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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
Il y a peu, nous avions évoqué l'histoire de ce juge montpelliérain pour lequel l'île de Sein pouvait être "assurément regardée comme étant un lieu de vie relativement hostile pour les enfants". Si "par de pareils objets, les âmes sont blessées", que dirait Molière de ce juge toulousain accusant sinon les roms, du moins les prévenus déférés devant lui, de "piller" la France ?
Le propos n'est, dès lors, pas de revenir sur la condamnation pour dégradation d'un transformateur afin de voler 53 kg de cuivre ; ni même d'afficher, à la suite des syndicats et autres associations de défense des droits de l'Homme, une consternation autorisée et un émoi quelconque au prononcé de telles paroles dans l'enceinte d'un tribunal. Il s'en passe certainement bien pire et ailleurs -bien que cela n'exonère en rien les dires incriminés-.
Non, ce qu'il est intéressant de relever, c'est l'importance grandissante de cette "variable de personnalité du juge" dans le processus sentencieux. A priori, du fait du principe de la légalité de la sanction pénale, principe ici plus fort qu'en d'autre domaine, on pourrait penser que la décision pénale est soumise à un lot de contraintes plus formalistes les unes que les autres, partant de la contrainte juridique aux contrôles formels, en passant par les contraintes institutionnelles et pratiques. Nous n'inventons rien, Jaques Faget l'a très bien décrit dans un article sur La fabrique de la décision pénale. Une dialectique des asservissements et des émancipations : "le système pénal est organisé de telle façon que la sécurité juridique soit maximale. Sur un plan symbolique le port de la robe illustre la recherche d'une interchangeabilité entre les magistrats. L'appartenance au corps doit primer sur l'équation personnelle, la fonction sur le sujet". Ainsi, l'auteur rappelle-t-il le cadre législatif de la matière pénale, le formalisme de l'enchaînement procédural, la force des sanctions en cas de manquement à la procédure ou à la loi et même le corporatisme de l'enseignement du métier de magistrat, l'habitus selon le Professeur bordelais.
Et, puis, il y a cet ensemble de "facteurs d'imprévisibilité de la décision pénale", sans lesquels, finalement, les juges exposeraient les citoyens "au despotisme d'une foule de petits tyrans", à en croire Voltaire. Jacques Faget évoque, alors, les variables juridiques et judiciaires (la marge d'appréciation du magistrat du fait de l'imprécision de la loi) ; les variables institutionnelles (clairement les affiliations partisanes et syndicales des magistrats) ; les variables sociales (la pression médiatique de l'affaire) ; les variables de situation (l'éloquence de l'avocat et l'humilité ou non du prévenu) ; et les variables de personnalité du juge ("l'équation personnelle" du juge qui renvoie à son inconscient). Autant de facteurs qui "humanisent" la décision pénale et la justice en général.
Cette "équation personnelle" n'est en rien reniée par la loi ; au contraire, cette dernière prévoit même, pour les cas comme celui de Toulouse, une "immunité des prétoires". La loi du 29 juillet 1881 est très claire : "Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux". Et, cette immunité d'ordre public vaut pour les avocats comme pour les magistrats ; l'immunité destinée à garantir le libre exercice du droit d'agir ou de se défendre en justice couvre les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux et ne reçoit exception que dans le cas où les faits sont étrangers à la cause. Alors, là encore, tout est question d'appréciation. Mais, il est difficile d'accorder au juge une subjectivité dans la construction de son jugement sans le laisser s'exprimer librement sur le cas présenté devant lui.
Au final, cette malheureuse affaire est le symbole d'une justice pénale qui, sous le sceau de la rationalité (peines planchers, LOLF, évaluation des décisions et impacts) demeure en fait un "bricolage entre des logiques discordantes, des tensions permanentes entre pôles antagonistes", comme le concluait l'éminent sociologue. Jacques Faget nous interpelle donc lorsqu'il écrit : "toute décision est en réalité collective, résultant d'un processus social auquel participent de multiples acteurs, plus ou moins autonomes les uns par rapport aux autres, poursuivant des objectifs divers voire conflictuels, n'ayant qu'une connaissance partielle de la situation et raisonnant de façon séquentielle". La décision du juge toulousain et ses propos rendus au nom du Peuple français, dans un contexte accru de démantèlement des camps roms et presque confortés par la place Beauvau, sont, dans une certaine mesure, les nôtres...
Pourtant, il est heureux que la justice, les yeux bandés, tenant le glaive et la balance ne soit qu'une allégorie. Louis IX rendait la justice sous un chêne : il est devenu Saint. Les magistrats la rendent, au quotidien et avec difficulté, dans les prétoires ; et cela les rend, dès lors, plus humains. En somme, Descartes et Hobbes contre Leibniz...
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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef
Le 26 Septembre 2013
Le Vice-Bâtonnier Yvon Martinet explique que c'est la loi "NRE" (loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, relative aux nouvelles régulations économiques N° Lexbase : L8295ASZ) qui a créé une obligation de "reporting RSE" pour les 950 sociétés cotées françaises. A partir de 2001, les entreprises et les professionnels sont entrés dans un nouveau monde : avant, la RSE était plutôt un outil de communication, destiné aux clients ; aujourd'hui, c'est une obligation légale, dont le respect fait l'objet d'un rapport, pour la rédaction duquel les entreprises doivent adopter une méthodologie. Depuis les exercices ouverts en 2002, la RSE est devenue réelle et opérationnelle. Ces obligations ont donné lieu à l'apparition de vrais groupes RSE (Danone, Nature & Découverte...). Certains dirigeants sont des militants depuis longtemps (par exemple, Ben & Jerry's), d'autres ne le sont pas mais apportent, de par la loi, une contribution pérenne et efficace à la RSE. Les entreprises sont ainsi passées d'une RSE corporate à une RSE opérationnelle, qui touche au produit. Par exemple, le groupe Botanic, dans le secteur de la jardinerie, et qui n'était pas spécialement militant pour le droit de l'environnement, a décidé de ne plus vendre de phytos librement dans ses magasins. Le modèle économique change, et a un impact sur le produit. Finalement, par cette attitude, le dirigeant a vu son chiffre d'affaires augmenter de 20 à 25 % en deux à trois exercices.
RSE et comptabilité
La RSE a un impact mondial et global. En mois de dix ans, en accompagnement de l'évolution politique et intellectuelle du pacte mondial, la comptabilité s'est adaptée aussi. La question était la suivante : comment comptabiliser les extras financiers et l'internalisation des externalités, c'est-à-dire l'entrée de l'environnement dans l'entreprise ? Tous ces éléments d'environnement social entrent désormais dans les comptes. Le GRI, groupe de travail permanent basé à Amsterdam (1), a mis en place des cabinets comptables spécialisés dans l'extra financier (par exemple, le cabinet Caramba). A l'heure de cette conférence, les normes comptables sont en cours de transformation. Ainsi, aux normes IAS mondiales va s'ajouter, dans les 2-3 ans à venir, un système de traitement de l'extra financier. L'Afrique du Sud, notamment, travaille beaucoup sur cette question. Elle a proposé un modèle pour l'intégralité des entreprises mondiales. La RSE devient une stratégie partagée, et perd même cette qualité de stratégie, puisque tout le monde l'applique !
Le financement de la RSE
Les avocats accompagnent les entreprises dans la mise en place de la RSE et la méthode de reporting dans le rapport annuel. Au niveau du financement de la RSE, soit les entreprises utilisent leurs fonds propres, soit, dans la grande majorité des cas, elles contractent des prêts ou font appel au public ou à l'investissement fiduciaire. Par conséquent, l'investissement socialement responsable est passé en Europe de 0 à 12-13 %. C'est une révolution. Le private equity (investissement public via des fonds d'investissement) a fait son entrée dans la RSE, et son influence augmente chaque année. Il y a tout de même une distorsion entre ce qui se passe aux Etats-Unis et en Europe. Alors qu'aux Etats-Unis des secteurs entiers sont soigneusement évités par le private equity (le nucléaire, les OGM, l'armement), en Europe aucun secteur n'est banni. Globalement, il y a aujourd'hui une explosion des choix d'investissement.
Les banquiers sont plutôt suiveurs dans cette tendance, et non moteurs. Ils créent en interne des comités dans lesquels ils demandent à des personnalités de participer. Il s'agit là d'une tentative factice, même si certaines banques oeuvrent activement. Mais il reste encore beaucoup à faire.
