous nous sommes également auto-saisis une fois sur une affaire portée à notre connaissance et dont l’instruction est en cours.
Tous les cas qui nous sont soumis sont anonymisés ce qui confirme bien l’approche déontologique de notre démarche.
Alors, quelles sont les questions qui nous sont soumises et pour être exhaustive j’évoquerai non seulement celles posées au collège de déontologie, mais aussi préalablement au conseil consultatif.
Bien évidemment les questions qui nous sont posées sont directement en lien avec les évolutions de la société et donc de votre profession, notamment sous l’impact des nouveaux modes d’exercice professionnel et de communication.
Ainsi, nous avons été amenés très rapidement à donner des avis sur le référencement prioritaire et la sollicitation personnalisée.
De même nous nous sommes prononcés à plusieurs reprises sur :
Nous nous sommes aussi prononcés sur :
Je ne reprendrai pas, dans le détail, nos avis qui sont tous publiés sur le site de la chambre nationale.
Je voudrais simplement dire que ce qu’il faut globalement en retenir, c’est que la déontologie doit guider votre quotidien, y compris pour accompagner les évolutions de votre profession, lesquelles, en réalité, n’autorisent pas tout !
À ce titre, je vais juste prendre un exemple : celui des avis rendus sur le rôle effectif que doit avoir un commissaire de justice lorsqu’il procède à des constatations.
Et si nous avons tenu à souligner ce rôle extrêmement important que doit avoir, lui-même, le commissaire de justice, pour réaliser le constat, c’est parce que cet acte a, pour le juge, une très forte valeur probante.
Tous nos avis sont, non seulement publiés dès leur prononcé, sans attendre le rapport d’activité que nous devons désormais établir chaque année, mais ils ont également été commentés par Maître Guinot, et le sont maintenant par Maître Jean-Luc Bourdiec. Je les remercie sincèrement tous les deux pour leurs très utiles contributions.
Pour rendre ces avis, les membres du collège tiennent, tous ensemble, à l’issue d’un débat toujours très riche, à apporter la réponse la plus claire, la plus précise et surtout la plus appropriée aux questions qui nous sont soumises.
En effet, nous veillons toujours à ne jamais perdre de vue l’environnement, la portée et les conséquences de nos avis.
Ainsi, cela nous conduit à avoir, en permanence le souci de l’équilibre et nous amène en quelque sorte à ne pas nous éloigner d’une ligne de crête. Pourquoi ?
Tout simplement pour ne pas tomber :
Mais nous ne voulons pas non plus tomber :
Avancer sur cette ligne de crête est parfois difficile, mais cela nous permet aussi de ne jamais oublier que nous intervenons au profit d’officiers publics et ministériels qui, rappelons-le, n’existent pas dans tous les pays, y compris européens.
Et pourtant, plus que jamais, dans le monde brutal d’aujourd’hui, les officiers publics et ministériels ont une légitimité renforcée, parce que fondée sur la confiance qui leur est accordée.
Je souhaite à chacun de vous, pleine réussite dans l’exercice de sa nouvelle profession, que le collège de déontologie aura toujours à cœur de servir.
Je vous remercie pour votre attention ! »
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par Dominique COEURJOLY, Huissier de Justice qualifié Commissaire de justice, médiateur, ancien Président de la chambre régionale des huissiers de justice près la cour d’appel d’Angers (Maine et Loire) 2010/2022.
Le 27 Septembre 2023
Mots-clés : déontologie • commissaire de justice
La revue Lexbase Contentieux et Recouvrement vous propose de retrouver une partie des actes du colloque intitulé « Déontologie et procédures disciplinaires à l’encontre des officiers publics et ministériels », qui s’est déroulé le 7 septembre 2023 à Rennes, et qui était organisé par les chambres régionales des commissaires de justice des cours d’appel Angers, Caen et Rennes.
Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici :
« La discipline des officiers publics et ministériels reste-t-elle le corollaire logique de la déontologie ou connaît-elle une évolution vers une plus grande « souplesse », que certains croient voir dans la « libéralisation d’accès à la profession » voulue par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance et l’égalité des chances économiques, dite loi « Macron » N° Lexbase : L4876KEC, et l’introduction de règles du Code de Commerce ?
En clair, la profession d’huissier de justice ou celle de commissaire de justice (1er juillet 2022 et devenant exclusive de toute autre à compter du 1er juillet 2026 – cf. ordonnance n° 2007-728 du 2 juin 2016 N° Lexbase : L4070K8A) amorcerait-elle un virage vers une sorte « tout laisser faire libéral », plus ou moins fantasmé … ?
Cette question exige trois rappels :
« Officier public », c’est-à-dire « dressant des actes authentiques avec des solennités requises ».
« Officier ministériel » c’est-à-dire disposant du privilège d’exercice d’une mission de service public.
De ce fait, les règles déontologiques et la discipline qui en résulte, ainsi que celles des réformes coulent de source !
Le ministère de la Justice a profité du projet de loi n° 2021-1729, du 22 décembre 2021 N° Lexbase : Z459921T, dite « pour la confiance dans l’institution judiciaire », pour proposer une unification de la discipline des officiers publics ministériels, en y introduisant un titre V ayant pour objet : « renforcer la confiance du public dans l’action des professionnels du droit ».
Seul cet intitulé est de nature à nous mettre en alerte.
Il ne s’agit pas d’alléger, mais bien de renforcer.
I. La source de la réforme
De quoi s’agit-il ?
L’objet consiste en une unification des régimes disciplinaires à l’ensemble des professions réglementées : avocat aux Conseil d’État et à la Cour de cassation, commissaire de justice, greffier des tribunaux de commerce et notaires.
Pour les réflexions les plus récentes, cette évolution fut amorcée par la communication déposée le 7 octobre 2020 dans le cadre de la « mission flash sur la mise en place d’un collège de déontologie des Officiers Publics et Ministériels » menée par deux parlementaires (Monsieur Fabien Matras et Madame Cécile Untermaier, député, commission des lois constitutionnelles, de la législation, de l’administration générale de la République, notamment propositions n°1, 4, 5, 8 et 10).
L’inspection générale de la justice (IGJ) à la suite de la mission sur la discipline des professions du droit et du chiffre, dont le rapport a été également déposé en octobre 2020 on a fait l’essentiel de ses vingt-cinq recommandations (rapport de la mission sur la discipline des professions du droit et du chiffre, inspection générale des services judiciaires, rapport définitif octobre 2020, n° 074-20 et 219/00287. Voir notamment recommandations n° 2, 9, 10, 12, 16, 17, 19, 20, 22 et 25).
En lien avec mon propos liminaire, il est intéressant de révéler que dans son rapport, l’Inspection générale de la justice, en faisant une présentation générale des professions du droit, note l’hétérogénéité de leur organisation, représentation, réglementation et de leurs pratiques, et appelle de ses vœux, un renforcement et une effectivité de la discipline précisément en raison du mouvement de libéralisation que connaissent ces professions.
On peut y lire notamment : « toutefois, un même questionnement sous forme de préoccupation est apparu ces dernières années chez ces professionnels, mais aussi sur les partenaires et les publics. Il porte sur l’effectivité de la discipline, sujet qui a pris une acuité encore plus forte du fait des évolutions, citées précédemment, en lien avec le mouvement de libéralisation qu’ont connu ces professions » (rapport IGJ) pages 16 et 17).
Plus loin, l’inspection générale de la justice formule deux recommandations qui furent reprises dans le projet de loi du ministre de la Justice.
Le rapport précise : « il est attendu de ces dispositions un double bénéfice : celui de rompre l’isolement du justiciable ou client face à un professionnel et ses représentants et celui de renforcer la qualité du traitement initial. Plus généralement elle est de nature à combattre l’idée d’un entre-soi trop complaisant en encadrant le champ infra-disciplinaire » (rapport IGJ, page 85).
L’inspection générale de la justice précisait : « les bâtonniers, tout comme les présidences des instances locales des notaires, Huissiers de Justice et Commissaires-Priseurs Judiciaires, sont dans leur exercice quotidien confrontés à des manquements d’ordre professionnel ou personnel, à caractère isolé, circonstanciel et ne revêtant pas un degré de gravité ou de trop grande complexité. La définition d’une typologie, visée précédemment, facilitera leur approche. En tout état de cause, face à des manquements légers, ils se sont démunis étant d’une part privés de leur pouvoir disciplinaire à l’égard de leurs confrères et d’autre part réticents à déclencher une procédure disciplinaire lourde et complexe qui apparaît alors disproportionnée… il apparaît donc essentiel dans la nouvelle architecture du dispositif disciplinaire de cette profession de renforcer la position des représentants de ces instances, en instituant une procédure de rappel à l’ordre pour les manquements les plus légers » (Rapport IGJ page 86).
II. Une nouvelle procédure disciplinaire
La procédure disciplinaire connaît une évolution radicale, puisque les nouveaux textes organisent des juridictions disciplinaires à l’échelon interrégional près les cours d’appel dont les décisions peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation (procédure disciplinaire à compter du 1er juillet 2022 - ordonnance n° 2022-544 du 14 avril 2022 N° Lexbase : L3778MCW).
Ces instances disciplinaires (régionales et nationales) sont composées selon le principe de l’échevinage avec un magistrat du siège comme président (magistrat de cour d’appel en activité ou honoraire pour l’interrégional avec deux assesseurs professionnels, et de la Cour de cassation pour la nationale avec, président avec deux magistrats du siège de la cour d’appel en activité ou honoraire et deux assesseurs de la profession intéressée).
Parallèlement, l’ensemble de la discipline des professions réglementées est directement confié aux parquets généraux qui disposeront d’un pouvoir d’investigation.
Un service d’enquête indépendant est également créé.
III. Vers une définition élargie de la faute disciplinaire et de nouvelles sanctions
L’article 2 de l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 N° Lexbase : L7650IGG relative à la discipline de certains officiers ministériels définit de manière très large la faute disciplinaire.
Selon cet article, « toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout fait contraire à la probité, à l’honneur ou à la délicatesse commis par un Officier Public ou ministériel, même se rapportant à des faits extraprofessionnels, donne lieu à sanction disciplinaire ».
Comme l’écrit la doctrine, « la notion de faute disciplinaire est déjà extrêmement large. La faute s’apprécie aussi bien par la référence aux règles du droit positif en considération des textes propres à la profession ou encore en fonction de l’appréhension commune des bonnes mœurs et des bons usages ». (Jurisclasseur notarial, fasc. 30 – discipline – Jean-François Pillebout).
La Cour de cassation a d’ailleurs posé le principe que « la discipline professionnelle, les Officiers publics et ministériels n’excluent pas la prise en considération d’éléments de vie privée eu égard à la portée sociale et d’intérêt public des fonctions qu’ils exercent » (Cass, civ. 1, 9 mai 2001, n° 00-16319 N° Lexbase : A4018ATY). Cette analyse tient à la nature des fonctions d’officiers publics et ministériels et aux obligations qui en découlent au regard de leur mission de service public, ainsi qu’à la nécessité d’assurer les intérêts des tiers et de préserver ceux de la profession elle-même.
À ce texte de portée générale s’ajoutent des incriminations plus précises, prévues par des textes particuliers, comme ceux relatifs à la Lutte Contre le Blanchiment et le Financement du Terrorisme (LCB-FT) (C. mon. fin. art. L. 561-36, 5e, 6e N° Lexbase : L7301LBZ, les chambres régionales de discipline des huissiers de justice et les chambres de discipline des commissaires-priseurs judiciaires de leur ressort, sont compétents pour sanctionner les manquements en matière de LCB-FT conformément à l’article 7 bis de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 N° Lexbase : L8061AIE), de sorte que l’on peut en déduire qu’il existe deux sortes d’infractions disciplinaires :
La Cour de cassation opère un contrôle de la qualification donnée par les juges du fond aux faits qui ont donné lieu à des poursuites disciplinaires (faits contraires à l’honneur, à la probité ou à la délicatesse), mais cette qualification n’est pas subordonnée à la démonstration de l’intention de nuire.
Qu’en est-il des nouveaux textes en matière disciplinaire ?
L’objet des nouveaux textes a pour but de : « Renforcer la confiance du public dans l’action des professionnels du Droit », et d’unifier la discipline des Officiers publics et ministériels.
Les nouveaux textes ne modifient pas fondamentalement la définition du manquement disciplinaire, mais l’élargissent en faisant désormais référence au « principe déontologique » que chaque profession devra consigner dans un code de déontologie. Sur ce point, les huissiers de justice ont un règlement déontologique national (RDN) approuvé par arrêté du ministre de la Justice en date du 18 décembre 2018. Le manquement à un seul des principes, règles et devoirs, constitue une faute pouvant entraîner une sanction disciplinaire.
Rappelons que le principe posé est : « le Code de déontologie énonce les principes et devoirs professionnels permettant le bon exercice des fonctions et s’applique en toutes circonstances à ces professionnels dans leurs relations avec le public, leurs clients, les services publics, leurs confrères et les membres des autres professions » (texte adopté en commission mixte paritaire le 19 novembre 2021 source Assemblée nationale).
L’échelle des sanctions « classiques » évolue afin qu’elle soit unifiée à l’ensemble des professions réglementées. Avertissement, blâme, interdiction au professionnel pendant une durée de dix ans, destitution qui emporte interdiction d’exercice à titre définitif et retrait de l’honorariat.
Par ailleurs, la peine d’interdiction temporaire peut être assortie, en tout ou partie du sursis, précisant que si dans un délai de cinq ans à compter du prononcé de la peine, le professionnel a commis un manquement ayant entraîné le prononcé d’une nouvelle peine disciplinaire, celle-ci entraîne, sauf décision motivée, l’exécution de la première peine sans confusion avec la seconde.
En outre, une peine d’amende peut être prononcée à titre principal ou complémentaire par la juridiction disciplinaire dont le montant ne peut excéder la plus haute des deux sommes suivantes : 10 000 € ou 5 % du chiffre d’affaires hors taxes et réalisé par le professionnel au cours du dernier exercice clos calculé sur une période de douze mois.
En guise de conclusion, nous pouvons affirmer que cette réforme d’unification des régimes disciplinaires des Officiers publics et ministériels apporte une clarification aux yeux du public. Cette réforme voulue était nécessaire du fait de la libéralisation que connaissent ces professions.
Plus la liberté est grande, plus la tentation est forte.
Pour être respecté, je me dois d’être respectable. Il s’agit d’une question d’éthique, mais pour que l’éthique soit durable, il faut qu’elle soit collective et c’est là une affaire d’éducation, de transmission, de culture et de valeurs partagées avec le plus grand nombre.Je vous remercie pour votre écoute et votre attention. »
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par Jean-Luc Bourdiec, Commissaire de justice, Délégué de la cour d'appel d'Orléans à la Chambre nationale des commissaires de justice
Le 27 Septembre 2023
Mots-clés : déontologie • commissaire de justice
La Revue Lexbase Contentieux et Recouvrement vous propose de retrouver une partie des actes du colloque intitulé « Déontologie et procédures disciplinaires à l’encontre des officiers publics et ministériels », qui s’est déroulé le 7 septembre 2023 à Rennes, et qui était organisé par les chambres régionales des commissaires de justice des cours d’appel Angers, Caen et Rennes.
Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici :
En l’état actuel des choses, la discipline des commissaires de justice est régie par :
Comme l’a souligné la professeure Fricero, la réforme de la procédure disciplinaire présente de nombreux avantages : simplification, transparence et protection du public, efficacité notamment grâce à la création du service d’enquête et proportionnalité des sanctions avec une échelle des peines. J’ajouterais un autre avantage. Cette réforme fait suite au rapport de l’inspection générale de la Justice d’octobre 2020 sur la discipline des professions du droit et du chiffre qui faisait le constat suivant : les représentants des professions ont dû trouver des réponses aux plaintes et réclamations sans pouvoir reconnu, hors de tout cadre réglementaire, et donc la gestion de la discipline se faisait à l’abri des regards, alimentant la critique de l’entre-soi. Par ailleurs, ce rapport mettait en avant la faiblesse du nombre de sanctions prononcées alors que les professionnels avaient notoirement des pratiques critiquables dans un seul souci de rentabilité, comme l’acceptation d’opérations à fort risque en méconnaissance de l’obligation de conseil par exemple. Les règles définissant les contrôles de comptabilité des huissiers de justice sont issues du décret de 1956, donc inadaptées. Le taux de sanction pour 1000 professionnels (selon des données de 2018-2019) était de 9 pour les huissiers, sur un effectif global de 3251 ; pour les notaires de 47 sur un effectif global de 14 395. Les sanctions étaient essentiellement prononcées pour des détournements de fonds et autres infractions pénales grossières, majeures.
Le problème est que la déontologie, à l’époque, ressemblait à un catéchisme plutôt qu’à des obligations formelles assorties de sanctions claires. Il était finalement loisible à chacun d’y croire et de la pratiquer, ou non. Ceux qui s’efforcent de respecter les règles ne sont pas plus récompensés ou reconnus que ceux qui les méprisent effrontément ne sont sanctionnés.
Cette réforme est donc une chance pour la profession, dans la mesure où non seulement, et enfin, les mêmes règles seront appliquées et respectées -ce qui est le b.a-ba. Mais en plus cette procédure et le suivi des réclamations, la traçabilité qu’elle instaure, permettra de disposer de statistiques et de chiffres présentables et incontestables, qui balayeront les soupçons qui ternissent l’image de la profession : le copinage, l’entre soi, et les fantasmes qui en découlent.
Toute contravention aux lois et règlements, tout fait contraire au code de déontologie commis par un professionnel, même se rapportant à des faits commis en dehors de l'exercice de sa profession, et toute infraction aux règles professionnelles constituent un manquement disciplinaire.
Le professionnel ayant cessé d'exercer, quelle qu'en soit la cause, y compris s'il est regardé démissionnaire d'office dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État, peut être poursuivi et sanctionné si les faits qui lui sont reprochés ont été commis alors qu'il était encore en exercice. Si la sanction est prononcée, alors que la nomination de son successeur est déjà intervenue, celui-ci demeure titulaire de l'office quelle que soit la peine infligée.
Les professionnels honoraires demeurent soumis aux obligations de leur profession et au pouvoir disciplinaire des chambres de discipline et de la cour nationale de discipline.
Qui sont les professionnels susceptibles d’être poursuivis disciplinairement ? Les professionnels en exercice, vous, moi ; mais aussi les professionnels ayant cessé d’exercer, qu’ils soient honoraires ou qu’ils aient cessé d’exercer pour une autre cause que le départ à la retraite, comme la démission d’office (peine prononcée par la juridiction disciplinaire (Cf infra).
Quels sont les faits qui justifient une mesure disciplinaire ? La loi (l’ordonnance de 2022 relative à la déontologie et à la discipline) en prévoit trois.
1- Toute contravention aux lois et règlements (…)
2- (…) tout fait contraire au code de déontologie même se rapportant à des faits commis en dehors de l’exercice de sa profession (…)
Le Code de déontologie n’est pas encore promulgué. Il devrait l’être avant la fin de l’année. Pour l’instant, la référence est le RDN approuvé par arrêté du garde des Sceaux du 18 décembre 2018.
3 - (…) toute infraction aux règles professionnelles (…)
Les règles professionnelles ne sont pas encore promulguées. Elles ont été adoptées en assemblée générale de la Chambre nationale des commissaires de justice le 10 novembre 2022.
I. Première partie : les différents acteurs
A. L’autorité de la profession : le président régional [1] (ordonnance du 13 avril 2022, articles 6 et 24)
Le président de la chambre régionale dans le ressort duquel le commissaire de justice exerçait ses fonctions au moment des faits est l’autorité compétente pour :
Le président régional peut déléguer tout ou partie de ses pouvoirs à un ou plusieurs membres de la chambre.
À noter que le président de la Chambre nationale des commissaires de justice (CNCJ) est compétent pour engager l’action disciplinaire dans deux cas :
Le président régional établit un rapport annuel d'activité sur les mesures prises en application de l’article 6 de l’ordonnance du 13 avril 2022 (mesures administratives). Celui-ci est transmis au président de la chambre de discipline, au président de la Chambre nationale des commissaires de justice et au procureur général.
B. Le procureur général (ordonnance du 13 avril 2022, articles 5 et 8)
Le procureur général exerce une mission de surveillance de la déontologie et de la discipline des officiers publics et ministériels du ressort de la cour d’appel. Il peut saisir les services d’enquête et demander toute explication à un professionnel ou aux instances représentatives de la profession.
Le procureur général exerce l’action disciplinaire à l’encontre des commissaires de justice, du ressort de la cour d’appel, concurremment avec le président régional.
Le procureur général du ressort de la cour d’appel dans lequel exerce le professionnel poursuivi peut demander au procureur général du ressort de la cour d’appel dans lequel est située la juridiction disciplinaire de première instance ou d’appel de se substituer à lui à l’audience.
C. Le service d’enquête (ordonnance du 13 avril 2022, article 10, décret du 17 juin 2022, articles 13 à 18)
1) Le service
Il est institué, auprès de chaque chambre de discipline, un service chargé de réaliser les enquêtes sur les agissements susceptibles de constituer un manquement disciplinaire. Ce service peut être saisi par le président régional, par le procureur général ou par la juridiction disciplinaire dans le cadre de ses pouvoirs d’instruction.
L’enquête est conduite en toute indépendance. Le commissaire de justice est tenu de répondre aux convocations du service d’enquête et de lui fournir tous renseignements et documents utiles, sans pouvoir opposer le secret professionnel.
Les membres des services d’enquête ne peuvent siéger au sein des chambres de discipline.
Le service d’enquête est composé de membres de la profession. Toutefois, des experts-comptables et des commissaires aux comptes peuvent également être désignés comme enquêteurs sans pouvoir être majoritaires.
Lorsque le service d’enquête est composé de deux ou plusieurs enquêteurs, il est dirigé par un enquêteur en chef, commissaire de justice.
La Chambre nationale des commissaires de justice précise par voie de règlement les modalités de désignation de l’enquêteur en chef, ses attributions et le fonctionnement du service d’enquête. Ce Règlement est soumis à l’approbation du garde des Sceaux, ministre de la Justice.
Le service d’enquête est organisé de manière à garantir l’indépendance de son fonctionnement.
Ses frais de fonctionnement sont pris en charge par la profession, sous réserve des dispositions de l’article 41 du décret du 17 juin 2022. Les instances professionnelles adoptent chaque année le budget du service d’enquête de leur ressort, établi selon des modalités déterminées par voie de règlement du président de la Chambre nationale.
2) Les enquêteurs
Les enquêteurs membres de la profession ainsi que, le cas échéant, les experts comptables et les commissaires aux comptes sont choisis parmi les professionnels en exercice et les professionnels honoraires, en fonction ou domiciliés dans le ressort de la juridiction disciplinaire.Ils sont choisis en raison de leur indépendance, de leur honorabilité et de leurs compétences.
La fonction d’enquêteur est incompatible avec celle de membre d’une instance nationale ou locale de la profession.
Lorsqu’ils sont en exercice, les membres de la profession ne peuvent refuser, sans motif légitime, d’être agréés en qualité d’enquêteur.
Les membres des services d’enquête placés auprès des chambres de discipline des commissaires de justice sont agréés par le procureur général du siège de la juridiction sur proposition des instances régionales ou interrégionales de la profession.
L’agrément est prononcé pour une durée de trois ans, renouvelable une fois.
Dans l’exercice de leurs attributions, les enquêteurs ne reçoivent ni ne sollicitent d’instruction d’aucune autorité. Ils exercent leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité et veillent à prévenir ou à faire cesser tout conflit d’intérêt. Ils conduisent les enquêtes de manière impartiale.
L’enquêteur ne peut enquêter sur des faits dont il a eu à connaitre en qualité d’inspecteur.
L’instance nationale de chaque profession assure la formation initiale et continue des enquêteurs selon des modalités qu’elle détermine.
Lorsque l’enquêteur ne respecte pas les dispositions du présent décret ou fait preuve de négligence ou d’incapacité dans l’accomplissement de sa mission, l’autorité qui l’a agréé peut lui retirer l’agrément, sans préjudice, le cas échéant, d’éventuelles poursuites disciplinaires ou pénales.
Le retrait intervient au terme d’une procédure contradictoire et après avis de l’instance professionnelle qui avait proposé l’agrément de l’intéressé.
D. Première instance : les chambres de discipline (ordonnance du 13 avril 2022, articles 11à 13, décret du 13 juin 2022, articles 28 et suivants, arrêté du 22 avril 2022)
1) Attributions, fonctionnement
Des chambres de discipline, instituées auprès des instances professionnelles régionales ou interrégionales des commissaires de justice désignées par arrêté du ministre de la Justice, connaissent en premier ressort des poursuites disciplinaires contre ces professionnels.
Elles peuvent suspendre provisoirement un commissaire de justice.
Les principes généraux du Code de l'organisation judiciaire (COJ, art. L. 111-1 N° Lexbase : L8861HNI à L. 111-14 N° Lexbase : L7190LPY) sont applicables (annexe 1).
Il est institué dix chambres de discipline, chacune compétente pour traiter les affaires relevant de différentes chambres régionales.
Chambre de discipline | Compétence territoriale |
Aix-en-Provence | Cours d’appel d’Aix-en-Provence et Bastia |
Bordeaux | Cours d’appel de Bordeaux, Limoges, Pau, Poitiers |
Dijon | Cours d’appel de Besançon, Bourges, Dijon, Orléans |
Douai | Cours d’appel d’Amiens, Douai, Rouen |
Lyon | Cours d’appel de Chambéry, Grenoble, Lyon, Riom |
Nancy | Cours d’appel de Colmar, Metz, Nancy, Reims |
Paris | Cours d’appel de Paris, Basse-Terre, Fort-de-France, Cayenne, Saint-Denis, et Tribunal supérieur de Saint-Pierre-et-Miquelon |
Rennes | Cours d’appel d’Angers, Caen, Rennes |
Toulouse | Cours d’appel d’Agen, Montpellier, Nîmes, Toulouse |
Versailles | Cour d’appel de Versailles |
2) Le siège
La chambre de discipline siège dans des locaux mis à disposition par les chambres régionales de son ressort. Ces locaux ne peuvent pas être situés dans l’office d’un commissaire de justice.
3) Les obligations
La chambre de discipline adresse, au plus tard le 1er décembre et le 1er juin de chaque année, un état de son activité au cours du semestre écoulé aux procureurs généraux et au premier président de la cour d'appel de son siège.
Les frais de fonctionnement des chambres de discipline sont pris en charge par les chambres régionales ou interrégionales de leur ressort. Les chambres régionales adoptent chaque année le budget de la juridiction de leur ressort, établi selon des modalités déterminées par voie de règlement du président de la CNCJ.
4) La composition
Elles sont composées d'un magistrat du siège de la cour d'appel, en activité ou honoraire, président, et de deux membres de la profession concernée : anciens huissiers de justice et anciens commissaires-priseurs judiciaires (jusqu’en 2026).
Les membres des chambres de discipline ainsi que leurs suppléants sont nommés par arrêté du ministre de la Justice pour une durée de trois ans, renouvelable une fois.
Les magistrats du siège de l'ordre judiciaire, en activité ou honoraires, sont nommés sur proposition du premier président de la cour d'appel compétente. Les magistrats honoraires ne peuvent siéger au-delà de la date de leur soixante et onzième anniversaire.
Les membres de la profession sont nommés sur proposition des instances régionales. Les conjoints ou personnes liées par un pacte civil de solidarité, les parents et alliés jusqu'au troisième degré inclus ne peuvent, sauf dispense, être simultanément membres d'une même chambre de discipline en quelque qualité que ce soit.
Ils ont l’obligation de recevoir une formation initiale et de suivre une formation continue.
L’article 30 alinéa 2 du décret dispose : « Les inspecteurs ne peuvent siéger dans la juridiction disciplinaire lorsqu’ils ont eu à connaître de l’affaire examinée ». L’article 37 alinéa 4 de la loi quant à lui, dispose que « les membres de services d’enquête ne peuvent siéger au sein des (chambres de discipline) ».
Donc, les commissaires de justice réalisant des contrôles annuels ou occasionnels peuvent être membres de la chambre de discipline ; à l’inverse les membres du service d’enquête ne peuvent pas siéger à la chambre de discipline.
E. La cour nationale de discipline (ordonnance du 13 avril 2022, articles 11 à 13)
1) Attributions
Une cour nationale de discipline est instituée auprès de la Chambre nationale des commissaires de justice. Elle connait des appels formés contre les jugements des chambres de discipline.
Les principes généraux du Code de l'organisation judiciaire (article L. 111-1 à L. 111-14) sont applicables.
2) Composition
Elle est composée d'un magistrat du siège de la Cour de cassation, en activité ou honoraire, président, de deux magistrats du siège de la cour d'appel, en activité ou honoraires, et de deux membres de la profession concernée.
Les arrêts de la cour nationale de discipline peuvent faire l'objet d'un pourvoi devant la Cour de cassation. Le pourvoi est ouvert au procureur général.
Les membres de la cour nationale de discipline ainsi que leurs suppléants sont nommés par arrêté du ministre de la Justice pour une durée de trois ans, renouvelable une fois. Les magistrats du siège de l'ordre judiciaire, en activité ou honoraires, sont nommés sur proposition du premier président de la Cour de cassation. Les magistrats honoraires ne peuvent siéger au-delà de la date de leur soixante et onzième anniversaire.
Les membres de la profession sont nommés sur proposition de la Chambre nationale.
II. Deuxième partie : le traitement des réclamations (loi du 22 décembre 2021, article 36, ordonnance du 13 avril 2022, article 4, décret du 17 juin 2022, articles 2 à 6)
La réclamation à l'encontre d'un commissaire de justice est adressée au président régional.
Le texte (article 2 du décret) : « L'autorité de la profession compétente pour procéder au traitement des réclamations et prendre des mesures, notamment de rappel à l'ordre ou d'injonction, conformément aux articles 4 et 6 de l'ordonnance du 13 avril 2022 susvisée est celle mentionnée aux articles 23, 24, 27 et 29 de la même ordonnance.
L'autorité territorialement compétente est celle dans le ressort de laquelle le professionnel exerçait ses fonctions au moment des faits. »
A. La forme de la réclamation
La réclamation mentionne :
Elle précise le nom, le prénom et l'adresse professionnelle de la personne mise en cause ainsi que l'office au sein duquel celle-ci exerce son activité. Elle indique les faits à l'origine de la réclamation. Elle peut être accompagnée de toute pièce utile à son examen. Elle est datée et porte la signature de son auteur.
B. L’accusé de réception
Elle donne lieu à un accusé de réception conformément à l'article L. 112-3 du Code des relations entre le public et l'administration N° Lexbase : L1773KNY : toute demande fait l’objet d’un accusé de réception, sauf les demandes abusives, notamment en raison de leur caractère répétitif ou systématique.
Le président régional accuse réception de la réclamation en indiquant que son auteur sera informé des suites qui lui seront données.
C. l’information du commissaire de justice
Le président régional en informe le commissaire de justice mis en cause et l'invite à présenter ses observations. Il fixe le délai qui lui est imparti à cette fin et l’informe des faits susceptibles de lui être reprochés. Lorsque la nature de la réclamation le permet, et sous réserve des réclamations abusives ou manifestement mal fondées, le président régional convoque les parties en vue d'une conciliation, à laquelle prend part un membre au moins de la profession (article 3 du décret).
D. La conciliation
La convocation des parties en vue d'une conciliation leur est adressée au moins quinze jours avant la date fixée pour la conciliation, à moins que les parties aient consenti à un délai plus court. Cette date ne doit pas être postérieure de plus de trois mois à la date de réception de la réclamation.
Sur demande expresse, l'autorité peut autoriser une partie ou toute personne appelée à la conciliation à être entendue par un moyen de communication audiovisuelle.
L'affaire peut ne pas être regardée comme étant de nature à permettre l'organisation d'une conciliation, notamment :
1° Lorsqu'une mise en présence des parties serait préjudiciable à l'une d'elles ;
2° Lorsque les faits sont d'une gravité telle que la saisine directe du service d'enquête ou de la juridiction disciplinaire s'impose.
En cas de conciliation, un procès-verbal est établi. Le procès-verbal est signé par le professionnel, le réclamant et par le président régional ou la personne à laquelle il a donné délégation. Un exemplaire du procès-verbal est remis à chacun des signataires.
Dans le cas contraire, le président régional atteste l'absence de conciliation.
Les constatations du conciliateur désigné et les déclarations qu'il recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure ni dans une quelconque autre procédure.
Dans leurs relations avec le président régional, au cours de toute conciliation, les parties peuvent être assistées ou représentées par un avocat. Les commissaires de justice peuvent également être assistés par un membre de leur profession.
Le fait qu’une conciliation soit en cours n’interdit pas les mesures prévues à l’article 6 de l’ordonnance du 13 avril 2022 (Cf section suivante).
E. Fin de procédure
L'auteur de la réclamation et le commissaire de justice mis en cause sont informés des suites réservées à la réclamation.
Le président régional informe, le cas échéant, l'auteur de la réclamation des raisons pour lesquelles il s'abstient de donner suite à celle-ci en mettant en œuvre les pouvoirs qu'il tient de l'article 6 de l'ordonnance du 13 avril 2022 (Cf section suivante) ou en engageant une action disciplinaire. Il l'informe également de la possibilité de saisir le procureur général ou de saisir directement la chambre de discipline.
En l'absence de conciliation ou en cas d'échec de celle-ci, ainsi qu'en l'absence de poursuite disciplinaire, l'auteur de la réclamation est informé sans délai de la possibilité de saisir le procureur général ou de saisir directement la juridiction disciplinaire.
III. Troisème partie : les mesures administratives (loi du 22 décembre 2021, article 35, ordonnance du 13 avril 2022, article 6, décret du 17 juin 2022, articles 3, 7 à 12)
En cas de manquement d'un professionnel à ses obligations, le président régional peut, même d'office, avant l'engagement éventuel de poursuites disciplinaires, prendre des mesures administratives.
A. Demande d’explications
1° Demander des explications au commissaire de justice et, le cas échéant, le convoquer. Il fixe le délai qui lui est imparti à cette fin et l’informe des faits susceptibles de lui être reprochés.
Dans leurs relations avec le président régional, au cours de toute conciliation, les parties peuvent être assistées ou représentées par un avocat. Les commissaires de justice peuvent également être assistés par un membre de leur profession.
B. Rappel à l’ordre ou injonction de mettre fin au manquement
2° Lui adresser, à l'issue d'une procédure contradictoire, un rappel à l'ordre ou une injonction de mettre fin au manquement.
Le rappel à l’ordre ou l’injonction précise le ou les manquements reprochés au commissaire de justice.
L'injonction lui impartit en outre un délai pour y mettre fin. Ce délai court à compter de la date de la notification de la décision au commissaire de justice.
La décision portant rappel à l'ordre ou injonction informe le commissaire de justice qu'il s'expose à une poursuite disciplinaire s'il réitère le manquement ou n'y met pas fin dans le délai imparti.
La décision indique la juridiction devant laquelle elle peut être contestée et le délai de recours. Elle peut être contestée devant le président de la chambre de discipline ou son suppléant.
Le professionnel dispose d'un délai de deux mois à compter de la date de réception du rappel à l'ordre ou de l'injonction pour contester cette mesure devant le président de la chambre de discipline ou son suppléant.