Du côté du public, des associations se sont créées et se consacrent à la RSE et à son financement, mais cette tendance est minoritaire, et les effets de la crise se font ressentir. L'objectif aujourd'hui est plutôt axé sur la rentabilité, du livret A par exemple. L'AMF considère que la RSE est très importante, mais les associations d'actionnaires ne s'y intéressent pas assez.
Les nouveaux métiers de l'avocat
Quel est le rôle des avocats dans la RSE ? Selon le Vice-Bâtonnier Yvon Martinet, l'avocat assiste l'entreprise dans son choix de méthode de reporting. Il faut adopter une méthode d'interrogation thématique des filiales. Les avocats ont souvent à prendre connaissance de questionnaires très complexes, qu'ils doivent optimiser et surtout simplifier, en instaurant un système de questions fermées, avec des réponses à cocher oui/non.
La tâche de l'avocat est aussi d'aider l'entreprise dans son audit quotidien, sur tous les aspects de RSE.
Un nouveau métier est apparu avec la RSE : celui de tiers certificateur (décret n° 2012-432 du 30 mars 2012, relatif à l'exercice de l'activité d'expertise comptable N° Lexbase : L6889ISX). Ce tiers vérifie que la méthode, la qualité et la réalité des informations respectent une certaine norme. Le tiers certificateur est un tiers indépendant. Si ce métier est d'abord dédié aux comptables, il existe un vrai marché pour l'avocat. Culturellement, ce sont plutôt les commissaires aux comptes qui devraient s'intéresser à cette fonction, mais l'avocat et le secret professionnel qui lui est attaché ont tout à fait leur place. Pour s'en convaincre, il suffit d'observer ce que l'avocat peut faire dans le cadre du métier de correspondant informatique et libertés (CIL (2)). Aujourd'hui, sur 100 CIL, 3 sont avocats. Or, l'avocat a, par effet de la loi, le bénéfice d'une dérogation particulièrement intéressante : celle de ne pas avoir à dénoncer son client à la CNIL en cas de violation de ses obligations. L'avocat doit donc s'emparer de la question du tiers certificateur.
Depuis l'affaire "Lehman Brothers" (3), l'on sait que le marché ne peut pas se réguler tout seul. Comment traduire une régulation du marché ? Le Medef estime qu'il faut créer des postes de déontologues. Le déontologue doit être un tiers à l'entreprise. L'avocat n'est-il pas le déontologue parfait pour cette fonction ? Dans le secteur public, le rapport "Sauvé" de 2011 (4) est passé inaperçu, et les déontologues de l'Assemblée nationale ne sont, en réalité, jamais saisis. L'affaire "Cahuzac" a tout remis en cause. Aujourd'hui, Noëlle Lenoir, avocate, occupe ce poste. Tout le secteur public est concerné.
Enfin, le métier de facilitateur de débat public semble aussi à la portée de l'avocat. Dans les pays scandinaves, cette fonction existe depuis longtemps. Aujourd'hui, les débats publics sont animés par des énarques, qui sont trop liés à l'Etat. Les avocats, et leur culture du consensus, peuvent mener ces débats. Le débat public doit être animé par des personnes indépendantes, soumises au secret et en-dehors de tout conflit d'intérêt. L'avocat ne répond-t-il pas à tous ces critères ?
La RSE et l'Ordre
Samir Ouriaghli considère que l'Ordre doit légitimer la place de l'avocat dans la prise de ces nouveaux marchés. D'où la mise en place nécessaire d'une RSE en son sein, et au sein de l'ensemble des cabinets de la place de Paris. L'Ordre a dressé son rapport RSE 2012 mais il est déjà dépassé par les récentes réalisations. En effet, en 2013, l'Ordre a contribué à la création, avec l'AFNOR (5), d'une nouvelle certification ISO 26000, aujourd'hui ouverte aux avocats.
Depuis 2012, l'Ordre a une vraie volonté de mettre en place cette RSE que les avocats accompagnent déjà chez leurs clients. Ainsi, en 2012, l'Ordre a opéré un diagnostic, comprenant un bilan carbone. Les différents axes stratégiques ont été définis et ont permis de structurer cette volonté de RSE au sein de l'Ordre. De plus, une cartographie de l'influence de l'Ordre a été dressée, comprenant les avocats de Paris et les salariés de l'Ordre. Ainsi, vingt salariés se réunissent 4 à 5 fois par an pour améliorer la RSE. Un auto-diagnostic a été mis en place avec l'aide de l'AFNOR. Les salariés ont découvert des éléments sur l'Ordre qu'ils ne connaissaient pas. Cette réalisation est fédératrice en interne, et donne une vision des valeurs partagées. Pour un cabinet, cela clarifie le projet d'entreprise.
Le bilan carbone est essentiel. L'Ordre est dans la norme, mais ce bilan donne un aperçu des éléments sur les principaux postes, comme le déplacement des élus. L'empreinte écologique de ces voyages, qui permettent de défendre les droits de l'Homme dans le monde et de promouvoir le droit civil, ne peut être réduite, au vu de cet objectif. En revanche, il va être possible de compenser cette empreinte sur d'autres postes, avec la participation à un projet de reforestation, par exemple.
A partir de ces données, l'Ordre a imaginé un plan d'action. Ce dernier est rendu compliqué par l'éclatement géographique de l'Ordre sur cinq sites, et le prochain déménagement aux Batignolles, en 2017. De plus, dans le cadre du Palais de justice de Paris, l'Ordre n'est pas libre. Et pourtant, des réalisations notables peuvent être soulignées : installation de détecteurs de mouvement dans les couloirs, qui allument ou éteignent la lumière selon que le couloir est vide ou non, pour économiser l'énergie, gestion des déchets avec le recyclage du papier, diminution du volume d'eau dans les lieux d'aisance, valorisation de l'eau de pluie, etc..
La RSE ne s'arrête pas à l'environnement, l'Ordre non plus. A été améliorée, la mise en ouverture des postes en interne quand l'un se libère. L'Ordre a aussi travaillé sur la question des handicapés et sur l'égalité homme/femme. Il y a deux ans, l'Ordre a reçu un label de qualité sur ces questions.
Concernant la gouvernance, la question est plus délicate, mais d'ici trente ans, elle devrait être au coeur des avancées. Le point le plus complexe porte sur la justification des dépenses. Cet élément est moins problématique dans les cabinets d'avocats, car la culture de l'avocat est la décentralisation. La structure pyramidale de l'Ordre entre en conflit avec la RSE, basée sur une hiérarchie plate.
L'Ordre s'engage à financer 50 % de la mise en place de la RSE et de son reporting au sein des cabinets d'avocats.
La RSE et la place de Paris
L'accord signé entre l'Ordre et l'AFNOR prévoit une évolution des cabinets d'avocats tendant à l'éligibilité à la norme ISO 26000. L'Ordre se propose de prendre en charge 50 % de dépenses ayant trait au bilan du cabinet (environ 10 000 euros) et à son adaptation.
La procédure est la suivante : tout d'abord, une journée d'initiation est proposée au cabinet. Ensuite, c'est la phase de déploiement qui prend le relais, et qui consiste en un auto-diagnostic visant à situer le cabinet dans le développement durable. Enfin, une évaluation plus précise est effectuée, avec la pratique d'interviews. Il ne s'agit pas d'un audit, ni d'une certification, donc il n'est pas besoin que l'avocat présente des preuves de son implication dans la RSE. Il s'agit en réalité d'un système de notation des pratiques et de leurs résultats. Est-ce qu'une pratique est planifiée, est-ce qu'elle est volontaire, comment les résultats sont-ils exploités et comment peut-on les améliorer ? Telles sont les questions auxquelles l'évaluation doit répondre. A la fin, une note globale sur mille est attribuée. A partir de 300, le cabinet est considéré comme un "bon élève". Très peu d'entreprises obtiennent une note supérieure à 700.
L'Ordre effectue un appel à candidatures auprès des cabinets. Pour l'instant, deux cabinets sont candidats. Cette procédure peut s'appliquer à tout type de cabinet. Elle est plus simple de réalisation dans les petits cabinets, car souvent les cabinets de taille plus importante ont un système de management ad hoc et ancien, qui n'apprécie pas les changements trop soudains.
Opérer ce bilan et en tirer les conséquences est essentiel pour l'ensemble de la place de Paris. Même les cabinets les plus importants et de haut de bilan doivent s'y conformer, car la concurrence aujourd'hui tient compte du respect de la RSE. Un client souhaite s'entourer de professionnels RSE compatibles, pour sa propre réputation. Cela est particulièrement vrai dans les relations avec les Etats-Unis.
C'est une question de légitimité de place.
(1) Le Global Reporting Initiative (GRI) a été établi à la fin de 1997 avec pour mission de développer les directives applicables mondialement en matière de développement durable, et de rendre compte des performances économiques, environnementales, et sociales, pour les sociétés d'abord, puis pour n'importe quelle organisation gouvernementale ou non gouvernementale.
(2) Le CIL permet de garantir la conformité de l'entreprise à la loi "informatique et libertés" (loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés N° Lexbase : L8794AGS).
(3) Lehman Brothers était une banque d'investissement multinationale qui a fait faillite à la suite de la crise des subprimes, lorsque le marché s'est rendu compte qu'elle masquait son endettement derrière une norme comptable tout à fait légale.
(4) Rapport de la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique, présidée par Jean-Marc Sauvé, Vice-Président du Conseil d'Etat, remis le 26 janvier 2011 au Président de la République.
(5) Association française de normalisation, placée sous la tutelle du ministère de l'Industrie, et chargée d'organiser et de participer à l'élaboration des normes françaises, européennes et internationales.
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Réf. : Ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013, modifiant le cadre juridique de la gestion d'actifs (N° Lexbase : L9338IX7) et décret n° 2013-717 du 2 août 2013, modifiant certaines règles d'investissement des entreprises d'assurance (N° Lexbase : L6612IX8)
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par Alexandre Bordenave, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, chargé d'enseignement à l'ENS Cachan
Le 26 Septembre 2013
I - Les évolutions contrastées de la titrisation dues à l'ordonnance n° 2013-676
L'ordonnance "AIFM", dont la portée ne se réduit évidemment pas à l'unique question de la titrisation (4), organise, en application de la Directive homonyme, une nouvelle classification des organismes de titrisation (les OT) (A) et, à l'initiative inspirée du législateur français, nettoie quelque peu le droit national en la matière (B).
A - Une opération de classification
Transposant la Directive "AIFM", l'ordonnance "AIFM" introduit dans notre droit national la notion de fonds d'investissement alternatif (FIA), sous-catégorie d'organisme de placement collectif au sens de l'article L. 214-1 modifié du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5271IXI), dont on peut dire, en simplifiant pédagogiquement mais sans déformer le nouvel article L. 214-24 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5278IXR), qu'il s'agit d'un fonds d'investissement autre qu'un organisme de placement collectif en valeurs mobilières soumis aux dispositions de la Directive 2009/65/CE du 13 juillet 2009 (N° Lexbase : L9148IEK dite Directive "UCITS IV") (5). L'ordonnance "AIFM" impose de nouvelles obligations aux sociétés de gestion et dépositaires desdits FIA, parfois sous certaines conditions : renforcement et clarification de l'obligation stricte de séparation des fonctions de gestion et de dépositaire (C. mon. fin., art. L. 214-24-6 N° Lexbase : L5113IXN), obligations d'information (C. mon. fin., art. L. 214-24-20 N° Lexbase : L5127IX8 à L. 214-24-23)...
Point remarquable pour notre propos : le nouvel article L. 214-24, III, 4° du Code monétaire et financier, dont on doit la paternité à l'ordonnance "AIFM", qualifie les organismes de titrisation de FIA. Néanmoins, le nouvel article L. 214-167 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L0796IY7) prévoit, conformément au paragraphe 3 de l'article de la Directive "AIFM", que pour l'essentiel les dispositions relatives aux FIA ne s'appliquent pas aux OT. Much ado about nothing (beaucoup de bruit pour rien) ? Que nenni !
En premier lieu, le paragraphe II de l'article L. 214-167 réserve à un futur décret "anti contournement" le soin de définir dans quelles conditions un OT peut néanmoins être soumis aux dispositions de l'ordonnance "AIFM". Sans grande surprise, l'idée consiste à éviter de créer une brèche permettant de constituer certains FIA sous la forme d'OT uniquement pour échapper aux dispositions contraignantes de l'ordonnance "AIFM".
En second lieu, et de manière plus générale, il conviendra malgré tout d'être vigilant quant aux diverses conséquences que la qualification, apparemment indolore, de FIA peut emporter s'agissant des OT, et de bien circonscrire les cas dans lesquelles elle joue. Ainsi, quid d'une potentielle application calamiteuse aux OT des normes issues du Règlement n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012, sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux (N° Lexbase : L8524ITU dit Règlement "EMIR") qui pèsent sur les FIA gérés par des gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs conformément à l'article 2-8) dudit Règlement ? Pareillement, qu'en sera-t-il de l'éventuelle qualification de FIA des conduits ABCP (6) utilisés dans certaines opérations de titrisation, et qui pourraient donc devoir se doter d'une société de gestion et d'un dépositaire ? La lumière reste encore à faire sur l'impact pratique de l'ordonnance "AIFM" en matière de titrisation.
B - Une opération de dépoussiérage
Alors qu'elle créait les organismes de titrisation, l'ordonnance n° 2008-556 du 13 juin 2008 (N° Lexbase : L9095H3A) (7) avait inscrit les fonds communs de créances dans une logique extinctive : l'ancien article L. 214-49-14 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7140IAP) disposait que "les fonds communs de créances [...] demeurent soumis aux articles L. 214-43 à L. 214-49 dans leur rédaction antérieure" à la date de publication de l'ordonnance n° 2008-556. Le nettoyage est désormais accéléré puisque, à titre de disposition transitoire, l'article 34, III de l'ordonnance "AIFM" impose que les fonds communs de créances encore existants (8) soient placés sous le régime des organismes de titrisation avant le 22 juillet 2014.
Conséquence logique : le statut dérogatoire de société de gestion de fonds communs de créances, après 26 ans de bons et loyaux services, va lui aussi disparaître puisque l'article 33, VI de l'ordonnance "AIFM" oblige les sociétés encore placées sous ce statut à demander leur agrément en qualité de société de gestion de portefeuille (-sans pour autant, si elles ne gèrent que des OT, que ces sociétés de gestion ne soient normalement contraintes de se conformer aux obligations spécifiques issues de la règlementation "AIFM"-. La disposition est cohérente avec la nouvelle rédaction de l'article L. 532-9 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5644IXC) qui implique que seule une société de gestion de portefeuille peut gérer un FIA.
Enfin, faisant la joie de nombre d'acteurs du marché français de la titrisation, le nouvel article L. 214-170 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L0799IYA) ne contient plus une quelconque exigence de notation préalablement à l'admission sur un marché réglementé de parts, actions ou titres de créances émis par un OT. Ce sera une lourdeur en moins dans la mise en place de nombreux programmes. Néanmoins, l'obligation demeure pour une offre au public, ce qui va en deçà de la demande exprimée par la "place de Paris" (9).
Bilan de ce qui précède : sans révolutionner prima facie la titrisation française, l'ordonnance "AIFM" lui offre de belles questions règlementaires et perturbantes (à commencer, prosaïquement, par la renumérotation des articles du Code monétaire et financier !) et quelques heureux allègements. Le décret "Assureurs", pour sa part, est plus certainement destiné à la dynamiser de manière induite.
II - L'évolution de certains organismes de titrisation vers le statut de fonds de prêt à l'économie due au décret n° 2013-717
La raréfaction constatée du crédit bancaire à destination des petites et moyennes entreprises et entreprises de taille intermédiaire (les PME/ETI) dans un contexte réglementaire se voulant de moins en moins favorable (A) a conduit à imaginer une solution alternative dans laquelle les OT tiennent, peut-être avec une pointe de paradoxe, une place centrale (B).
A - Une inflation règlementaire induisant un crédit bancaire plus rare
Il est difficile de balayer purement et simplement l'argument selon lequel les récentes réformes prudentielles et assimilées, en particulier le "paquet CRD IV" que nous mentionnions en introduction, ne sont pas ontologiquement pour favoriser l'expansion du crédit bancaire.