Le recours dirigé contre une décision portant rappel à l'ordre ou injonction est formé, instruit et jugé selon la procédure accélérée au fond.
C. Astreinte et liquidation
Le président régional peut assortir cette injonction d'une astreinte, qu’il est compétent pour liquider et dont le montant maximal est fixé par l’article 8 du décret du 17 juin 2022. Le montant et la durée de l'astreinte sont fixés en considération de la gravité du manquement et des facultés contributives du commissaire de justice mis en cause.
Lorsqu’elle est assortie d'une astreinte, l'injonction indique le montant qui sera dû par jour de retard. Elle commence à courir à compter de l'expiration du délai imparti et cesse de courir au jour de la cessation du manquement.
L'astreinte ne peut excéder par jour de retard trois cents euros pour les personnes physiques et trois mille euros pour les personnes morales. Le montant total des sommes résultant de l'astreinte ne peut excéder ni trente mille euros pour les personnes physiques ou trois cent mille euros pour les personnes morales ni, lorsque ce montant total excède dix mille euros, 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé par le professionnel au cours du dernier exercice clos, calculé sur une période de douze mois.
En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, le président régional recueille les observations du commissaire de justice et, le cas échéant, liquide l'astreinte. Il tient compte des éléments transmis par le professionnel, de son comportement et des difficultés d'exécution qu'il a rencontrées. Il peut, lors de la liquidation, modérer le montant de l'astreinte.
La décision liquidant l'astreinte indique la juridiction devant laquelle elle peut être contestée et le délai de recours. Elle peut être contestée devant le président de la chambre de discipline ou son suppléant.
Le professionnel dispose d'un délai de deux mois à compter de la date de réception du rappel à l'ordre ou de l'injonction pour contester cette mesure devant le président de la chambre de discipline.
Le recours dirigé contre une décision portant liquidation de l’astreinte est formé, instruit et jugé selon la procédure accélérée au fond.
La décision liquidant l'astreinte a les effets d'un jugement au sens du 6° de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution.
Le montant total résultant de l'astreinte est versé au Trésor public et recouvré comme les créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine.
Dispositions générales
La décision portant rappel à l'ordre ou injonction informe le professionnel qu'il s'expose à une poursuite disciplinaire s'il réitère le manquement ou n'y met pas fin dans le délai imparti. La décision indique la juridiction devant laquelle elle peut être contestée et le délai de recours.
Aucun rappel à l'ordre ou injonction de mettre fin au manquement ne peut être adressé au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où le président régional a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits susceptibles de justifier de telles mesures.
Si la chambre de discipline est saisie des mêmes faits, le président régional ne peut pas mettre en œuvre ces mesures administratives.
D. La suspension provisoire (ordonnance du 13 avril 2022, article 17, décret du 17 juin 2022, articles 54 à 60)
Lorsque l'urgence ou la protection d'intérêts publics ou privés l'exige, le président de la chambre de discipline ou son suppléant peut, à la demande du président régional ou du procureur général, suspendre provisoirement de ses fonctions le professionnel qui fait l'objet d'une enquête ou d'une poursuite disciplinaire ou pénale, après avoir recueilli ses observations au terme d'un débat contradictoire.
La suspension ne peut excéder une durée de six mois, renouvelable une fois, ou au-delà de cette limite lorsque l'action publique a été engagée contre le professionnel à raison des faits qui fondent la suspension.
Elle peut, à tout moment, être levée par le président de la juridiction disciplinaire si des éléments nouveaux le justifient. Elle cesse de plein droit à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la clôture de l'enquête. Elle cesse également de plein droit lorsque l'action disciplinaire ou l'action pénale s'éteint.
Le président ou son suppléant qui s'est prononcé sur la suspension d'un professionnel ne peut siéger au sein de la juridiction disciplinaire statuant sur sa situation.
La décision de suspension prise à l'égard d'un commissaire de justice peut faire l'objet d'un recours devant la cour nationale de discipline.
Le professionnel suspendu provisoirement ne peut participer en aucune manière à l'activité des chambres, ordre et conseils professionnels auxquels il appartient.
En cas de suspension provisoire, les dispositions relatives à l’effet des peines disciplinaires sont applicables (Cf supra).
IV. Quatrième partie : l’action disciplinaire (loi du 22 décembre 2021, article 36)
A. Le demandeur à l’action
L’action disciplinaire est engagée par le président régional, le président de la CNCJ [2], le Procureur général ou par l’auteur de la réclamation en cas de classement sans suite de celle-ci.
Le président de la juridiction disciplinaire ou son suppléant peut rejeter les plaintes irrecevables, manifestement infondées ou qui ne sont pas assorties des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé.
1) Les peines encourues (ordonnance du 13 avril 2022, article 16)
I.- Les peines disciplinaires qui peuvent être prononcées contre un commissaire de justice, personne physique ou morale, sont :
1° L'avertissement
2° Le blâme
3° L'interdiction d'exercer à titre temporaire pendant une durée maximale de dix ans
4° La destitution, qui emporte l'interdiction d'exercice à titre définitif
5° Le retrait de l'honorariat
II. - La peine de l'interdiction temporaire peut être assortie, en tout ou partie, d'un sursis. Si, dans le délai de cinq ans à compter du prononcé de la peine, le professionnel a commis un manquement ayant entraîné le prononcé d'une nouvelle peine disciplinaire, celle-ci entraîne, sauf décision motivée, l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde.
III. - La juridiction disciplinaire peut prononcer, à titre principal ou complémentaire, une peine d'amende dont le montant ne peut excéder la plus élevée des deux sommes suivantes :
1° Dix mille euros
2° Cinq pour cent (5 %) du chiffre d'affaires hors taxes réalisé par le professionnel au cours du dernier exercice clos, calculé sur une période de douze mois.
La peine d'amende peut être assortie, en tout ou partie, d'un sursis. Elle n'est pas applicable aux professionnels salariés.
Lorsqu'une amende prononcée en application du présent III est susceptible de se cumuler avec une amende pénale infligée à raison des mêmes faits au professionnel auteur du manquement, le montant cumulé des amendes prononcées ne peut dépasser le maximum légal le plus élevé.
IV. - La publication de la peine peut être ordonnée, aux frais de la personne sanctionnée, à titre de sanction accessoire.
V. - Lorsque dix ans se sont écoulés depuis une décision définitive de destitution, le professionnel frappé de cette peine peut demander à la juridiction disciplinaire qui a statué sur l'affaire en première instance de le relever de l'incapacité résultant de cette décision.
Lorsque la demande mentionnée au premier alinéa du présent V est rejetée par une décision devenue définitive, elle ne peut être à nouveau présentée que cinq ans après l'enregistrement de la première demande.
2) Le préalable éventuel : l’enquête (décret du 17 juin 2022, articles 19 à 26)
Le service d’enquête est saisi par le président régional, le Procureur régional ou la Chambre de discipline.
Le service d'enquête territorialement compétent est celui dans le ressort duquel le commissaire de justice exerçait ses fonctions au moment des faits.
Le procureur général compétent est celui du ressort de la cour d'appel dans lequel le commissaire de justice exerçait ses fonctions au moment des faits.
Saisine, incompatibilités, mission :
Le service d'enquête est saisi par le procureur général, le président régional ou par la chambre de discipline, soit à la demande de l'une des parties, soit d'office.
Lorsque le procureur général saisit le service d'enquête, il communique copie de la saisine au président régional et, le cas échéant, à l'auteur de la réclamation.
Lorsque le président régional saisit le service d'enquête, il communique copie de la saisine au procureur général et, le cas échéant, à l'auteur de la réclamation.
La saisine du service d'enquête avant la saisine de la juridiction ne fait pas obstacle à ce que la juridiction saisisse à nouveau celui-ci.
Si le professionnel mis en cause est membre d'un service d'enquête ou d'une juridiction disciplinaire, le président régional ou la juridiction disciplinaire saisissent un service d'enquête placé auprès d'une autre juridiction.
La saisine du service d'enquête fixe la nature et l'étendue de la mission.
3) Déroulement de l’enquête
Le service d'enquête procède à toute mesure d'instruction nécessaire.
L'enquête se déroule sur pièces et sur place dans les locaux professionnels de la personne visée et pendant leurs heures d'ouverture au public et les jours ouvrables entre 8 heures et 20 heures.
Le commissaire de justice visé par l'enquête peut consulter le dossier d'enquête dans les locaux du service d'enquête. Cette consultation peut également avoir lieu sous forme dématérialisée.
Toute personne entendue pour les besoins de l'enquête peut se faire assister d'un avocat ou d'un confrère de son choix.
L'audition donne lieu à la rédaction d'un procès-verbal mentionnant le nom du ou des enquêteurs, signé par la personne entendue et annexé au rapport d'enquête. Si la personne entendue refuse de le signer ou est dans l'impossibilité de le faire, le procès-verbal le mentionne.
L'audition peut être réalisée par un moyen de communication audiovisuelle. Copie du procès-verbal est remise à la personne entendue.
Lorsque le service d'enquête estime que l'urgence ou la protection d'intérêts publics ou privés exigent la mise en place d'une mesure de suspension provisoire, il en informe l'autorité qui l'a saisi et, le cas échéant, le procureur général.
À l'issue de l'enquête, et au plus tard quinze jours après sa clôture, le service d'enquête remet son rapport à l'autorité qui l'a saisi. Le rapport comporte un exposé objectif des faits, des pièces du dossier et des actes d'instruction accomplis. Le cas échéant, les conclusions du rapport mettent en évidence les faits susceptibles d'être qualifiés disciplinairement.
Si le président régional qui a saisi le service d'enquête décide de ne pas donner suite à l'affaire, elle en avise le commissaire de justice et, s'il y a lieu, l'auteur de la réclamation.
La décision de ne pas donner suite ne prive pas les autres autorités compétentes de la faculté d'engager l'action disciplinaire.
B. La juridiction de jugement (loi du 22 décembre 2021, article 38, ordonnance du 13 avril 2022, article 11, décret du 17 juin 2022, articles 27 et suivants)
Les membres de la chambre de discipline, un magistrat et deux commissaires de justice (issus de l’ancienne profession concernée) portent l’habit de leur fonction.
1) Les pouvoirs du président
Le président de la juridiction disciplinaire s'assure de la bonne administration de la juridiction et de l'expédition normale des affaires. Le secrétariat est placé sous son autorité fonctionnelle.
Il préside la juridiction siégeant en formation collégiale, désigne le membre de la juridiction chargé de rapporter l'affaire à l'audience et décide du remplacement d'un membre de la juridiction en cas d’empêchement. Un magistrat ne peut être remplacé que par un magistrat. Un commissaire de justice ne peut être remplacé que par un commissaire de justice.
Le président est compétent pour statuer seul sur :
1° La recevabilité des requêtes
2° Les recours contre certaines mesures administratives : rappel à l’ordre ou injonction de mettre fin au manquement, le cas échéant sous astreinte
3° Les demandes de suspension provisoire
En cas d’empêchement, il est remplacé par son suppléant. Il peut à tout moment et sans condition déléguer tout ou partie de ses pouvoirs à son suppléant.
2) La procédure
La chambre de discipline territorialement compétente est celle dans le ressort de laquelle le commissaire de justice exerçait ses fonctions au moment des faits.
Le procureur général compétent est celui du ressort de la cour d'appel dans lequel le commissaire de justice exerçait ses fonctions au moment des faits.
a) L’obligation d’information
Le procureur général, lorsque ce n’est pas lui qui saisit la chambre de discipline, est informé de cette saisine par le président régional, qui lui communique copie de la saisine ou de l’assignation, ou par l’auteur de la plainte.
Le procureur général peut se faire communiquer le dossier et tout rapport d'enquête. Il peut faire toutes observations écrites et intervenir à l'instance. Il peut exercer le recours ouvert contre les décisions rendues par la juridiction disciplinaire de première instance.
Lorsque le procureur général saisit la juridiction disciplinaire, il communique copie de la saisine ou de l'assignation au président régional et, le cas échéant, à l'auteur de la plainte.
Lorsque le président régional saisit la chambre de discipline, il communique copie de la saisine ou de l'assignation au procureur général et, le cas échéant, à l'auteur de la plainte.
Lorsque l'auteur de la plainte saisit la juridiction disciplinaire, il communique copie de la requête signifiée au procureur général ainsi qu'à l'autorité de la profession compétente pour exercer l'action disciplinaire.
b) L’assistance et la représentation
Toute partie peut être assistée ou représentée par un avocat. Les commissaires de justice peuvent également être assistés par un commissaire de justice.
c) La récusation
Il convient de se rapporter à l’article L.111-6 du Code de l’organisation judiciaire [LXB=]. La récusation d’un membre de la chambre de discipline peut être demandée en cas d’amitié ou d’inimitié notoire, par exemple.
d) La notification de la décision
Le secrétariat de la chambre de discipline notifie la décision aux parties et, dans tous les cas, au procureur général par tout moyen conférant date certaine.
Il la communique au président régional, s’il n'a pas été partie à l'instance. Dans tous les cas, elle est communiquée à la CNCJ dans le délai d'un mois à compter du prononcé de la décision.
Les instances des professions peuvent mettre en place une plateforme destinée à la communication par voie électronique dans les conditions du titre XXI du livre Ier du Code de procédure civile.
e) Les dépens
Chaque partie conserve la charge de ses dépens.
Toutefois, la juridiction qui condamne le commissaire de justice met à sa charge les dépens et le cas échéant, les frais non compris dans les dépens dans les conditions de l'article 700 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5913MBM.
f) La saisine
La chambre de discipline est saisie :
L'assignation contient, à peine de nullité, les mentions prescrites par l'article 56 du Code de procédure civile N° Lexbase : L8646LYU.
La requête contient, à peine de nullité, outre les mentions prescrites par l'article 57 du Code de procédure civile N° Lexbase : L9288LT8, l'exposé des diligences entreprises auprès de l'autorité compétente conformément à l'article 4 de l'ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 N° Lexbase : Z73549T4 et des suites qui leur ont été données. Elle est accompagnée des pièces justificatives.
Lorsque la juridiction est saisie par requête, le président fixe par ordonnance les date et heure de l'audience. Le requérant signifie la requête et l'ordonnance au commissaire de justice.
Toutefois le président peut rejeter par ordonnance motivée les requêtes irrecevables, manifestement infondées ou qui ne sont pas assorties des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
Dans ce cas, l'ordonnance est notifiée par le secrétariat de la chambre de discipline. Elle peut faire l'objet d'un recours devant la Cour nationale de discipline.
g) Le déroulement de l’audience
La procédure est orale.
Par décision du président de la chambre de discipline, d'office ou à la demande d'une partie, et avec le consentement de l'ensemble des parties, l’audience peut se dérouler dans plusieurs salles d'audience reliées directement par un moyen de télécommunication audiovisuelle garantissant la confidentialité de la transmission.
L'une ou plusieurs de ces salles d'audience peuvent se trouver en dehors du ressort de la juridiction saisie.
Lorsqu'il n’a pas rejeté la requête, le président de la chambre de discipline peut désigner un rapporteur parmi les membres de la juridiction. Le rapporteur peut, avant l'audience :
- entendre les parties et toute personne dont l'audition lui paraît utile ;
- demander aux parties toutes pièces ou tous documents de nature à éclairer la juridiction.
Il dresse un procès-verbal de chaque audition. Le procès-verbal est signé par le rapporteur et par la personne entendue ou mention est faite que celle-ci ne veut ou ne peut pas signer.
Il fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries. Le rapport comporte un exposé objectif des faits, des pièces du dossier et des actes d'instruction accomplis. Il précise les questions de fait et de droit soulevées par le litige et fait mention des éléments propres à éclairer le débat, sans faire connaître l'avis du rapporteur.
Le jour de l'audience, le président s'assure qu'il s'est écoulé un temps suffisant depuis l'assignation pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense.
Dans tous les cas, la personne poursuivie ou son conseil prend la parole en dernier.
f) La publicité
Lorsque la juridiction ordonne la publication de la peine disciplinaire, la décision est communiquée par le secrétariat de la juridiction à la CNCJ, qui la publie sur son site internet.
La décision d'interdiction ou de destitution rappelle au commissaire de justice qu'il peut faire l'objet de poursuites sur le fondement des articles 433-12 N° Lexbase : L1916AMW et 433-17 N° Lexbase : L9633IEI du Code pénal en cas d'usurpation de fonctions et d'usurpation de titre.
9) L’effet
Le jugement est exécutoire par provision, sans que la suspension de l’exécution provisoire puisse être prononcée. Seule la Cour nationale de discipline peut mettre fin à l’exécution provisoire lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
Le procureur général compétent assure l'exécution des décisions disciplinaires.
Les amendes perçues sont versées au Trésor public et recouvrées comme les créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine.
h) L’ajournement
La chambre de discipline peut, après avoir retenu l'existence d'une faute, ajourner le prononcé de la peine en enjoignant au professionnel de mettre fin au comportement fautif dans un délai n'excédant pas quatre mois.
Dans ce cas, elle fixe dans sa décision la date à laquelle il sera statué sur la peine.
L'ajournement ne peut être ordonné que si le professionnel ou, s'il s'agit d'une personne morale, son représentant légal est présent à l'audience.
[1] Le terme président régional désigne le président de la chambre régionale ou interrégionale des commissaires de justice
[2] Lorsque l’action disciplinaire est exercée contre une société titulaire de plusieurs offices situés dans le ressort de plusieurs chambres régionales ou interrégionales, ou en cas de carence du président régional, après mise en demeure restée sans effet.
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Réf. : Convention sur la reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers en matière civile ou commerciale, La Haye 2 juillet 2019 N° Lexbase : L2659LSB
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par Patrick Gielen, Secrétaire de l’UIHJ, Huissier de Justice Belgique (Modero Bruxelles)
Le 27 Septembre 2023
Mots clés : matière civile et commerciale • reconnaissance • exécution • passeport mondial • conférence de La Haye • abolition de l’exequatur • entrée en vigueur
Ce 1er septembre 2023, la Convention du 2 juillet 2019 sur la reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers en matière civile ou commerciale (Convention Jugements 2019) permettant pour la première fois à un jugement de voyager librement non seulement entre les pays de l’Union européenne mais également avec les pays tiers est entrée en vigueur, un peu plus de quatre ans après son adoption le 2 juillet 2019. À compter de ce 1er septembre, la Convention produit ses effets entre l'Union européenne (UE), y compris ses États membres (à l'exception du Danemark), et de l'Ukraine.
La Convention de La Haye sur la reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers en matière civile ou commerciale N° Lexbase : L2659LSB, adoptée le 2 juillet 2019 par la Conférence de La Haye de droit international privé, marque une avancée significative dans la simplification et la facilitation du processus de reconnaissance et d'exécution des jugements étrangers.
Cette convention a pour but de faciliter la circulation des jugements entre les parties contractantes en fixant non seulement les conditions de la reconnaissance et de l’exécution des jugements mais également d’énoncer les motifs de refus.
Elle s'inspire des modèles de la Convention de Bruxelles N° Lexbase : L6340MIN, des Règlements Bruxelles I N° Lexbase : L7541A8S et I bis N° Lexbase : L9189IUU, ainsi que de la Convention de Lugano N° Lexbase : L2559I8B, tout en établissant une nouvelle catégorie de jugements bénéficiant de ses dispositions.
I. Principales caractéristiques de la Convention
La Convention s’applique à la reconnaissance et à l’exécution des jugements en matière civile ou commerciale (art. 1), y compris aux consommateurs et aux contrats individuels de travail.
La Convention exclut certaines matières de son champ d’application, notamment l’état et la capacité des personnes physiques, les questions de droit de la famille, l’insolvabilité, le droit à la vie privée, la propriété intellectuelle et certaines entraves à la concurrence (art. 2(1)).
Par ailleurs, elle ne s’applique ni à l’arbitrage et aux procédures y afférentes (art. 2 (3)), ni aux mesures provisoires et conservatoires (art. 3(1)(b)).
Les parties contractantes peuvent aussi déclarer qu’elles n’appliqueront pas la Convention à d’autres matières particulières (art. 18(1)).
La Convention fixe un cadre commun au titre duquel les jugements d’une partie contractante seront reconnus et / ou exécutés dans une autre, à condition qu’ils remplissent les conditions pour circuler et qu’aucun motif de refus ne s’applique.
La Convention fournit une liste de critères permettant au tribunal requis de vérifier si le jugement est susceptible d’être reconnu et exécuté (on parle parfois de « chefs de compétence indirects »).
Par conséquent, la Convention ne prévoit pas de règles de compétence directe applicables dans le tribunal d’origine ou dans le tribunal requis.
Un jugement pourra être reconnu et exécuté au titre de la Convention dès lors que l’un des critères énumérés à l’article 5 (1) est rempli.
L’article 6 prévoit un fondement exclusif de reconnaissance d’exécution pour les jugements portant sur des droits réels immobiliers, qui pourront être reconnus et exécutés si, et seulement si, l’immeuble est situé dans l’État d’origine.
Il s’agit de conditions minimales pour la reconnaissance et l’exécution.
Autrement dit, la Convention n’interdit ou ne limite pas la reconnaissance et l’exécution des jugements au titre du droit national, d’instruments bilatéraux, régionaux ou d’autres instruments internationaux (art. 15 et 23), sous réserve de l’article 6.
En ce sens, la Convention établit un « seuil » plutôt qu’un « plafond » en matière de reconnaissance et d’exécution des jugements étrangers.
La reconnaissance et l’exécution ne peuvent être refusées que sur le fondement de l’un des motifs énumérés dans la Convention.
Ces motifs de refus ne sont pas obligatoires, ce qui offre au tribunal requis un pouvoir discrétionnaire quant à la décision de refus.
Les motifs énumérés à l’article 7 sont largement admis au sein des différents ressorts juridiques, notamment l’ordre public, l’équité procédurale et les jugements incompatibles.
II. Parties contractantes
Cette convention, qui compte désormais l'Union européenne (UE) [1] et l'Ukraine parmi ses membres, est entré en vigueur ce 1er septembre 2023, conformément à l'article 28, paragraphe 1, de la Convention.
Précédée par des tentatives antérieures, dont la Convention de 1971 qui n'a rencontré que peu d'adhésion internationale, la Convention actuelle a été renégociée à l'initiative des États-Unis en 1992, aboutissant à son adoption en 2019.
Jusqu'à présent, elle a été signée par plusieurs pays, dont le Costa Rica, l'UE, Israël, la Fédération de Russie, l'Ukraine, les États-Unis d'Amérique, l'Uruguay, la Macédoine du Nord et le Monténégro.
Seul l’Union européenne et de l'Ukraine ont ratifié la convention jugement permettant son entrée en vigueur ce 1er septembre 2023.
Conclusion La Convention, tout en étant ouverte à l'adhésion d'autres États, pourrait contribuer à l'harmonisation des régimes de reconnaissance et d'exécution des jugements étrangers, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni. En somme, la Convention de La Haye sur la reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers en matière civile ou commerciale marque une étape importante dans la simplification et la cohérence des procédures de reconnaissance et d'exécution des jugements étrangers, offrant ainsi aux parties concernées une plus grande sécurité juridique et facilitant les échanges internationaux. Son entrée en vigueur en septembre 2023 promet de renforcer davantage la coopération internationale en matière judiciaire. |
[1] Voy. Décision (UE) 2022/1206 du Conseil du 12 juillet 2022 concernant l’adhésion de l’Union européenne à la convention sur la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers en matière civile ou commerciale {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 86575556, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-textedeloi", "_title": "D\u00e9cision (UE) n\u00b0 2022/1206 DU CONSEIL, 12-07-2022, concernant l'adh\u00e9sion de l'Union europ\u00e9enne \u00e0 la convention sur la reconnaissance et l'ex\u00e9cution des jugements \u00e9trangers en mati\u00e8re civile ou commerciale", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: L4299MDL"}}.
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par Patrick Gielen, Secretary UIHJ, Judicial Officer (Modero Brussels)
Le 27 Septembre 2023
Keywords : Civil and commercial matters - Service - EU countries - forms - address search - e-Codex - electronic service
Just over a year after its entry into force, it's time to take a look at the changes brought about by the new EU regulation 1784/2020. The first change is the evolution of standardized forms. We'll also be mentioning the possibility of electric signatures, the important change enabling us to search for the addresses of document recipients, not forgetting the digitization of transmission via the e-Codex system, and the new electronic service of documents.
Regulation (EU) 2020/1784 of the European Parliament and of the Council of 25 November 2020 on the service in the Member States of judicial and extrajudicial documents in civil or commercial matters N° Lexbase : L8247LY4 (service of documents) has been published in the Official Journal of the European Union on 2 December 2020 (L 405).
It entered into force twenty working days after this date and is applicable from 1st July 2022.
With a view to its proper application, you will find some clarifications and advice below.
I. Use of new forms
Since 1st July 2022, any request for service must be sent using the new forms of Regulation (EU) 1784/2020. It includes twelve forms, i.e., five more than the previous Regulation (EU) 1393/2007 N° Lexbase : L4841H3P.
These new forms are :
Transmitting agencies are required to complete Forms A, B, C and I.
Receiving agencies are required to complete Forms D, E, F, G, H, J, K and L.
The addressee of the document is required to complete and return Form L given to him by the receiving agency or the authority responsible for the service of document on this occasion.
You can find all the form [online].
You can also find the new forms accompanying the regulation as published in the Official Journal of the European Union [online].
II. Electronic signature of documents and forms (article 5.3)
Where the documents to be served, requests, confirmations, receipts, certificates, and other communications referred to in paragraph 1 of Article 5 require or feature a seal or handwritten signature, these may be replaced by qualified electronic seals or qualified electronic signatures as defined in Regulation (EU) 910/2014 N° Lexbase : L1237I4L. According to the UEHJ, the electronic signature of the document can be used from 1st July 2022 provided that this electronic signature complies with the requirements of Regulation (EU) 910/2014.
We invite you, as a precautionary measure, to contact your software provider in order to check whether your electronic signature meets the requirements of Regulation (EU) 2020/1784.
III. Refusal to receive a document (article 12)
We inform you of two changes:
If it appears that the recipient understands an official language of another Member State, the L Form set out in Annex I is also provided in that language. It is therefore no longer necessary to attach the L form in all the languages of the European Union as was the case in Regulation (EU) 1393/2007.
IV. Assistance in address enquiries
Article 7 of the Regulation requires Member States to provide a service enabling the addressee of the document to be located, when the transmitting agency responsible for transmitting the document to be served does not have a known address in another Member State, namely :
It is up to each country here to communicate to the European Commission how this country provides this service in order to find the address of the recipient of the document when this address is unknown.
You can find all information [online].
V. e-Codex
One of the major changes of Regulation (EU) 2020/1784 concerns the compulsory use, between the transmitting and receiving agencies, of a decentralized IT system, made up of interconnected national IT systems in order to be able to carry out the transmission of judicial and extrajudicial documents as provided for in the new Article 5 of the regulation. This decentralized system is the e-Codex.
All communications and all exchanges of documents between the agencies and bodies designated by the Member States should, in principle, be carried out by means of a secure and reliable decentralized IT system, composed of national IT systems which are interconnected and technically interoperable, for example, and without prejudice to further technological progress, based on e-Codex.
This modification has no influence on your transmissions, which will take place from 1st July 2022, since this system will only become compulsory in March 2025, in order to give time for the European Commission to create the platform allowing this transmission through e-Codex.
VI. Direct electronic service
A second major change in the recast of Regulation (EU) 2020/1784 concerns direct electronic service. It should now be possible to have documents served directly electronically on a recipient who has a known address for service in another Member State.
The conditions for having recourse to this type of direct electronic service should be such as to guarantee that service is effected by electronic means only by using electronic means available under the law of the State member of the lex fori for the national service of documents, and also to guarantee the existence of appropriate safeguards to protect the interests of the addressee, in particular high technical standards and the obligation to obtain the express consent from the addressee.
The regulation provides, in its recitals 32 and 33, the guarantees necessary for such electronic service to respect the rights of the parties involved. It concerns in particular :
You can find all information [online].
Finally, the case law of the EUCJ pronounced with regard to Regulation 1393/2007 should mutatis mutandis retain its relevance.
We wish you a good use of the Regulation!
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par Marc Schmitz, Président UIHJ et Patrick Gielen, Rapporteur Général du Congrès
Le 27 Septembre 2023
L’Union internationale des huissiers de justice et officiers judiciaire (UIHJ) est une organisation internationale non-gouvernementale créée en 1952 qui représente la profession d’huissier de justice, d’agent d’exécution et assimilés sur le plan mondial. Elle est constituée des organes représentatifs de cette profession (actuellement 103 organisations de 98 pays des cinq continents). Le siège de l’UIHJ est situé à Paris.
L’UIHJ a pour vocation de représenter ses membres auprès des organisations internationales et d’assurer la collaboration avec les organismes professionnels nationaux et la mise en œuvre des traités internationaux. Elle s’efforce de promouvoir les idées, les projets et les initiatives tendant au progrès et à l’élévation du statut indépendant de l’huissier de justice. Elle prend part aux actions de structuration des huissiers de justice, notamment par son implication dans la création et le développement d’organisations professionnelles nationales en prévision de leur adhésion à l’UIHJ.
L’UIHJ participe à des missions d’expertise auprès des gouvernements et des organismes internationaux. Elle favorise partout où cela est possible la création d’un corps d’huissier de justice constitué de professionnels, juristes de haut niveau, remplissant les fonctions d’agent chargé de l’exécution des décisions de justice, de la signification des actes judiciaires et extrajudiciaires, et toutes les activités compatibles avec leurs fonctions, de nature à garantir et faire reconnaître les droits des justiciables et ayant pour objet l’accélération du processus judiciaire ou le désengorgement des tribunaux.
Elle organise tous les trois ans le congrès international qui est le plus grand évènement des huissiers de justice au monde.
En 2024, le congrès international de l'Union Internationale des huissiers de justice se tiendra à Rio de Janeiro, au Brésil, du 7 au 10 mai.
Il s'agira de la 25ème édition et elle aura lieu pour la première fois en Amérique latine. Avec plus de cinq cents participants attendus, cet événement promet d'être important pour les huissiers de justice du monde entier.
Le thème du congrès « L'huissier de justice : le tiers de confiance » mettra l'accent sur le rôle vital et crucial que jouent les huissiers de justice dans le maintien de l'État de droit. Ce sont en effet les acteurs responsables de l'exécution forcée des jugements, mission cruciale pour le fonctionnement de tout système judiciaire.
Ce congrès permettra également de présenter l’opportunité à embrasser d'autres compétences telles que les constats, la médiation, les enchères en ligne et autres. En effet, son statut ainsi que son indépendance lui permettent sans aucun doute de mettre son expérience ainsi que sa connaissance au profit de nouvelles compétences.
Le programme scientifique du congrès se composera de trois ateliers visant à explorer différents aspects du thème général.
Le premier atelier : La condition de la confiance : des standards professionnels élevés, mettra l'accent sur l'importance du professionnalisme et de la conduite éthique dans la construction de la confiance entre les huissiers de justice et le justiciable.
Le deuxième atelier : Le bénéfice de la confiance : des activités accrues, examinera les avantages de l'établissement de la confiance dans le système judiciaire, en ce compris l'augmentation des activités ainsi que la croissance économique.
Enfin, le troisième atelier, L'huissier de justice, le tiers de confiance dans un nouveau monde numérique, explorera les moyens par lesquels la technologie et la numérisation, y compris la blockchain, peuvent aider les huissiers de justice à remplir leurs fonctions de manière plus efficace.
La technologie de la blockchain est devenue de plus en plus présente dans le monde moderne, offrant de nombreuses opportunités pour les huissiers de justice afin d'améliorer leurs activités. Durant le congrès, les participants pourront apprendre davantage sur la façon dont la blockchain peut aider les huissiers de justice, ainsi que sur la manière dont ces derniers peuvent à leur tour aider la blockchain. Il s’agira aussi de démontrer la nécessité de la présence de l’humain dans un monde numérique. Ce sera un domaine passionnant de discussion qui permettra aux participants de rester informés sur les derniers développements en la matière.
Le congrès offrira aux participants, outre les travaux scientifiques, une occasion de se rencontrer et d’échanger avec des collègues de près de soixante-dix pays. En outre, les travaux préparatoires du congrès seront mis à disposition des participants sous forme de livre. Celui-ci contiendra des informations précieuses sur le thème. En outre, un nouveau Code mondial des standards professionnels sera présenté à cette occasion.
Vous trouverez toutes les informations au sujet du congrès sur le site web du congrès.
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Réf. : Décret n° 2023-865, du 11 septembre 2023, pris pour l'application des A et F du IV et du E du V de l'article 130, de la loi n° 2021-1900, du 30 décembre 2021, de finances pour 2022 N° Lexbase : L6504MIQ
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par Marie-Claire Sgarra
Le 19 Septembre 2023
► Le décret n° 2023-865, publié au Journal officiel du 12 septembre 2023, donne plusieurs précisions sur le transfert de compétences entre la DGFiP et la DGDDI.
Rappel législatif. La loi de finances pour 2022 prévoit le transfert, pour prise en charge et recouvrement par les comptables publics de la DGFiP :
Que prévoit le décret du 11 septembre 2023 ? Le texte :
Quelles sont les impositions concernées ?
Le décret fixe la date d'entrée en vigueur du transfert du recouvrement de créances non soldées à la direction générale des finances publiques au 13 septembre 2023.
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Réf. : Cass. soc., 6 septembre 2023, n° 22-13.783, F-B N° Lexbase : A77741EN
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par Anne-Claire Chambas, INLO avocats
Le 27 Septembre 2023
Mots clés : contrat de travail • faute disciplinaire • client mystère • preuve • principe de loyauté • transparence • information du salarié • pouvoir de direction
Le compte rendu d’intervention d’une société mandatée par l’employeur pour réaliser des contrôles en qualité de « client mystère » peut être utilisé pour justifier un licenciement disciplinaire, dans la mesure où les salariés étaient préalablement informés de l’utilisation de cette méthode d’évaluation professionnelle.
Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici :
La Cour de cassation, dans un arrêt du 6 septembre 2023, accepte la recevabilité d’une preuve obtenue par l’employeur au moyen d’un système de contrôle, couramment appelé « client mystère », des salariés.
Dans cet arrêt, un salarié a été licencié pour faute en raison d’un manquement professionnel, découlant de l’absence de remise d’un ticket après encaissement de la commande d’un client dans un restaurant libre-service conformément aux règles imposées par l’employeur. Pour démontrer que le salarié ne respectait pas le processus exigé, l’employeur produit, à l’appui du licenciement et devant le juge, le compte rendu d’intervention d’une société extérieure qu’il a mandatée pour réaliser des tests de « client mystère ».
Le salarié faisait valoir que la mise en place d’un dispositif « client mystère » pour contrôler le travail des salariés s’apparente à un stratagème portant atteinte au principe de la loyauté de la preuve.
Le salarié considérait alors que son licenciement pour faute reposait uniquement sur une preuve déloyale, le rendant sans cause réelle ni sérieuse. La cour d’appel (CA Aix-en-Provence, 1er juillet 2021, n° 18/19333 N° Lexbase : A11044YK) a rejeté ses demandes et le salarié a formé un pourvoi en cassation. Il reproche à la cour d’appel d’avoir validé la preuve découlant d’un stratagème mis en place par l’employeur au motif que les salariés en avaient préalablement été informés sans avoir vérifié le contenu de cette information préalable et, plus précisément, si l’information sur l’objectif recherché par ce procédé avait été réalisée.