Ce constat, largement partagé, a suscité une quête vers d'autres quidams susceptibles d'abreuver le circuit économique de leurs liquidités inemployées. Très vite, les assureurs ont été désignés, à cet égard, comme les candidats idéaux. L'idée paraissait d'autant meilleure en France, championne du modèle de la bancassurance et prévoyant à l'article L. 511-6 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9718IX9) une dérogation au monopole bancaire profitant aux entreprises d'assurance. Néanmoins, c'était sans compter l'effet des dispositions particulières applicables à ces dernières, cas expressément réservé par l'article L. 511-6 précité : plus précisément, l'article L. 322-2-2 du Code des assurances (N° Lexbase : L0442IXN) limite grandement la portée de cette exemption en disposant que des opérations hors-assurances ne peuvent être effectuées par un assureur que "si elles demeurent d'importance limitée par rapport à l'ensemble des activités de l'entreprise". Une acception fort mesurée de cette dérogation par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a suffit pour refermer presque totalement le chas de l'aiguille.
A défaut de pouvoir passer par la grande porte, restait néanmoins une solution pour les assureurs désireux de tenir le rôle de bailleurs de fonds : s'inscrire dans une logique "invest to lend" (10) et faire "originer" les prêts par un établissement de crédit ne les portant qu'un instant de raison sur son bilan pour immédiatement les céder à un véhicule de titrisation dans lequel un assureur investit. Néanmoins, jusqu'au décret "Assureurs", la partie réglementaire du Code des assurances rangeait de tels investissements dans le "ratio poubelle" des investissements autorisés en représentation des engagements réglementés des entreprises d'assurance, donc sous un boisseau de 10 % d'un panier plus large ne pouvant représenter que 65 % des investissements d'un assureur donné.
B - La catégorie nouvelle des fonds de prêt à l'économie
Pour faire exploser ce plafond de verre préjudiciable à l'attractivité des produits de titrisation pour les entreprises d'assurance, le décret "Assureurs" innove en créant, à l'article R. 332-14-2 du Code des assurances (N° Lexbase : L6759IXM), les fonds de prêt à l'économie (les FPE) qui peuvent prendre la forme soit d'OT soit de fonds d'investissement professionnels spécialisés (les FIPS) régis par les articles L. 214-154 (N° Lexbase : L6496IXU) et suivants du Code monétaire et financier (11), à la condition de répondre à certains critères. Le statut de FPE ne correspond donc pas, à proprement parler, à une nouvelle catégorie d'organismes de placement collectif, mais plutôt à une étiquette supplémentaire dont peuvent se parer les OT ou les FIPS. Parmi les critères devant être respectés pour ce faire, on peut notamment citer :
(i) L'obligation pour leur actif de ne comprendre, principalement, que "des créances sur, ou de titres de créances émis par, des collectivités publiques territoriales ou des établissements publics des Etats membres de l'Union européenne ou des personnes morales de droit privé des Etats membres de l'Union européenne, exerçant à titre principal une activité commerciale, industrielle, agricole ou immobilière, à l'exclusion des activités financières et des organismes de placements collectifs" (C. mon. fin., art. R. 332-14-2, II, 1°). Compte tenu de cette rédaction, il semble raisonnable de penser que les FPE ne pourront pas investir dans des OT refinançant des prêts faits à de pures holdings, par exemple dans le cadre d'opérations de LBO, puisque les holdings en question n'ont pas à proprement parler une activité commerciale, industrielle, agricole ou immobilière ;
(ii) L'interdiction de conclure des contrats financiers "spéculatifs" (
(iii)l'interdiction de trancher leur passif (12) C. mon. fin., art. R. 332-14-2, V).
Contrairement au sort réservé jusque là aux produits de titrisation, à savoir l'inclusion dans le "ratio poubelle", les titres émis par les fonds de prêts à l'économie, admissibles en représentation des engagements réglementés d'une entreprise d'assurance conformément à l'article R. 332-2, 2° quater, du Code des assurances (N° Lexbase : L6764IXS), peuvent désormais constituer jusqu'à 5 % des engagements réglementés d'une entreprise d'assurance (13) en application de l'article R. 332-3, 4°, du Code des assurances (N° Lexbase : L6762IXQ) tel que modifié par le décret "Assureurs". Est fréquemment avancé le chiffre de 90 milliards d'euros pour le volant de financement libéré par cette réforme.
Dans le même esprit, l'article R. 332-3, 3°, du Code des assurances uniformise le traitement des produits de titrisation émis par des OT se conformant aux critères imposés aux FPE à l'exception de celui portant sur la composition de l'actif, mais refinançant des prêts obtenus ou garantis par le "secteur public" ou des prêts hypothécaires avec celui appliqué aux prêts sous-jacents : tous sont désormais indifféremment admissibles en représentation des engagements réglementés des entreprises d'assurance dans la limite de 10 %. Enfin, ajoutons que, plus largement, le décret "Assureurs" a étendu la liste des actifs éligibles en représentation des engagements réglementés des assureurs, en particulier aux titres de créances négociables, obligations parts ou actions émises par un OT (C. assur., art. L. 332-2, 6° b)), mais en les logeant dans le "ratio poubelle" (C. assur., art. R. 332-3, 1° b).
Nous avons la faiblesse de penser que c'est tout particulièrement aux OT, bien plus qu'aux FIPS, que ces dispositions nouvelles devraient assurer un regain de popularité : l'article R. 332-3, 3°, du Code des assurances ne joue qu'à l'égard des produits de titrisation et, pour ce qui est des FPE, le régime particulièrement favorable de cession de créances applicable aux seuls OT, résultant de l'article L. 214-169, IV, du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L0798IY9), devrait constituer un gage de solidité inégalable pour les investisseurs (14).
Si le succès des FPE comme solution alternative de financement pour les PME/ETI semble assuré, comme en atteste déjà l'annonce par la Caisse des dépôts et consignations, avant même la publication du décret "Assureurs", des fonds NOVO (15), l'ordonnance "AIFM" est, quant à elle, plutôt source d'une inquiétude mesurée. Par ailleurs, même si l'on ne peut que louer l'effort mis par le législateur a soutenir par son travail des solutions innovantes de financement pour les entreprises françaises, tout en travaillant à orienter la titrisation vers les territoires vertueux du financement de créances commerciales, nous laissons à la sagacité de nos lecteurs le soin de rechercher la cohérence de cette initiative avec le discours ambiant qui fustige vertement le shadow banking (16). Car, après tout, les FPE n'en sont-ils pas un avatar ? Décidemment, l'astre qui brille en ce moment sur le droit bancaire et financier est bien trouble... Une claire invitation à la prudence pour certains libérateurs du genre humain qui veulent la matière, à l'image du droit conjugal, absolu (17).
(1) Sur ce texte à l'état de projet, nos obs., La faillite des banques : les paradoxes font-ils de bons objectifs ?, Lexbase Hebdo n° 314 du 25 octobre 2012 - édition affaires (N° Lexbase : N4179BTX).
(2) Pour sortir du sérail juridique, on ne peut que conseiller de lire, sur le sujet, le blog de Gaël Giraud.
(3) Et dans l'attente d'une modification à venir d'une modification du Règlement général de l'Autorité des marchés financiers.
(4) Pour une synthèse globale du dispositif, lire N. Mordaunt-Crook et M. Carissimo, Les fonds d'investissement alternatifs à la française, RDBF, juillet 2013, 17.
(5) Pour aller plus loin dans cette définition, on peut se reporter au guide publié par l'Autorité des marchés financiers : Guide des mesures de modernisation des placements collectifs français, juillet 2013.
(6) Les conduits ABCP (pour Asset Based Commercial Paper) sont des véhicules ayant pour objet de refinancer des actifs variés en émettant des titres de court terme, tels des billets de trésorerie.
(7) Sur laquelle lire nos obs., La titrisation nouvelle est arrivée !, Lexbase Hebdo n° 311 du 3 juillet 2008 - édition privée (N° Lexbase : N4912BGZ).
(8) Et, en se tenant à une lecture littérale de la liste publiée par la Banque de France sur le fondement de l'article L. 214-171 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5835IXE ; anciennement C. mon. fin. L. 214-45 N° Lexbase : L7122IAZ), il en existe encore quelques-uns ! Cf. la liste des organismes de titrisation actifs à la date d'arrêté du 30 juin 2013, publié par la Banque de France.