La Cour de cassation, au visa de l’article L. 1222-3 du Code du travail N° Lexbase : L0811H9W, confirme la position de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence en considérant que le salarié avait été préalablement informé de cette méthode d’évaluation ce qui implique que l’employeur peut en utiliser les résultats au soutien d’une procédure disciplinaire.
La décision de la Cour de cassation valide l’utilisation du dispositif « client mystère » pour la première fois. Ainsi cette décision confirme que l’employeur du fait de son pouvoir de direction peut parfaitement contrôler l’activité de ses salariés et les évaluer (I), et utiliser les résultats obtenus dans le cadre du contrôle au soutien d’une procédure disciplinaire dès lors que les salariés en sont préalablement informés (II).
I. Le contrôle de l’activité des salariés
L’arrêt du 6 septembre 2023 valide un dispositif de contrôle de l’activité des salariés confirmant ainsi le pouvoir de direction de l’employeur (A) alors même que ce dispositif a pu être considéré par le passé comme un stratagème visant à piéger les salariés (B).
A. Le pouvoir de direction de l’employeur
Le pouvoir de contrôle de l’activité des salariés est inhérent au pouvoir de direction de l’employeur, mais il pose des difficultés dans son application et ses limites. Si l’employeur doit être en mesure de contrôler l’activité de ses salariés, il ne peut cependant pas abuser de son pouvoir. La jurisprudence est venue déterminer les contours du contrôle de l’activité des salariés.
La Cour de cassation considère notamment que « le contrôle de l'activité du salarié, au temps et au lieu de travail, par un service interne de l'entreprise chargé de cette mission » n’est pas illicite (Cass. soc,. 5 novembre 2014 n° 13-18.427, FS-P+B N° Lexbase : A9135MZD). A contrario, en dehors du temps et du lieu de travail, la vie personnelle du salarié ne peut normalement pas faire l'objet d'un contrôle de l'employeur. De nombreux arrêts rappellent « qu'un fait de la vie personnelle occasionnant un trouble dans l'entreprise ne peut justifier un licenciement disciplinaire » (Cass. soc,. 9 mars 2011 n° 09-42.150, FS-P+B N° Lexbase : A2470G9D) « sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail » (Cass. soc,. 3 mai 2011 n° 09-67.464, FS-P+B N° Lexbase : A2484HQ3).
Le pouvoir de contrôle de l'employeur est donc circonscrit généralement au temps de travail, au lieu de travail ou à l’utilisation des outils de travail.
Dans ce cadre, l’employeur peut organiser des contrôles réalisés par une équipe interne pour vérifier l’exécution du travail au quotidien sur les amplitudes et horaires de travail (Cass. soc,. 5 novembre 2014 n° 13-18.427, FS-P+B N° Lexbase : A9135MZD). Il peut également avoir accès aux « dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur ». Ces derniers sont présumés avoir un caractère professionnel (Cass. soc,. 18 octobre 2006 n° 13-18.427, FS-P+B N° Lexbase : A9616DRL). Une solution similaire a été rendue concernant les « les courriels adressés ou reçus par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail » (Cass. soc,. 26 juin 2012 n° 11-15.310, F-P+B N° Lexbase : A1342IQR).
Toutefois, le contrôle de l’activité du salarié ne doit pas porter atteinte à une autre liberté fondamentale, comme le droit à la vie privée. Le juge doit alors réaliser un contrôle de proportionnalité entre l’atteinte aux libertés fondamentales des salariés et les intérêts légitimes de l’employeur pour juger de la licéité de la preuve obtenue dans le cadre du contrôle de l’activité du salarié. Ainsi un moyen de preuve est illicite lorsqu’il implique une atteinte à la vie privée des salariés (filature, vidéosurveillance, géolocalisation), insusceptible d'être justifiée, eu égard à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l'employeur (Cass. soc,. 26 novembre 2002 n° 00-42.401, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0745A4D).
Le pouvoir de direction implique nécessairement un pouvoir de contrôle, mais il ne peut cependant pas permettre à l’employeur d’user des stratagèmes clandestins pour obtenir des preuves contre ses salariés.
B. L’interdiction de la mise en place d’un stratagème pour piéger le salarié
L’employeur doit respecter un principe de loyauté dans l’administration de la preuve et son contrôle découlant de son pouvoir de direction n’est pas sans limites. La Cour de cassation précise de longue date qu’il ne peut donc pas avoir recours à des artifices et stratagèmes visant à placer le salarié dans une situation qui puisse ultérieurement lui être imputée à la faute (Cass. soc., 16 janvier 1991, n° 89-41.052 N° Lexbase : A9408AAP).
De nombreux moyens de preuve sont considérés par la jurisprudence comme illicites parce qu'ils sont obtenus au moyen d’un stratagème jugé déloyal. C’est notamment le cas d’un recours à un détective privé (Cass. soc., 23 novembre 2005, n° 03-41.401, F-P N° Lexbase : A7455DLP), ou à un système de vidéosurveillance (Cass. soc., 10 novembre 2021, n° 20-12.263, FS-B N° Lexbase : A45237B7) ou encore à un système de géolocalisation (Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-18.036, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5253HZL).
Concernant plus précisément le dispositif « client mystère », la Haute juridiction a également écarté les informations obtenues dans le cadre de ce dispositif en considérant qu’il s’agissait d’un stratagème déloyal : l’employeur avait envoyé de faux clients dans un magasin pour surprendre une caissière (Cass. soc,. 18 mars 2008 n° 06-45.093, FS-P+B N° Lexbase : A4784D7C). Ainsi, l’utilisation du procédé « client mystère » est considérée comme un stratagème mis en œuvre pour entrainer une faute du salarié ce qui rend impossible l’utilisation des révélations obtenues, car portant atteinte au principe de loyauté dans l’administration de la preuve. Un raisonnement analogue est réalisé par la chambre commerciale de la Cour de cassation qui écarte le recours au stratagème du « client mystère » en matière de concurrence déloyale, stratagème utilisé pour provoquer une fraude (Cass. Com., 10 novembre 2021 n° 20-14.669, F-B N° Lexbase : A45277BB et n° 20-14.670 N° Lexbase : A45287BC).
Pour autant dans l’arrêt du 6 septembre 2023, la Cour de cassation valide le procédé « client mystère ». Il semblerait donc qu’au-delà du stratagème en lui-même qui peut être considéré comme déloyal, c’est surtout la clandestinité des moyens mis en œuvre qui démontre la déloyauté de l’employeur.
Ainsi, l’information préalable des salariés serait un point crucial pour valider un dispositif de contrôle de l’activité des salariés quand bien même il s’apparenterait à un stratagème.
II. L’information préalable des salariés du dispositif d’évaluation
L’information préalable des salariés des méthodes de contrôle de son activité légalement prévue s’impose à l’employeur (A) et elle permet de valider le dispositif « client mystère » autrefois considéré comme stratagème déloyal (B).
A. L’obligation de transparence à l’égard des salariés
L’employeur est soumis à une obligation de transparence à l’égard des salariés concernés, mais également à l’égard des représentants du personnel, concernant le dispositif de contrôle de l’activité des salariés.
L’information individuelle est prévue à l’article L. 1222-3 du Code du travail [1]. Cet article impose que dans le cadre de la mise en place d’un système de contrôle de l’activité des salariés, ces derniers soient individuellement informés sur les méthodes et techniques ainsi que sur l’objectif recherché.
En l’espèce, dans l’arrêt du 6 septembre 2023, une note d’information sur le recours au dispositif « client mystère » à destination des salariés avait été rédigée et affichée par l’employeur. Cette note expliquait le fonctionnement et l’objectif du dispositif. Les juges ont donc considéré que le salarié avait parfaitement été informé, préalablement à la mise en œuvre de cette méthode d’évaluation professionnelle.
Concernant l’information collective, les articles L. 2312-37 N° Lexbase : L1434LKC et L. 2312-38 N° Lexbase : L8271LGG du Code du travail prévoient l’obligation, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, de consulter le comité social et économique (CSE) préalablement à la décision de mise en œuvre de moyens de contrôle de l’activité des salariés. La consultation préalable du CSE doit également porter sur l’utilisation qui en est prévue (Cass. soc., 11 décembre 2019 n° 18-11.792, FS-P+B N° Lexbase : A1613Z8A).
En l’espèce dans l’arrêt du 6 septembre 2023, la Cour relève que l'employeur justifie l’information collective en produisant un compte-rendu de réunion du comité d'entreprise du 18 octobre 2016, faisant état de la visite de « clients mystères » avec mention du nombre de leurs passages.
Ainsi la preuve de l’information des salariés était rapportée ce qui a conduit la Cour de cassation à valider le dispositif « clients mystère ».
B. La validité du dispositif « client mystère » en raison de l’information préalable
La transparence du dispositif garantit la loyauté de la preuve lorsque l’employeur met en place des moyens de contrôle de l’activité de ses salariés outrepassant le cadre de son pouvoir de direction.
En effet, lorsque l’employeur exerce son pouvoir de direction, sans abus, il n’a pas à informer préalablement les salariés du dispositif. L’arrêt du 5 novembre 2014 (Cass. soc., 5 novembre 2014 n° 13-18.427, FS-P+B N° Lexbase : A9135MZD) précise bien que « le contrôle de l'activité d'un salarié, au temps et au lieu de travail, par un service interne à l'entreprise chargé de cette mission ne constitue pas, en soi, même en l'absence d'information préalable du salarié, un mode de preuve illicite ». La Cour de cassation insiste sur le fait que le contrôle était confié à des cadres de l’entreprise et non à une entreprise extérieure. Elle considère donc qu’il ne s’agit que d’une délégation de pouvoir qui ne peut pas être assimilée à un dispositif de contrôle. Ainsi, il n’est pas nécessaire d’informer préalablement le salarié d’une surveillance exercée par un service interne à l’entreprise.
Ce n’est que lorsque l’employeur met en place des moyens de contrôle dépassant l’exercice de son pouvoir de direction qu’il doit informer préalablement les salariés.
Cette information préalable permet donc de valider la mise en place de dispositifs s’apparentant à des stratagèmes, considérés comme déloyaux. En l’espèce, la Cour de cassation accepte le mécanisme « client mystère » pour contrôler l’activité des salariés en insistant que le fait que la preuve de l’information préalable du salarié était rapportée. Ainsi les éléments obtenus grâce à ce mécanisme ont été considérés comme licites permettant à l’employeur de les utiliser dans le cadre d’une procédure disciplinaire.
Le rapport de l’entreprise extérieure ayant joué le rôle du client mystère pouvait donc valablement justifier le licenciement pour faute du salarié. Toutefois, à la différence des systèmes de vidéosurveillance ou géolocalisation qui sont difficilement contestables, un tel rapport a une valeur probante relative qui pourrait être remise en cause lors du débat judiciaire.
Dans le cadre de cet arrêt une question restera en suspens, la preuve recueillie au moyen d’une méthode d’évaluation professionnelle reposant sur un dispositif « client mystère » porte-t-elle atteinte au principe de loyauté dans l’administration de la preuve en violant les articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L7558AIR, et 9 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1123H4D ? La Cour de cassation dans l’arrêt du 6 septembre 2023 n’apporte pas de réponse en considérant que ce moyen porté par le salarié était irrecevable, car non soulevé en appel.
Pour la première fois, la Cour de cassation valide un dispositif « clients mystère » dès lors que le procédé de contrôle de l’activité du salarié a bien été porté à sa connaissance avant sa mise en œuvre. Les éléments obtenus pouvaient donc parfaitement être utilisés au soutien d’une procédure disciplinaire et justifier un licenciement pour faute.
[1] C. trav. art. L. 1222-3 N° Lexbase : L0811H9W: «le salarié est expressément informé, préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d'évaluation professionnelles mises en œuvre à son égard. Les résultats obtenus sont confidentiels. Les méthodes et techniques d'évaluation des salariés doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie ».
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par Alexandra Matinez-Ohayon
Le 25 Septembre 2023
Tour d’horizon de l’actualité normative et jurisprudentielle des derniers mois et focus sur l’audience de règlement amiable et la césure du procès civil.
Lors de cette session de formation, nos trois intervenants dresseront un état des lieux des dernières évolutions normatives et jurisprudentielles, vous permettant d’en mesurer les incidences pratiques dans vos dossiers.
Le décret n° 2023-686 du 29 juillet 2023 a introduit dans le Code de procédure civile deux nouveaux dispositifs : l’audience de règlement amiable et la césure du procès civil. Ces nouvelles procédures s’intègrent dans la « politique de l’amiable » lancée par le ministère de la Justice à la suite des états généraux de la justice. Ce décret s’intègre dans une actualité de l’amiable plus vaste qui intègre le préalable obligatoire de règlement amiable, les clauses de règlement amiable ainsi que la procédure dite de « mise en état conventionnelle ».
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Avocats, commissaires de justice, clercs, assistants et assistantes juridiques, élèves avocats, juristes contentieux
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par Sylvain Jobert, Professeur à l’Université d’Angers, Directeur du Master droit et pratique des procédures, co-Directeur de l'IEJ d'Angers
Le 04 Octobre 2023
Mots clés : notification • signification • signification à personne • signification à domicile • article 659 du Code de procédure civile • commissaire de justice • clerc significateur.
La question de la réforme de la signification sur support papier se pose, du moins si l’on tient à en défendre l’existence. Afin de la promouvoir, il est proposé dans cet article tout à la fois d’accroitre certains devoirs des significateurs et d’améliorer les moyens dont ils disposent pour accomplir leur mission, en jouant sur une assez large gamme de normes régissant cette activité.
Réformer la signification n’est pas à l’ordre du jour. Du moins est-ce ce que l’on peut penser à la lecture de rapports récents qui constituent autant de matrices des modifications en cours du droit positif : pas plus le rapport du groupe de travail sur la simplification de la justice civile remis en février 2022 que le rapport du comité des États généraux de la justice remis en avril 2022 ne s’attardent sur cette question [1]. Dans ce prolongement, aucun décret ne semble prévu sur ce point et l’on chercherait en vain son évocation dans le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023‑2027 en cours de discussion au Parlement. Dans ce cadre, l’idée de réformer la signification peut laisser interrogatif, et l’on pourrait se satisfaire que cette institution juridique reste à l’abri des vents réformistes qui balaient la procédure civile depuis bien des années maintenant [2].
Car la signification est aujourd’hui bien assise en droit français. Chacun sait en effet, parmi les juristes, que la signification est « la notification faite par acte d'huissier de justice » selon les mots du Code de procédure civile [3], et sera bientôt plus précisément celle faite par acte de commissaire de justice [4]. Elle est alors « l’action de porter à la connaissance d’un intéressé un acte qui le concerne » [5], action dont il est important de souligner d’emblée qu’elle est matériellement parfois – voire souvent – effectuée non par un commissaire de justice mais par un clerc dénommé « clerc significateur », ce qui ne sera pas sans incidences sur les propositions que nous formulerons. Quoi qu’il en soit, il s’agira bien ici de s’attarder sur cette action essentielle dans le procès civil et au-delà, mais sur cette action seulement, en elle-même : les questions du type d’acte à signifier et des effets à y attacher ne nous retiendront pas [6], pas plus que la signification faite par voie électronique dans laquelle la règlementation de l’action du significateur est réduite à une assez simple expression [7].
Contrairement à une impression que l’on pourrait ressentir de prime abord par effet de contraste avec les réformes incessantes qui ont lieu dans certains domaines, la règlementation de la signification n’a rien d’immuable. Des modifications sont intervenues lors de ces dernières décennies, qui en ont plus ou moins modifié la physionomie : par le décret no 65-1006 du 26 novembre 1965 relatif à la règlementation des délais de procédure et de la délivrance des actes [en ligne], par le décret no 75-1123 du 5 décembre 1975 instituant un nouveau Code de procédure civile [en ligne], par le décret no 86-585 du 14 mars 1986 modifiant et complétant certaines dispositions du nouveau Code de procédure civile [en ligne] et particulièrement l’article 659 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6831H77, par le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 relatif à la procédure civile, à certaines procédures d'exécution et à la procédure de changement de nom N° Lexbase : L3298HEU ayant notamment modifié la signification faite à domicile, par le décret no 2012-366 du 15 mars 2012 relatif à la signification des actes d'huissier de justice par voie électronique et aux notifications internationales N° Lexbase : L4789IS8. Dans cette lignée plutôt régulière, la décennie 2020 devrait-elle également connaître d’une réforme de la matière ? Cela ne va pas de soi, et le point d’interrogation figurant dans l’intitulé de cet article porte tout entier la mise en garde de Portalis : « il faut être sobre de nouveautés en matière de législation, parce que s’il est possible, dans une institution nouvelle, de calculer les avantages que la théorie nous offre, il ne l’est pas de connaître tous les inconvénients que la pratique seule peut découvrir ; qu’il faut laisser le bien, si on est en doute du mieux ; qu’en corrigeant un abus, il faut encore voir les dangers de la correction même, qu’il serait absurde de se livrer à des idées absolues de perfection, dans des choses qui ne sont susceptibles que d’une bonté relative » [8].
Reste qu’il est malaisé de déterminer avec certitude la pertinence du droit positif. S’il est des indicateurs sur le fonctionnement de la Justice [9], il n’en existe pas à notre connaissance sur la question des significations, qu’ils soient le fruit du ministère de la Justice ou de la profession de commissaire de justice. Or une juste réforme requerrait une bonne information préalable : quel est le taux de significations à personne, de significations à domicile, de mise en œuvre de l’article 659 du Code de procédure civile lorsque le destinataire n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus ? Combien de destinataires viennent chercher l’acte en l’étude, combien de lettres recommandées avec demande d’avis de réception reviennent non réclamées ? L’expérience semble montrer que la modalité de signification la plus commune est la signification à domicile avec dépôt de l’acte en l’étude et que, le plus souvent, le destinataire ne s’y rend pas pour retirer l’acte, mais il n’est guère possible de s’avancer davantage, ce d’autant que les résultats paraissent varier d’une étude à l’autre. À défaut de telles données, un indicateur du bon fonctionnement des significations pourrait être recherché dans les décisions de justice, mais il n’indiquerait guère plus que la fréquence de la contestation des significations, et leur plus ou moins grande rigueur aux yeux des juges, sans renseigner véritablement sur leur efficacité et, plus encore, sur leur efficience.
Néanmoins, l’observation de la jurisprudence récente de la Cour de cassation est la source d’une autre sorte d’enseignement : ces toutes dernières années, la deuxième chambre civile paraît s’attacher à clarifier les règles applicables aux significations, par de réguliers arrêts publiés. Ainsi le significateur d’acte a-t-il été requis de vérifier le domicile du destinataire avec sérieux, sans se contenter du nom indiqué sur la boîte aux lettres [10] ; il a en revanche été dispensé de se présenter sur le lieu de travail dès lors qu’une remise à personne a été tentée, sans succès, au domicile avéré du destinataire [11]. Ce faisant, la Cour de cassation dessine plus précisément sa conception de la signification, dans la mesure où l’interprétation des textes le permet. Parce que l’on peut ne pas intégralement partager cette conception, il y a là une incitation à exposer une autre règlementation possible de la signification, qui comblerait par ailleurs ce qui nous apparaît comme des carences de la législation en la matière. Au reste, le moment est peut-être opportun d’un point de vue plus institutionnel, qui ne doit pas être négligé. On le sait, les huissiers de justice deviennent commissaires de justice, et ce changement s’accompagne de diverses réformes dont le dernier exemple en date est l’arrêté du 21 mars 2023 fixant les normes de présentation des actes, exploits et procès-verbaux des commissaires de justice N° Lexbase : L2582MH4, qu’il actualise. La réforme de la signification ne pourrait-elle pas accompagner ces transformations ? Ne pourrait-elle pas contribuer, en partie, à la restauration de la confiance que recherche la nouvelle Chambre nationale des commissaires de justice [12] ? L’enjeu est selon nous déterminant car, outre la confiance des justiciables, la confiance des autorités nationales et européennes doit aussi être continuellement recherchée si l’on veut bien se souvenir que la suppression pure et simple de la signification a un temps été suggérée [13]. Sa survie, à terme, est donc en jeu, rien de moins.
Le temps pourrait donc être venu de réformer la signification, et de répondre par l’affirmative à la question posée par l’intitulé de cet article. Demeure le plus difficile : étayer cette affirmation par des propositions. La question véritable est alors de savoir comment réformer la signification, ce « comment » devant s’entendre comme invitant aussi à évoquer la nature des instruments normatifs à employer pour ce faire. Il ne s’agira pas ici de proposer une refonte complète de la signification sur support papier ; à bien des égards, le droit positif nous semble en effet satisfaisant. Néanmoins, sans viser l’exhaustivité dans les lignes qui vont suivre tant la matière fourmille de règles, des modifications peuvent être suggérées. Elles doivent aller ensemble si l’on veut correctement améliorer l’outil séculaire qu’est la signification : accroitre certains devoirs (I) et améliorer les moyens au service des commissaires de justice (II) sont deux voies à emprunter.
I. Accroître certains devoirs
Afin d’accomplir une signification régulière, le commissaire de justice est astreint à un certain nombre de devoirs par le Code de procédure civile, qui constituent une part de ce que l’on a pu justement appeler son « office » [14]. Au titre de ceux-ci, le significateur doit accomplir tout à la fois certaines diligences et certaines formalités, qui ont été pensées comme autant de garanties visant à s’assurer de la connaissance de l’acte signifié par son destinataire. Or, de ces deux points de vue – diligences et formalités –, des progrès pourraient être accomplis sur l’ensemble du processus de signification, des déplacements du significateur (A) aux mentions qu’il indiquera (C), en passant par les vérifications qu’il opérera (B).
A. Les déplacements
Au nombre des diligences que le significateur d’acte doit accomplir figure un certain nombre de déplacements que commande la hiérarchie des modalités de signification : avant toute chose, il convient de se rendre en un lieu où le destinataire doit pouvoir être trouvé afin que la remise de l’acte ait lieu soit en main propre pour les personnes physiques, soit entre les mains d’un représentant légal, d’un fondé de pouvoir de ce dernier ou de toute autre personne habilitée à cet effet pour les personnes morales [15]. La primauté de la signification à personne l’exige [16]. Toute la question est alors de savoir ce qui aujourd’hui doit être fait pour tenter une remise de l’acte à la personne même du destinataire de l’acte avant de pouvoir entreprendre une signification à domicile. Il ne s’agira pas ici de reprendre l’intégralité de la jurisprudence sur ce point [17], mais de s’attarder sur une décision récente précédemment évoquée : « lorsqu'il s'est assuré de la réalité du domicile du destinataire de l'acte et que celui-ci est absent, l'huissier de justice n'est pas tenu de tenter une signification à personne sur son lieu de travail, et peut remettre l'acte à domicile » [18].
Par cette décision, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation opère manifestement un revirement de jurisprudence [19] dont on peut regretter qu’il n’ait pas fait l’objet d’une motivation enrichie. Ce n’est pas dire que des justifications ne pourraient pas être trouvées à la solution nouvelle. Celle qui vient d’emblée à l’esprit est l’ « atteinte à la vie privée et à la réputation » [20] que peut emporter une signification faite à personne sur le lieu de travail, quoiqu’on en ignore la teneur, au vu et au su de l’employeur du destinataire, de ses collègues ou de clients. À cet égard, il faut souligner que la solution s’inscrit dans une tendance plus profonde, qui peut se recommander de l’initiative du législateur et qui conduit progressivement à limiter les modalités de signification pouvant conduire à ce type d’atteintes. Que l’on songe à la suppression de la signification faite avec dépôt de l’acte en mairie, ou encore à la signification faite à domicile avec remise de l’acte à un voisin, modalités disparues avec l’entrée en vigueur du décret du 28 décembre 2005. Au-delà, si l’on met cette décision en rapport avec un arrêt de la même deuxième chambre civile rendu en date 8 décembre 2022 et décidant que « lorsqu'il n'a pu s'assurer de la réalité du domicile du destinataire de l'acte et que celui-ci est absent, l'huissier de justice est tenu de tenter une signification à personne sur son lieu de travail » [21], on perçoit que tout est question de mesure dans les droits fondamentaux en cause, entre droits de la défense et droit au respect de la vie privée [22] : plus le risque d’ignorance de l’acte est grand, plus la signification sur le lieu de travail – en dépit des atteintes qu’elle charrie – devient souhaitable. Mais il y a là aussi une logique qui se retrouve dans des situations où de telles atteintes ne sont pas à craindre, notamment quant à l’obligation de se présenter à nouveau en un lieu où la remise d’un acte a déjà été tentée en vain : une telle diligence n’est pas attendue pour que soit valablement accomplie une signification à domicile [23], mais elle l’est pour qu’un procès-verbal de recherches infructueuses soit dressé [24] ; autrement dit, « l’accroissement des diligences de l’huissier semble correspondre à l’amenuisement de la certitude que l’acte a effectivement touché la personne visée » [25]. Cette seule logique gagne peut-être désormais davantage les solutions de la Cour de cassation en matière de signification.
Il n’en reste pas moins qu’au regard de la jurisprudence actuelle, les déplacements requis pour réaliser une signification à personne peuvent paraître très réduits lorsque le domicile du destinataire de l’acte est connu ; en pratique, le significateur se rendra au domicile du destinataire, constatera que le destinataire en est absent et cela suffira à constituer une « impossible » signification à personne. Toutefois, il ne suffira pas ici d’écrire que, de la sorte, la jurisprudence paraît s’éloigner de la lettre du Code en admettant une conception très souple de l’impossibilité de signifier à personne : le propos consiste à se demander comment le droit pourrait être réformé, en opportunité. De ce point de vue, on pourrait se satisfaire du droit positif en ce que, dans les situations que nous avons évoquées, le domicile étant vérifié, il est vrai qu'il y aura des chances raisonnables que l'acte parvienne à son destinataire [26]. Mais cela doit-il constituer l’horizon de la signification ? Augmenter les chances d’une rencontre entre le significateur et le destinataire n’est-il pas un objectif assez important pour que des efforts plus grands soient accomplis ? Pour plaider en faveur de davantage de diligences du commissaire de justice, nous n’en appellerons pas à la tradition, à l’image de l’huissier touchant le destinataire de sa baguette de bois [27], car il faut souligner que la primauté de la signification à personne n’existe pas de tout temps en droit français et s’est au contraire imposée à l’encontre du droit ancien qui ouvrait une alternative à l’huissier de justice : soit signifier à personne, soit signifier à domicile [28]. Plutôt, il nous semble que des considérations très actuelles tendent à la revalorisation de la signification à personne : la signification à personne peut être propice à un véritable échange entre le significateur et le destinataire de l’acte [29], permettant non pas seulement à ce dernier de connaître l’acte, mais de mieux le comprendre, d’en saisir les enjeux ; la signification à personne rend possible l’identification d’un handicap physique ou de difficultés intellectuelles chez le destinataire, qui peuvent alors être prises en considération ; la signification à personne comprend une dimension humaine que l’on peut vouloir sauvegarder à l’heure où – parfois très légitimement – le numérique se développe et la relègue quelquefois.À bien des égards, c’est une certaine conception de l’accès à la justice qui est en jeu derrière la très technique règlementation de la signification.
Reste à savoir quelles justes diligences attendre du significateur, car tout aussi louable que soit l’objectif, il ne peut conduire à envisager l’emploi de moyens disproportionnés. De ce point de vue, il est compréhensible que l’on souhaite limiter la signification accomplie en personne sur le lieu de travail voire dans un lieu public où pourrait se trouver le destinataire. Néanmoins, les diligences effectuées par le significateur devant être pensées ensemble, ces déplacements en moins ne pourraient-ils pas être compensés par quelques déplacements en plus ? Il nous apparaît en effet moins évident qu’aujourd’hui, le commissaire de justice n’ait pas parfois à se présenter de nouveau au domicile du destinataire, règle dans laquelle on a pu voir la raison principale du faible taux de significations faites à personne [30]. N’est-ce pas ce que, avec plus ou moins de succès certes, les agents de La Poste accomplissent quotidiennement ? La question est à dessein provocatrice pour attirer l’attention sur un argument qui risquerait d’être invoqué par les adversaires de la signification si la question de sa suppression devait reparaître. Pour le contrecarrer, il ne s’agirait pas de copier le régime de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception, qui laisse une trop grande part à la volonté du destinataire. Ce dernier ne saurait, s’agissant d’une signification, imposer la date de remise qui lui convient, décidant ainsi de la date des effets de l’acte à son égard et de l’organisation des tournées des significateurs. En revanche, le destinataire pourrait disposer d’un très bref délai pour indiquer – par téléphone, par courriel, comme cela lui serait indiqué dans un avis de passage – s’il souhaite que le significateur revienne à son domicile ou non.
Dans le premier cas, une date serait déterminée par le commissaire de justice sans concertation obligatoire avec le destinataire, qui devrait s’organiser pour être présent (s’il ne l’est pas, la signification sera faite à domicile avec remise de l’acte à un tiers présent ou dépôt de l’acte en l’étude, c’est selon) ; dans le second cas, la signification sera considérée comme faite à domicile avec dépôt de l’acte en l’étude. Faut-il craindre que la tâche des significateurs en soit considérablement alourdie ? Tout dépendrait du succès remporté par la demande de nouvelle présentation, difficilement prévisible bien qu’il soit très douteux que chaque destinataire souhaitera vraiment un nouveau passage du commissaire de justice : combien se satisferont très bien de ne pas le rencontrer, et combien se contenteront de la possibilité d’aller chercher l’acte en l’étude ? Beaucoup peut-on penser, mais l’important pour nous est que le destinataire souhaitant une rencontre avec le significateur ait la possibilité de la susciter.
Quoi qu’il en soit, cette nouvelle règle gagnerait à faire l’objet d’une véritable expérimentation : ce ne pourrait être que si le taux de significations faites à personne devait significativement en ressortir augmenté que la règle mériterait d’être inscrite dans le Code de procédure civile par le pouvoir règlementaire. En toute hypothèse, corrélativement et nécessairement, une revalorisation de la rétribution attachée à la signification faite à personne en particulier devrait intervenir.
B. Les vérifications
À divers égards, il entre dans la mission du commissaire de justice d’opérer certaines vérifications. On l’a évoqué, récemment, la Cour de cassation a pu insister sur la nécessité de ne pas s’en tenir à l’examen du nom du destinataire sur la boîte aux lettres afin de vérifier la réalité de son domicile. Cette exigence par laquelle le commissaire de justice se distingue du simple postier nous semble bienvenue, mais nous aimerions insister sur un autre type de vérification : la vérification de l’identité du destinataire de l’acte, ou de son pouvoir de recevoir l’acte. En la matière, la jurisprudence est exempte d’ambiguïtés. D’une part, pour ce qui concerne les personnes physiques, il est acquis que, pour la Cour de cassation, « l'huissier de justice qui procède à la signification d'un acte à personne n'a pas à vérifier l'identité de la personne qui déclare être le destinataire de cet acte » [31], solution qui s’étend à la vérification de l’identité du tiers présent au domicile du destinataire et acceptant de recevoir l’acte [32]. D’autre part, pour ce qui concerne les personnes morales, il n’est pas demandé au significateur de vérifier l’exactitude de la déclaration d’une personne se prétendant habilitée à recevoir l’acte [33].
Faudrait-il obliger le commissaire de justice à vérifier ces déclarations ? Un temps, une distinction a été mise en lumière, selon le lieu auquel la signification était accomplie à destination d’une personne physique [34] : si la signification à personne était réalisée au domicile du destinataire, la vérification d’identité pouvait être souhaitable ; si la signification à personne était réalisée en un autre lieu comme la loi le permet, cette vérification devenait indispensable. La vraisemblance pourrait expliquer ces solutions : lorsque le significateur se trouve bien au domicile du destinataire et que la personne en face de lui prétend être le destinataire, il y a de grandes chances que l’affirmation soit exacte.
Hors ce lieu, ces chances sont plus ténues. Une telle dichotomie peut s’entendre pour les personnes physiques quoiqu’elle fragilise déjà cette modalité de signification, mais étendue aux personnes morales elle perd de sa pertinence. En l’absence d’un contrôle de l’habilitation de la personne acceptant de recevoir l’acte au siège de la personne morale, on s’expose à une remise de l’acte à des intermédiaires peu fiables car on l’a relevé très justement « à ce compte-là, toute personne au service d’une société tend à devenir une personne habilitée, pour peu que la question lui soit habilement posée »[35]. Le risque est alors que l’acte ne soit pas correctement transmis, lors même que la qualification de « signification à personne » fera perdre certaines protections au destinataire, à commencer par l’opposition en cas de défaillance à la suite d’une assignation.
Serait-il à cet égard excessif d’obliger à une vérification de l’identité ou du pouvoir de la personne à qui l’acte est remis quel que soit le lieu où cette remise s’effectue ? Oui, si cette vérification devait être automatique et concerner même des destinataires – débiteurs habituels notamment – que le significateur connaît bien. Néanmoins, pour le reste, dans la lignée de Solus et Perrot [36], il nous semble qu’une telle vérification serait utile. Certes, cette nouvelle diligence ralentira le processus de signification en y ajoutant une nouvelle étape voire empêchera parfois la mise en œuvre de la modalité de signification si la personne dont l’identité est contrôlée se montre réticente ou dans l’impossibilité de s’y soumettre. Cependant, cette situation sera-t-elle si fréquente ? Il est difficile de le prévoir [37], mais elle n’empêchera pas toute signification à l’égard d’un destinataire qui se montrerait de mauvaise volonté. Surtout, à tout prendre, cette vérification participerait au renforcement des garanties offertes par la signification et donc à la protection du destinataire de l’acte : ne lui serait ainsi fermée la voie de l’opposition que lorsqu’il sera très sûr qu’il a bien reçu l’acte. Cette vérification d’identité mettrait au reste un terme à l’usage de l’expression « ainsi déclaré » dans les actes des commissaires de justice, qui vient souvent clore l’énoncé des éléments d’identification que l’on a bien voulu lui fournir, et dont la survivance est curieuse à l’heure où le postier à l’obligation – pour le moins inégalement respectée - de vérifier l’identité du destinataire d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception [38]. Comme pour ces derniers, une disposition générale prévoyant que, s’il n’est pas connu du significateur, l’identité ou le pouvoir de la personne à qui l’acte est remis doit être justifié devrait être insérée dans le Code de procédure civile. Par souci de clarté, la possibilité de ce contrôle pourrait apparaître également dans le texte principal régissant la profession de commissaire de justice [39] et dans celui relatif aux clercs assermentés [40].
C. Les mentions
Déplacements, vérifications : ces éléments doivent être relatés par le commissaire de justice. Cette exigence est connue, mais il est intéressant d’évoquer rapidement la façon dont elle est parfois appréciée avec souplesse par la Cour de cassation [41]. Ainsi, lorsqu’est effectuée une signification à domicile, « l'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification » [42].