(9) Car Paris n'est plus une ville, semble-t-il !
(10) Investir pour prêter.
(11) Ces fonds regroupent les anciens OPCVM contractuels et FCPR contractuels.
(12) C'est-à-dire que les fonds de prêts de l'économie ne peuvent émettre des titres répartissant de manière inégalitaire entre différentes catégories d'investisseurs le risque de crédit associé à la détention de ces titres.
(13) Les mutuelles, pourtant inscrites dans une logique très similaire, ne bénéficient pas de cet assouplissement : les articles R. 212-31 (N° Lexbase : L6027IXI) et suivants du Code de la mutualité n'ont pas été modifiés par le décret "Assureurs".
(14) Puisque que, dans le montage envisagé, l'OT commence par acquérir les créances de "prêt à l'économie".
(15) CDC, communiqué de presse du 10 juillet 2013
(16) Commission Européenne, Livre vert, Le système bancaire parallèle, 19 mars 2012, COM(2012) 102 final
(17) Librement inspiré de G. Bernanos, Sous le soleil de Satan (1926).
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par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la cour, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
Le 26 Septembre 2013
L'avoir fiscal a laissé dans le sillage de sa disparition un certain nombre de litiges entre les contribuables et l'administration fiscale, dont témoignent deux décisions du Conseil d'Etat du 25 juillet 2013 (CE 9° s-s., 25 juillet 2013, n° 348371 et n° 348372, inédits au recueil N° Lexbase : A1202KKQ et N° Lexbase : A1203KKR). Introduit en droit français par la loi du 12 juillet 1965 (CGI, art. 158 bis N° Lexbase : L2608HL8) et abrogé à compter du 1er janvier 2005 (loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, de finances pour 2004 N° Lexbase : L6348DM3), l'avoir fiscal a permis d'éviter une double imposition économique se définissant comme d'un même revenu imposé deux fois (1) au nom de deux personnes différentes (2). On déduit du CGI (CGI, art. 209 bis N° Lexbase : L3880HLB) alors en vigueur, que l'avoir fiscal ne pouvait pas être cédé : seul le bénéficiaire de la distribution avait vocation à utiliser l'avoir fiscal, qui fut considéré comme un crédit d'impôt -il ne fut pas que cela (3)- puis remplacé par une réfaction s'élevant à 40 % de la somme perçue (4).
Les faits des deux espèces ont en commun l'acquisition, durant la période estivale des années 2000 et 2001, de titres de société suivie d'une distribution de dividendes et de leur revente dans les semaines suivant leur acquisition. Ces opérations ont entraîné, outre le droit à un avoir fiscal égal à 25 % des dividendes versés, une moins-value pour un montant égal aux dividendes encaissés. L'administration fiscale, y voyant un abus de droit (LPF, art. L. 64, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce N° Lexbase : L1394AED), a refusé l'imputation de l'avoir fiscal sur l'impôt sur les sociétés, et a assorti son redressement d'une généreuse pénalité de 80 % et de l'intérêt de retard, dont on rappelle que le taux mensuel était alors de 0,75 %, soit 9 % par an.
Sur le plan procédural, on pouvait s'interroger sur la possibilité de sanctionner le contribuable en invoquant les dispositions de l'article L. 64 du LPF dans leur rédaction applicable aux faits de l'espèce antérieurement à la loi du 30 décembre 2008 (loi n° 2008-1443, de finances rectificative pour 2008, art. 35 N° Lexbase : L3784IC7). En effet, ce texte d'exception ne visait pas, notamment, les crédits d'impôt. Une divine surprise jurisprudentielle a permis à l'administration fiscale de sauver certaines procédures de répression d'abus de droit en invoquant une substitution de base légale : la décision "Janfin", (CE Contentieux, 27 septembre 2006, n° 260050, publié au recueil Lebon [LXB=A3224DR]), consacrant un principe général de sanction d'une fraude à la loi, va considérablement étendre le champ d'application de l'abus de droit, en permettant sa répression sans texte.
Sur le fond du droit, alors que l'avoir fiscal n'était pas restituable aux personnes morales lorsqu'il excédait l'impôt dû, l'administration était-elle bien fondée à contester l'imputation de ce crédit d'impôt sur une cotisation d'IS minorée par une moins-value à la suite de la cession de titres acquis quelques semaines auparavant et pour lesquels le contribuable avait perçu des dividendes ?
Relevant que l'avoir fiscal était essentiellement un moyen de paiement de l'impôt (v. notamment : CE 9° s-s., 27 juillet 2012, n° 341350, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0722IR8 ; CE 3° et 8° s-s-r., 7 septembre 2009, n° 305586, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8913EKC ; CE 3° et 8° s-s-r., 7 septembre 2009, n° 305596, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8914EKD), le Conseil d'Etat approuve les juges du fond d'avoir considéré que l'avoir fiscal pouvait s'imputer sur une cotisation d'impôt sur les sociétés, même si cette dernière était minorée par une moins-value issue de la vente des titres de la société distributrice.
La Haute juridiction administrative va motiver sa décision en rappelant que le bénéfice de l'avoir fiscal n'était pas subordonné à une durée minimum de détention des titres et que l'objectif du législateur de 1965 était de promouvoir la place financière de Paris grâce à ce crédit d'impôt, reprenant ainsi les considérants issus des décisions "Axa" et "Henri Goldfarb", précitées.
La position du Conseil d'Etat était donc connue et la thèse de l'administration fiscale, selon laquelle ces opérations avaient un caractère artificiel, ne sera pas validée par la Haute juridiction au motif que l'actionnaire prend toujours un risque financier en acquérant une participation au capital d'une société, même dans un groupe avec un dirigeant commun. Enfin, la décision des actionnaires de dissoudre la société n'implique aucunement la perte de la qualité d'actionnaire qui perdure le temps des opérations de dissolution et de liquidation de la société.
Les opérations relatées n'étant pas artificielles et la qualité d'actionnaire n'ayant pas été remise en cause, ce succès des contribuables doit être tempéré par la lecture du rapport parlementaire sur "l'optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international" (P.-A. Muet, rapport n° 1243, 10 juillet 2013) : il est en effet proposé d'"assouplir" substantiellement le champ d'application rationae materiae des dispositions de l'article L. 64 du LPF en réprimant les actes constitutifs d'un abus de droit ayant "principalement", et non plus "exclusivement" (5), pour but d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que le contribuable aurait dû supporter. Cette modification, si elle devait être adoptée, précipiterait potentiellement les intéressés dans un abyme d'insécurité juridique eu égard au biais subjectif qu'une telle évolution introduirait en droit positif.
Une question majeure subsisterait alors, si l'article L. 64 du LPF devait être amendé en ce sens : sauf à encourager l'adoption d'une posture victimaire (6), l'administration fiscale aurait-elle un intérêt à mettre en oeuvre une procédure dont l'application devrait rester exceptionnelle à l'encontre des contribuables ?
Les faits de l'espèce ont trait à ce que l'arrêt qualifie de "société de fait" alors qu'une société de fait est une société valablement constituée initialement -une société en nom collectif par exemple- et qui a dégénéré à la suite d'un événement -la SNC comporte un associé mineur-, ce qui est interdit eu égard à la qualité de commerçant attribuée aux associés d'une SNC. La société de fait doit être distinguée de la société créée de fait que l'on rencontre lors d'une crise majeure dans un couple se séparant, l'un d'entre eux se découvrant une qualité d'associé qu'il ignorait jusqu'alors et ce avec d'autant plus d'intérêt que la société créée de fait est florissante. Il semblerait, par conséquent, que les faits relatés concernent une société en participation, dont l'objet était le terrassement et les travaux agricoles, constituée entre deux frères participant à un circuit "fermé" de fausse facturation : en effet, les associés de cette société ont émis des factures, au nom de sociétés dirigées par des proches, sans contrepartie ou en rendant des prestations très surévaluées. L'administration fiscale a alors remis en cause la déduction de la TVA mentionnée sur des factures émises par la société en cause.
A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a rejeté la déduction de la TVA assortie d'une majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses (CGI, art. 1729 N° Lexbase : L4163HM7 ; CAA Nantes, 1ère ch., 1er mars 1999, n° 96NT01636, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0210AX3), et d'une amende fiscale de 50 % du montant des factures considérées (CGI, art. 1740 ter N° Lexbase : L4244HM7 ; depuis le 1er janvier 2006 : CGI, art. 1737 N° Lexbase : L1727HNB ; CAA Marseille, 3ème ch., 3 février 2011, n° 08MA03065, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1689GU4 ; CE 10 s-s., 28 novembre 2012, n° 348108, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8831IXD).