Or, à l’examen, même lorsque la jurisprudence semblait exiger plus d’efforts que la seule recherche du destinataire au lieu où il a son domicile, elle a pu se contenter de formules stéréotypées : un arrêt de cour d’appel relevant « qu'hormis une mention pré-imprimée, les circonstances exactes de cette impossibilité au visa de l'article 655 du nouveau Code de procédure civile N° Lexbase : L6822H7S ne sont pas mentionnées » a ainsi pu être cassé, l’acte de signification faisant ressortir que « les circonstances rendant impossible la signification à la personne même, l'acte à signifier a été remis au domicile, à une personne présente, avec indication de son nom, de son prénom et de sa qualité, ce dont il résulte que l'acte n'avait pu être remis au destinataire lui-même et que ce dernier habitait bien à l'adresse indiquée » [43]. Par ailleurs, si le Code de procédure civile prévoit que l’acte de signification doit indiquer les vérifications faites par l’huissier de justice pour s’assurer que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée [44], la Cour de cassation a pu affirmer que « l'huissier de justice n'était pas tenu de mentionner l'identité des personnes auprès desquelles il s'assurait du domicile » [45]. Si, depuis lors, la Cour de cassation a heureusement pu insister sur le fait que la vérification du domicile auprès d’ « un voisin » est insuffisante [46], c’est nous semble-t-il pour souligner qu’il fallait opérer davantage de vérifications, et non pour sanctionner une identification approximative [47]. Ainsi, lorsque dans le premier rapport « Magendie » il était relevé que dans les actes de signification « les justifications apportées sont trop souvent vagues et sommaires » [48], on peut considérer que les significateurs n’étaient pas seuls en cause, la jurisprudence de la Cour de cassation ayant admis sur certains points quelques imprécisions.
En vérité, pour bien comprendre le degré de précision attendu des commissaires de justice dans la relation de leurs diligences, il faut revenir à une circulaire du 2 mai 1974 relative à la rédaction des actes d'huissier de justice [49]. En annexe de cette circulaire figure un modèle d’acte de signification [50] ainsi présenté par Jean Taittinger, alors garde des Sceaux, ministre de la Justice : « Ce document, qui s’inspire d’un imprimé élaboré par des huissiers de justice, est destiné à relater, d’une façon qui soit à la fois pratique pour ces officiers ministériels, claire pour le juge et compréhensible pour le public, les modalités de remise de l’acte, et fait partie intégrante de celui-ci dont il constitue en réalité la dernière page. Il est indispensable que cet imprimé soit systématiquement utilisé afin d’éviter notamment les formules du genre : “où étant et parlant à” portées, parfois à l’aide de cachets, dans le corps même des actes au détriment de leur clarté » [51]. Or, dans ce modèle, on retrouve un certain nombre de formules vagues que les huissiers de justice d’alors ont repris de façon assez compréhensible, et que la Cour de cassation a progressivement accepté davantage. Aujourd’hui, ce modèle n’est bien sûr plus utilisé car la règlementation a évolué sur bien des points. Néanmoins, les significateurs utilisent toujours des formulaires, variant d’une étude à une autre, certains pouvant être plus complets que d’autres, mais alternant toujours formules pré-imprimées, cases à cocher et espace vierges par lesquels il est possible de personnaliser l’acte.
Plutôt que de proposer dans ce domaine une réforme par voie de décret, ne serait-il pas plutôt temps, près de cinquante ans après, de remettre l’ouvrage sur le métier et que, ensemble, ministère de la Justice et représentants de la profession déterminent un nouveau modèle d’acte de signification ? Si l’on en juge par l’influence qu’a eu le modèle initial sur la pratique des significateurs, cela serait sans doute la façon la plus efficace de réformer la matière. Néanmoins, une concertation plus large serait souhaitable, car d’autres acteurs sont concernés par les mentions des actes de commissaire de justice, qui tombent régulièrement sous leurs yeux. On pense aux professionnels du droit, d’abord. Au juge, bien sûr, que l’on invite d’ailleurs à davantage contrôler les actes de signification dans certaines circonstances où le destinataire de l’acte n’est pas en mesure de relever lui-même ce qui manque à la signification opérée [52]. Aux avocats, aux greffiers également, familiers des actes de signification et dont la réflexion serait utile. On doit songer, ensuite, aux justiciables eux-mêmes, qui doivent pouvoir comprendre l’acte de signification autant que faire se peut, sans entraver la lecture de l’acte par des tournures obscures pour un non-initié, mais sans sacrifier à la rigueur du vocabulaire juridique.
II. Améliorer les moyens
Améliorer les moyens mis à la disposition des commissaires de justice est l’autre condition nécessaire à une juste réforme de la signification. À l’évidence et comme on l’a déjà évoqué chemin faisant, cela concerne les moyens financiers : si la promotion de la signification faite à personne est selon nous une priorité, cela doit en passer par une revalorisation de son tarif et par une forte distinction de celui-ci d’avec les significations accomplies à domicile. Sans doute faudrait-il plus largement revoir la rémunération de la signification en général, mais il sera difficile d’entrer ici dans des détails chiffrés, car là encore les données manquent : il faudrait appréhender plus finement ce que coûtent globalement les significations, le rapprocher de ce qu’elles rapportent véritablement aux commissaires de justice, distinguer selon les études dont les modèles économiques reposent plus ou moins sur cette activité, examiner les éventuelles péréquations pouvant justifier que certaines activités des commissaires de justice soient mieux rémunérées et que d’autres le soient moins. En somme, une collaboration entre juristes et économistes pourrait être utile. Toutefois, les moyens financiers ne sont pas les seuls leviers que l’on pourrait actionner pour permettre aux commissaires de justice de mieux accomplir leur mission : les moyens d’information (A), techniques (B) et humains (C) seraient à améliorer.
A. Les moyens d’information
Les commissaires de justice doivent avoir accès à davantage d’informations afin d’être en mesure de localiser le destinataire de l’acte, et d’avoir ainsi plus de chance de lui signifier l’acte avec succès. Plus exactement, ils doivent obtenir ces informations plus précocement. Actuellement, au titre de l’article L. 152-1 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L1721MAY, « les administrations de l'État, des régions, des départements et des communes, les entreprises concédées ou contrôlées par l'État, les régions, les départements et les communes, les établissements publics ou organismes contrôlés par l'autorité administrative doivent communiquer à l'huissier de justice chargé de l'exécution, y compris d'une décision de justice autorisant une saisie conservatoire sur comptes bancaires, les renseignements qu'ils détiennent permettant de déterminer l'adresse du débiteur, l'identité et l'adresse de son employeur ou de tout tiers débiteur ou dépositaire de sommes liquides ou exigibles et la composition de son patrimoine immobilier, à l'exclusion de tout autre renseignement, sans pouvoir opposer le secret professionnel » [53]. Si ce texte a été récemment modifié par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire afin de permettre l’obtention d’informations même dans le cas de la mise en œuvre d'une décision de justice autorisant une saisie conservatoire sur comptes bancaires, il ne l’autorise pas à la seule fin de signification d’un acte. Et ce n’est pas faute pour les commissaires de justice d’appeler cette évolution de leurs vœux [54].
Comment expliquer une telle réticence ? Une réponse ministérielle l’explicite : « L'intérêt qui s'attache à ce qu'un acte de procédure, par exemple une assignation, soit remis à la personne de son destinataire ne suffit à justifier ni la levée du secret auquel sont tenues les administrations, ni l'atteinte à la vie privée qui résulterait de la divulgation du domicile du destinataire de l'acte » [55] ; et de poursuivre en exposant les diligences attendues du significateur pour trouver lui-même le destinataire de l’acte, en affirmant que la notification accomplie en application de l’article 659 du Code de procédure civile « satisfait aux exigences du procès équitable » et que « des procédures permettent au destinataire de disposer d'un droit d'accès effectif à un juge », comme l’opposition et le relevé de forclusion.
Il ne s’agira pas ici de prétendre que la situation de l’émetteur de l’acte ignorant l’adresse de son destinataire pour lui signifier l’acte est identique à celle du créancier dépourvu d’informations pour exécuter, et requerrait pas conséquent un accès aux mêmes informations. Dans le dernier cas, l’absence d’information peut empêcher la réalisation du droit fondamental qu’est le droit à l’exécution. Dans le premier cas, en revanche, l’ignorance de la localisation du destinataire n’est pas un tel frein, car non seulement l’article 659 du Code de procédure civile existe, mais en plus – si l’on raisonne à partir de l’exemple de la signification d’une citation en justice - l’absence du défendeur à son procès en raison de son ignorance de l’acte n’empêchera pas le procès de se poursuivre. Autrement dit, le droit d’accès au juge du demandeur ne pourrait justifier spécialement que l’on passe outre le droit au respect de la vie privée du défendeur.
Néanmoins, la balance opérée entre les droits et les garanties en cause dans cette réponse ministérielle ne manque-t-elle pas de mesure ? D’une part, si l’on peut considérer que l’ouverture de l’opposition au défendeur défaillant et le relevé de forclusion contribuent à la protection du destinataire de l’acte, il faut souligner qu’il s’agit là de techniques qui, non seulement pourraient être améliorées, mais interviennent ex post, curatives plutôt que préventives. Pour qu’elles trouvent à s’appliquer, encore faudra-t-il que le destinataire se montre réactif, exerce un recours et ne considère pas qu’il est trop tard pour qu’il puisse faire valoir ses droits. À cet égard, on peut penser qu’une bonne information du destinataire de l’acte ex ante est préférable et sauvegarde mieux ses intérêts. En cela, dans notre hypothèse, s’il n’y a pas dans un plateau de la balance le droit à l’exécution des décisions de justice, il n’y en a pas moins des droits qui pourraient être mieux protégés. Or, dans l’autre plateau, l’atteinte à la vie privée serait moindre en matière de signification qu’en matière d’exécution des décisions de justice, car il ne s’agirait pour le commissaire de justice que d’obtenir l’adresse du destinataire de l’acte ainsi que son lieu de travail, et non des informations plus précises relatives à son patrimoine. Ne parvient-on pas alors à un équilibre satisfaisant ? On peut le penser, et considérer même que cette nouvelle possibilité reconnue aux commissaires de justice d’obtenir des informations sur le destinataire de l’acte pourrait également satisfaire les exigences issues de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Dans une décision « Davran » contre Turquie, la Cour européenne a en effet pu affirmer qu’ « il incombe à l'État défendeur d'organiser son système judiciaire de manière à rendre effectifs les droits prévus à l'article 6 de la Convention et de se doter des moyens propres à assurer un réseau d'information entre les entités judiciaires de l'ensemble du pays » [56] ; l’État turc avait ici failli à cette exigence en ce que les autorités chargées de la notification n’avaient pas été informées de ce que le destinataire était emprisonné dans un établissement turc, et avaient par conséquent procédé à une notification par voie de publication. La configuration de cette espèce était particulière [57], mais la généralité de l’affirmation de la Cour européenne invite à envisager la possibilité que le commissaire de justice puisse s’insérer à tout le moins dans le réseau des entités judiciaires françaises et puisse y trouver quelques informations. Craindrait-on qu’ils sollicitent trop souvent les autorités disposant de ces informations, sans même avoir accompli les recherches qui leur incombent ? On peut en douter : non seulement les réponses apportées à leurs requêtes sont parfois si tardives qu’ils n’utiliseront cette voie qu’en dernier recours, mais surtout leur qualité d’officiers publics ministériels implique qu’ils bénéficient d’une certaine confiance. En ce sens, une disposition pourrait utilement venir compléter l’ordonnance règlementant leur profession [58].
B. Les moyens techniques
Si la signification s’est ouverte au renouvellement des moyens techniques avec la création de la signification faite par voie électronique, la signification sur support papier est restée en retrait de ce point de vue alors que des moyens techniques efficaces pourraient lui être adjoints afin qu’elle remplisse mieux son office. Ici, l’ordre des modalités de signification peut être suivi.
D’abord, on gagnerait à permettre l’utilisation des outils numériques dans le cadre de la signification faite à personne. La proposition n’a rien de paradoxal, et elle a pu être formulée dans le rapport Le juge du 20ème siècle, remis en décembre 2013 par Pierre Delmas-Goyon : la proposition no 35 invite à « étudier, en concertation avec les huissiers de justice, une adaptation des modes de délivrance des actes aux possibilités offertes par les nouvelles technologies de la communication » [59], et le paragraphe précédent explicite davantage l’idée qui pourrait consister à permettre « d’aviser par voie électronique le destinataire qu’un acte doit lui être délivré. Ainsi prévenu, il pourra prendre ses dispositions pour se rendre à l’étude à sa convenance ou, à défaut, se rendre disponible au moment qui lui sera fixé pour recevoir l’acte »[60], dans la perspective affichée d’augmenter le nombre de significations faites à personne. La proposition est intéressante, qui renverse en quelque sorte la perspective : d’ordinaire, les formalités complémentaires interviennent après les recherches du commissaire de justice ; ici, elles interviendraient avant.
Afin de déterminer sa pertinence, il faut toutefois l’affiner. Est-il question de rendre obligatoire un tel avis électronique préalablement à la remise de l’acte ? On pourrait dans ce cas y être réticent : non seulement le significateur n’aura pas toujours l’adresse électronique du destinataire ou son numéro de téléphone, mais encore il peut exister des situations où il est préférable de ne pas avertir le destinataire de son passage, quand bien même on disposerait de ses coordonnées. Songeons à la signification d’une ordonnance d’injonction de payer : sa remise à personne est souhaitable, car elle fait courir le délai d’un mois pour former opposition, qui sinon est recevable « jusqu'à l'expiration du délai d'un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur » (CPC, art. 1416, al. 2
Ensuite, la signification faite à domicile peut être abordée, qui implique l’utilisation d’un moyen technique inchangé depuis l’avènement du nouveau Code de procédure civile : la lettre simple. L’article 658 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6829H73 dispose ainsi que « Dans tous les cas prévus aux articles 655 N° Lexbase : L6822H7S et 656 N° Lexbase : L6825H7W, l'huissier de justice doit aviser l'intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l'avis de passage et rappelant, si la copie de l'acte a été déposée en son étude, les dispositions du dernier alinéa de l'article 656. La lettre contient en outre une copie de l'acte de signification ». À profit, de nouveaux moyens pourraient venir se substituer à la lettre simple dans cet article. Il serait ainsi envisageable d’envoyer plutôt un courrier électronique au destinataire [63]. Le destinataire privilégié de tels envois serait la personne morale, en ce qu’il peut raisonnablement être exigé d’elle la déclaration d’une adresse électronique à laquelle la joindre, de la même façon qu’elle doit renseigner son siège social. L’envoi se réaliserait à une adresse déclarée par la personne morale à un registre, ce qui présenterait plusieurs vertus : rapidité, moindre coût, emprunt d’un autre canal que l’avis de passage souvent laissé dans la boîte aux lettres et trace de l’envoi, que ne laisse pas la lettre simple. En l’état, il serait toutefois difficile d’étendre la règle aux personnes physiques, dont le commissaire de justice n’aura pas facilement l’adresse électronique. Pourtant, la lettre simple n’est pas sans défauts, que l’on a évoqués en passant : aucune preuve de son envoi ne peut être apportée, ce qui pourrait faire craindre qu’un significateur pressé l’oublie sans que cela ne prête à conséquences.
La solution se trouve alors dans la voie postale, qui depuis une cinquantaine d’années a élargi son offre et permet notamment l’envoi d’une lettre suivie. Un peu plus onéreuse que la lettre simple, elle offre des avantages dont chacun a pu faire l’expérience, permettant de faire ressortir la date d’envoi, la date de délivrance, soit autant d’informations qui pourraient contribuer à rendre plus sûres les significations faites à domicile, de rassurer sur les diligences du significateur (principe de l’envoi et respect du délai pour envoyer, qui sont souvent indiqués par des mentions stéréotypées très vagues dans les actes de signification actuels faisant foi jusqu’à inscription de faux [64]) et sur la délivrance de la lettre au domicile du destinataire.
Enfin, les significateurs pourraient recourir à des moyens techniques plus modernes dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 659 du Code de procédure civile. On le sait, au titre de cette disposition, un double envoi postal est réalisé : le commissaire de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ainsi qu’une lettre simple. Ce double envoi n’est pas inutile : l’espoir existe que le destinataire ait fait suivre son courrier, que les lettres lui parviennent, et s’il pouvait avoir des réticences à signer un accusé de réception, le contenu de la lettre simple pourrait lui parvenir. Ici comme précédemment, une substitution peut être envisagée : pour les personnes morales, le courrier électronique remplacerait la lettre simple ; pour les personnes physiques, la lettre suivie serait préférée. Toutefois, parce que le danger est grand que le destinataire de l’acte n’ait pas connaissance de l’acte, les moyens modernes de communication pourraient être exploités davantage. Car une réforme du Code de procédure civile lui-même s’impose ici, ne faudrait-il pas ajouter à l’article 659, alinéa 3, que le commissaire de justice avise le destinataire par lettre simple et par tout autre moyen de communication dès lors qu’il dispose d’indications sérieuses pour le joindre ainsi ? Ce serait toutefois là accroître les devoirs du significateur.
C. Les moyens humains
La signification sur support papier repose à l’évidence sur des moyens humains : commissaires de justice bien sûr, mais aussi clercs significateurs qui sont une catégorie de clercs assermentés. L’activité de clerc assermenté a été rendue possible par la loi du 27 décembre 1923 relative à la suppléance des huissiers blessés et à la création des clercs assermentés, et ceux-ci peuvent signifier « tous actes judiciaires et extrajudiciaires, à l'exception des procès-verbaux de constats et d'exécution et des ventes mobilières judiciaires ou volontaires » [65]. Il n’est pas rare ainsi qu’une étude regroupe plusieurs clercs significateurs, dont l’activité quotidienne est de signifier des actes. Par ailleurs, il faut souligner que dans certains lieux existent ce que l’on appelle des « bureaux communs » [66]. Ces bureaux dans lesquels plusieurs clercs significateurs exercent « sont constitués sous la forme d'un groupement par des huissiers ou sous la forme d'une société civile de moyens, dont les membres peuvent opter pour le statut de société coopérative » [67]. Leur objectif est très compréhensible : mutualiser les coûts et réaliser des économies d’échelle sur les prestations réalisées par les commissaires de justice, particulièrement quant à la signification des actes.
La proposition pourrait être faite de supprimer certains de ces acteurs de la signification. Pour ce qui concerne les bureaux communs, on pourrait faire valoir qu’ils distendent exagérément le lien qui devrait exister entre le commissaire de justice et son ou ses clercs significateurs, qu’il devrait très bien connaître et en qui il devrait avoir toute confiance pour accomplir une part de sa mission. cette distension ne serait d’ailleurs pas sans expliquer la qualité notoirement inégale du travail accompli par ces clercs, qu’une étude sociologique a pu faire ressortir en soulignant notamment que « dans les contacts avec les justiciables, pour gagner du temps et contourner les situations problématiques, le clerc met très souvent en avant le fait qu’il n’est qu’un simple intermédiaire et qu’il ne connaît pas le contenu de l’acte » [68]. Au-delà, on a pu également remettre en question l’existence même des clercs significateurs : soulignant que les clercs assermentés « viennent souvent d’horizons professionnels très variés » et que « la prestation de serment n’est en aucun cas conditionnée au suivi d’une formation initiale », maître Alexandre Bedon envisage que « la délivrance des actes soit à nouveau confiée exclusivement aux huissiers de justice à charge pour eux de renforcer la qualité de celle-ci », avant de souligner que cet horizon est trop lointain en raison de la faible rémunération de la signification [69].
Il nous semble qu’une solution moins radicale peut être trouvée, qui passe par l’exigence de formation des clercs significateurs. Sans doute ces clercs sont-ils en pratique formés par les commissaires de justice de l’étude qui les emploie ; bien sûr il a pu exister une formation optionnelle à leur destination, dispensée à l’époque par l’École nationale de procédure et que pourrait reprendre l’Institut national de formation des commissaires de justice. Toutefois, il n’est pas suffisant de s’en tenir à la pratique, à des formations optionnelles pour ce qui concerne une mission relevant du monopole de la profession, qu’initialement les huissiers de justice accomplissaient eux-mêmes, sauf à dévaloriser la signification et à mettre son existence en péril [70]. Une formation obligatoire devrait être dispensée aux clercs significateurs, et cette obligation pourrait être inscrite dans la loi du 27 décembre 1923. La durée de cette formation devrait être importante, supérieure à la soixantaine d’heures optionnelle qui a pu exister par le passé. Les candidats à cette profession ignorent souvent beaucoup du droit lorsqu’ils commencent à l’exercer : non seulement le droit de la signification doit leur être enseigné, mais encore la procédure civile et la procédure pénale dans lesquelles il s’insère, et au-delà les institutions judiciaires, une partie du droit substantiel et certaines exigences déontologiques. Il en va de la régularité de leurs significations, mais aussi de la qualité des informations qu’ils pourront ensuite donner au justiciable, destinataire de l’acte. S’il est donc une réforme qui devrait être affirmée d’un point d’exclamation, c’est celle-ci.
[1] Tout au plus est-il recommandé par le premier de modifier les règles de signification et de notification de la déclaration d’appel, en procédure ordinaire avec représentation obligatoire : Groupe thématique Simplification de la justice civile, Rapport remis au comité des États généraux de la justice, 1er février 2022, p. 104.
[2] Sur cette tendance, v. déjà G. Wiederkehr, Le Nouveau Code de procédure civile : la réforme permanente, in Mélanges J. Béguin, LexisNexis Litec, 2005, p. 787 et s.
[3] CPC, art. 651, al. 2 N° Lexbase : L6814H7I.
[4] Dès lors que l’ensemble des huissiers de justice en exercice auront rempli les conditions de formation à la profession de commissaire de justice, à défaut de quoi les derniers huissiers cesseront d’exercer ; v. art. 25, V, de l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice N° Lexbase : L4070K8A. Dans la suite de cet article, nous utiliserons le nouveau nom de cette profession, sauf lorsqu’il sera fait mention d’anciennes jurisprudences.
[5] G. Cornu, Linguistique juridique, 3e éd., Montchrestien, 2005, no 58, p. 243.
[6] Sur ces questions, en procédure civile, v. S. Jobert, L’organisation de la connaissance des actes du procès civil, LGDJ, 2019.
[7] Ce qui ne revient pas à dire que cette signification ne mériterait pas également d’être réformée. Sur ce point, v. not. M. Dochy, La dématérialisation des actes du procès civil, Dalloz, 2021 et A. Yatera, La notification des actes du procès civil à l’ère des nouvelles technologies : proposition d’un système mixte, thèse Paris Panthéon-Assas, novembre 2021.
[8] J.-É.-M. Portalis, Discours, rapports et travaux inédits sur le Code civil, Joubert, 1844, p. 5.
[9] On pense à l’ensemble des données mises à disposition par le ministère de la Justice sur son site, dans la partie « Études et statistiques » , et l’on insistera particulièrement sur la subdivision « activité des juridictions », moins connue que d’autres mais pourtant riche de données brutes.
[10] Cass. civ. 2, 4 mars 2021, n° 19-25.291, F-P N° Lexbase : A02114KZ ; Dalloz actualité, 19 mars 2021, obs. T. Goujon- Bethan ; Procédures, n° 5, 2021, p. 15, obs. Y. Strickler.
[11] Cass. civ. 2, 2 décembre 2021, n° 19-24.170, F-B N° Lexbase : A90927D4 ; Dalloz actualité, 12 janvier 2022, obs. T. Goujon- Bethan ; obs. N. Hoffschir, Gaz. Pal., no 2, p. 45.
[12] Sur ce double objectif, v. l’interview accordée par B. Santoire à Lexbase en juin 2023 ; à 7 min et 12 s.
[13] Il faut ici rappeler les mots de l’inspection générale des finances : « La description que la profession a faite, auprès de la mission, de l’activité de signification des actes de procédure et décisions de justice (à l’exclusion des commandements de payer) ne permet pas d’identifier la spécificité de cette activité légitimant qu’elle soit réservée aux huissiers. Une autre organisation de cette activité serait envisageable : soit la mise en place d’une délégation de l’activité à un échelon territorial large voire national à un opérateur à même de réaliser des économies d’échelles ; soit la mise en place d’une délégation spécifique d’activité consentie à un opérateur postal, réputé assurer un service public de proximité, et déjà engagé dans des transmissions de plus pour lesquels une preuve de remise est demandée (lettres recommandées) » ; Inspection générale des finances, Les professions réglementées, rapport de mars 2013, t. 1.
[14] Sur cette qualification et sa justification, v. spéc. T. Goujon-Bethan, L'office de l'huissier significateur à l'épreuve des boîtes aux lettres, Dalloz actualité, 26 septembre 2022.
[15] CPC, art. 654, al. 2 N° Lexbase : L6820H7Q.
[16] CPC, art. 654, al. 1 N° Lexbase : L6820H7Q.
[17] Pour un panorama complet, v. C. Bléry, Conditions de formation et communication des actes de procédure, in S. Guinchard (dir.), Droit et pratique de la procédure civile 2021/2022, 10e éd., Dalloz Action, 2021, n° 271.182 et s.
[18] Cass. civ. 2, 2 décembre 2021, n° 19-24.170, F-B, précitée.
[19] Précédemment, v. Cass. civ. 2, 10 novembre 2005, n° 03-20.369, FS-P+B N° Lexbase : A5081DLR ; Procédures 2006, comm. 5, obs. R. Perrot.
[20] T. Goujon-Bethan, L'office raisonnable de l'huissier significateur en cas d'absence du destinataire, Dalloz actualité, 12 janvier 2022.
[21] Cass. civ. 2, 8 décembre 2022, F-B, n° 21-14.145, F-B N° Lexbase : A10288YQ ; Dalloz actualité, 13 janvier 2023, obs. T. Goujon-Bethan.
[22] Op. cit.
[23] Cass. civ. 2, 28 mars 1984, no 82-16.779 N° Lexbase : A0532AAX, Bull. civ. 1984, II, no 56 ; RTD Civ. 1984, p. 558, obs. R. Perrot Mutatis mutandis, la règle vaut également pour le destinataire personne morale : Cass. civ. 2, 20 janvier 2011, n° 10-11.903, F-D N° Lexbase : A2947GQ9.
[24] Cass. civ. 2, 9 mars 1994, n° 92-18.865, Bull. civ. 1994, II, n° 88 ; Justices, 1995, n° 1, p. 237, obs. J. Heron.
[25] M. Giacopelli, note sous Cass. civ. 3, 12 mai 1993, JCP G 1994, II, 22320.
[26] T. Goujon-Bethan, L'office raisonnable de l'huissier significateur en cas d'absence du destinataire, op. cit.
[27] Que l’on doit à l’ordonnance de Moulins sur la réforme de la Justice de février 1566 : « nos huissiers ou sergens exploiteront en leurs ressorts, porteront en leur main une verge, de laquelle ils toucheront ceux auxquels ils auront charge de faire exploits de justice » ; art. 31.
[28] CPC, art. 68, N° Lexbase : L1277H43: « tous exploits seront faits à personne ou domicile ».
[29] En l’étude, l’acte n’aura pas à être remis par eux.
[30] D. D’Ambra, L’application de l’article 659 du nouveau Code de procédure civile et le procès équitable », Dr. et procédures, 2004, p. 17.
[31] Cass. civ. 2, 4 juillet 2007, no 06-16.961, FS-P+B, N° Lexbase : A3069DXX, Bull. civ. 2007, II, n° 199.
[32] Cass. civ. 2, 12 octobre 1972, no 71-11981 N° Lexbase : A6804AG4, Bull. civ. 1972, II, n° 244.
[33] Cass. Com., 12 novembre 2008, no 08-12.544, F-D N° Lexbase : A2492EBW; Procédures 2009, comm. 7, obs. R. Perrot.
[34] H. Solus et R. Perrot, Droit judiciaire privé, t. 1, Sirey, 1961, n° 365, p. 333 et s.
[35] R. Perrot, obs. sous Cass. civ. 2, 1er juillet 1987, RTD Civ. 1988, p. 178.
[36] H. Solus et R. Perrot, op. cit., n° 365, p. 333 et s.
[37] Étant donné qu’en l’état les commissaires de justice ne sont pas confrontés à cette situation car ils n’opèrent pas ce contrôle, au contraire d’ailleurs bien souvent, et non sans paradoxe, du personnel de leurs études lorsque le destinataire vient y retirer l’acte.
[38] Articles 4 et 4-1 N° Lexbase : Z76050ME de l’arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du Code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux.
[39] Ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice, JORF no 0128 du 3 juin 2016 N° Lexbase : L4070K8A.
[40] Loi du 27 décembre 1923 relative à la suppléance des huissiers blessés et à la création des clercs assermentés N° Lexbase : C29447BN, JORF no 352 du 29 décembre 1923.
[41] Sur cette question, v. de façon plus complète S. Jobert, op. cit., no141, p. 137 et s.
[42] CPC, art. 655, al. 2.
[43] Cass. civ. 3, 21 février 2001, nos 99-14.688 et n° 99-16.979 N° Lexbase : A6852C8B, Bull. civ. 2001, III, n° 18.
[44] CPC, art. 656, al. 1.
[45] Cass. civ. 2, 8 mars 2006, n° 04-19.140, FS-P+B N° Lexbase : A5014DNZ Bull. civ. 2006, II, n° 71.
[46] En ce sens, v. not. Cass. civ. 2, 12 janvier 2023, n° 21-17.842, F-D N° Lexbase : A956387C ; v. par ailleurs, ne se satisfaisant pas de la mention d’une confirmation du domicile par « le voisinage », Cass. civ. 2, 23 mars 2023, n° 21-20.131, F-D N° Lexbase : A97219KA.
[47] Rappr. Cass. civ. 2, 4 juin 2020, no 19-12.727, F-P+B+I, N° Lexbase : A05863NZ ; RTD civ., 2020, p. 701, obs. N. Cayrol : en l’espèce, il est relevé que le domicile avait été confirmé par « la constatation de la présence de son nom sur la boîte aux lettres et la confirmation d'un voisin, dont il a indiqué le nom », mais sans manifestement ériger ce dernier point en exigence générale.
[48] J.-C. Magendie, Célérité et qualité de la justice, rapport au garde des Sceaux, ministre de la Justice, La documentation française, 2004, p. 57.
[49] Circulaire du 2 mai 1974 relative à la rédaction des actes d’huissier de justice (modernisation du langage judiciaire ; allègement et simplification des actes ; renseignements sur les démarches et les formalités à accomplir par le justiciable ; humanisation des actes) ; JORF no 112 du 11 mai 1974, p. 5012 et s.
[50] Ibid., p. 5020.
[51] Ibid., p. 5012.
[52] V. spéc. Cass. civ. 2, 1er octobre 2020, n° 18-23.210, FS-P+B+I N° Lexbase : A49923WS ; Rev. prat. rec., 2020, p. 9, chron. O. Salati ; D., 2021, p. 491, chron. S. Lemoine et É. De Leiris ; Dalloz actualité, 30 octobre 2020, obs. A. Bolze ; D., 2021, p. 1249, note S. Jobert : « lorsqu'une partie, citée à comparaître par acte d'huissier de justice, ne comparaît pas, le juge, tenu de s'assurer de ce que cette partie a été régulièrement appelée, doit vérifier que l'acte fait mention des diligences prévues, selon les cas, aux articles 655 à 659 susvisés. A défaut pour l'acte de satisfaire à ces exigences, le juge ordonne une nouvelle citation de la partie défaillante ».
[53] Nous soulignons.
[54] Dernièrement, v. A. Bedon, La comparution : un droit. Le point de vue d’un huissier de justice, in Comparaître aujourd’hui (dir. L. Ascensi, C. Duparc et S. Jobert), Dalloz, 2023, spéc. p. 46.
[55] V. Rép. min. n° 52445, JOAN Q, 2 févr. 2010, p. 1169 ; Procédures 2010, alerte 12.
[56] CEDH, 3 novembre 2009, Davran c. Turquie, no 18342/03 N° Lexbase : A1983ENR, spéc. §45.
[57] La matière pénale était en cause, la publication de l’acte était lacunaire pour la Cour européenne et le requérant n’avait pu avoir accès à la Cour de cassation en raison de sa connaissance tardive de la décision rendue.
[58] Ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice.
[59] P. Delmas-Goyon, Le juge du 21ème siècle, rapport au garde des Sceaux, ministre de la Justice, décembre 2013, p.88.
[60] Ibid.
[61] Bien que certains huissiers de justice aient pu procéder ainsi, ce qui a donné l’occasion à Pascal Clément, alors garde des Sceaux, ministre de la Justice, d’affirmer que « le recours systématique aux convocations par lettre simple sans se rendre auparavant au domicile de l'intéressé et à ne procéder à la notification que si les personnes se déplacent à l'étude caractérise un manquement aux règles professionnelles, passible de sanctions disciplinaires » ; V. Rép. min. n° 71377, JOAN Q, 10 janv. 2006, p. 297.
[62] Et, partant, n'a pas bénéficié d'une formation obligatoire telle celle que nous proposerons plus loin. Ce n'est pas dire que certains employés de l'étude ne seront pas compétents pour informer sur l'acte signifié ; c'est dire que la situation dépendra des cas, ce qui est discutable.
[63] La règle vaudrait aussi lorsqu’est réalisée une signification à personne, l’article 658, alinéa 2, prévoyant aussi l’envoi d’une lettre simple dans ce cas.
[64] Ch. mixte, 6 octobre 2006, N° Lexbase : A5094DR4 n° 04-17070, Bull. civ. 2006, Ch. mixte, n° 8 ; D., 2006, p. 2547, note V. Avena- Robardet ; Procédures, 2007, comm. 58, obs. R. Perrot ; Gaz. pal., 2007, n° 187, p. 22, obs. E. Du Rusquec.
[65] Art. 6 de la loi du 27 décembre 1923 relative à la suppléance des huissiers blessés et à la création des clercs assermentés N° Lexbase : C29507BU.
[66] Une décision assez récente de l’autorité de la concurrence en recense huit, à Paris, dans les Hauts-de-Seine, dans le Val-de-Marne, en Seine-Saint-Denis, à Bordeaux, dans le Rhône, à Marseille et à Valence ; Autorité de la concurrence, 13 janvier 2022, décision n° 22-D-02 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des huissiers de justice, §16.
[67] Ibid., §16.
[68] D. Collard, Ce que “signifier” veut dire : le cas des clercs du Bureau de Signification de Paris, in pratiques juridiques et écrit électronique : le cas des huissiers de justice, rapport final, 2005, p. 22.
[69] A. Bedon, op. cit., spéc. pp. 47-48.
[70] On observera que, dans son court paragraphe sur « le monopole des huissiers sur la signification des actes de procédure et décisions de justice », l’Inspection générale des finances consacre l’essentiel de ses développements aux bureaux communs, avant de recommander que l’activité de signification ne soit plus réservée aux huissiers de justice ; Les professions réglementées, op. cit., p. 25.
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Réf. : Décret n° 2023-686 du 29 juillet 2023 portant mesures favorisant le règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire N° Lexbase : L3217MIY
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par Etienne Vergès, Professeur à l’Université Grenoble Alpes, directeur scientifique Lexbase de la revue « Droit privé » et de l’ouvrage de procédure civile
Le 27 Septembre 2023
Mots-clés : procédures amiables • politique de l’amiable • conciliation • interruption d’instance • péremption d’instance • confidentialité (principe) • césure du procès • clôture de l’instruction • sursis à statuer • mise en état • jugement partiel
Le décret du 29 juillet 2023 crée deux nouvelles procédures visant à accélérer le traitement de certains litiges en ayant recours à un règlement amiable. Ce décret s’insère dans le plan d’action pour la justice, et plus particulièrement, dans la nouvelle « politique de l’amiable » engagée par le ministère de la Justice. Le premier dispositif est l’audience de règlement amiable (ARA). Les parties sont convoquées devant un juge (qui ne siège pas dans la formation de jugement) afin de tenter de résoudre leur litige à l’amiable. En cas de succès, un procès-verbal d’accord est établi et il a force exécutoire. Le second dispositif est la césure du procès civil. Lorsque la nature du litige le permet, le juge de la mise en état peut scinder le litige en deux parties : d’une part, le principe de l’obligation civile, d’autre part le montant de cette obligation. À la suite d’une clôture partielle de l’instruction, un jugement est rendu sur le principe de l’obligation. Les parties ont alors la possibilité de définir à l’amiable le montant d’obligation.