L'unique moyen sur le fond relatif aux pénalités sera rejeté par la juridiction d'appel dès lors que les associés ont agi de concert avec les dirigeants des autres sociétés impliquées dans ce circuit de fausses factures et qu'ils ont, de surcroît, perçu une rémunération pour l'émission de ces faux documents commerciaux. Dans ces conditions, la thèse opposée par les contribuables, selon laquelle ils auraient été victimes des agissements commis par des tiers, n'était absolument pas recevable et l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai doit être approuvé. Les associés de cette société pourront méditer à la fois sur l'adage nemo auditur (7), dont ils subissent concrètement les conséquences et, en droit comparé, sur le sort autrement plus rigoureux réservé par les autorités de l'Empire du Milieu aux fraudeurs en matière de TVA dont le régime vient d'être étendu, depuis août 2013, à l'ensemble du territoire de la seconde puissance économique mondiale.
Le développement international des entreprises et la possibilité toujours offerte aux contribuables français de voyager sur le globe ont suscité des vocations quant à l'exploitation des failles du principe de territorialité de l'impôt sur les sociétés. De nombreux contentieux fiscaux ont eu pour cadre une législation spécifique (CGI, art. 209 B N° Lexbase : L9422IT7 ; loi n° 80-30 du 18 janvier 1980) visant à imposer en France le résultat bénéficiaire d'une entreprise exploitée hors de France et soumise à régime fiscal privilégié (CGI, art. 238 A N° Lexbase : L3230IGQ) lorsque, aux termes des dispositions applicables aux faits de l'espèce, 25 % au moins de ses titres sont détenus par une entreprise française passible de l'IS.
Outre des obligations déclaratives à souscrire (CGI, Ann. II, art. 102 Z N° Lexbase : L0617HWR), l'imputation des pertes de l'établissement étranger sur des résultats bénéficiaires en France n'est pas autorisée, ce qui consacre l'asymétrie de cette "consolidation-punition" (8) (T. Pons, L'article 209 B : règle de territorialité élargie ou mesure anti-évasion ?, Bulletin Francis Lefebvre avril 2011). Ayant fait l'objet d'une substantielle réécriture applicable à compter du 1er janvier 2006 (loi n° 2004-1484, 31 décembre 2004, de finances pour 2005, art. 104 N° Lexbase : L5203GUA ; BoFiP-Impôts, BOI-IS-BASE-60-10, 12 septembre 2012 N° Lexbase : X6579ALA) à la suite de critiques de la doctrine fiscale française dont les termes employés traduisaient la vivacité ("Waterloo morne plaine" (9), "Pour qui sonne le glas" (10), "le paradis retrouvé" (11), "Après les ténèbres, la lumière" (12)) en écho à la jurisprudence "Sté Schneider Electric" (CE Contentieux, 28 juin 2002, n° 232276, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0219AZ7), les dispositions de l'article 209 B du CGI contiennent une clause de sauvegarde aux termes de laquelle l'entreprise française doit démontrer que l'implantation de la filiale n'a pas pour "objet" principal d'échapper à l'impôt, selon le Conseil d'Etat qui a découvert un critère d'intentionnalité (13), et non pour "effet" ainsi que cela était mentionné dans la loi jusqu'à une intervention récente du législateur (14) (B. Gouthière, Article 209 B : les nouveaux contours de la clause de sauvegarde, Feuillet Rapide Francis Lefebvre 38/2012, n° 23 ; E. Bokdam-Tognetti, Article 209 B : causeries autour de la clause de sauvegarde, RJF février 2013, p. 107). De plus, l'entreprise française doit démonter qu'elle y exerce à titre principal une activité effective industrielle ou commerciale, pour les années en litige et non pour les années antérieures (CE 9° s-s., 25 juillet 2013, n° 352716, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1221KKG ; CAA Versailles, 3ème ch., 22 mars 2011, n° 10VE01062, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1778HRB). S'agissant des faits de l'espèce pour lesquels le Conseil d'Etat écarte l'application de la procédure de redressement contradictoire (LPF, art. L. 55 N° Lexbase : L5685IEB), la mise en oeuvre des dispositions de l'article 209 B du CGI est possible lorsqu'un établissement a été créé par une filiale suisse de l'établissement bancaire français, sans que la Convention franco-suisse (Convention signée à Paris le 9 septembre 1966 N° Lexbase : L6752BHK) y fasse obstacle, puisque cette dernière ne vise que les bénéfices réalisés "en propre" par les entreprises françaises ou suisses et non une filiale. Enfin, l'activité doit être prépondérante sur le marché local : c'est le cas lorsqu'un établissement bancaire s'implante aux Bahamas afin de collecter les fonds de particuliers étrangers souhaitant placer leurs avoirs aux Bahamas, implantation ayant permis à cet établissement bancaire "d'acquérir une clientèle spécifique qui n'aurait pas réalisé ses placements en France" (CE 9° s-s., 26 décembre 2012, n° 349070, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1443IZH ; CE 9° s-s., 26 décembre 2012, n° 349071, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1444IZI). En revanche, le Conseil d'Etat considère que les juges du fond commettent une erreur de droit (CAA Versailles, 3ème ch., 4 mai 2010, n° 09VE02136, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7664EX7), lorsque ces derniers estiment qu'une activité de gestion de trésorerie par un établissement financier à Hong-Kong rendue à d'autres entités du groupe situées en Asie du sud-est est réalisée de façon prépondérante sur un marché local (CE 9° et 10° s-s-r., 28 novembre 2012, n° 338682, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8823IX3 (15) ; concl. F. Aladjidi et note S. Austry, Dr. fisc. 2013 comm. 158).
(1) Une première fois au titre de l'impôt sur les sociétés, puis une seconde fois au titre de l'impôt sur le revenu lorsque les dividendes étaient servis à des personnes physiques, par exemple.
(2) La société distributrice (impôt sur les sociétés) et le contribuable personne physique (impôt sur le revenu).
(3) Certains s'en sont servis à des fins politiques : le grand public apprit l'existence de l'avoir fiscal lorsqu'un ancien premier ministre brigua la magistrature suprême. Par un hasard dont la vie politique française a le secret, la feuille d'imposition du prétendant fut publiée dans la presse ruinant ainsi tout destin présidentiel alors que l'utilisation de l'avoir fiscal était parfaitement légale. Mais ce qui est légal n'est peut-être pas légitime aux yeux de certains.
(4) L'abattement de 1 525 euros (pour les célibataires) et de 3 050 euros (pour les couples) a été supprimé par la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 (N° Lexbase : L7971IUR) pour les revenus versés à compter du 1er janvier 2012. Le crédit d'impôt de 115 euros ou de 230 euros a également été supprimé à compter de l'imposition des revenus de 2010 (loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, art. 7 N° Lexbase : L9901INZ).
(5) On se reportera à deux décisions de la CJCE faisant référence soit au but essentiellement fiscal, soit au but exclusivement fiscal (CJCE, 21 février 2008, aff. C-425/06 N° Lexbase : A0006D7D ; CJCE, 22 mai 2008, aff. C-162/07 N° Lexbase : A6664D8C).
(6) Un chef d'entreprise témoigne anonymement à la suite de la cession de son entreprise : "Malgré mon honnêteté et ma volonté d'acquitter tous les impôts réclamés, l'administration fiscale m'a accusé d'abus de droit. Je me suis battu pendant deux ans et j'ai obtenu gain de cause, mais au prix de quel engagement ! Si c'était à refaire, je partirais", Le Monde Argent, 14 et 15 octobre 2007, p. 2.
(7) Nemo auditur propriam turpitudinem allegans.
(8) Expression employée dans la 28ème édition du Précis de fiscalité des entreprises, Litec, coll. : Litec fiscal, 2004, § 707.
(9) A. de L'Estoile-Campi et P. Juilhard, Waterloo, morne plaine L'article 209 B après l'arrêt Schneider, RJF, février 2003, p. 113.
(10) P. Juilhard, "Pour qui sonne le glas ?" : Propos inconvenants sur l'article 209 B, RJF, avril 2001, p. 303.
(11) B. Boutemy, E. Meier et T. Perrot, Evasion fiscale, art. 209 B et conventions fiscales internationales : le paradis retrouvé, LPA, 27 août 2002, n° 171, p. 4.
(12) L. Olléon, Article 209 B et conventions fiscales internationales : "Après les ténèbres, la lumière", RJF, octobre 2002, p. 755.
(13) "La jurisprudence du Conseil d'Etat a donc introduit un critère d'intentionnalité, qui ne figurait pas, en tout cas explicitement, dans le texte initial, pour l'application de la clause de sauvegarde", S. Austry, Clause de sauvegarde de l'article 209 B : une (re)naissance ?, Dr. fisc., 2013, comm. 158.
(14) La loi du 16 août 2012 a modifié le III de l'article 209 B du CGI en substituant les termes "principalement un objet et un effet" aux termes "principalement un objet" (loi n° 2012-958 du 16 août 2012 N° Lexbase : L9357ITQ).
(15) "Il nous paraît surtout impossible, sauf à vider le dispositif de sa substance, d'admettre que le marché local' qui a été visé par le législateur, s'agissant de territoires qui sont souvent très petits, s'étende, non pas aux territoires limitrophes comme le ministre l'avait concédé au cours des discussions au parlement et comme l'ont admis la doctrine (cf. Instruction du 16 janvier 2007, BOI 4 H-1-07, § 229 N° Lexbase : X7928ADY ; Dr. fisc., 2007, n° 6, instruction 13647, en dernier lieu) et la jurisprudence (cf. CAA Versailles, 3ème ch., 2 mai 2006, n° 04VE00526, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6576DPA, RJF, 11/2006, n° 1328, à propos d'exportation vers la Chine et Taïwan effectuées depuis Hongkong) mais à la clientèle du monde entier qui pourrait y être attiré par les avantages fiscaux. Comme le résume de manière imagée le ministre : si le législateur n'a pas entendu pénaliser une société française créant un établissement stable à Abou Dhabi ou à Dubaï aux fins de vendre à ses clients résidents des Emirats arabes unis les meubles en marqueterie qu'elle fabrique et commercialise, en revanche, il n'a jamais souhaité favoriser la tenue de comptes aux Bahamas ou à Guernesey par des filiales de banques françaises au profit de clients russes ou vénézuéliens'", concl. F. Aladjidi.
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par François Brenet, Professeur à la Faculté de droit et des sciences sociales de l'Université de Poitiers-Institut de droit public (EA 2623)
Le 26 Septembre 2013
Parmi les multiples outils qui sont à la disposition des personnes publiques pour lutter contre la crise, le droit de la commande publique occupe une place importante (1). Instrument de relance de l'économie, cette branche du droit public est aussi un puissant levier d'insertion sociale des personnes en difficultés. Les acheteurs publics disposent en effet de la faculté de conditionner l'attribution des contrats publics, et spécialement des marchés publics, au respect de conditions sociales.
- Historique
Initialement, le Code des marchés publics ne reconnaissait pas la possibilité aux pouvoirs adjudicateurs de recourir à des critères sociaux de jugement des offres. Dans sa version de 2001, le Code des marchés publics permettait seulement à l'administration de prévoir des conditions d'exécution des marchés publics visant à promouvoir l'emploi des personnes rencontrant des difficultés particulières d'insertion ou à lutter contre le chômage (C. marchés publ., art. 14, version du 9 septembre 2001, plus en vigueur N° Lexbase : L7788AAP). Dans cette configuration, le critère social était utilisé comme un critère de sélection des candidatures et certainement pas comme un critère de sélection des offres. Il s'imposait de la même façon à tous les candidats et était donc sans effet sur le jugement des offres. Alors que le Code des marchés publics de 2004 reproduisait la distinction retenue en 2001 (légalité du critère social comme critère de sélection des candidatures mais illégalité du même critère en tant que critère de jugement des offres), c'est finalement le législateur qui a impulsé un changement majeur en permettant pour la première fois aux personnes publiques d'utiliser le critère du mieux disant social au stade de la sélection des offres. Plus précisément, l'article 58 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale (N° Lexbase : L6384G49) a modifié l'article 53-I du Code (N° Lexbase : L1072IR7) qui dispose désormais, dans sa version actuellement en vigueur, que, "pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : 1°) soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté [...]" (2).
- Droit de l'union européenne
Malgré le silence des Directives (CE) du 31 mars 2004, 2004/18 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (N° Lexbase : L1896DYU) (article 53) et 2004/17 portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux (N° Lexbase : L1895DYT) (article 55), la Cour de justice a admis la légalité du critère du mieux disant social, aussi bien comme condition d'exécution du marché que comme critère d'attribution (3), sous réserve du respect de strictes conditions. Au stade de la sélection des offres, le critère du mieux disant social doit respecter les principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, spécialement le principe de non-discrimination. De plus, le critère doit être lié à l'objet du marché public.
- Evolution de la jurisprudence administrative
De son côté, la jurisprudence administrative a fait preuve d'une extrême rigueur à l'égard du critère du mieux-disant social. C'est d'ailleurs assez remarquable car il est tout de même assez rare que la jurisprudence européenne soit "socialement" plus favorable que la jurisprudence nationale. Dans un premier temps, le Conseil d'Etat a jugé que le critère du mieux-disant social ne pouvait constituer un critère de sélection des offres et cela quand bien même une circulaire du 29 décembre 1993 (N° Lexbase : L2757IYR) en avait évoqué la possibilité (4). Dans un deuxième temps, le juge administratif a considéré que le critère du mieux-disant social était illégal dès lors qu'il n'était pas justifié par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution. Dans l'arrêt "Commune de Gravelines" (5), la Haute juridiction administrative a estimé que la collectivité territoriale ne pouvait pas retenir, pour apprécier les offres présentées à la suite d'un appel à la concurrence pour l'attribution d'un marché négocié ayant pour objet la réhabilitation d'une décharge, un critère additionnel de sélection relatif aux propositions faites par les soumissionnaires en matière de création d'emplois, d'insertion et de formation. En effet, un tel critère additionnel est jugé sans rapport avec l'objet du contrat ou avec ses conditions d'exécution. Par la suite, nombreuses furent les décisions censurant le recours au critère social, soit parce qu'il ne remplissait pas les conditions de légalité communes à l'ensemble des critères de jugement des offres (parce qu'il pouvait être discriminatoire par exemple), soit parce qu'il n'était pas justifié par l'objet du marché (6). Dans les faits, il apparaissait clairement que la condition relative à l'objet du marché n'était satisfaite que dans de rares hypothèses, celles dans lesquelles l'objet principal du marché à attribuer était de favoriser l'emploi des personnes en situation de détresse. En définitive, le critère du mieux-disant social ne remplissait donc pas la fonction sociale qu'on était en droit d'attendre de lui.
- Jurisprudence "Département de l'Isère"
Prenant en compte le contexte économique, social, mais aussi juridique, le Conseil d'Etat a fait évoluer sa jurisprudence d'une manière notable dans l'arrêt "Département de l'Isère" du 25 mars 2013 (7). En l'espèce, le juge des référés avait annulé l'appel d'offres visant à l'attribution d'un marché portant sur le renouvellement, le renforcement des chaussées, l'entretien des voies vertes et des abords du bâtiment du conseil général. Il avait considéré que, "par nature et indépendamment des personnels susceptibles d'être concernés par l'exécution du marché, les travaux de renforcement et de renouvellement des chaussées prévus par le marché litigieux ne présentaient aucun lien direct avec l'insertion professionnelles des publics en difficulté". Le Conseil d'Etat censure cette ordonnance pour erreur de droit au motif que, "dans le cadre d'une procédure d'attribution d'un marché qui, eu égard à son objet, est susceptible d'être exécuté, au moins en partie, par des personnels engagés dans une démarche d'insertion, le pouvoir adjudicateur peut légalement prévoir d'apprécier les offres au regard du critère d'insertion professionnelle des publics en difficulté, dès lors que ce critère n'est pas discriminatoire et lui permet d'apprécier objectivement ces offres". Même si cet arrêt n'opère pas une véritable rupture avec le passé, force est de constater qu'il accorde plus de poids au critère du mieux-disant social, lequel peut désormais être plus facilement utilisé par les pouvoirs adjudicateurs.