La politique de l’amiable
La « politique de l’amiable » et le plan d’action pour la justice ont été présentés par le garde des Sceaux au mois de janvier 2023 à la suite des états généraux de la justice. Les deux instruments nouveaux de cette politique ont ainsi été exposés. Il s’agit de l’audience de règlement amiable et de la césure du procès. Ces deux procédures, nettement distinctes, sont inspirées de procédures étrangères (Québec, Pays-Bas, Allemagne) où elles semblent avoir fait leurs preuves. En France, la pratique de l’amiable demeure très marginale, malgré les tentatives répétées du législateur et du ministère de les développer depuis la fin des années 90. Les causes sont nombreuses, diverses et controversées, mais elles n’ont pas détourné les pouvoirs publics de leur volonté de développer le règlement amiable des litiges, de sorte que le ministère entend aujourd’hui adopter une « politique de l’amiable ».
L’enjeu du développement des procédures amiables est marqué par une certaine ambiguïté. D’un côté, on souhaite rapprocher les parties, de favoriser la discussion plutôt que le conflit. On cherche à améliorer le sentiment de justice issu d’un accord, plutôt que d’un procès. Pour le garde des Sceaux, les choses sont assez différentes. Il s’agit essentiellement de réduire les délais de traitement des affaires. Ce dernier a affirmé, dans la présentation de son plan d’action, « mon objectif est clair : réduire par deux les délais de nos procédures civiles d’ici 2027 ». À plusieurs reprises, il a signalé que dans les pays étrangers, l’usage des procédures amiables permettait de diviser par deux les délais de traitement des affaires [1].
Les modalités de la politique de l’amiable sont, elle-même, ambiguës. Depuis 2010, la tendance était plutôt à la déjudiciarisation des procédures. On a vu ainsi se développer les décrets permettant au juge d’envoyer le dossier devant des conciliateurs et des médiateurs. On a encore observé le retour du préalable obligatoire de règlement amiable, qui trouvait son origine au 19e siècle, mais avait été abandonné en raison de son inefficacité. Enfin, les pouvoirs publics ont tenté d’externaliser la mission de régler le litige en la confiant aux avocats, à travers la procédure participative. Toutes ces initiatives n’ont pas eu les effets escomptés et le décret du 29 juillet 2023, applicable à compter du 1er novembre 2023 [2], constitue un véritable tournant dans la politique de l’amiable. Il replace le juge au centre du règlement amiable. En effet, les nouvelles procédures créées se situent, non pas en marge du procès civil, mais en son sein. Ainsi, l’audience de règlement amiable résulte d’une convocation des parties par un juge les obligeant à comparaître devant un autre juge. De même, la césure du procès civil résulte d’une ordonnance de clôture partielle rendue par le juge de la mise en état. Autrement dit, dans chacune de ces procédures, le juge tient une position centrale.
Pour terminer cette rapide présentation de la politique de l’amiable incarnée par le décret du 29 juillet 2023, il faut souligner que l’ambition initiale affichée par le garde des Sceaux a été revue à la baisse. En effet, il était prévu initialement de regrouper l’ensemble des dispositions relatives aux procédures amiables dans un même chapitre du code de procédure civile, afin de leur donner plus de lisibilité. Cette ambition n’a pas été suivie d’effet, bien au contraire. Les mesures du décret sont limitées au tribunal judiciaire et la césure du procès civil n’est applicable qu’à la procédure écrite ordinaire. On se retrouve donc face à deux nouveaux mécanismes spéciaux, plutôt qu’à une refonte complète des textes sur les procédures amiables.
C’est cette perspective spéciale et technique du décret qui nous conduit à étudier chacune de ces procédures successivement.
I. L’audience de règlement amiable (ARA) : replacer le juge au cœur des procédures amiables
L’audience de règlement amiable est une procédure particulière qui figure dans un chapitre au sein des dispositions communes à la procédure devant le tribunal judiciaire. Cela signifie qu’elle peut être mise en œuvre en procédure écrite et orale, en référé et au cours de la mise en état.
Le constat peut être assez sévère, mais il faut reconnaître que les efforts déployés par le législateur et le pouvoir réglementaire au cours des quinze dernières années n’ont pas véritablement porté leurs fruits. Le déploiement des procédures amiables conventionnelles devant toutes les juridictions (conciliation, médiation, procédure participative) et la création d’un livre V dans le Code de procédure civile sur la « résolution amiable des différends » n’ont pas suffi à convaincre les parties et leurs conseils de se lancer massivement dans les procédures amiables. Dès lors, avec l’ARA, le ministère se tourne vers les magistrats, afin de les inciter à prendre pleinement en main leur mission de conciliateur. Plus précisément, le décret confie ce rôle à deux magistrats distincts : d’une part, le juge en charge du litige et d’autre part, un juge en charge de l’ARA. Les missions de concilier et de trancher le litige sont ainsi clairement scindées, comme nous le verrons ci-dessous.
La finalité de l’ARA est définie précisément par le décret (CPC, art. 774-2 al. 1 N° Lexbase : L3367MIK) : elle a pour but « la résolution amiable du différend entre les parties, par la confrontation équilibrée de leurs points de vue, l’évaluation de leurs besoins, positions et intérêts respectifs, ainsi que la compréhension des principes juridiques applicables au litige ». Détaillé, le texte est également ambivalent, car il mêle résolution amiable et énonciation du droit applicable. Or, on sait que l’amiable peut conduire à mettre de côté les règles de droit applicables, puisque les droits en jeu sont disponibles. L’esprit de cette ARA est donc mixte. Le cadre juridique étant fixé, les parties sont incitées à trouver un accord sur la base (ou en tenant compte) de ce cadre juridique. Toutefois, rien n’interdit aux parties de s’en écarter, pourvu qu’elles parviennent à régler leur différend.
A. La décision de convocation à l’audience de règlement amiable
Le juge compétent pour initier l’audience de règlement amiable. L’ARA occupe une place particulière dans les procédures amiables, car elle suppose qu’une action a déjà été introduite et un juge saisi. C’est le juge saisi du litige qui peut décider d’ouvrir la procédure d’ARA (CPC, art. 774-1 N° Lexbase : L3366MII). Le décret énumère ainsi les différents juges compétents pour prendre la décision de convocation à l’ARA [3]. Il s’agit du juge des référés [4], du juge chargé de l’audience d’orientation (en procédure écrite), du juge du fond (on pense à la procédure orale) et du juge de la mise en état [5]. L’audience de règlement amiable peut être initiée à chaque étape de la procédure de première instance. La décision prend la forme d’une convocation des parties à une audience de règlement amiable. Elle peut être prise dans tous les litiges qui concernent des droits dont les parties ont la libre disposition. La décision est prise, soit à la demande de l’une des parties, soit d’office par le juge. Le code précise qu’il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire, qui n’est donc pas susceptible de recours et qui ne dessaisit pas le juge (CPC, art. 774-1 al.2).
La décision de convocation à l’ARA interrompt l’instance, et donc également le délai de péremption de l’instance (CPC, art. 369 N° Lexbase : L3363MIE et 392 N° Lexbase : L3364MIG). Le nouveau délai de péremption court alors à compter de la première audience fixée postérieurement devant le juge saisi du litige.
La décision de convocation à l’ARA est plus contraignante que les autres mesures judiciaires prises par le juge en matière amiable. En particulier, elle va plus loin que l’injonction de rencontrer un médiateur. Dans ce dernier cas, le médiateur a pour seule mission d’informer les parties sur l’objet et le déroulement d’une mesure de médiation. Les parties peuvent ensuite refuser la médiation. S’agissant de l’ARA, la convocation emporte une obligation pour les parties de comparaître en personne à une audience devant un juge (CPC, art. 774-3 N° Lexbase : L3368MIL). S’il n’est pas possible de les contraindre à s’entendre, le caractère obligatoire de l’ARA est donc plus marqué. Il s’agit d’une obligation de participer à la procédure amiable. Toutefois, en pratique, si une partie refuse de s’impliquer activement dans l’ARA, il sera impossible de prolonger la phase amiable. L’audience risque alors de tourner court.
La convocation des parties est communiquée par le greffe par tout moyen (CPC, art. 774-3).
B. Le déroulement de l’audience de règlement amiable
La procédure de l’ARA n’est pas limitée dans le temps. Le code ne prévoit pas de délai pour s’entendre, comme c’est le cas en matière de conciliation ou de médiation judiciaire. Le code ne prévoit pas non plus un nombre limité d’audiences. Bien que le décret évoque « une audience de règlement amiable », rien n’empêche d’imaginer que cette procédure se poursuive et que des « renvois » à d’autres ARA soit ordonnés. Seul le juge chargé de l’ARA peut y mettre fin à tout moment par une mesure d’administration judiciaire (CPC, art. 774-3 in fine).
Les parties étant convoquées en personne, la question de leur représentation ne se pose pas. Toutefois, dans les cas où la représentation est obligatoire, les parties doivent comparaître avec l’assistance de leur avocat. Lorsque la représentation est facultative, elles peuvent être assistées par toutes les personnes autorisées à le faire (renvoi à l’article 762 du Code de procédure civile N° Lexbase : L9303LTQ).
Le juge qui tient l’ARA ne peut siéger dans la formation de jugement (CPC, art. 774-1). L’idée consiste ici à scinder la fonction de conciliation du juge et sa fonction juridictionnelle qui consiste à trancher le litige. À première vue, cette scission n’est pas évidente, puisque le code de procédure civile intègre la conciliation dans les missions confiées au juge, au même titre que les missions juridictionnelles. Ainsi, la conciliation judiciaire peut être proposée par le juge en charge de juger l’affaire « tout au long de l’instance » (CPC, art. 128 N° Lexbase : L1450I89). En pratique, l’imperium du juge joue un rôle important dans la conciliation judiciaire et celui qui va trancher le litige peut, dans la phase amiable, donner des indications générales sur la manière dont il perçoit la solution ou les règles applicables. Mêler la fonction de concilier et de juger offre donc un véritable avantage. Toutefois, le cumul de ces deux fonctions pose d’autres problèmes. D’une part, le caractère confidentiel de la phase amiable, sur lequel nous reviendrons, s’accorde mal avec la présence du même juge au cours de l’ARA puis du jugement. D’autre part, ajouter une tâche de conciliation à l’emploi du temps du juge alourdit sa charge et ne l’incite pas à initier une ARA. C’est pour cette raison que le ministère de la Justice envisage de confier l’audience de règlement amiable à un magistrat honoraire ou à un magistrat à titre temporaire. On voit ainsi renaître la fonction de l’ancien juge de paix, conciliateur des parties. En pratique, il n’est pas certain que cette décharge de l’amiable sur les magistrats non titulaires soit possible dans toutes les juridictions, et particulièrement dans les petits tribunaux. La mise en œuvre de l’ARA risque donc de varier d’un tribunal à un autre.
L’ARA est couverte par le principe de confidentialité. Ce principe s’applique à toutes les formes de médiation en vertu de l’article 21-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 N° Lexbase : L1139ATD [6]. Plus spécifiquement le décret prévoit que « tout ce qui est dit, écrit ou fait au cours de l’audience de règlement amiable, par le juge et par les parties, est confidentiel » (CPC, art. 774-3 al 6). Le domaine de la confidentialité demeure ambigu et mériterait d’être précisé [7]. Si la confidentialité s’applique aisément à un aveu ou à la reconnaissance d’un fait par une partie durant l’ARA, elle ne s’étend ni aux prétentions et moyens des parties, ni aux preuves qu’elles possèdent. Ce sont uniquement les échanges des parties et leurs éventuelles concessions qui sont couverts par la confidentialité.
Les exceptions au principe de confidentialité énoncées par le décret sont celles du droit commun. La confidentialité cesse, soit avec l’accord des parties, soit en présence de raisons impérieuses d’ordre public ou de motifs liés à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ou à l’intégrité physique ou psychologique de la personne, soit enfin lorsque la divulgation de l’accord ou de son contenu est nécessaire à sa mise en œuvre ou à son exécution.
Pour garantir la confidentialité, il est prévu que l’audience se tienne en chambre du conseil, hors la présence du greffe. Cette mise à l’écart du greffier ne manquera pas de poser des difficultés au moment de la rédaction du procès-verbal, lorsque le greffier aura pour rôle d’assister le juge.
Le juge chargé de l’ARA dispose de pouvoirs d’instruction limités. Le juge chargé de l’ARA peut prendre connaissance des pièces et des écritures échangées par les parties. Il peut procéder à des constatations, des évaluations, des appréciations ou des reconstitutions. Il peut se transporter sur les lieux. Il peut, enfin, entendre les parties séparément. L’énumération des pouvoirs d’instruction du juge est marquée d’une certaine ambiguïté. Rien n’est dit, par exemple, sur l’usage des évaluations ou des appréciations par le juge. En particulier, la question se pose de savoir s’il peut désigner un expert amiable avec l’accord des parties pour procéder à ces évaluations.
On sait que, traditionnellement, le pouvoir d’instruction du conciliateur ou du médiateur dans une procédure amiable est assez limité. Mais on sait également que, depuis l’institution de la procédure participative, le code de procédure civile ouvre de nouvelles possibilités en matière probatoire, particulièrement en donnant la possibilité de désigner un technicien. Pour l’ARA, le mystère demeure. Si une mesure d’instruction s’avère nécessaire pour régler le différend à l’amiable, il est probable qu’il faudra revenir devant le juge saisi du litige.
C. L’issue de l’audience de règlement amiable
Lorsque les parties sont parvenues à un accord total ou partiel, elles peuvent demander au juge chargé de l’ARA de constater leur accord. L’acte dressé par le juge est alors un procès-verbal similaire à celui qui est établi lors d’une conciliation judiciaire. Le juge est alors assisté de son greffier lors de cette étape de rédaction du procès-verbal. Des extraits de ce procès-verbal peuvent être délivrés aux parties. Ils valent titre exécutoire (CPC, art. 774-4 N° Lexbase : L3369MIM qui renvoie vers CPC, art. 131 al. 1 N° Lexbase : L8492K7N). Le juge chargé de l’ARA transmet alors le procès-verbal au juge saisi du litige.
Le décret est silencieux sur la suite de la procédure. Il faut alors s’en référer au droit commun ou aux solutions applicables à d’autres procédures amiables. Ainsi, lorsque les parties sont parvenues à un accord total, on imagine que le juge peut constater l’extinction de l’instance et prendre une décision de dessaisissement (CPC, art. 384 N° Lexbase : L2272H4W).
Si les parties sont parvenues à un accord partiel, ou si l’ARA a échoué totalement, une partie du litige reste à trancher. Dans le silence du décret, le juge chargé de l’ARA est donc contraint d’y mettre fin et la procédure retourne devant le juge saisi du litige pour suivre la voie contentieuse. Si une partie du litige a été réglée par un procès-verbal d’accord, elle est nécessairement exclue du procès et le juge ne demeure saisi que du « différend persistant » [8].
II. La césure du procès civil : diviser pour mieux juger ?
A. Qu’est-ce que la césure du procès civil ? À quoi sert-elle ?
La procédure de césure du procès civil repose sur l’idée de distinguer dans un litige, ce qui relève du contentieux et ce qui relève de l’amiable. L’exemple typique est celui des actions en responsabilité en droit de la construction. Si la répartition des responsabilités entre les différents défendeurs soulève généralement des difficultés juridiques qui doivent être tranchées par le juge, l’évaluation des préjudices peut relever d’une expertise amiable et d’une négociation. En partant d’un tel exemple, et en s’inspirant de modèles étrangers, les auteurs du décret ont imaginé un mécanisme permettant de scinder le procès civil en deux étapes : la première consiste à trancher la part du litige qui donne lieu à contestation et la seconde consiste à laisser les parties régler à l’amiable les conséquences de la décision de justice. Lors de la conférence de presse du 5 janvier 2023 [9], le garde des Sceaux a présenté ces deux étapes en distinguant, d’une part, le jugement sur le « principe de la responsabilité » et, d’autre part, la « liquidation des préjudices » à l’amiable. De façon plus générale, on peut appliquer la césure du procès civil à l’égard de toutes créances. Le litige peut ainsi concerner, d’une part, le principe de l’obligation (principe de la dette ou de la créance) et, d’autre part, le montant de l’obligation.
Si elle est séduisante sur le papier, cette distinction suscite de nombreuses interrogations. Prenons le cas particulier des actions en responsabilité. D’abord, le « principe de la responsabilité » repose sur la constatation de préjudices. La séparation entre le « principe » et les préjudices est artificielle et elle est loin d’être évidente dans tous les contentieux. Ensuite, affirmer de façon générale que la question de l’évaluation des préjudices ne suscite pas de difficulté juridique relève de la fiction. La nomenclature des préjudices et plus spécifiquement le droit du dommage corporel sont des matières hautement techniques, qui donnent lieu à une jurisprudence fournie et à des débats doctrinaux. Enfin, dans de nombreuses procédures, le principe de la responsabilité ne fait pas débat. En revanche, les parties focalisent le contentieux sur l’évaluation des préjudices. C’est ainsi qu’en matière d’accidents de la circulation, les assureurs prennent fréquemment le parti de ne pas contester la responsabilité de leur assuré, mais de discuter point par point chaque poste de préjudice.
Si la césure du procès civil s’est focalisée sur les actions en responsabilité, on observe qu’elle est déjà utilisée en France pour contourner certaines difficultés. Ainsi, le récit d’expériences menées au tribunal judiciaire de Paris montre que la césure du procès permet de séparer le jugement d’une question préalable et d’une question secondaire. Par exemple, dans un litige en contrefaçon, la juridiction peut statuer d’abord sur la validité du brevet et remettre à plus tard l’examen des actes de contrefaçon. Si le brevet est annulé, l’examen de la contrefaçon n’est plus nécessaire[10]. Dans le prolongement de cette idée, il est possible de concevoir une césure du procès pour trancher en amont des questions relatives à la licéité des preuves, avant d’examiner le fond du dossier, en ne tenant pas compte des preuves qui auront été écartées des débats. En d’autres termes, la césure d’un procès civil s’inspire de ce qui existe déjà en matière d’exceptions de procédures ou de fin de non-recevoir, questions qui sont tranchées en amont par le juge de la mise en état.
Vue sous cet angle, la césure du procès civil n’est pas une procédure amiable. Il est d’ailleurs frappant de constater que, dans les dispositions du décret relatives à cette procédure, il n’est jamais fait allusion au règlement amiable. Dans l’esprit du décret, il s’agit donc d’un outil d’accélération de la procédure, mais pas d’une technique de règlement amiable. Son principe repose sur un séquençage du procès destiné à réduire la part du litige qui sera traité dans une procédure contentieuse.
B. Domaine d’application de la césure du procès civil
Les dispositions relatives à la césure du procès civil ont été insérées dans la section relative à la clôture de l’instruction. Cela signifie que la césure n’est applicable que dans la procédure écrite ordinaire devant le tribunal judiciaire. Dans l’esprit de la Chancellerie, l’idée serait de limiter la césure aux procédures complexes. Cette idée n’est pas traduite dans le décret du 29 juillet 2023, mais elle indique que la césure n’est pas conçue comme un mécanisme généraliste, à l’inverse de l’ARA.
C. Initiative de la césure et acte provoquant la césure
L’initiative de la césure est confiée aux parties. À tout moment de la mise en état, « l’ensemble des parties constituées » peut demander au juge de la mise en état (JME) de procéder à cette césure (CPC, art. 807-1 N° Lexbase : L3382MI4). Elles doivent alors produire à l’appui de leur demande un acte contresigné par avocats qui mentionne les prétentions à l’égard desquelles elles sollicitent un jugement partiel.
Cela constitue une importante limite puisque dans les textes, le juge n’a pas de pouvoir d’initiative [11]. De plus, la césure doit correspondre à l’intérêt commun des parties, ce qui est loin d’être évident. Non seulement les parties peuvent être réticentes vis-à-vis d’une procédure qui a pour effet de retarder une partie du procès, mais encore, le demandeur pourrait ne pas comprendre son intérêt de voir sa demande divisée en deux parties alors que ses prétentions sont liées entre elles. Dans son rapport, le CNB a ainsi signalé que la césure risquait de « complexifier davantage la procédure et d’engendrer un contentieux supplémentaire et de rallonger les délais » tout en ajoutant que « le goulot d’étranglement dans la pratique judiciaire se situe souvent au stade de l’expertise judiciaire, souvent indispensable pour statuer sur la responsabilité » [12].
La césure implique donc une forte coopération entre les parties, comme c’est le cas de la procédure participative. Or, on peut penser que l’échec durable de la procédure participative augure un avenir très incertain à la césure du procès.
Si les parties en sont d’accord, la décision de césure est prise par le JME sous la forme d’une ordonnance de clôture partielle [13]. Cela signifie concrètement que la mise en état s’achève pour une part du litige et qu’elle se poursuit pour l’autre part. Ainsi, le procès se scinde en deux. Les prétentions sur le « principe de la dette » sont dirigées vers la formation de jugement alors que les prétentions sur le montant de la dette restent au stade de la mise en état, qui, de fait, se trouve mise en sommeil. Pour bien comprendre cette scission, nous renvoyons à l’infographie présentée ci-dessous qui montre les deux chemins distincts qui sont empruntés.
D. Déroulement de la procédure après la césure
Phase 1 : Le jugement partiel sur le principe de la dette
La scission des prétentions possède un premier effet. Le « principe de la dette » est orienté vers l’audience des plaidoiries et elle donne lieu à un « jugement partiel » (CPC, art. 807-1). Le JME qui prononce la clôture partielle renvoie ainsi l’affaire devant le tribunal pour qu’il statue au fond sur la part du litige qui lui a été soumis. L’exécution provisoire de ce jugement partiel est facultative et le décret précise que le juge « peut » la prononcer (CPC, art. 807-2 N° Lexbase : L3383MI7). Cette solution peut surprendre, tant il est difficile d’imaginer l’exécution d’un jugement sur le principe de la responsabilité si les préjudices n’ont pas été évalués. À ce sujet, on attendra avec impatience la circulaire d’application du décret qui donnera peut-être des indications sur les exemples de jugements partiels susceptibles d’être exécutés provisoirement. Sur le fond du litige, si le juge fait droit à la prétention du demandeur (en totalité ou en partie) le jugement partiel a autorité de la chose jugée et les parties sont renvoyées à la mise en état pour la part du litige qui n’a pas été tranchée. En revanche, si le juge rejette la prétention du demandeur, la procédure s’achève, car il n’y a plus rien à juger. Le jugement partiel est susceptible d’un appel immédiat dans le délai de droit commun (CPC, art. 544 N° Lexbase : L3365MIH). Cet appel relève de la procédure à bref délai (CPC, art. 905 al. 7 N° Lexbase : L3386MIA).
Phase 2 : l’évaluation de la dette
La seconde part du litige, qui porte sur l’évaluation du montant de la dette, elle, demeure « en attente » au stade de la mise en état. Le décret précise ainsi que la clôture (totale) de l’instruction ne peut avoir lieu tant que le jugement de première instance n’est pas devenu définitif ou que l’arrêt de la Cour d’appel n’a pas été prononcé (CPC, art. 807-3 N° Lexbase : L3384MI8). En pratique, la mise en état ne peut reprendre son cours et aboutir qu’à partir du moment où le jugement partiel a été rendu et qu’il n’est plus susceptible d’appel [14]. Si les textes n’interdisent pas la poursuite des mesures d’instruction, il est difficile d’imaginer que la mise en état progresse effectivement, tant que le jugement sur le principe de la dette n'a pas été rendu. L’esprit de la césure du procès indique en effet que l’on achève la première partie du procès avant d’entamer la seconde. C’est pour cette raison que nous parlons d’une mise en sommeil, et non d’une suspension de l’instance.
La mise en état en sommeil et la péremption d’instance
Le temps d’attente dans cette mise en état est indéterminé. Il faut que l’affaire partiellement clôturée soit plaidée, puis jugée, puis éventuellement jugée une seconde fois en appel. Durant cette période, le délai de péremption d’instance court puisque le décret ne prévoit ici aucune interruption ou suspension de l’instance. En d’autres termes, si les parties ne réalisent pas de diligences au cours de la mise en état, elles sont menacées par la péremption d’instance. Une telle solution serait toutefois absurde. Durant cette mise en état en sommeil, les parties réalisent des diligences dans l’autre partie du procès (elles plaident, forment des recours, etc.). Mais ces diligences sont réalisées dans une autre instance et la Cour de cassation juge que lorsque deux instances sont distinctes, les diligences faites dans l’une n’interrompent pas la péremption de l’autre [15]. Toutefois, dans un arrêt plus ancien, la haute juridiction semble avoir admis que lorsqu’il existe un lien direct et nécessaire entre deux instances, un acte interruptif peut propager son effet d’une instance à l’autre [16]. La question reste donc entière et on peut conseiller aux plaideurs de solliciter un sursis à statuer en même temps que leur demande de clôture partielle.
Conseil pratique : demander un sursis à statuer En l’absence de texte protecteur qui interrompt ou suspend l’instance, on peut conseiller aux plaideurs de solliciter un sursis à statuer au juge de la mise en état jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue sur l’affaire partiellement clôturée. Une telle décision aura alors pour effet sur suspendre l’instance, et donc le délai de péremption (CPC, art. 377 N° Lexbase : L2241H4R). Sur l’effet suspensif du sursis : Cass. civ. 2, 16 mai 1990, n° 89-11.160 N° Lexbase : A4327AHQ; Cass. civ. 2, 17 juin 1998, n° 96-14.800 N° Lexbase : A5114ACE. |
La mise en état après le jugement partiel
Lorsque le jugement partiel (ou l’arrêt d’appel) a été rendu, l’instruction redémarre devant le juge de la mise en état. Le décret est totalement silencieux sur la suite de la procédure, en particulier sur la question du règlement amiable. Il n’est même pas prévu que le jugement partiel soit transmis au juge de la mise en état. En l’absence de précision, on doit se tourner vers les règles communes applicables à la mise en état. La procédure peut suivre deux voies. Soit les parties demeurent sur une position conflictuelle et la procédure suit son cours normalement. Soit les parties s’accordent sur le principe d’un règlement amiable et les différentes voies s’offrent alors à elles : médiation, conciliation, procédure participative.
On comprend ici que l’objectif de l’amiable est totalement ignoré par le décret qui institue la césure du procès civil. Il s’agit ici d’un objectif implicite, mais concurrencé par un autre : le gain de temps qui est attendu de la césure du procès. Pour les parties, il est toutefois peu probable que ce gain soit réel. En effet, après avoir combattu sur une première question de fond, elles doivent prendre l’initiative de relancer la procédure pour régler ce qui n’a pas encore été jugé. La question se pose dès lors de savoir s’il faut attendre une réelle efficacité de cette césure du procès. Le rêve du garde des Sceaux de voir les délais de jugement réduits par deux est-il vraiment réaliste ?
[1] Ministère de la Justice, Lancement de la politique de l’amiable, 24 avril 2023.
[2] Pour toutes les instances introduites à compte du 1er novembre 2023 – art. 6 du décret.
[3] CPC, art. 776 N° Lexbase : L3370MIN, 785 N° Lexbase : L3371MIP, 803 N° Lexbase : L3377MIW, 836-2 N° Lexbase : L3385MI9.
[4] Il s’agit du président du tribunal judiciaire ou du juge des contentieux de la protection.
[5] Le juge de la mise en état peut convoquer les parties à une ARA à tout moment de la mise en état. Il est même prévu que l’ordonnance de clôture de l’instruction peut être révoquée pour permettre au JME de convoquer les parties à une ARA (CPC, art. 803 in fine).
[6] L’ARA peut être assimilé à une forme particulière de médiation au sens de cette loi, c’est-à-dire un « processus structuré, quelle qu'en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige ».
[7] On lit ainsi dans l’avis rendu par l’Union syndicale des magistrats que « les éléments débattus lors d’une ARA ne peuvent pas être invoqués au fond », ce qui constitue une interprétation erronée du principe de confidentialité.
[8] La formule est ici inspirée de la procédure participative et particulièrement de la « procédure de jugement du différend persistant » (CPC, art. 1558 N° Lexbase : L6779LES à 1564 N° Lexbase : L6108LTE).
[9] Conférence de presse : présentation du plan issu des États généraux de la Justice, 5 janvier 2023.
[10] N. Sabotier, La césure du procès, présentation orale.
[11] En pratique, on peut imaginer que le juge interagisse avec les parties.
[12] Le CNB livre ses conclusions sur le projet d’introduire dans le Code de procédure civile l’audience de règlement amiable et la césure du procès, 10 mars 2023.
[13] Le juge est ici souverain. Il peut faire droit ou non à la demande de clôture partielle.
[14] Si un appel est interjeté, il faudra attendre que la cour d’appel se prononce au fond. En revanche, un pourvoi en cassation ne possède aucun effet sur la clôture de l’instruction.
[15] Cass. civ. 13 janvier 1988, n° 86-15.922 N° Lexbase : A6935AA4.
[16] Cass. civ. 16 novembre 1978, n° 76-14.663 N° Lexbase : A7737CHZ.
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Réf. : Cass. civ. 2, 14 septembre 2023, n° 21-22.783, F-B N° Lexbase : A57281GA
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N6771BZS
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par Alexandra Martinez-Ohayon
Le 18 Janvier 2024
► L’appelant ayant omis de préciser les chefs critiqués dans une première déclaration d’appel, et qui en a adressé une nouvelle au greffe le jour même, dans le délai d’appel, par RPVA, comportant les mentions énumérées à l’article 901 du Code de procédure civile, dont l'indication des chefs de dispositif expressément critiqués, se suffit ainsi à elle-même ;
► Les mentions prévues par l'article 901, 4°, du Code de procédure civile doivent figurer dans la déclaration d'appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul ; dès lors, à la suite d'une première déclaration d'appel ayant omis de mentionner les chefs de dispositif critiqués, la nouvelle déclaration d'appel au greffe le même jour, dans le délai d'appel, par RPVA, comportant les mentions énumérées à l'article 901 du Code de procédure civile, dont l'indication des chefs de dispositif expressément critiqués, se suffit à elle-même.
Faits et procédure. Dans cette affaire, un appel a été interjeté à l’encontre d’un jugement rendu par un conseil des prud’hommes. La demanderesse avait été déboutée de ses demandes dans l’instance l’opposant a un mandataire liquidateur et à l'Unedic délégation AGS CGEA.
Le pourvoi. La demanderesse fait grief à l'arrêt (CA Aix-en-Provence, 11 décembre 2020, n° 20/03913 N° Lexbase : A33714A4, de dire qu’il n'y a pas lieu à statuer en l'absence d'effet dévolutif de l'appel principal et en l'absence d'appel incident. L’intéressé fait valoir la violation par la cour d’appel des articles 901 N° Lexbase : L5914MBN et 562 N° Lexbase : L7233LEM du Code de procédure civile. Elle soutient que la déclaration d'appel, même nulle, erronée ou incomplète, peut être régularisée par une nouvelle déclaration d'appel dans le délai pour conclure. Elle affirme que la cour d'appel était valablement saisie par la première déclaration d'appel, laquelle incluait la critique des chefs du jugement mentionnés dans la seconde déclaration.
En l’espèce, pour constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel principal, l'arrêt relève que la déclaration d'appel ne précise pas les chefs de jugement critiqués mais procède par renvoi implicite à une annexe en indiquant uniquement que « l'appel est limité aux chefs du jugement expressément critiqués » sans plus de développement, ni indication sur ceux-ci ni viser une quelconque annexe et transmettant, par le réseau virtuel privé avocat, le même jour un document intitulé « déclaration d'appel devant la cour d'appel d'Aix en Provence » indiquant que l'objet de l'appel est la réformation de la décision en ce qu'elle a débouté l’appelante de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux entiers dépens.
Par ailleurs, la cour d’appel relève que l'appelante ne démontre pas avoir été dans l'impossibilité de faire figurer ces mentions dans la déclaration elle-même, précisant qu’elle pouvait contenir l'intégralité des chefs de jugement critiqués.
Solution. Énonçant la solution précitée, la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel et casse et annule l’arrêt en toutes ses dispositions.
On relève que dans cette affaire la régularisation est intervenue dans le délai d’appel, l’appelant ayant la possibilité d’effectuer cette diligence dans le délai pour conclure. Nous pouvons nous demander si la Haute juridiction souhaite éventuellement faire passer un message quant à sur une nouvelle exigence ou une éventuelle réforme. |
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Réf. : Cass. civ. 2, 14 septembre 2023, n° 20-18.169, F-B N° Lexbase : A57261G8
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N6785BZC
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par Alexandra Martinez-Ohayon
Le 27 Septembre 2023
► Lorsque la déclaration d'appel vise l'ensemble des chefs de dispositif du jugement, l'appelant a la faculté de solliciter dans ses conclusions, soit la réformation, soit l'annulation de cette décision ; dès lors, la cour d’appel saisie par voie de conclusions d'une demande d'annulation de l'ordonnance d'un juge-commissaire, alors que la déclaration d'appel visait l'ensemble des chefs de dispositif de l'ordonnance critiquée, n’excède pas ses pouvoirs en statuant sur la demande d'annulation de l'ordonnance figurant dans les conclusions de l'appelant.
Faits et procédure. Dans cette affaire, la société Hoche a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 7 juin et 21 décembre 2017, et une société a été nommée en qualité de mandataire, puis de liquidateur judiciaire.
Par lettres des 7 juillet et 22 août 2017, une banque a déclaré des créances au titre d'un solde débiteur de compte courant et d'un prêt. La société Hoche a contesté cette déclaration.
Par ordonnance du 5 décembre 2018, un juge-commissaire a admis la créance de prêt pour un certain montant à titre privilégié. Par une autre ordonnance du même jour, il a admis la créance de solde débiteur du compte courant et de frais accessoires, à un certain montant, à titre chirographaire.
La société Hoche a interjeté appel de la première ordonnance par déclaration du 18 décembre 2018 tendant à sa réformation et visant l'unique chef de dispositif critiqué.
Le pourvoi. La banque fait grief à l'arrêt (CA Paris, 5, 8, 10 mars 2020, n° 18/28341 N° Lexbase : A49673IS) d’avoir annulé l’ordonnance déférée, et d’avoir statué sur le fond par l’effet dévolutif de l’appel, de n’admettre sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société au titre du prêt, qu’à titre chirographaire et de la débouter de sa demande d'admission des intérêts à échoir et de l'indemnité d'exigibilité anticipée. En l’espèce, la cour d’appel a relevé qu'elle était saisie par voie de conclusions d'une demande d'annulation de l'ordonnance d'un juge-commissaire et que la déclaration d'appel visait l'ensemble des chefs de dispositif de l'ordonnance critiquée.
Solution. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel et rejette le pourvoi. Elle estime que la cour d'appel n'a pas excédé ses pouvoirs en statuant sur la demande d'annulation de l'ordonnance figurant dans les conclusions de l'appelant.
La Haute juridiction :
- en premier lieu, rappelle que la déclaration d'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement critiqués expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, conformément des articles 562 N° Lexbase : L7233LEM et 901, 4° N° Lexbase : L5914MBN du Code de procédure civile ;
- en second lieu, relève que l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ou l'annulation, en vertu des articles 542 N° Lexbase : L7230LEI et 954 N° Lexbase : L7253LED du Code de procédure civile.
Dès lors, la Cour conclut que la déclaration d'appel qui mentionne les chefs de dispositif du jugement critiqués délimite l'étendue de l'effet dévolutif de l'appel quand les conclusions, par l'énoncé dans leur dispositif, de la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement déterminent, quant à elles, la finalité de l'appel, qui tend à l'annulation ou à la réformation du jugement, dans les limites de la dévolution opérée par la déclaration d'appel.
Enfin, il en découle que lorsque la déclaration d'appel vise l'ensemble des chefs de dispositif du jugement, l'appelant a la faculté de solliciter dans ses conclusions, soit la réformation, soit l'annulation de cette décision.
Elle déclare non fondé le moyen soulevé par la banque.
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Réf. : Cass. civ. 2, 14 septembre 2023, n° 21-23.793, F-B N° Lexbase : A57351GI
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N6764BZK
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par Alexandra Martinez-Ohayon
Le 27 Septembre 2023
► Le jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel est non avenu s'il n'a pas été notifié dans les six mois de sa date.
Faits et procédure. Dans cette affaire, par jugement rendu le 2 décembre 2016, un tribunal de commerce a prononcé d'office la liquidation judiciaire de M. X et désigné un liquidateur. Par jugement du 18 novembre 2019, un juge de l’exécution a rejeté la demande M. X à fin de voir déclarer cette décision non avenue en application de l'article 478 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6592H7B, faute de lui avoir été signifiée dans les six mois de sa date.
Le pourvoi. Le demandeur fait grief à l'arrêt (CA Montpellier, 3 juin 2021, n° 19/07725 N° Lexbase : A94194TZ), de dire qu'il n'y avait pas lieu de constater le caractère non avenu du jugement du tribunal de grande instance et d’avoir rejeté l'ensemble de ses demandes. L’intéressé fait valoir la violation de l’article 478 du Code de procédure civile. En l’espèce, l’arrêt a confirmé le jugement en retenant que le jugement contesté est dit contradictoire, dès lors, la sanction prévue à l’article précité n’a pas vocation à s’appliquer.
Solution. Énonçant la solution précitée au visa des articles 473 N° Lexbase : L6585H7Z et 478, alinéa 1er, du Code de procédure civile, la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel et casse et annule l’arrêt en toutes ses dispositions. Les Hauts magistrats énoncent que le jugement attaqué, qui était susceptible d'appel était réputé contradictoire, dès lors, il devait être notifié dans les six mois de sa date.
Pour aller plus loin :
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newsid:486764
Réf. : Décret n° 2023-686, du 29 juillet 2023 portant mesures favorisant le règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire N° Lexbase : L3217MIY
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N6542BZC
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par Alexandra Martinez-Ohayon
Le 27 Septembre 2023
► Un décret du 29 juillet 2023 portant mesures favorisant le règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire, a été publié au Journal officiel du 30 juillet 2023.
Le décret vient introduire au sein du Code de procédure civile deux mécanismes facultatifs de nature à favoriser le règlement amiable des litiges après la saisine du tribunal judiciaire :
Ces nouveaux outils ont comme but de favoriser le développement de la « culture de l’amiable ».
Sur audience de règlement amiable (ARA). Le chapitre 1er introduit l’audience de règlement amiable dans le cadre de la procédure écrite ordinaire et de la procédure de référé devant le tribunal judiciaire.
Le texte énonce que le président de l’audience d’orientation, le juge de la mise en état, le juge du fond et le juge des référés peuvent décider, à la demande de l’une des parties ou d’office après avoir recueilli leur avis, par une mesure d’administration judiciaire, qu’elles seront convoquées à une audience de règlement amiable tenue par un juge qui ne siège pas dans la formation de jugement.
Par ailleurs, que la décision de convocation des parties à une ARA constitue une nouvelle cause d’interruption de l’instance et d’interruption du délai de péremption de l’instance.
Enfin, le texte précise les conditions dans lesquelles cette audience se déroule, ainsi que le rôle du juge et des parties et l’issue de cette audience.
Sur la césure du procès civil. Le chapitre II introduit quant à lui dans le cadre de la procédure écrite ordinaire devant le tribunal judiciaire, la possibilité pour la juridiction de ne trancher, dans un premier temps, que certaines des prétentions dont elle est saisie.
Le décret précise les conditions dans lesquelles les parties peuvent demander au juge de la mise en état une clôture partielle aux fins de jugement partiel.
Lorsque le juge de la mise en état ordonne la clôture partielle, la formation de jugement est saisie des seules prétentions qui font l’objet de la césure et statue par un jugement partiel. Le texte prévoit que ce jugement est susceptible d’appel immédiat.
Le décret énonce également que la mise en état se poursuit à l’égard des prétentions qui n’ont pas fait l’objet de la clôture partielle.
Enfin, il est indiqué que les parties peuvent tirer les conséquences du jugement partiel sur leurs autres prétentions, notamment en recourant à une médiation ou une conciliation de justice.
Entrée en vigueur : les dispositions du décret seront applicables aux instances introduites à compter du 1er novembre 2023.
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N6834BZ7
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par Guillaume Payan, Professeur à l’Université de Toulon, Membre du CDPC Jean-Claude Escarras (CNRS UMR 7318)
Le 11 Octobre 2023
Mots-clés : saisie des rémunérations • commissaires de justice • juge de l’exécution
À l’occasion de son examen en première lecture du projet de loi d’orientation et de programmation 2023-2027 du ministère de la Justice, le 18 juillet 2023, l’Assemblée nationale a supprimé l’article 17 organisant une déjudiciarisation partielle de la procédure de saisie des rémunérations. En ce qu’elle permettait d’accroître l’efficacité de la procédure, tout en garantissant le respect des droits des débiteurs, cette réforme était pourtant opportune.
Sommaire
I. L'efficacité accrue de la procédure « rénovée » de saisies des rémunérations
A. De nouvelles prérogatives pour les commissaires de justice
1) Au stade du déclenchement de la procédure : des emprunts aux autres saisies mobilières
a. Les actes de commissaire de justice
b. La collaboration du tiers saisi
2) Au stade du déroulement de la procédure : l’avènement du « Commissaire de justice répartiteur »
B. Un nouvel outil : le registre numérique des saisies des rémunérations
1) Une nouvelle plateforme informatique
2) Des expériences étrangères visiblement inexploitées
II. Le caractère équitable de la procédure « rénovée » de saisies des rémunérations
A. La préservation des voies de résolution des différends
1) La promotion de la voie amiable
2) Le maintien de la voie judiciaire
B. Le maintien d’une saisissabilité partielle et progressive
1. Procédure civile d’exécution peu attractive. La saisie des rémunérations, créée par l’importante loi n° 91-650, du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L9124AGZ, et son décret d’application n° 92-755, du 31 juillet 1992, instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution N° Lexbase : L9125AG3, est actuellement régie par les articles L./R. 3252-1 et suivants du Code du travail N° Lexbase : L0916H9S,
La règlementation de cette mesure d’exécution forcée est dérogatoire par rapport à celles applicables aux autres saisies mobilières, principalement [7] en raison de son caractère judiciaire. Devant être préalablement autorisée par le juge de l’exécution [8], elle est mise en œuvre par les services de greffes du tribunal judiciaire.
2. Perspective d’une procédure « rénovée ». Dans l’objectif d’en renforcer l’efficacité, la perspective d’une déjudiciarisation partielle de cette procédure est périodiquement évoquée. Autrement dit, dans l’objectif – de valeur constitutionnelle [9] – de bonne administration de la justice, il est question de réaménager le rôle du juge en le cantonnant à un contrôle a posteriori de la régularité de la procédure, mais non de supprimer totalement sa présence. Une telle évolution avait notamment été suggérée dans le rapport de janvier 2018, intitulé Amélioration et simplification de la procédure civile, rédigé sous l’égide de madame le Président Frédérique Agostini et de monsieur le Professeur Nicolas Molfessis [10], dans le contexte des « Chantiers de la justice » lancés par madame Nicole Belloubet, alors garde des Sceaux – ministre de la Justice. Cependant, l’idée n’a pas été reprise dans la loi n° 2019-222, du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : L6740LPC. Elle est réapparue dans le prolongement des « États généraux de la justice [11] » et fait partie des propositions qui ont été formulées, en juillet 2022, par le bureau de la Chambre nationale des commissaires de justice, à l’actuel garde des Sceaux – ministre de la Justice, monsieur Éric Dupond-Moretti [12].
3. Réforme amendée par le Sénat et rejetée par l’Assemblée nationale. Cette réforme a opportunément été détaillée dans le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 – tel que présenté en Conseil des ministres le 3 mai 2023 et enregistré le jour même à la présidence du Sénat [13] – dont l’objectif général est de parvenir à « une justice plus rapide, une justice plus claire, une justice plus moderne [14] ». L’article 17 du projet organise le transfert de la gestion administrative du greffe du juge de l’exécution à un commissaire de justice [15]. Il est prévu que les nouvelles dispositions entrent en vigueur à une date fixée par décret et, au plus tard, le 1er juillet 2025 et qu’elles soient en principe [16] applicables aux cessions des rémunérations ainsi qu’aux procédures de saisie des rémunérations en cours à cette date [17].
À l’occasion de sa première lecture du projet de loi, le Sénat a accueilli favorablement cette déjudiciarisation partielle, tout en apportant certaines modifications – d’inégale importance – à la version initiale de l’article 17 [18]. En juillet, les députés ont quant à eux décidé – d’une courte majorité (cinquante-six voix contre cinquante-quatre [19]) – de rejeter cette réforme. Ainsi, cet article 17 est purement et simplement supprimé du projet de loi modifié par l’Assemblée nationale en première lecture et adopté le 18 juillet 2023 [20], alors même qu’il figurait encore – moyennant quelques évolutions [21] – dans le texte adopté par sa commission des lois le 23 juin [22].
4. Opportunité d’un réexamen parlementaire. À ce stade du débat parlementaire, la perspective d’une déjudiciarisation partielle de la procédure de saisie des rémunérations est donc écartée. Ne pouvant être intégralement mise en place par décret [23], une telle réforme ne pourra voir le jour qu’en étant de nouveau soumise à l’examen du Parlement. Au regard des avantages escomptés d’une telle évolution de notre droit des procédures civiles d’exécution, on peut souhaiter que ce nouvel examen s’opère sans tarder. En effet, s’il était sans doute perfectible [24] et si le principe sur lequel il repose ne fait pas l’unanimité – ainsi qu’en témoigne notamment [25] la résolution adoptée par le Conseil national des barreaux le 12 mai 2023 [26] –, l’article 17 du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice du 3 mai 2023 – dont les modalités d’application auraient été ultérieurement définies par décret en Conseil d’État [27] – emportait pourtant l’approbation. Plusieurs raisons peuvent être avancées en ce sens.
5. Réforme simplificatrice. La simplification attendue de la réforme est consécutive à l’alignement [28] qui s’opère sur le régime des autres saisies mobilières [29].
Sur le plan formel [30], tout d’abord, on peut mentionner un transfert des dispositions procédurales depuis le Code du travail vers le Code des procédures civiles d’exécution [31], mettant fin en cela à une situation qui ne favorisait pas la « cohérence et la lisibilité du droit [32] ». À vrai dire, le Code du travail conserverait notamment les articles L. 3252-1 à L. 3252-5 N° Lexbase : L0916H9S – présentés comme des « dispositions relatives à la protection du salaire [33] » – ayant trait au caractère saisissable des sommes dues à titre de rémunération [34].
Sur le plan substantiel, ensuite, cette déjudiciarisation partielle est conçue sur le modèle des autres procédures de saisies mobilières. En réalité, le processus d’alignement a déjà commencé, sous l’effet de la loi n° 2019-222, du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : L6740LPC par l’incorporation de cette procédure dans les compétences du juge de l’exécution. Il s’agirait de le poursuivre et de l’intensifier.
6. Réforme permettant à l’État de faire des économies. Les enjeux budgétaires de la réforme sont clairement mis en avant dans l’étude d’impact du 2 mai 2023 [35] annexée au projet de loi. Il y est indiqué que la réforme projetée permettrait à l’État de faire de substantielles économies tant en ce qui concerne les frais de notification des actes [36] (4,2 millions d’euros), qu’en termes de masse salariale (4,9 millions d’euros) [37]. À ce sujet, la baisse de l’activité des services du juge de l’exécution consécutive à cette modernisation procédurale pourrait permettre une « diminution du nombre de magistrats exerçant les fonctions de juge de l’exécution et de greffiers affectés à ce contentieux » et une « diminution de l’activité des régisseurs d’avances et de recettes des tribunaux judiciaires [38] ».
Assurément, on ne saurait privilégier la solution d’une régulation des flux juridictionnels qui serait animée seulement par une logique d’organisation managériale de la justice. Néanmoins, lorsque des économies peuvent être faites sans que cela s’opère au détriment de la qualité du service public de la justice, l’argument retrouve toute sa pertinence.
7. Réforme conforme aux standards européens de l’exécution. Avec raison, dans l’étude d’impact du 2 mai 2023, les promoteurs de la réforme relative à la saisie des rémunérations se recommandent du respect des exigences consacrées par le Conseil de l’Europe [39]. On le sait, depuis près d’une trentaine d’années, le Conseil de l’Europe œuvre dans le sens d’une amélioration de l’exécution des décisions de justice au regard des droits fondamentaux garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre 1950 N° Lexbase : L6799BHB. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme constitue l’aspect le plus connu de cette action. La concernant, il est permis de rappeler l’existence de l’arrêt de principe « Hornsby contre Grèce » du 19 mars 1997 [40] dans lequel la Cour affirme, de façon implicite, l’existence d’un droit européen à l’exécution des décisions de justice dans un délai raisonnable, en rattachant ce droit aux exigences du droit à un procès équitable [41]. Depuis, de très nombreuses affaires, soumises à l’examen de cette Cour, lui ont permis de confirmer cette solution et d’affiner la portée de ce droit à l’exécution [42]. Ainsi en est-il notamment de l’arrêt « Lunari contre Italie » du 11 janvier 2001 [43], dans lequel l’existence de ce droit est expressément consacrée [44].
Cependant, aussi importante soit-elle, cette jurisprudence ne résume pas, à elle seule, l’action du Conseil de l’Europe en ce domaine. À ce propos, il convient de rappeler l’élaboration de l’importante Recommandation Rec(2003)17 du Comité des Ministres aux États membres en matière d’exécution des décisions de justice du 9 septembre 2003 [45], dans le prolongement de laquelle la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) a successivement adopté les Lignes directrices pour une meilleure mise en œuvre de la recommandation existante du Conseil de l’Europe sur l’exécution, du 17 décembre 2009 [46], et le Guide des bonnes pratiques en matière d’exécution des décisions de justice, du 11 décembre 2015 [47]. Ces différents textes ont en commun d’affirmer non seulement que les « agents d’exécution » – parmi lesquels figurent les commissaires de justice français – devraient avoir la maîtrise de la conduite des opérations d’exécution [48] (au moyen d’une « déjudiciarisation partielle du processus d’exécution [49] » et d’une « centralisation de la fonction de mise à exécution entre les mains d’un seul professionnel [50] »), mais également que les États membres du Conseil de l’Europe devraient veiller à accroitre la « qualité » des procédures civiles d’exécution. Dans le Guide des bonnes pratiques [51], sont regroupées sous cette qualification générale de « qualité », différentes préconisations tenant aussi bien à l’efficacité des procédures, qu’au nécessaire respect des droits de l’homme – des créanciers, comme des débiteurs – au cours de leur mise en œuvre. Autrement dit, cette qualification générale de la « qualité des procédures d’exécution » renvoie à l’affirmation suivant laquelle ces procédures doivent être efficaces et équitables.
Ainsi, la consécration européenne [52] du droit à l’exécution dont peuvent se prévaloir les créanciers, ne signifie pas la négation des droits des débiteurs. Cet impératif semblait pleinement respecté dans l’article 17 du projet de loi du 3 mai 2023. Il apparaît en effet que cette déjudiciarisation partielle, qui prend les traits d’une nouvelle répartition des fonctions entre les juridictions [53] et les commissaires de justice (I.), y soit conçue de façon à maintenir l’équilibre devant être respecté entre les droits et intérêts légitimes des créanciers et des débiteurs (II.).
I. L’efficacité accrue de la procédure « rénovée » de saisies des rémunérations
8. Proposition d’une nouvelle répartition des fonctions. La version initiale du projet de loi prévoit d’abandonner la solution imposant une autorisation préalable du juge de l’exécution aujourd’hui prévue au cinquième alinéa de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire N° Lexbase : L7740LPD [54]. Conformément au droit commun, il est envisagé que le juge de l’exécution puisse seulement être sollicité pour opérer un contrôle a posteriori [55]. Par un effet de balancier, il s’ensuit la prévision de nouvelles prérogatives pour les commissaires de justice (A.) ainsi que la création d’un nouvel outil mis à leur disposition : le registre numérique des saisies des rémunérations (B.).
A. De nouvelles prérogatives pour les commissaires de justice
9. Recentrer l’office du juge de l’exécution. Dans le dispositif projeté, l’office du juge de l’exécution est réduit et « recentr[é] sur son acception première [56] », ce dernier devenant pour l’essentiel un organe de recours. D’une certaine façon, le contrôle a priori exercé en droit positif par le juge de l’exécution est conféré au commissaire de justice.
Le désengorgement des juridictions et l’allégement du travail des greffes sont attendus tant au stade du déclenchement de la procédure (1.), qu’à celui de son déroulement (2.).
1) Au stade du déclenchement de la procédure : des emprunts aux autres saisies mobilières
10. Des solutions éprouvées dans d’autres procédures civiles d’exécution. La saisie [57] des rémunérations étant une mesure d’exécution forcée, elle suppose que le créancier soit muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible. De même, dans le dispositif imaginé, on retrouve certains actes qui s’apparentent à ceux qui jalonnent d’autres procédures civiles d’exécution mobilière (a.) ainsi que des règles – de facture assez classique – régissant les obligations et les modalités d’engagement de la responsabilité des tiers saisis (b.).
a. Les actes de commissaire de justice
11. Deux actes. Le déclenchement de la procédure projetée est rythmé par la rédaction successive de deux actes : un commandement et un procès-verbal de saisie. Ces types d’actes sont bien connus dans le droit des saisies mobilières.
12. Commandement. Telle que présentée en Conseil des ministres, la procédure « rénovée » de saisie des rémunérations débute par la signification d’un commandement au débiteur. On note que la version initiale du projet de loi du 3 mai 2023 s’en tient à viser un « commandement » sans le qualifier de « commandement de payer [58] ». Si l’on ne peut totalement écarter l’éventualité d’un oubli, il semble que l’on puisse y voir la prise en compte du double objet que l’on entend conférer à cet acte. S’il s’agit incontestablement d’un commandement de payer les sommes dues, il peut également s’agir d’un commandement de tenter de trouver un accord avec le créancier ou, du moins, un commandement au débiteur d’avoir à se présenter à l’office du commissaire de justice afin d’y entamer un dialogue avec le créancier. Sous réserve des précisions qui seront apportées par la suite sur ce point [59], on peut ici souligner l’importance accordée à la voie amiable dans le cadre de cette procédure.
Dans la même veine, ce n’est qu’un mois après la signification de ce commandement que le créancier peut faire procéder à la saisie entre les mains de l’employeur de son débiteur [60]. Il y a donc une période pouvant idéalement être mise à profit pour permettre un dialogue entre les différents protagonistes.
13. Procès-verbal de saisie. En l’absence de procès-verbal d’accord conclu entre le débiteur et le créancier sur les modalités de paiement de la dette, la procédure se poursuit avec la signification d’un procès-verbal de saisie au tiers saisi. À peine de caducité du commandement, cette signification doit être réalisée dans un délai de trois mois à compter de la délivrance dudit commandement [61].
b. La collaboration du tiers saisi
14. Comme dans toutes les procédures impliquant un tiers saisi, des obligations sont mises à sa charge et des sanctions sont encourues en cas de manquement.
15. Obligations du tiers saisi. Une obligation déclarative incombe au tiers saisi. Tout comme cela est aujourd’hui exigé par l’article L. 3252-9 du Code du travail N° Lexbase : L8578LH8, ce tiers est tenu de déclarer au créancier [62], d’une part, la « situation de droit » qui le lie au débiteur saisi ainsi que le « montant de la rémunération versée [63] » à ce dernier [64] et, d’autre part, les cessions, saisies, saisies administratives à tiers détenteur ou paiements directs des pensions alimentaires qui sont en cours d’exécution [65]. Il n’est point besoin d’insister ici sur l’importance de savoir si d’autres procédures d’exécution sont en cours et, singulièrement, celles qui – en matière alimentaire ou fiscale – permettent un recouvrement prioritaire des sommes dues ; la pluralité de procédures éloignant la perspective pour le créancier d’obtenir son dû.
Cette obligation déclarative se double d’une obligation de paiement. À ce titre, il lui incombe de verser mensuellement – entre les mains du commissaire de justice répartiteur [66] – les retenues pour lesquelles la saisie des rémunérations est opérée « dans les limites des sommes disponibles [67] ».
16. Responsabilité du tiers saisi. Afin de renforcer l’efficacité de la procédure, de façon classique [68], il est prévu que la responsabilité du tiers saisi – à qui le procès-verbal a été signifié – puisse être engagée lorsqu’il ne remplit pas correctement son office. Tout d’abord, s’agissant de son obligation d’information, conformément au premier alinéa du projet d’article L. 212-14 du Code des procédures civiles d’exécution, le « tiers saisi qui s’abstient sans motif légitime de procéder à la déclaration prévue à l’article L. 212-8 ou fait une déclaration inexacte ou mensongère peut être condamné par le juge, à la demande du créancier saisissant ou intervenant, au paiement d’une amende civile sans préjudice d’une condamnation à des dommages et intérêts ». Pour mémoire, le montant de l’amende civile est inférieur ou égal à dix mille euros. À la faveur d’un amendement, le Sénat est partiellement revenu sur ce point en retirant l’adjectif « inexacte [69] » ; adjectif qui réapparaît dans le texte adopté par la commission des lois de l’Assemblée nationale le 23 juin [70]. Rappelons à ce propos que l’actuel article L. 3252-9 du Code du travail N° Lexbase : L8578LH8 ne vise pas non plus les « déclarations inexactes » dans le domaine couvert par les amendes civiles encourues par les employeurs tiers saisis.
Ensuite, s’agissant de l’obligation de paiement, il est précisé que « s’il ne procède pas aux versements imposés par l’article L. 212-12 », ce tiers s’expose à une condamnation « au paiement des retenues qui auraient dû être opérées [71] ». À ce sujet, le projet de loi est moins détaillé que ne le sont les dispositions du deuxième alinéa de l’actuel article L. 3252-10 du Code du travail N° Lexbase : L3926IRT, notamment en ne précisant pas si le juge de l’exécution peut prononcer cette sanction d’office. Par ailleurs, comme c’est le cas en droit positif [72], il est proposé que ledit tiers puisse former un recours contre le débiteur, mais seulement après mainlevée de la saisie [73].
2) Au stade du déroulement de la procédure : l’avènement du « commissaire de justice répartiteur »
17. Nouvel acteur. L’instauration du « commissaire de justice répartiteur en procédure de saisie des rémunérations » est un apport important de la réforme projetée. Tout en laissant quelques questions en suspens, le projet de loi apporte des précisions sur cette institution et sur les modalités de sa désignation.
18. Institution du commissaire de justice répartiteur. Conformément au projet de réforme, les opérations de saisie sont placées sous la direction du « commissaire de justice répartiteur ». Logiquement, toute nouvelle activité suppose une formation professionnelle adaptée. À cet égard, il est prévu de modifier l’article 16 de l’ordonnance n° 2016-728, du 2 juin 2016, relative au statut de commissaire de justice N° Lexbase : L4070K8A afin de compléter les attributions de la Chambre nationale des commissaires de justice, en lui conférant celle « d’assurer l’organisation de la formation nécessaire à [cette] activité [74] ».
Si tous les commissaires de justice en activité sont éligibles à une telle formation, en pratique tous ne la suivront pas. Il faut dès lors que les justiciables et les professionnels du droit soient à même de les identifier facilement. Sur ce point, il était là encore imaginé de solliciter la Chambre nationale des commissaires de justice en lui demandant « de diffuser annuellement la liste des commissaires de justice ayant accompli cette formation [75] ». L’opportunité d’une diffusion annuelle de cette liste semble fonction de la durée de la formation spécifique. Si la durée de cette formation est inférieure à un an et si plusieurs sessions de formation sont prévues dans une même année, une actualisation de cette liste à l’issue de chaque session de formation serait probablement plus pertinente.
En l’absence de précisions complémentaires, on déduit que ceux qui ne suivent pas cette formation spécifique ne pourront pas assurer les fonctions de « répartiteur ». On perçoit donc une différence avec le dispositif de « spécialisations » décrit aux articles 30 et suivants du décret n° 2019-1185, du 15 novembre 2019, relatif à la formation professionnelle des commissaires de justice et aux conditions d’accès à cette profession N° Lexbase : L5958LTT. Afin de déployer cette activité sur le territoire national et accroître les possibilités de choix des créanciers, il faudrait peut-être parallèlement intégrer cette formation spécifique dans la formation professionnelle initiale de tous les futurs commissaires de justice. Quoi qu’il en soit, a minima, il importe que cette formation spécifique – à l’attention des commissaires de justice déjà en activité ou, le cas échéant, des futurs commissaires – débute suffisamment en amont pour que les professionnels formés soient déjà nombreux au moment de l’entrée en application de la réforme.
19. Désignation du commissaire de justice répartiteur. Il est proposé que, dans le contexte d’une procédure de saisie des rémunérations, le commissaire répartiteur soit désigné – dans les conditions définies par décret en Conseil d’État – à la demande du créancier, parmi ceux qui figurent sur la liste diffusée à cette fin et actualisée par la Chambre nationale des commissaires de justice [76]. Dans la version adoptée par le Sénat le 13 juin 2023, le projet de loi comporte une précision importante, dès lors qu’il est indiqué que le commissaire de justice répartiteur « est désigné par la Chambre nationale des commissaires de justice ». Cette donnée confirme l’originalité de cette mission. Si dans sa mission traditionnelle de mise à exécution des titres exécutoires, le commissaire de justice agit en sa double qualité de mandataire du créancier et d’officier public et ministériel, lorsqu’il endosse(rait) le rôle de répartiteur la première s’efface(rait) au profit de la seconde.
Par ailleurs, à supposer que l’on retienne le principe d’une désignation par la Chambre nationale des commissaires de justice, plusieurs précisions complémentaires devraient figurer dans le décret d’application et, cela, notamment en ce qui concerne l’étendue de la compétence territoriale de ce nouvel acteur. Soit – ce qui est fort vraisemblable – on considère que cette activité fait partie intégrante de la mise à exécution d’un titre et la solution de la compétence à l’échelle du ressort de la cour d’appel de leur résidence paraît s’imposer ; soit on considère qu’il s’agit d’une activité « autonome » et, là, le choix d’une compétence nationale est envisageable.
Très logiquement, une fois que le commissaire répartiteur a été désigné, son identité et ses coordonnées sont communiquées au tiers saisi et au débiteur [77].
Il a alors pour mission de recevoir les paiements en provenance du tiers saisi et de les reverser au créancier saisissant. En cas d’une pluralité de créanciers, il est chargé de répartir les fonds [78]. L’exposé de ses fonctions appelle deux brèves remarques. D’une part, il en ressort que ce professionnel assurerait les fonctions dévolues aujourd’hui au greffier (pour la gestion administrative du dossier) et au régisseur [79] (pour le maniement des fonds) du tribunal judiciaire. Cette concentration est en soi une source de simplification. D’autre part, on observe que le système de concours entre les créanciers demeurerait inchangé au regard du droit positif. Le projet de loi prévoit à cet égard que tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible « peut se joindre aux opérations de saisie déjà existantes par voie d’intervention [80] ». Il n’est donc point question de doter la procédure de saisie des rémunérations d’un effet attributif immédiat semblable à celui de la saisie-attribution. L’éventualité de l’intervention d’autres créanciers fait d’ailleurs l’objet de précisions complémentaires. La concernant, on se bornera à indiquer que les projets d’articles L. 212-10 [81] et L. 212-11 [82] du Code des procédures civiles d’exécution reprennent en substance les dispositions aujourd’hui insérées respectivement aux articles L. 3252-8 N° Lexbase : L3927IRU et L. 3252-12 du Code du travail N° Lexbase : L0948H9Y.
20. Questions en suspens. Tel que visée dans le projet de loi du 3 mai 2023, cette institution du « commissaire de justice répartiteur » laisse plusieurs interrogations en suspens. On l’a indiqué, ce dernier doit être considéré comme un « tiers (de confiance) » et non comme le mandataire du créancier. En prévention d’éventuels conflits d’intérêts, cela permet d’exclure la possibilité qu’il représente le créancier devant le juge de l’exécution à l’occasion d’une contestation de la mesure. Toutefois, la question se pose de savoir s’il peut s’agir du commissaire de justice qui, à l’entame de la procédure, a été sollicité pour signifier le commandement au débiteur et/ou le procès-verbal de saisie au tiers saisi. Si ce cumul est interdit, peut-il s’agir d’un commissaire de justice travaillant dans le même office ?
Plus généralement, il résulte de l’étude d’impact que les rédacteurs du projet de loi n’ont pas tiré profit des expériences étrangères [83]. On peut le regretter. Celle des huissiers de justice belges – dont le statut est très proche de celui des commissaires de justice français – aurait sans doute été des plus intéressantes. En effet, les huissiers de justice belges [84] assument cette mission d’agent répartiteur de longue date dans le cadre de la procédure de distribution du produit de la saisie de biens mobiliers, appelée la procédure de distribution par contribution [85].
B. Un nouvel outil : le registre numérique des saisies des rémunérations
21. Transparence patrimoniale. Le projet de loi du 3 mai 2023 fait œuvre novatrice sur le terrain de la transparence patrimoniale, avec la création d’une nouvelle plateforme informatique : le registre numérique des saisies des rémunérations (1.). En la matière, l’analyse des expériences étrangères – visiblement inexploitées – aurait sans doute été bénéfique pour parfaire le projet de réforme (2.).
1) Une nouvelle plateforme informatique
22. À l’égard d’une procédure de saisie des rémunérations. Aux termes de l’article 17, I, 2°, du projet de loi du 3 mai 2023, il était prévu que la Chambre nationale des commissaires de justice mette en place, « sous sa responsabilité [86] », un registre numérique des saisies des rémunérations [87]. Dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), ce registre a tout d’abord vocation à faciliter le déclenchement d’une procédure donnée ou une intervention dans cette procédure, en permettant « le traitement des informations nécessaires à l’identification des commissaires de justice répartiteurs, des débiteurs saisis, des créanciers saisissants, des employeurs tiers saisis » ainsi que « la conservation et la mise à disposition des informations nécessaires à l’identification du premier créancier saisissant, du débiteur saisi et du commissaire de justice répartiteur ».
En pratique, le commandement – dont la signification au débiteur marque le début de la procédure – devrait être inscrit, par le commissaire de justice [88], sur ce registre [89]. Il en va de même pour le procès-verbal de saisie signifié au tiers saisi [90]. Par ailleurs, devraient y être mentionnées l’identité et les coordonnées du commissaire de justice répartiteur qui a été désigné pour mener à bien une procédure de saisie [91]. Si le projet de loi vise ainsi les informations pouvant figurer dans ce registre, il demeure en revanche muet sur les modalités d’accès à ces informations. S’il ne fait guère de doute que cet accès devrait être limité aux commissaires de justice porteurs d’un titre exécutoire et que l’information recueillie ne devrait en aucun cas être indument communiquée à des tiers, des telles précisions auraient pu avantageusement être apportées. Eu égard à leur importance, de telles garanties paraissent devoir bénéficier d’une protection législative et non, seulement, règlementaire.
De façon très pertinente, aux côtés des saisies des rémunérations, auraient été inscrites dans ce registre les demandes de paiement direct des pensions alimentaires s’exerçant sur des sommes dues à titre de rémunération [92]. On pourrait objecter que cette information n’est pas utile dans la mesure où le tiers saisi est tenu de déclarer l’existence des procédures de paiement direct des pensions alimentaires qui seraient en cours [93]. Il y a lieu de rappeler cependant que cette obligation déclarative du tiers saisi s’accomplit en réponse à la signification du procès-verbal de saisie des rémunérations. Or, il peut être intéressant d’avoir cette information plus tôt, c’est-à-dire au moment de décider si la signification d’un commandement est pertinente.
23. À des fins statistiques. De même, afin de pouvoir tirer des enseignements plus généraux sur l’application du dispositif sur le territoire national, il était demandé à la Chambre nationale des commissaires de justice de transmettre – gratuitement – au ministre de la Justice, non seulement les « données statistiques, dans les conditions fixées par arrêté du ministre [de la justice [94]] », mais également « un rapport annuel relatif à la mise en œuvre de la procédure de saisie des rémunérations ».
2) Des expériences étrangères visiblement inexploitées
24. Exemple belge du fichier central des avis de saisies. Là encore, il serait sans doute opportun de tirer les enseignements des expériences étrangères en matière de recherche des éléments passifs du patrimoine du débiteur, c’est-à-dire d’identification des éventuelles procédures d’exécution en cours à l’encontre d’un débiteur [95]. Avec le fichier central des avis de saisie, de délégation, de cession, de règlement collectif de dettes et de protêt, créé par la loi du 29 mai 2000, la Belgique dispose sans doute de l’un des dispositifs nationaux de publicité des procédures d’exécution les plus aboutis [96]. On rappellera d’ailleurs que ce dispositif est présenté, par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, comme un exemple de « bonnes pratiques » en matière d’exécution [97].
Plus généralement, cette occasion – à ce jour, manquée – de réformer la procédure de saisie des rémunérations pourrait constituer le point de départ d’une réflexion plus ambitieuse sur la réforme du droit français de l’exécution consistant notamment dans l’introduction d’un fichier central des saisies, à l’image de celui précité qui existe en Belgique. Bien entendu, il conviendrait de tenir compte de l’expérience acquise par les praticiens belges lors de la mise en œuvre concrète de leur législation nationale.
II. Le caractère équitable de la procédure « rénovée » de saisies des rémunérations
25. Coût de la procédure : une question épineuse. Ainsi que cela a été indiqué, la réforme proposée est de nature à réduire les dépenses de l’État [98]. Or, mécaniquement, un tel transfert de compétence au profit des commissaires de justice n’est pas neutre pour les parties. En pratique, les coûts de la procédure, aujourd’hui intégralement mis à la charge des contribuables [99], seront supportés par les personnes impliquées et, en dernier lieu, par les débiteurs ; comme c’est en principe le cas pour le recouvrement des créances privées. En effet, conformément au droit commun des procédures civiles d’exécution [100], alors qu’une avance peut être exigée du créancier, le coût final de la procédure est supporté par le débiteur. La question de l’évaluation de ce coût dans la procédure de saisie « rénovée » est épineuse. Un juste équilibre doit être trouvé entre un montant qui serait exorbitant pour le débiteur et un autre qui ne permettrait pas une juste rémunération pour les commissaires de justice sollicités. À ce sujet, si le projet de loi opère un renvoi au décret d’application [101] et s’en remet donc au pouvoir règlementaire, il est cependant remarquable que les rédacteurs de sa version initiale du 3 mai 2023 aient pris le soin de préciser que ce « décret peut comprendre, le cas échéant, des mesures visant à préserver et concilier les intérêts des débiteurs, des créanciers et des commissaires de justice, telles qu’un plafonnement du nombre d’actes d’exécution ou du montant des frais des commissaires de justice mis à la charge des débiteurs, ou un étalement de ces frais [102] ». On peut voir dans cette prévision la retranscription littérale de l’avis formulé par le Conseil d’État en date du 2 mai 2023 [103]. Il s’agit là, sans doute, d’une « garantie [104] » que les promoteurs de la déjudiciarisation partielle de la procédure de saisie des rémunérations souhaitaient apporter sur un des points d’achoppement de la réforme afin d’atténuer la critique – facile et attendue – portant sur le coût de l’intervention du commissaire de justice. Cette critique était d’autant plus prévisible qu’elle est formulée à chaque fois qu’il est question d’étendre les prérogatives de ce professionnel [105]. On ne sera donc pas surpris que cette question ait retenu l’attention des sénateurs. Tel qu’il a été amendé par le Sénat le 13 juin 2023, le projet de loi énonce – dans une formule qui réduit la latitude reconnue au pouvoir règlementaire – que le « décret définit le nombre maximum d’actes autorisés dans le cadre d’une procédure de saisie des rémunérations ». La question proprement dite des frais d’exécution apparaît, quant à elle, dans le projet d’article L. 212-4 du Code des procédures civiles d’exécution, au moyen d’un nouvel alinéa 2 – qui ne figurait pas dans la version initiale du projet de loi présenté en Conseil des ministres le 3 mai 2023 – selon lequel « le juge [de l’exécution] peut d’office contrôler le montant des frais d’exécution dont le recouvrement est poursuivi ».
Ces différentes « précautions » n’ont sans doute pas été suffisantes pour les députés, lors de l’examen en première lecture du projet de loi…
26. Question d’équilibre. La nécessité de préserver l’équilibre des droits et intérêts en présence dépasse la seule problématique du coût de l’intervention du commissaire de justice, afin de s’étendre à l’architecture générale de la procédure de saisie des rémunérations. À cette fin, les rédacteurs du projet de loi ont prévu des voies de résolution des différends opposant les protagonistes de la procédure (A.) et ont maintenu ce qui fait l’une des originalités du droit positif, à savoir la solution d’une saisissabilité partielle et progressive des sommes dues au titre de rémunération (B.).
A. La préservation des voies de résolution des différends
27. Coexistence des voies amiables et judiciaires. En leur qualité d’officiers publics et ministériels et dans le respect des règles régissant leur statut, les commissaires de justice sont les premiers garants de l’équilibre entre les droits et intérêts en présence. Néanmoins, tout au long de la procédure, le débiteur doit pouvoir avoir la possibilité de saisir le juge de l’exécution d’une contestation. Dans le dispositif imaginé, ce maintien de la voie judiciaire (2.) est alors conçu dans un contexte marqué par l’importance accordée à la voie amiable de résolution des différends (1.).
1) La promotion de la voie amiable
28. Procès-verbal d’accord. Les législateurs nationaux sont encouragés à promouvoir ce qu’il est convenu d’appeler « l’exécution participative [106] ». Cela revient à associer – autant que faire se peut – le débiteur à l’exécution poursuivie contre lui. À vrai dire, la possibilité de s’engager dans une voie amiable est déjà prévue dans le droit positif de la saisie des rémunérations [107] avec l’organisation de l’audience de conciliation, à l’occasion de laquelle le juge de l’exécution « tente de concilier les parties [108] ». Pour mémoire, aux termes de l’article R. 3252-12 du Code du travail N° Lexbase : L4502IAY, la « procédure de saisie des sommes dues à titre de rémunération est précédée, à peine de nullité, d’une tentative de conciliation, en chambre du conseil ».
Sans surprise, le projet de loi s’inscrit également sur le terrain de l’amiable en prévoyant la possibilité, pour le créancier et le débiteur, de rédiger un « procès-verbal d’accord » sur les modalités de paiement de la dette. Le choix des termes est intéressant. Les rédacteurs du projet ont donc opté pour une formule générique, là où l’on aurait pu s’attendre à celle de « procès-verbal de conciliation ». La généralité des termes employés engendre une incertitude sur le rôle – plus ou moins actif – confié au commissaire de justice dans la recherche de l’accord. Est-il attendu de lui qu’il prenne la posture d’un médiateur ou celle d’un conciliateur ?
Quoi qu’il en soit, s’il intervient avant la signification du procès-verbal de saisie [109], ce procès-verbal d’accord aurait pour effet de suspendre la procédure de saisie des rémunérations [110]. Dans un souci d’équilibre entre les différents intérêts en présence, il est cependant prévu que la procédure de saisie pourrait reprendre, à l’initiative du créancier, lorsque le débiteur ne respecte pas les modalités de paiement convenues ou en présence d’une signification au premier créancier saisissant d’un acte d’intervention formé par un autre créancier [111].
29. Mission du commissaire de justice. Avant même que les discussions ne débutent entre les différents protagonistes, le succès de la voie amiable suppose non seulement que les professionnels concernés connaissent, maîtrisent et soient convaincus de la pertinence de cette voie amiable, mais également que les parties soient informées de son existence et des enjeux. À ce propos, dans la version adoptée – en première lecture – le 13 juin 2023, les sénateurs ont enrichi le projet de loi d’une disposition supplémentaire appelée à intégrer l’article L. 212-3 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5844IRU. Il y est indiqué que « dès la signification du commandement de payer en vue d’une saisie des rémunérations, le commissaire de justice informe le débiteur qu’il entre dans sa mission de lui permettre de parvenir à un accord avec le créancier, dans le respect de ses obligations déontologiques ». Cet amendement interroge tant au niveau de la délivrance de l’information incombant au commissaire de justice, qu’à l’égard de sa latitude dans la recherche d’un accord. En premier lieu, si dans son principe la délivrance d’une information relative à la « voie amiable » peut être approuvée sans réserve, plusieurs interrogations viennent à l’esprit quant à sa concrétisation. Par exemple, se pose la question du procédé retenu : l’information doit-elle être insérée dans le commandement (ce qui serait une solution très originale) ou être réalisée par un autre biais (dans ce cas, lequel ?) ? En second lieu, se pose la question des moyens dont dispose le commissaire de justice pour accompagner les parties dans la recherche d’une solution amiable. Plus généralement, il y a lieu de se demander dans quelle mesure il pourrait lui être reproché son manque – réel ou supposé – de diligence [112] et quelle sanction (disciplinaire ?) pourrait être encourue. Ce sont peut-être ces interrogations qui ont conduit la commission des lois de l’Assemblée nationale à supprimer cette disposition du projet de loi dans la version qu’elle a adoptée le 23 juin 2023, revenant, sur ce point, à la version initiale du projet de loi – du 3 mai – présentée par le garde des Sceaux.
Bien plus contestable est, en l’état, l’amendement du Sénat consistant à compléter le 1° du I de l’article 1er de l’ordonnance n° 2016-728, du 2 juin 2016, relative au statut de commissaire de justice N° Lexbase : L4070K8A [113]. Pour les sénateurs, cette disposition devrait être libellée ainsi : « les commissaires de justice sont les officiers publics et ministériels qui ont seuls qualité, dans les conditions fixées par les lois et règlements en vigueur, pour […] ramener à exécution les décisions de justice ainsi que les actes ou titres en forme exécutoire, après avoir tenté de susciter un accord entre les parties [114] ». Si cette modification devait être adoptée telle quelle, cela signifierait que toutes les procédures civiles d’exécution sont concernées par cette tentative préalable amiable obligatoire. Or, une telle solution serait contreproductive [115] et nuirait à l’efficacité de certaines procédures – telles que la saisie-attribution ou les saisies conservatoires – qui reposent sur un « effet de surprise ». De ce point de vue, sans être pleinement satisfaisante, la version adoptée par la commission des lois de l’Assemblée nationale, le 23 juin 2023, est déjà plus adéquate, dès lors qu’il était proposé de libeller le complément de phrase comme il suit : « en suscitant, le cas échéant, un accord entre les parties [116] ». Plus souple, cette nouvelle formulation permet au commissaire de justice d’évaluer, au regard des particularités de chaque espèce et de chaque type de procédure civile d’exécution, la pertinence d’emprunter – ou non – la voie amiable. Elle permet surtout d’envisager la voie amiable non plus comme un préalable obligatoire et généralisé, mais comme une solution pouvant être activée à l’occasion du déroulement de la procédure d’exécution.
2) Le maintien de la voie judiciaire
30. Ouverture des voies de contestation. Le transfert de compétence au profit des commissaires de justice et la confiance [117] qu’il traduit à l’endroit de ces professionnels, doivent être appréciés à l’aune non seulement des règles régissant leur statut – qui sont autant de garanties contre d’éventuels abus –, mais également du contrôle a posteriori pouvant être opéré par le juge de l’exécution. Si, dans le projet de réforme, le juge de l’exécution n’est plus sollicité pour autoriser la saisie des rémunérations, il conserve sa compétence – exclusive – pour connaître, le cas échéant, des constatations pouvant être soulevées. L’objectif de fluidifier la procédure ne doit pas se traduire par une négation des droits de la défense [118].
Ainsi que cela a été dit [119], le juge de l’exécution peut connaître du recours du tiers saisi contre le débiteur. De même et surtout, il a compétence pour connaître des contestations soulevées par le débiteur, à qui – par hypothèse [120] – le procès-verbal de saisie des rémunérations aura été préalablement dénoncé [121]. Ce droit au recours est formulé très nettement dans le projet d’article L. 212-4, alinéa 1er, du Code des procédures civiles d’exécution qui dispose, dans son premier alinéa, que les débiteurs peuvent, « à tout moment », saisir le juge de l’exécution d’une contestation de la saisie.
Afin de ne pas encourager les recours dilatoires, tout en souhaitant préserver les intérêts desdits débiteurs, les rédacteurs de la version initiale du projet de loi ont tenté de trouver une solution médiane en prévoyant que les contestations ne suspendent la procédure de saisie des rémunérations que lorsqu’elles sont formées dans le mois qui suit la signification du commandement [122]. Si cette solution bienvenue a été maintenue par les sénateurs, ces derniers ont amendé le projet d’article L. 212-4 du Code des procédures civiles d’exécution en précisant que le juge de l’exécution compétent pour connaître des contestations formées par les débiteurs est saisi – seulement [123] – « par requête ». Cette solution, qui déroge à la règle suivant laquelle le juge de l’exécution est en principe saisi par voie d’assignation à la première audience utile [124], n’apparaît pas pleinement pertinente. Elle avait d’ailleurs été écartée par la commission des lois de l’Assemblée nationale dans la version du texte datant du 23 juin 2023.
Le juge de l’exécution peut également être sollicité par le débiteur [125] pour réduire le montant des sommes dues. Il peut ainsi décider, « en considération de la fraction saisissable de la rémunération, du montant de la créance et du taux des intérêts dus, que la créance cause de la saisie produira intérêt à un taux réduit à compter du procès-verbal de saisie ou que les sommes retenues sur la rémunération s’imputeront d’abord sur le capital ». Il est également prévu que les « majorations de retard prévues par l’article L. 313-3 du Code monétaire et financier cessent de s’appliquer aux sommes retenues à compter du jour de leur prélèvement sur la rémunération ».
B. Le maintien d’une saisissabilité partielle et progressive
31. Statu quo. On le sait, en droit positif, la procédure d’exécution ici évoquée permet de saisir les « sommes dues à titre de rémunération à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs, quels que soient le montant et la nature de sa rémunération, la forme et la nature de son contrat [126] ». Cela ne change pas dans le dispositif imaginé dans le projet de loi.
De même, outre le maintien de l’interdiction de saisir les rémunérations du travail à titre conservatoire, la saisie des rémunérations – telle que conçue dans le projet de réforme – continue à se singulariser par le régime de saisissabilité. À ce titre, les articles L. 3252-2 à L. 3252-7 du Code du travail N° Lexbase : L0920H9X ne subissent aucune modification substantielle [127].
La rémunération du travail constitue souvent la seule source de revenus des débiteurs. Ce faisant, elle représente pour le créancier la perspective d’obtenir satisfaction et, pour le débiteur, le principal moyen de subsistance. Cette confrontation des intérêts en présence se traduit dans la définition des règles de saisissabilité. À ce titre, cette rémunération n’est en principe saisissable que dans la proportion et suivant les seuils définis – et réévalués annuellement [128] – à l’article R. 3252-2 du Code du travail N° Lexbase : L2784MG9, à savoir aujourd’hui :
« 1° Le vingtième, sur la tranche inférieure ou égale à 4 170 euros ;
2° Le dixième, sur la tranche supérieure à 4 170 euros et inférieure ou égale à 8 140 euros ;
3° Le cinquième, sur la tranche supérieure à 8 140 euros et inférieure ou égale à 12 130 euros ; 4° Le quart, sur la tranche supérieure à 12 130 euros et inférieure ou égale à 16 080 euros ;
5° Le tiers, sur la tranche supérieure à 16 080 euros et inférieure ou égale à 20 050 euros ;
6° Les deux tiers, sur la tranche supérieure à 20 050 euros et inférieure ou égale à 24 090 euros ;
7° La totalité, sur la tranche supérieure à 24 090 euros [129] ». Ces seuils sont affectés d’un correctif prenant en considération les éventuelles personnes à la charge du débiteur [130] et sont déterminés au regard du montant de la rémunération, de ses accessoires ainsi que de la valeur des avantages en nature, après déduction des cotisations sociales obligatoires et de la retenue à la source prévue à l’article 204 A du Code général des impôts N° Lexbase : L7925LGM [131].
Le projet ne revient pas non plus sur les règles donnant la priorité à la procédure de paiement direct des pensions alimentaires [132] ou à la saisie administrative à tiers détenteur.
[1] CPCEx, art. L. 212-1 N° Lexbase : L5835AC4 et R. 212-1 N° Lexbase : L8757ACC.
[2] Souvent, la demande est introduite par un commissaire de justice mandaté par le créancier.
[3] C. trav., art. R. 3252-1 N° Lexbase : L8965H9W. Sur les sommes concernées, v. infra, n° 31.
[4] C. Roth, Les compétences du JEX mobilier depuis le 1er janvier 2020 : les saisies des rémunérations et les autres, Gaz. Pal., 20 juin 2023, p. 11.
[5] Projet de loi, n° 569, d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027, 2 mai 2023, étude d’impact [en ligne], spéc. p. 323, 324 et 326 (ci-après : « étude d’impact »). Selon cette étude, il est « certain qu’une grande partie des mesures de saisie des rémunérations s’étirent sur plusieurs années lorsque les sommes à recouvrer sont importantes et que les revenus des débiteurs sont faibles, dès lors que les sommes saisissables sont limitées par un barème impératif. […] La procédure de saisie des rémunérations actuelle souffre d’un déficit d’attractivité du fait de sa lenteur (le délai d’audiencement des requêtes peut dépasser une année, le délai entre la requête et le premier paiement entre les mains du créancier atteint parfois deux ans) et de la complexité attachée au formalisme d’une procédure judiciaire ».
[6] Ibid., p. 324.
[7] Elle se singularise également par sa place au sein du Code du travail (v. infra, n° 5) et en raison du régime de saisissabilité des rémunérations (v. infra, n° 31).
[8] COJ, art. L. 213-6, al. 5 N° Lexbase : L7740LPD. Avant le 1er janvier 2020 (date d’entrée en vigueur de la loi n° 2019-222, du 23 mars 2019, précitée N° Lexbase : L6740LPC, art. 95), il s’agissait du juge d’instance qui, pour l’occasion, exerçait les pouvoirs du juge de l’exécution (COJ, anc. art. L. 221-8 N° Lexbase : L9797IN8 ; C. trav., anc. art. R. 3252-11 N° Lexbase : L4505IA4).
[9] Par exemple, Cons. const., décision n° 2019-778 DC, du 21 mars 2019 N° Lexbase : A5079Y4U, spéc. n° 22.
[10] [en ligne]. Aux termes de ce rapport (spéc. p. 43) : « Concernant les saisies des rémunérations, il pourrait être envisagé de supprimer l’autorisation judiciaire préalable : à l’instar de la saisie-attribution, l’huissier du créancier pourrait procéder à la saisie des rémunérations pour les montants correspondant au principal, intérêts et dépens. Les dépens auraient été au préalable vérifiés par le greffier. Le juge pourrait naturellement être saisi en cas de contestation, comme aujourd’hui ».
[11] Adde, J.-M. Sauvé (dir.), Rapport du comité des États généraux de la justice (octobre 2021- avril 2022), Rendre justice aux citoyens, avril 2022 [en ligne].
[12] C. Delzanno, Commissaire de justice : en avant !, Rev. prat. rec., n° 7/8, juillet/août 2022, p. 3. V. égal., B. Duquerroy, O. Baret et P. Iglesias, Les premiers pas du commissaire de justice, Procédures, mars 2023, p. 5. À noter que cette réforme fait partie de celles évoquées, lors d’une conférence de presse de monsieur le Président Benoît Santoire, organisée le 26 janvier 2023 à l’occasion des premiers vœux de la profession de commissaire de justice (compte rendu in JCP G., 6 février 2023, Informations professionnelles, n° 190).
[13] Projet de loi d’orientation et de programmation du ministre de la Justice 2023-2027, n° 569 (2022-2023), du garde des Sceaux, ministre de la Justice, déposé au Sénat le 3 mai 2023 [en ligne]. Aux côtés de ce projet, peuvent être utilement consultés l’étude d’impact du 2 mai 2023 [en ligne] et l’avis consultatif du Conseil d’État, du 2 mai 2023 (CE, avis, 2 mai 2023, n° 406855 [en ligne], spéc. points 30 et 31).
[15] Sur cette réforme, v. déjà : X. Louise-Alexandrine, La saisie des rémunérations : relooking extrême, Lexbase Contentieux et Recouvrement, juin 2023, n° 2 N° Lexbase : N6057BZD ; J.-Y. Borel et E. Dumont, Vers une déjudiciarisation de la saisie des rémunérations confiée aux commissaires de justice, Dalloz actualité, 24 mai 2023 [en ligne] ; N. Fricero, Un vent d’efficacité et de simplification souffle sur la saisie des rémunérations !, Dalloz actualité, 7 juin 2023 [en ligne].
[16] Des dérogations ou atténuations sont prévues notamment lorsqu’une demande incidente ou une contestation a été présentée antérieurement à la date d’entrée en vigueur du nouveau dispositif (projet de loi, n° 569, précité, 3 mai 2023 [en ligne], art. 29, III, al. 4).
[17] Projet de loi, n° 569, précité, 3 mai 2023 [en ligne], art. 29, III, al. 1 et 2. Plus précisément, selon le troisième alinéa du point III de l’article 29 du projet de loi du 3 mai 2023, les procédures de saisie des rémunérations en cours à la date d’entrée en vigueur du dispositif « sont transmises au mandataire du créancier s’il est commissaire de justice. Si le créancier n’est ni assisté, ni représenté à la procédure par un commissaire de justice, elle est transmise à la chambre régionale des commissaires de justice du lieu où réside le débiteur pour son attribution à un commissaire de justice. À compter de la transmission de la procédure au mandataire du créancier ou de son attribution à un commissaire de justice, le créancier dispose, à peine de caducité de la mesure en cours, d’un délai de six mois pour continuer la procédure de saisie des rémunérations. Les modalités d’application du présent alinéa sont fixées par décret en Conseil d’État ». Concernant les dispositions du projet de loi relatives à l’entrée en vigueur de la réforme touchant la procédure de saisie des rémunérations, v. également : CE, avis, 2 mai 2023, n° 406855 [en ligne] (spéc. point 31).
[19] Sur ce point, v. A. Martinez-Ohayon, Saisie des rémunérations : les députés s’opposent à sa réforme, Lexbase Droit privé, juillet 2023, n° 953 N° Lexbase : N6299BZC.
[20] Projet de loi n°158, modifié, par l'Assemblée nationale, d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 [en ligne]
[21] Pour l’essentiel, les modifications substantielles ont pour conséquence de supprimer certaines modifications apportées par le Sénat, afin de revenir à la version initiale présentée en Conseil des ministres le 3 mai.
[22] Il s’agit du « Texte n°1440, adopté par la commission, sur le projet de loi, adopté par le Sénat d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (n°1346) » [en ligne].
[23] En ce sens, v. Projet de loi, n° 569, précité, 2 mai 2023, étude d’impact [en ligne], spéc. p. 328.
[24] En ce sens, v. déjà : X. Louise-Alexandrine, La saisie des rémunérations : relooking extrême, préc. N° Lexbase : N6057BZD.
[25] V. également : F. Guiomard, Projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice : une réforme modeste pour la justice du travail, Revue de droit du travail, 2023, p. 432. Selon cet auteur, « l’intervention systématique d’un juge (même s’il n’est chargé que de l’exécution) paraît une garantie importante de l’équilibre des droits ».
[26] Dans cette résolution, le Conseil national des barreaux « s’oppose fermement à la déjudiciarisation et à l’absence de tout contrôle du juge préalablement à la mise en œuvre d’une telle mesure d’exécution forcée » et « dénonce une mesure qui ne peut qu’aggraver la précarité des plus démunis et leur éloignement du juge » [en ligne].
[28] Cet alignement n’est pas total. Par exemple, si les mesures d’exécution forcée ont généralement leur pendant parmi les mesures conservatoires, cela n’est pas le cas pour la saisie des rémunérations du travail (v. infra, n° 31).
[29] Exception faite des situations dans lesquelles les procédures civiles d’exécution sont pratiquées sur les biens des États étrangers. V. notamment : G. Payan, Le renforcement des immunités d’exécution internationales, in R. Laher (dir.), Le 10e anniversaire du Code des procédures civiles d’exécution, Actes du colloque organisé à Limoges, le 3 février 2023, LexisNexis, 2023, p 31.
[30] L’enjeu n’est pas seulement théorique. Sur les incohérences et les incertitudes procédurales liées à la place des dispositions relatives à cette mesure d’exécution forcée au sein du code du travail, v. C. Roth, Les compétences du JEX mobilier depuis le 1er janvier 2020 : les saisies des rémunérations et les autres, préc.
[31] Concrètement, les articles L. 3252-8 à L. 3252-13 du Code du travail N° Lexbase : L3927IRU seraient abrogés (projet de loi, n° 569, précité, 3 mai 2023 [en ligne], art. 17, II, 2°) et la section 1 du chapitre II du titre I du livre II du Code des procédures civiles d’exécution aurait été enrichie des nouveaux articles L. 212-1 à L. 212-14 N° Lexbase : L5835AC4. Par ailleurs, les deux articles de la section 2 (« Dispositions particulières à la saisie sur les rémunérations des agents publics ») de ce même chapitre – dont les dispositions n’auraient pas subi de modifications substantielles – auraient, quant à eux, été renumérotés et seraient devenus les articles L. 212-15 et L. 212-16 (projet de loi, n° 569, précité, 3 mai 2023 [en ligne], art. 17, IV, 3° et 4°). Bien entendu, dans un second temps, les dispositions règlementaires du Code du travail régissant cette procédure (C. trav., art. R. 3252-1 et s. N° Lexbase : L8965H9W) devraient suivre la même évolution et intégrer la partie règlementaire du Code des procédures civiles d’exécution.
[32] En ce sens, v. Projet de loi, n° 569, précité, 2 mai 2023, étude d’impact [en ligne], spéc. p. 322.
[34] Un renvoi à ces dispositions du Code du travail est d’ailleurs expressément opéré dans le projet d’article L. 212-5 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L9589GQ9.
[36] Le nombre de lettres – simples ou recommandées avec demande d’avis de réception – adressées par les juridictions aux parties est évalué à neuf cent quarante-six mille.
[37] Sur cette question, v. également : C. Roth, Les compétences du JEX mobilier depuis le 1er janvier 2020 : les saisies des rémunérations et les autres, préc. Monsieur le Président Roth indique que les services des saisies des rémunérations comptaient parmi « les plus consommateurs en personnel dans les anciens tribunaux d’instance ».
[39] Ibid. [en ligne], spéc. p. 326. Le respect du cadre constitutionnel y est également visé : ibid. p. 325.
[40] CEDH, 19 mars 1997, Req. 18357/91, Hornsby c/ Grèce N° Lexbase : A8438AWG.
[41] CEDH, art. 6 N° Lexbase : L7558AIR, §1.
[42] Sur cette jurisprudence, v. notamment : N. Fricero et G. Payan, Jurisprudence européenne en matière d’exécution, de signification et de notification : Cour européenne des droits de l’homme et Cour de justice de l’Union européenne, UIHJ-Publishing, 2e éd., 2023, 306 p.
[43] CEDH, 11 janvier 2001, Req. 21463/93, Lunari c/ Italie N° Lexbase : A7270AW8.
[44] Adde, G. Payan, La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur l’exécution forcée, in M. Schmitz (dir.) et P. Gielen (coord.), Avoirs dématérialisés et exécution forcée, Bruylant, coll. Pratique du droit européen, 2019, p. 57.
[45] Cette Recommandation définit les standards européens dans le domaine de l’exécution en matière civile et commerciale.
[46]CEPEJ, Lignes directrices pour une meilleure mise en œuvre de la recommandation existante du Conseil de l’Europe sur l’exécution, CEPEJ(2009)11REV2, 17 décembre 2009 [en ligne]. Ce document a pour finalité d’assurer l’effectivité des standards européens de l’exécution énumérés dans la Recommandation précitée du Comité des Ministres. À cet effet, les quatre-vingt-deux points de ces Lignes directrices appréhendent la problématique de l’exécution de façon globale et cohérente, en réunissant dans une réflexion d’ensemble les principes qui régissent les procédures d’exécution et ceux qui concernent les professionnels chargés de leur mise en œuvre. Pour une analyse, v. Union internationale des huissiers de justice, Les Lignes directrices de la CEPEJ sur l’exécution : Un modèle pour le monde ?, Institut Jacques Isnard, Juris-Union, n° 5, février 2011, 125 p.
[47] CEPEJ, Guide des bonnes pratiques en matière d’exécution des décisions de justice, CEPEJ(2015)10, 11 décembre 2015 [en ligne]. Le concernant, v. G. Payan, Le Guide des bonnes pratiques de la CEPEJ sur l’exécution des décisions judiciaires, in M. Schmitz (dir.) et P. Gielen (coord.), Avoirs dématérialisés et exécution forcée, préc., p. 45.
[48] Il résulte du point 33 des Lignes directrices de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice sur l’exécution que « les agents d’exécution définis par la loi du pays devraient avoir la responsabilité de la conduite des opérations d’exécution, dans le cadre de leurs compétences telles que définies par la loi ». Ce point se poursuit en précisant que les « États membres devraient envisager la possibilité que les agents d’exécution soient seuls compétents pour : exécuter les décisions de justice et autres titres ou actes en forme exécutoire [et] réaliser l’ensemble des procédures d’exécution prévues par la loi de l’État dans lequel ils exercent ».
[49] CEPEJ, Guide des bonnes pratiques, préc. [en ligne], point 11. Cette solution concerne la répartition des fonctions entre les agents d’exécution et les juges. Concrètement, en plus de réaliser des actes matériels d’exécution, il est préconisé que lesdits agents puissent vérifier les conditions préalables à l’exécution des titres exécutoires qui leur sont soumis et devraient avoir la maîtrise du déroulement du processus d’exécution. Inversement, sauf exception, il est indiqué que les juges ne devraient être saisis qu’en cas d’incidents contentieux auxquels les opérations d’exécution peuvent donner lieu ou pour délivrer certaines autorisations. En somme, pour la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, afin d’accroître la célérité de l’exécution et limiter l’engorgement des juridictions, l’exécution des titres exécutoires ne devrait pas être systématiquement subordonnée à une autorisation préalable d’un juge et la procédure civile d’exécution ne devrait pas nécessairement prendre la forme d’un procès.
[50] CEPEJ, Guide des bonnes pratiques, préc. [en ligne], point 12. Cette solution est, quant à elle, relative à l’identification des professionnels compétents pour mettre à exécution un titre. Elle privilégie le modèle dans lequel un même professionnel (l’huissier de justice/commissaire de justice) est compétent pour réaliser sinon l’intégralité, du moins la majorité des procédures d’exécution prévues par la loi nationale. Cette solution a l’avantage d’offrir à ce professionnel une vision plus complète de la situation du débiteur et de la relation qui le lie au créancier. Son influence sur la stratégie procédurale d’exécution à employer s’en trouve accrue, favorisant en cela le respect d’un juste équilibre entre les droits et intérêts en présence.
[52] Ce droit bénéficie également d’une protection constitutionnelle. À défaut d’affirmation expresse dans la Constitution, le Conseil constitutionnel prend appui sur l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, du 26 août 1789 N° Lexbase : L1363A9D, pour le consacrer. Cons. const., décision n° 2014-455 QPC, du 6 mars 2015 N° Lexbase : A7734NCG ; Cons. const., décision n° 2017-672 QPC, du 10 novembre 2017 N° Lexbase : A1482WYK.
[53] Sont surtout concernés le juge de l’exécution et le greffe du tribunal judiciaire.
[54] Alinéa dont la suppression est prévue au point III de l’article 17 du projet de loi, n° 569, précité, 3 mai 2023 [en ligne].
[55] À cela s’ajoutent des évolutions concernant la procédure applicable devant ce juge et notamment un alignement des modalités d’assistance et de représentation sur le droit commun. Il est ainsi proposé de supprimer, du premier alinéa de l’article L. 121-4 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L7271LPY, la mention du régime dérogatoire visé à l’article L. 3252-11 du Code du travail N° Lexbase : L0945H9U (projet de loi, n° 569, précité, 3 mai 2023 [en ligne], art. 17, IV, 1°). Pour rappel, en droit positif, les parties peuvent se faire représenter par un avocat, un officier ministériel du ressort ou par le mandataire – muni d’une procuration – de leur choix (à comparer avec l’article 762 du Code de procédure civile N° Lexbase : L9303LTQ).
[56] CE, avis, 2 mai 2023, n° 406855 [en ligne] ; Projet de loi, n° 569, précité, 2 mai 2023, étude d’impact [en ligne], spéc. p. 327.
[57] À distinguer de la « cession des rémunérations » qui est visée dans le projet d’article L. 212-1 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5842IRS. Pour s’acquitter du paiement de leurs dettes, les débiteurs ont en effet la possibilité de céder, à un ou plusieurs de leurs créanciers, une fraction des sommes qui leur sont dues à titre de rémunération visées à l’article L. 3252-1 du Code du travail N° Lexbase : L0916H9S.
[58] Contrairement à la solution retenue par le Sénat en juin 2023 à l’occasion de l’amendement ayant trait au projet d’article L. 212-3 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5844IRU (v. infra, n° 29).
[59] V. infra, n° 28 et s.
[60] CPCEx, projet d’article L. 212-2, al. 1er.
[61] CPCEx, projet d’article L. 212-6, al. 1er. Ce délai et la sanction de la caducité encourue en cas de non-respect ne sont toutefois pas applicables lorsqu’un procès-verbal d’accord a été établi dans ce délai (ibid., al. 2).
[62] À noter qu’il aurait été préférable que le projet de loi précise que la déclaration du tiers saisi doit être réalisée auprès du commissaire de justice (et non du créancier).
[63] En prévoyant expressément que l’obligation d’information pesant sur le tiers saisi porte également sur le montant de la rémunération versée au débiteur, le projet de loi est plus précis que ne l’est l’actuelle rédaction de l’article L. 3252-9, 1°, du Code du travail N° Lexbase : L8578LH8.
[64] CPCEx, projet d’article L. 212-8, 1°.
[65] CPCEx, projet d’article L. 212-8, 2°.
[66] Adde, v. infra, n° 17 et s.
[67] CPCEx, projet d’article L. 212-12. À rapprocher avec le premier alinéa de l’actuel article L. 3252-10 du Code du travail N° Lexbase : L3926IRT.
[68] À rapprocher du dernier alinéa de l’actuel article L. 3252-9 N° Lexbase : L8578LH8 et du deuxième alinéa de l’article L. 3252-10 du Code du travail N° Lexbase : L3926IRT.
[71] CPCEx, projet d’article L. 212-14, al. 2.
[72] C. trav., art. L. 3252-10 N° Lexbase : L3926IRT, al. 3.
[73] CPCEx, projet d’article L. 212-14, al. 3.
[74] Projet de loi, n° 569, précité, 3 mai 2023 [en ligne], art. 17, I, 1°, portant création d’un point 4 bis au sein de l’article 16 de l’ordonnance n° 2016-728, du 2 juin 2016, relative au statut de commissaire de justice N° Lexbase : L4070K8A.
[75] Idem.
[76] CPCEx, projet d’article L. 212-9, al. 1er.
[77] CPCEx, projet d’article L. 212-9, al. 3.
[78] CPCEx, projet d’article L. 212-9, al. 2.
[79] C. trav., art. R. 3252-34 N° Lexbase : L1699LSQ.
[80] CPCEx, projet d’article L. 212-2, al. 3.
[81] Ce projet d’article retient, dans son premier alinéa, le principe suivant lequel, dans le cas d’une intervention, les « créanciers viennent en concours sous réserve des causes légitimes de préférence ». Principe dont la portée doit être envisagée sous la réserve apportée dans l’alinéa 2 selon lequel « les créances résiduelles les plus faibles, prises dans l’ordre croissant de leur montant, sans que celles-ci puissent excéder un montant fixé par décret, sont payées prioritairement dans les conditions fixées par ce décret ».
[82] Aux termes de ce projet d’article : « En cas de saisie portant sur une rémunération sur laquelle une cession a été antérieurement consentie et régulièrement notifiée, le cessionnaire est de droit réputé intervenant pour les sommes qui lui restent dues, tant qu’il est en concours avec d’autres créanciers saisissants ». On remarque que le qualificatif d’« intervenant » a avantageusement été préféré à celui de « saisissant » aujourd’hui employé dans l’article L. 3252-12 du Code du travail N° Lexbase : L0948H9Y.
[83] Projet de loi, n° 569, précité, 2 mai 2023, étude d’impact [en ligne], spéc. p. 326. Au titre des « éléments de droit comparé » pris en considération, il est indiqué : « néant ».
[84] Cette procédure de distribution est diligentée par l’huissier de justice ayant conduit la procédure de saisie.
[85] Code judiciaire belge, art. 1627 et s. Adde, G. de Leval (dir.), Droit judiciaire, tome 2, volume 3, Larcier, 2021, spéc. p. 210.
[86] On comprend que la mise en place de ce registre électronique doit être réalisée et financée par la profession des commissaires de justice. À titre de comparaison, sur la vétusté du progiciel informatique aujourd’hui utilisé par les juridictions en matière de saisies des rémunérations, v. C. Roth, Les compétences du JEX mobilier depuis le 1er janvier 2020 : les saisies des rémunérations et les autres, préc.
[87] Projet d’article 16, point 12° bis de l’ordonnance n° 2016-728, du 2 juin 2016, relative au statut de commissaire de justice N° Lexbase : L4070K8A.
[88] On comprend qu’il s’agit du commissaire qui a procédé à la signification dudit commandement.
[89] CPCEx, projet d’article L. 212-2, al. 2.
[90] CPCEx, projet d’article L. 212-7. À titre de comparaison, on peut ici regretter que ce projet d’article ne précise pas que cette inscription au registre soit réalisée par le commissaire de justice. Un simple renvoi aux « conditions fixées par décret en Conseil d’État » est opéré.
[91] CPCEx, projet d’article L. 212-9, al. 3.
[93] V. supra, n° 15.
[94] Précision – logique – apportée par le Sénat dans le texte adopté en première lecture le 13 juin 2023.
[95] Ce qui n’a pas été fait, ainsi que cela transparait de l’étude d’impact du 2 mai 2023 (projet de loi, n° 569, précité, 2 mai 2023, étude d’impact [en ligne], spéc. p. 326).
[96] Sur ce fichier, v. notamment G. de Leval, Le fichier des avis réalise-t-il l’objectif fixé par le législateur ?, in Ius & Actores, n° 3/2013, p. 107 ; M. Carbone, Fichier central des avis de saisie, de délégation, de cession et de règlement collectif de dettes, J.T., 2011/38, p. 781 ; ou encore les actes du colloque dédié à la mémoire de monsieur Charles Vanheukelen publiés in Ius & Actores, n° 1/2011, p. 5 et s. (et spéc. les études de MM. G. de Leval et S. Brijs, p. 13 ; de Me M. Forges, p. 75 et de Me E. Leroy, p. 93). V. égalemment, parmi les premières analyses, V. Van den Haselkamp-Hansenne, La loi du 29 mai 2000 portant création d’un fichier central des avis de saisie, de délégation, de cession et de règlement collectif de dettes et modifiant certaines dispositions du code judiciaire, J.T., 2001, p. 257. Plus récemment, v. G. de Leval (dir.), Droit judiciaire, tome 2, volume 3, Larcier, 2021, spéc. p. 77.
[97] CEPEJ, Guide des bonnes pratiques en matière d’exécution des décisions de justice, préc. [en ligne], spéc. point 43 et annexe point 7.
[98] V. supra, n° 6.
[99] Par exemple, la répartition des sommes saisies par le régisseur installé auprès du greffe du tribunal judiciaire est gratuite pour les parties. Il en va de même des activités assurées par le greffe de cette juridiction.
[100] Des solutions dérogatoires sont parfois prévues, comme en matière de recouvrement des créances alimentaires. Adde, G. Payan, Renouveau du droit français du recouvrement des pensions alimentaires : quelles incidences sur la théorie générale de l’exécution ?, in Ius & Actores, Larcier, 2023, 41 p. (à paraître).
[101] Il est également prévu qu’un arrêté fixe la tarification des nouveaux actes entrant dans la compétence des commissaires de justice (projet de loi, n° 569, précité, 2 mai 2023, étude d’impact [en ligne], spéc. pp. 334-336).
[103] CE, avis, 2 mai 2023, n° 406855 [en ligne], spéc. point 30. Dans cet avis, le Conseil d’État indique qu’ « au regard de l’insuffisance des éléments dont dispose le Gouvernement pour apprécier les incidences de cette mesure s’agissant des frais des commissaires de justice qui seront mis à la charge des débiteurs et des créanciers », il « n’est pas en mesure de déterminer avec précision ses effets tant sociaux, sur une population souvent vulnérable qu’une dérive même modique des coûts maintiendrait dans l’endettement, qu’économiques, privant les créanciers d’une part peut être plus importante de ce qui leur revient ». Par ailleurs, il y invite le Gouvernement à mettre à profit le délai restant à courir jusqu’à la date d’entrée en application de la réforme « afin d’évaluer ces incidences et d’apprécier l’intérêt et les contours de mesures correctrices ». Dans le même ordre d’idées, il y recommande au Gouvernement « d’établir, dans un délai de deux ans suivant l’entrée en vigueur de cette réforme, un bilan de celle-ci s’agissant de son incidence sur les frais des commissaires de justice mis à la charge des débiteurs et des créanciers et sur l’effectivité des contestations élevées par les débiteurs à l’encontre de ces procédures ».
[104] Garantie à laquelle s’ajoutent d’autres mécanismes, tels que le principe traditionnel de proportionnalité des actes d’exécution (CPCEx, art. L. 111-7 N° Lexbase : L5795IR3). Adde, projet de loi, n° 569, précité, 2 mai 2023, étude d’impact [en ligne], spéc. p. 329.
[105] Un parallèle peut être fait avec la question de l’usage de la notification postale ou de la signification par un commissaire de justice.
[106] Sur ce point, v. notamment : Union internationale des huissiers de justice, Code mondial de l’exécution – Global Code of Enforcement, UIHJ Publishing, 2015. L’article 10, intitulé « L’exécution alternative et participative », énonce : « Les États doivent veiller à ce que le professionnel chargé de l’exécution ait la faculté d’aménager à la demande du débiteur les modalités de l’exécution selon un processus consenti [al. 1er]. Pour adapter l’exécution à la situation du créancier et du débiteur, les États doivent permettre une participation active des parties à l’exécution [al. 2] ».
[107] C. trav., art. R. 3252-12 et s. N° Lexbase : L4502IAY.
[108] C. trav., art. R. 3252-17 N° Lexbase : L4491IAL.
[109] V. supra, n° 13.
[110] CPCEx, projet d’article L. 212-3, al. 1er. Dans le même ordre d’idées, lorsqu’il est établi dans les trois mois suivant la délivrance du commandement, le procès-verbal d’accord permet d’éviter la sanction de la caducité dudit commandement normalement encourue quand le procès-verbal de saisie n’a pas été signifié au tiers saisi dans ce même délai de trois mois (v. supra, n° 13).
[111] CPCEx, projet d’article L. 212-3, al. 2. En ce sens, selon l’étude d’impact du 2 mai 2023 (projet de loi, n° 569, précité, 2 mai 2023, étude d’impact [en ligne], spéc. p. 328), il « est en effet essentiel que la recherche d’un accord ne soit pas dissuasive pour le créancier, et que celui-ci ne soit donc pas contraint de recommencer intégralement sa procédure si le débiteur ne respecte pas les termes de l’accord, ou si un tiers souhaite mettre en œuvre une procédure de saisie pour le recouvrement d’une autre créance ».
[112] Dans le sens de l’inopportunité de cet amendement, v. X. Louise-Alexandrine, La saisie des rémunérations : relooking extrême, préc. N° Lexbase : N6057BZD. Selon Maître Louise-Alexandrine, « le mandat du commissaire de justice est d’obtenir le paiement de la créance et il ne dispose de moyens autre que le devoir de conseil pour inviter le créancier à accepter un échéancier. Cet amendement crée une nouvelle obligation du commissaire de justice envers le débiteur, presque contractuelle, alors que même sa responsabilité vis-à-vis du débiteur est statutaire, liée à sa fonction ».
[113] Projet de loi, n° 129, précité, adopté par le Sénat le 13 juin 2023 [en ligne], art. 17, I., 1°, A.
[114] C’est nous qui soulignons l’ajout proposé par les sénateurs.
[115] Pour une critique, v. également : N. Fricero, Un vent d’efficacité et de simplification souffle sur la saisie des rémunérations !, préc. [en ligne].
[117] Il ressort de l’étude d’impact du 2 mai 2023 (projet de loi, n° 569, précité, 2 mai 2023, étude d’impact [en ligne], spéc. p. 328 et p. 333) qu’il existe une « impossibilité légale de confier la mise en œuvre de la procédure de saisie des rémunérations à des professionnels autres que les commissaires de justice. […] La réserve d’activité des commissaires de justice et leur formation protègent le consommateur en lui offrant un service d’expertise efficace ».
[118] À rapprocher avec l’avis du Conseil d’État, n° 406855, du 2 mai 2023, précité [en ligne] (spéc. point 30) selon lequel « le principe [de la déjudiciarisation partielle de la saisie des rémunérations], qui ne pose aucune difficulté d’ordre constitutionnel ou conventionnel, est peu contestable, en ce qu’elle a pour effet de recentrer le juge de l’exécution sur son office, tout en maintenant le droit au recours effectif des débiteurs ».
[119] V. supra, n° 16.
[120] La précision ne figure pas dans le projet de loi. Cela fait sans doute partie des précisions appelées à figurer dans un hypothétique décret d’application.
[121] On ne saurait s’en tenir à la seule inscription de cet acte au registre numérique des saisies des rémunérations.
[122] CPCEx, projet d’article L. 212-4, al. 2 (version du 3 mai 2023). Cet alinéa devient l’alinéa 3 de ce même projet d’article, dans la version du 13 juin 2023 adoptée par le Sénat en première lecture.
[123] À comparer avec le droit positif : requête lorsque le montant de la demande n’excède pas 5 000 euros et assignation au-delà de ce montant (CPC, art. 750 N° Lexbase : L9294LTE, par renvoi de l’article R. 3252-8 du Code du travail N° Lexbase : L4751LT7).
[124] CPCEx, art. R. 121-11 N° Lexbase : L9212LTD, al. 1er.
[125] En droit positif, le premier aliéna de l’article L. 3252-13 du Code du travail N° Lexbase : L0950H93 dispose que cette demande peut également être faite par le créancier. Le projet de réforme ne vise, quant à lui, que le débiteur. Reconnaissons toutefois, qu’en pratique, l’initiative des créanciers doit être extrêmement rare.
[126] C. trav., art. L. 3252-1 N° Lexbase : L0916H9S ; CPCEx, projet d’article L. 212-2. En droit positif, les « sommes dues à titre de rémunération » concernées par cette saisie sont nombreuses et variées. Sont notamment visés : le salaire et ses accessoires (indemnités d’heures supplémentaires, primes, etc.) des personnes travaillant dans le secteur privé, l’allocation perçue dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle, l’allocation d’assurance, l’allocation de préretraite (C. trav., art. L. 5428-1 N° Lexbase : L0257LMH), les pensions vieillesse du régime général de la Sécurité sociale (Cass. avis., 21 juillet 1995, n° 09-50010 N° Lexbase : A4465CI9), l’indemnité journalière d’accident du travail et de maladie professionnelle (Code de la Sécurité sociale, art. L. 433-3 N° Lexbase : L5261AD9), l’indemnité journalière de repos (Code de la Sécurité sociale, art. L. 331-3 N° Lexbase : L2665HIK : maternité), l’indemnité de départ en retraite d’un salarié partant volontairement pour bénéficier du droit à une pension de retraite (Cass. soc., 30 janvier 2008, n° 06-17.531, FS-P+B+R N° Lexbase : A5997D4U), les indemnités compensatrices de préavis ou indemnités de congés payés (à rapprocher de Cass. ass. plén., 9 juillet 2004, n° 02-21040 N° Lexbase : A0352DDE : R. Perrot, obs., RTD civ., 2004, p. 779). De même, sont visés les salaires et traitements des fonctionnaires civils et les soldes des officiers ou assimilés, sous-officiers, militaires ou assimilés de l’armée de terre, de la marine et de l’armée de l’air en activité, quelle que soit leur position statutaire, ainsi que les soldes des officiers généraux du cadre de réserve. Cependant, sont exclues les primes accordées aux militaires en vertu des lois sur le recrutement (CPCEx, art. L. 212-2 N° Lexbase : L0731L79 et L. 212-3 N° Lexbase : L5844IRU). Par ailleurs, sont exclus du domaine de cette procédure les honoraires des professions libérales ou les produits d’exploitation revenant à l’auteur d’une œuvre de l’esprit. Ne sont pas non plus concernées les sommes à caractère indemnitaire comme les indemnités de licenciement ou pour rupture abusive du contrat de travail (lesquelles peuvent être saisies au moyen de la saisie-attribution).
[127] On relève seulement l’ajout d’un renvoi exprès au Code des procédures civiles d’exécution dans le libellé de l’article L. 3252-4 N° Lexbase : L3925IRS (projet de loi, n° 129, précité, adopté par le Sénat le 13 juin 2023 [en ligne], art. 17, II, 5°, portant modification du 1er alinéa de l’article L. 213-5 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5849IR3).
[128] En dernier lieu : décret n° 2022-1648, du 23 décembre 2022, révisant le barème des saisies et cessions des rémunérations N° Lexbase : L2406MG9. Cette réévaluation s’opère « en fonction de l’évolution de l’indice des prix à la consommation, hors tabac, des ménages urbains dont le chef est ouvrier ou employé tel qu’il est fixé au mois d’août de l’année précédente dans la série France-entière. Ils sont arrondis à la dizaine d’euros supérieure » (C. trav., R. 3252-4 N° Lexbase : L6803LEP).
[129] C. trav., art. R. 3252-2 N° Lexbase : L2784MG9.
[130] C. trav., art. L. 3252-2 N° Lexbase : L0920H9X ; art. R. 3252-3 N° Lexbase : L2796MGN.
[131] C. trav., art. L. 3252-3 N° Lexbase : L7960LGW, al. 1er.
[132] V. notamment: C. trav., art. L. 3252-5 N° Lexbase : L8726KUQ.
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par Sylvian Dorol, Commissaire de justice associé, Directeur scientifique de la revue Lexbase Contentieux et recouvrement, Expert près l’UIHJ
Le 11 Décembre 2023
Mots-clés : significations • saisie-attribution • commissaire de justice • MARD • clause médiation • expulsion • saisie véhicule terrestre à moteur • constat
La revue Lexbase Contentieux et Recouvrement vous propose de retrouver la troisième chronique illustrée par les plus récentes décisions jurisprudentielles sous la forme d’un contenu original rédigé par Sylvian Dorol.
Sommaire
Cass. civ. 2, 8 juin 2023, n° 22-17.949, F-D N° Lexbase : A38479ZI
CA Bordeaux, 3 août 2023, n° 23/00107 N° Lexbase : A31691DQ
CA Lyon, 5 juillet 2023, n° 22/08055 N° Lexbase : A258799P
CA Reims, 12 mai 2023, n° 22/02025 N° Lexbase : A70669UA
II. Saisie de véhicule : une maman prête à tout
CA Poitiers, 5 septembre 2023, n° 22/02938 N° Lexbase : A16491G8
III. Saisie-vente : contestations par le tiers
CA Paris, 10, 6 juillet 2023, n° 22/11605 N° Lexbase : A450999U
Cass. civ. 3, 6 juillet 2023, n° 22-15.923, FS-B N° Lexbase : A367098G
CA Limoges, 6 juillet 2023, n° 22/00774 N° Lexbase : A482299H
CA Angers, 4 juillet 2023, n° 19/02369 N° Lexbase : A401399I
CA Grenoble, 27 juillet 2023, n° 22/03841 N° Lexbase : A05381DB
Cass. soc., 6 septembre 2023, n° 22/13783, F-B N° Lexbase : A77741EN
Une banque engage une procédure de saisie immobilière à l’encontre de son client. Dans le cadre de l’exécution forcée, une saisie-attribution est régularisée. Cette dernière a fait l’objet d’une signification à résidence (dépôt à l’étude). Cette signification est attaquée au motif que le commissaire de justice n’aurait pas accompli toutes les diligences nécessaires.
L’acte de saisie-attribution ayant interrompu la prescription, le débiteur tente d’obtenir sa nullité et par là même occasion, voir constater la prescription de la créance.
La Cour de cassation, par un arrêt du 8 juin 2023, a donc été confrontée à la double problématique suivante :
1° Le comportement (passif) du débiteur doit-il être pris en compte dans le cadre de l’appréciation de la validité d’une signification ?
2° Une double confirmation est-elle suffisante pour permettre une signification par dépôt en l’étude du commissaire de justice ?
À la lecture de l’arrêt, il semblerait que la réponse soit doublement positive. La Cour de cassation précise en effet que le débiteur (ne contestant pas avoir déménagé en cours de procédure) aurait dû engager une démarche positive à l’égard de son créancier en lui communiquant sa nouvelle adresse.
Elle retient également que la présence du nom du débiteur sur la boîte aux lettres et la confirmation par les services de la commune locale d’une inscription sur les listes électorales, suffisent pour que l’acte soit valablement signifié à résidence.
Il est également intéressant de noter que le contrat de prêt qualifiait le bien acquis de résidence secondaire. En dépit de cette qualification, la Cour de cassation semble considérer que puisqu’il s’agissait de la seule adresse dont disposait le créancier, la signification à cette adresse demeure valable (Cass. civ. 2, 8 juin 2023, n° 22-17.949, F-D N° Lexbase : A38479ZI).
Un jugement rendu en première instance condamne un locataire au paiement d’une dette locative tout en lui accordant un échéancier de trente-six mois avec suspension du jeu de la clause résolutoire en septembre 2019.
Trois ans plus tard, en mai 2022, la résolution du contrat est prononcée par le même juge et l’expulsion du locataire est ordonnée.
Quatre mois après, en septembre 2022, le juge de l’exécution près le tribunal ayant rendu ces décisions accorde un délai de six mois au débiteur pour quitter les lieux.
Ce délai de six mois expiré, le débiteur sollicite ensuite de nouveau un délai de douze mois pour quitter les lieux. Le juge de l’exécution, par jugement rendu en avril 2023, rejette sa nouvelle demande de délai.
Le locataire interjette appel de ce dernier jugement, saisissant le premier président aux fins de voir arrêter l’exécution provisoire de la décision du juge de l’exécution.
La cour d’appel de Bordeaux a donc dû répondre à la question suivante : la saisine du juge de l’exécution aux fins d’obtenir des délais suspend-t-elle la décision rendue antérieurement ordonnant l’expulsion ?
À la lecture de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Bordeaux, il apparaît que la demande de délai formulée auprès du juge de l’exécution n’est pas suspensive de l’exécution de la décision du juge des contentieux de la protection ordonnant (antérieurement) l’expulsion.
Une décision conforme au droit de l’exécution.
Un office public HLM a été informé qu’un logement lui appartenant était occupé illicitement par une femme ne parlant pas français. L’occupante a donc été assignée afin que soit ordonnée, notamment, son expulsion.
La cour d’appel de Lyon, par un arrêt rendu le 5 juillet 2023, s’est prononcée sur le champ d’application du principe du contradictoire et notamment sur sa confrontation à la barrière de la langue.
Il est possible de déduire du dispositif de l’arrêt que les articles 54 N° Lexbase : L8645LYT et 56 du Code de procédure civile N° Lexbase : L8646LYU constituent une liste exhaustive des mentions devant figurer au sein d’une assignation, à peine de nullité.
La cour d’appel rappelle ainsi qu’il n’existe aucune disposition juridique rendant obligatoire la traduction d’un acte d’assignation, en langue étrangère, lorsque ce dernier est signifié en France.
À titre secondaire, il est intéressant de noter qu’elle rejette la demande de délai formulée par l’occupante au motif, notamment, que le logement illicitement occupé ayant une vocation sociale, ce dernier doit être attribué à un public vulnérable.
Depuis le 1er juillet 2022, les professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire ont fusionné pour laisser place à un nouveau professionnel du droit : le commissaire de justice.
Le 18 novembre 2022, une signification est régularisée par le ministère de Me X., qui se dit « huissier de justice ». Or, depuis le 1er juillet 2022, la profession d'huissier de justice a disparu et elle est remplacée par une nouvelle profession, celle de commissaire de justice.
La personne qui s’est vu signifier cette décision soulève la nullité de cette signification au motif qu’il n’existe plus d’huissier de justice !
L’appelant suggère deux questions préjudicielles à soumettre à la Cour de cassation :
Plus concrètement, la question qui se pose est de savoir si un acte peut être signé par un « huissier de justice » et non par un « commissaire de justice » depuis le 1er juillet 2022.
La cour d’appel valide la procédure. Pour ce faire, elle retient que l'ordonnance n° 2016-728, du 2 juin 2016, relative au statut de commissaire de justice N° Lexbase : L4070K8A rappelle en effet que, tant qu'ils ne remplissent pas les conditions de formation à la profession de commissaire de justice, les professionnels en exercice au 1er juillet 2022 conservent leur titre d'huissier de justice (ou de commissaire-priseur judiciaire).
Partant, Me X. demeure huissier de justice tant qu’il n'aura pas accompli sa formation et les actes qu’il régularise sont parfaitement valables.
Ce n'est qu'à compter du 1er juillet 2026 que les professionnels qui ne rempliront pas les conditions de la formation spécifique cesseront d'exercer.
II. Saisie de véhicule : une maman prête à tout (CA Poitiers, 5 septembre 2023, n° 22/02938 N° Lexbase : A16491G8)
Si la force de l’amour maternel n’est plus à démontrer, il semble qu’il soit insuffisant à mettre en échec la saisie régulière d’un véhicule.
Une personne est condamnée à régler plus de 18 000 euros à un organisme de financement, qui cède par la suite sa créance à un autre organisme.
Début 2022, le nouveau créancier fait procéder à la saisie avec enlèvement du véhicule Volkswagen Polo du débiteur qui conteste la saisie. Pour l’épauler dans sa contestation, il peut compter sur le lien maternel puisque sa mère se joint à la procédure, prétendant qu’elle est la véritable propriétaire du véhicule ou, à défaut, en est la propriétaire indivise avec le fruit de ses entrailles.
Elle produit au soutien de son argumentation le bon de commande de la voiture, argue du fait qu’elle en règle tous les frais (assurance et crédit) et souligne que le véhicule a été saisi à son domicile (elle héberge son fils).
La cour d’appel de Poitiers rappelle d’abord qu’un bien peut être saisi en tout lieu, même s’il est détenu par un tiers.
Puis, la cour indique qu’en matière de propriété, la preuve est libre et peut s'effectuer par tous moyens. Mais, en l’espèce, la cour observe que cette preuve n'est pas apportée dès lors que, de l'aveu même de l'appelante, elle a signé avec lui le bon de commande litigieux, elle lui en a laissé l'usage (lequel est un attribut de la propriété) exclusif depuis le mois d'octobre 2018 parce qu'elle utilisait un autre véhicule et a d'ailleurs fait établir le certificat d'immatriculation au nom de son fils depuis cette date et qu'enfin, au moment de l'appréhension, elle résidait bien dans un domicile distinct du débiteur chez qui le véhicule a été trouvé.
III. Saisie-vente : contestations par le tiers (CA Paris, 10, 6 juillet 2023, n° 22/11605 N° Lexbase : A450999U)
Hors le cas de l’insaisissabilité, le tiers qui souhaite contester une mesure de saisie-vente visant un débiteur ne dispose que de l’action en distraction.
Un procès-verbal de saisie-vente a été dressé le 9 novembre 2021 à l'encontre de monsieur X par un huissier de justice, en exécution d'une décision du Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris en date du 13 mars 2019 et rendue exécutoire le 6 juillet 2021.
Par acte d'huissier en date du 8 décembre 2021, une société tierce a fait assigner devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris le créancier et l’huissier saisissant aux fins de mainlevée de la saisie-vente, et subsidiairement distraction des meubles saisis, faisant valoir que la saisie a été réalisée dans des locaux qui lui sont loués.
Le juge de l’exécution écarte sa demande au motif que seul le débiteur avait qualité pour demander la mainlevée de la saisie-vente en raison de son caractère prétendument irrégulier en la forme, abusif ou inutile, de même que les dommages-intérêts. Le magistrat retient également que la société tierce, nonobstant le bail invoqué, ne justifiait pas en tout état de cause d'une occupation effective des locaux où la saisie avait été pratiquée, de sorte qu'elle ne pouvait bénéficier de la présomption de l'article 2276 du Code civil N° Lexbase : L7197IAS.
En appel, la cour parisienne valide le raisonnement du juge de l’exécution et écarte les demandes de la société tierce.
Elle juge que seul le débiteur saisi a qualité pour invoquer la nullité de la saisie-vente. Le tiers à la saisie, qui se prétend propriétaire des meubles saisis, dispose d'une action en distraction en vertu de l'article R. 221-51 du Code des procédures civiles d'exécution N° Lexbase : L2296IT9, mais n'a pas qualité pour demander l'annulation de la saisie. La seule action en nullité de la saisie-vente ouverte au tiers, notamment au locataire, est celle fondée sur l'insaisissabilité des biens compris dans la saisie en application des articles R. 221-53 N° Lexbase : L2298ITB et R. 221-54 du même code N° Lexbase : L2299ITC, mais les différents moyens de nullité invoqués par l'appelante (irrégularité de la signification à monsieur X du titre exécutoire, du commandement et du procès-verbal de saisie-vente) sont sans rapport avec le caractère saisissable ou non des biens saisis et ne peuvent être soulevés que par le débiteur.
C'est donc à bon droit que le juge de l'exécution a estimé irrecevable la contestation de la régularité du procès-verbal de saisie-vente.
Un bailleur assigne son locataire en paiement et en expulsion dans le cadre du bail commercial les unissant au prétexte de plusieurs manquements de ce dernier à ses obligations contractuelles.
Le locataire se défend en arguant que des infiltrations d’eau affectent les lieux loués. Le défendeur sollicite la consignation des loyers.
La cour d’appel donne raison au locataire, ordonne la consignation des loyers et rejette les demandes du bailleur.
La Cour de cassation, par un arrêt en date du 6 juillet 2023 a donc été confrontée à la problématique suivante : le manquement du bailleur à l’une de ses obligations suffit-il à rendre les locaux impropres à l’usage auxquels ils sont destinés ?
À la lecture de cet arrêt, il semble que la réponse soit négative.
En effet, la Haute juridiction rappelle que si le bailleur doit délivrer et entretenir la chose louée afin que cette dernière puisse servir à l’usage pour lequel elle est louée, un manquement du bailleur n’a pas nécessairement pour conséquence de rendre les locaux loués impropres à l’usage auquel ils étaient destinés.
Il est possible d’imaginer que l’affaire aurait pu s’arrêter bien avant si les parties, bailleur ou preneur, avaient eu un dossier probatoire complet.
Des époux, copropriétaires d’un appartement, le donnent à bail.
Le contrat de location, certainement par commodité, ne comporte qu’un seul de leurs deux noms.
À l’expiration dudit bail, les locataires quittent les lieux sans se présenter aux fins de réaliser un état des lieux de sortie.
Les états des lieux, entrée et sortie, ont été réalisés par un commissaire de justice. La comparaison des deux états des lieux met en exergue de multiples désordres.
La décision rendue par la cour d’appel de Limoges en date du 6 juillet 2023 tranche la question suivante : l’époux, copropriétaire d’un bien mais non mentionné sur le bail, peut-il agir à l’encontre de ses locataires ?
L’arrêt indique que l’absence de mention de l’épouse sur le bail ne prive pas pour autant cette dernière de son droit à agir.
En effet, la cour d’appel rappelle que, dans la mesure où le bien donné à bail est commun, l’action de l’épouse copropriétaire du bien donné à bail, demeure recevable quand bien même son nom ne figurerait pas sur le contrat de location.
À titre secondaire, il est également intéressant de noter que, malgré l’établissement de devis chiffrant les frais de remise en état, la cour d’appel semble considérer que, puisque le bien n’était pas neuf lors de la prise en possession des locataires, seule une remise en état du bien leur est imputable et non une remise à neuf.
Sur la base de cette distinction, un abattement de 20 % est appliqué par les magistrats sur le montant total des travaux estimés sur la base des devis versés aux débats.
Les paroles tiennent une place toute particulière dans les constats de commissaire de justice : seule celle de cet officier public et ministériel fait foi jusqu’à preuve contraire, et les dires d’autrui, même consignés dans un procès-verbal, n’ont pas de valeur particulière devant les tribunaux.
La doctrine classique admet toutefois que soit prise en considération la parole du sachant, lorsqu’elle vise à éclairer des points constatés par le commissaire de justice. En effet, ce dernier n’étant pas spécialiste, il peut être accompagné d’un sapiteur qui l’aidera, à la condition que soient bien distinguées les paroles du tiers et celles du commissaire de justice.
Qui peut être ce sapiteur ?
À cette interrogation, la cour d’appel angevine a répondu le 4 juillet 2023 qu’un « simple » agent Enedis, bien que non expert judiciaire, peut avoir une place dans le constat de commissaire de justice quand le litige porte sur un raccordement électrique.
Ainsi juge-t-elle que l’agent Enedis « est toutefois sachant en la matière et ses indications, retranscrites par l'huissier de justice, complètent les constatations de ce dernier ».
Des photographies simplement transmises à un commissaire de justice n’ont pas de valeur probante, même s’il en dresse constat. Pour prouver un fait, il faut que le commissaire de justice se rende sur place et dresse personnellement ses constatations. C’est ce qu’il faut retenir d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Grenoble le 27 juillet 2023.
En l’espèce, le demandeur cherchait à prouver la réalité d’un fait. Pour ce faire, il avait transmis des photographies qu’il avait réalisées seul à un huissier de justice, qui avait constaté le dépôt. Certaines applications vantant ce procédé à grands renforts publicitaires, il n’est pas étonnant que ce plaideur se soit laissé tenter par cette manière de faire.
Hélas pour lui, ni la partie adverse, ni le tribunal ne se sont laissé duper par ce constat d’huissier qui n’en était pas un. Ainsi, la cour d’appel grenobloise juge que « si l'appelante produit un constat dressé les 23 et 24 février 2023, il en ressort que l'huissier de justice ne s'est pas rendu sur place, mais qu'il a seulement procédé à la consultation des fichiers vidéos et des photos transmises. Ce constat est ainsi sans effet pour rapporter la preuve de dégradations, l'huissier ne les ayant pas constatées personnellement ».
Cette décision fait écho à l’article 5 du décret n° 2021-1625, du 10 décembre 2021, relatif aux compétences des commissaires de justice N° Lexbase : L9442L9L, qui prévoit que le commissaire de justice constatant « se rend personnellement sur les lieux du constat ».
Un employé d’un restaurant libre-service sert, sans le savoir, un client mystère, mandaté par l’employeur pour effectuer des contrôles. La fiche d'intervention du client mystère relève notamment qu'aucun ticket de caisse n'a été remis par le salarié après l'encaissement de la somme demandée.
Au fait de cet agissement, l’employeur licencie le salarié pour faute. Il avait en effet déjà averti le salarié à quatre reprises pour des faits similaires, et l’avait même mis à pied...
Le salarié conteste le bien-fondé de son licenciement, au motif notamment que le moyen de preuve utilisé par l'employeur était illicite. La cour d’appel valide pourtant le procédé, et le salarié forme un pourvoi en cassation.
La Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle relève que l'employeur établit avoir préalablement informé le salarié de l'existence de ce dispositif d'investigation comme en atteste la production d'un compte rendu de réunion du comité d’entreprise, faisant état de la visite de « clients mystères » avec mention du nombre de leurs passages, et d'une note d'information des salariés sur le dispositif dit du « client mystère ».
C’est là une décision intéressante en ce qu’elle consacre un mode de preuve rare mais très efficace.
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Réf. : INFO704, Procédure d'expulsion "Anti-squat" (loi du 27 juillet 2023) N° Lexbase : X2251CQG.
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par Alexandra Martinez-Ohayon
Le 27 Septembre 2023
Pour accéder à l'infographie, INFO704, Procédure d'expulsion "Anti-squat" (loi du 27 juillet 2023), voies d'exécution N° Lexbase : X2251CQG.
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Réf. : Cass. QPC, 12 septembre 2023, n° 23-12.267, F-D N° Lexbase : A82681GC
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N6811BZB
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par Alexandra Martinez-Ohayon
Le 28 Septembre 2023
► La Cour de cassation renvoie au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité dénonçant l’absence de disposition législative n’instituant ou organisant de recours du débiteur, en cas de saisie mobilière de ses droits incorporels, pour contester le montant de la mise à prix devant le juge de l’exécution.
Les faits. Une société a fait procéder à la saisie des droits incorporels détenus sa débitrice dans une société civile immobilière (SCI). La débitrice a assigné sa créancière devant un juge de l’exécution en contestation du montant de la mise à prix des parts sociales saisies. Elle a été déclarée irrecevable en contestation. La cour d’appel a confirmé la décision (CA Bordeaux, 3 novembre 2022, n° 22/01236 N° Lexbase : A02918SL).
À l’occasion de son pourvoi formé à l’encontre de cet arrêt, la demanderesse sollicite le renvoi au Conseil constitutionnelle une question prioritaire de constitutionnalité, relative à l’absence de disposition législative n’instituant ou organisant de recours du débiteur, en cas de saisie mobilière de ses droits incorporels, pour contester le montant de la mise à prix devant le juge de l’exécution.
La QPC. Ci-après reproduite la partie de l'arrêt relative à la question prioritaire de constitutionnalité :
« relative à la conformité des articles L. 213-6 du Code des procédures civiles d'exécution N° Lexbase : L5850IR4, et des articles L. 231-1 N° Lexbase : L5861IRI et L. 233-3 du même code composant du titre III " La saisie des droits incorporels " du livre II " Les procédures d'exécution mobilière ", à l'article 34 de la Constitution relatif à la compétence du législateur, au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et au droit au recours garanti par l'article 16 du même texte, en tant que ces dispositions, entachées d'incompétence négative, ne prévoient pas de possibilité pour le saisi, en matière de saisie mobilière de droits incorporels, de contester devant le juge de l'exécution le montant de la mise à prix ».
La décision. La Cour de cassation relève que si en matière de saisie immobilière, pour la vente par adjudication, l'article L. 322-6 du Code des procédures civiles d'exécution
Les Hauts magistrats énoncent : « à défaut de disposition législative instituant, en matière de vente sous forme d'adjudication des droits incorporels, un recours effectif du débiteur sur le montant de la mise à prix, lequel est fixé unilatéralement par le créancier poursuivant, la question d'une éventuelle méconnaissance par le législateur de sa propre compétence est susceptible de se poser au regard des droits et libertés garantis par les articles 2, 16 et 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ». Dès lors, la question posée présentant un caractère sérieux, la Cour de cassation décide de renvoyer la question aux Sages.
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Réf. : Arrêté du 23 août 2023 fixant les tarifs réglementés de postulation des avocats en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires N° Lexbase : L5728MIY
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N6673BZ8
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par Marie Le Guerroué
Le 27 Septembre 2023
►L'arrêté fixant les tarifs réglementés de postulation des avocats en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires a été publié au Journal officiel du 29 août 2023.
Les tarifs applicables sont reconduits pour la période comprise entre le 1er septembre 2023 et le 31 août 2025 (art. 1er ; C. com., art. A. 444-187 N° Lexbase : L5811MI3).
L’article 2 de l’arrêté prévoit ensuite plusieurs dispositions transitoires en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires :
À noter que les dispositions du présent arrêté ne sont pas applicables dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin (art. 3) mais sont applicables dans les îles Wallis et Futuna (art. 4).
Entrée en vigueur. Le présent arrêté est entré en vigueur le 1er septembre 2023.
Lire déjà, A. Alexandre-Leroux, Le tarif : qui pourra l’arrêter ?!, Lexbase Avocats, octobre 2021 N° Lexbase : N8893BYZ. |
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