Plusieurs indices vont dans ce sens. En premier lieu, le critère du lien entre le critère du mieux-disant social et l'objet du marché est plus largement entendu. L'époque où ce critère ne pouvait être mis en oeuvre que pour les marchés publics en lien direct avec l'insertion sociale semble bien révolue puisque, désormais, tout marché "susceptible d'être exécuté, au moins en partie, par des personnels engagés dans une démarche d'insertion" peut être considéré comme lié avec le critère social. En deuxième lieu, il est désormais entendu (mais la jurisprudence antérieure le laissait déjà entendre), que les articles 14 et 53 du Code des marchés publics peuvent être activés séparément. Ils ont en commun de permettre aux pouvoirs adjudicateurs d'imposer des conditions sociales, soit pour présenter une candidature (article 14), soit pour sélectionner une offre (article 53). Mais le premier peut être utilisé sans le second et inversement. Une personne publique peut parfaitement imposer des conditions sociales au stade de la sélection des candidatures (8), sans pour autant imposer le critère du mieux-disant social au moment de choisir l'attributaire. A l'inverse, un pouvoir adjudicateur peut utiliser le critère du mieux-disant social, sans pour autant imposer des conditions sociales spécifiques au stade de l'exécution.
Ce changement montre combien le juge administratif est sensible aux questions de société (9). Pour autant, cette solution est aussi sérieusement encadrée. Il faut dire que le risque d'une utilisation du critère du mieux-disant social dans un sens contraire aux principes généraux de la commande publique existe et qu'il ne faut certainement pas en minorer l'importance. C'est pour cette raison que le Conseil d'Etat a pris soin d'indiquer que le critère d'insertion professionnelle des publics en difficulté ne devait pas être discriminatoire et devait permettre au pouvoir adjudicateur d'apprécier objectivement les offres. Cela signifie que l'acheteur public doit être en mesure de fournir des éléments objectifs d'appréciation (telles que les modalités d'accueil et d'intégration de la personne en insertion, progression et formation de la personne en insertion, etc.). Cela signifie aussi que l'utilisation du critère social ne doit pas conduire à favoriser les entreprises d'insertion sociale, en lui attribuant une pondération trop importante par exemple (10).
(1) Voir, par exemple, et parmi les législations récentes, la loi n° 2009-179 du 17 février 2009, pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés (N° Lexbase : L9450ICY) (JORF du 18 février 2009, p. 2841). On se souvient également que la loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008, relative aux contrats de partenariat (N° Lexbase : L7307IAU) a modifié le régime des contrats de partenariat de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 (N° Lexbase : L2584DZQ), en vue de favoriser la relance de l'économie.
(2) C'est nous qui soulignons.
(3) CJCE, 20 septembre 1998, aff. C-31/87 (N° Lexbase : A8451AUK) ; CJCE, 26 septembre 2000, aff. C-225/98 (N° Lexbase : A5919AYU).
(4) CE 7° et 10° s-s-r., 10 mai 1996, n° 159979, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9203AN8), Rec. CE, p. 164.
(5) CE 7° et 5° s-s-r., 25 juillet 2001, n° 229666, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1249AW8), Rec. CE, p. 391, AJDA, 2002, p. 46, concl. D. Piveteau.
(6) CAA Douai, 2ème ch., 29 novembre 2011, n° 10DA01501, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9705IB3), AJDA, 2012, p. 565 : illégalité du critère du mieux-disant social utilisé pour un marché relatif au déménagement et au stockage de mobilier et machines outils dans les lycées de la région Nord-Pas-de-Calais.
(7) CE 2° et 7° s-s-r., 25 mars 2013, n° 364950, publié au recueil Lebon ([LXB=A3297KBQ)]), Contrats Marchés publ., 2013, comm. 131, note W. Zimmer, RJEP, 2013, comm. 31, note J. Sirinelli.
(8) Ce qui permettra alors d'écarter toutes les candidatures ne respectant pas les clauses à caractère social.
(9) Sur ce sujet, voir le colloque du 27 septembre 2013 organisé par le Conseil d'Etat avec le Conseil national des barreaux.
(10) Dans l'arrêt "Département de l'Isère", le Conseil d'Etat a admis une pondération de l'ordre de 15 %.
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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane
Le 26 Septembre 2013
A - La validité du consentement
La rupture du contrat de travail résultant d'une convention est soumise aux règles générales du droit des contrats et, en particulier, à l'exigence que les parties aient valablement consenti au contrat comme l'exige l'article 1108 du Code civil (N° Lexbase : L1014AB8). Le Code du travail renforce encore cette exigence puisqu'il prête une attention toute particulière au consentement des parties qui concluent une rupture conventionnelle. En effet, les dispositions issues des articles L. 1237-11 et suivants, relatifs à la rupture conventionnelle, sont "destinées à garantir la liberté du consentement des parties". La Chambre sociale de la Cour de cassation a parfaitement entendu l'importance donnée au consentement et c'est donc très logiquement que l'on retrouve la protection de celui-ci au coeur de la plupart des décisions rendues depuis un an.
L'affaire la plus symbolique est certainement celle jugée le 30 janvier 2013 par la Chambre sociale et par laquelle elle décide que la situation de violence morale résultant d'un harcèlement moral subi par le salarié au moment de la conclusion de la rupture conventionnelle caractérise un vice du consentement permettant l'annulation de la rupture conventionnelle (3). Le fondement de la décision ne repose ni sur les règles relatives au harcèlement moral, qui permettent l'annulation d'une rupture conclue dans un contexte de harcèlement, ni sur celles relatives au consentement édictées par la section relative à la rupture conventionnelle, mais sur les règles générales applicables au consentement et, en particulier, sur l'existence d'un vice de violence altérant le consentement sur le fondement de l'article 1109 du Code civil (N° Lexbase : L1197ABX). Le consentement du salarié n'est pas seul concerné si bien que celui de l'employeur peut également être altéré, par exemple lorsque la rupture conventionnelle a été acceptée à la suite de manoeuvres dolosives du salarié (4).
B - Le respect du formalisme garantissant la validité du consentement
D'autres décisions ont permis de mettre en avant l'importance du consentement et, plus particulièrement, de renforcer son lien avec le formalisme imposé à ce mode de rupture. C'est ainsi que la Chambre sociale a pu juger que la remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié était nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l'homologation de la convention et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause si bien qu'à défaut d'une telle remise, la rupture conventionnelle est nulle (5). Le respect du délai de rétractation pourrait poser d'autres difficultés à l'avenir tant on sait, dans les relations entre professionnels et consommateurs où ces délais sont fréquents, qu'ils font souvent l'objet de fraudes. Les juridictions du fond paraissent vigilantes comme le démontre une affaire jugée par la cour d'appel de Paris le 27 juin 2013, mais il y a fort à parier que d'importantes difficultés probatoires pourront le plus souvent paralyser toute action, sauf à ce que la chambre sociale adopte une conception souple du régime probatoire en la matière (6).
Si, sans surprise, la prééminence du consentement est donc affirmée, une certaine marge de manoeuvre est tout de même laissée aux parties. En effet, certaines situations dans lesquelles il aurait pu être imaginé que le consentement soit altéré sont acceptées par la Chambre sociale.
C - L'absence d'incidence de l'existence d'un différend
Ainsi en va-t-il de l'existence d'un différend ou d'un litige entre les parties dont on s'est longtemps demandé si, comme cela était le cas à propos de la rupture amiable conclue en application de l'article 1134, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) (7), elle n'était pas de nature à caractériser l'existence d'un consentement vicié. Prenant le contrepied de ces décisions antérieures, la Chambre sociale a très clairement affirmé que "si l'existence, au moment de sa conclusion, d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l'article L. 1237-11 du Code du travail, la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties" (8). Cette formule doit être bien comprise : l'existence d'un différend ou d'un litige peut éventuellement justifier que la validité de la rupture soit affectée, mais à la condition d'être accompagné d'autres éléments caractérisant cette altération. L'existence seule d'un différend concomitant à la conclusion de la convention est insuffisante (9). Les juges du fond exigeront, par exemple, l'existence de violences, de pressions ou de menaces exercées par l'une des parties (10).
Plus surprenant, la Chambre sociale considère que le consentement des parties n'est pas altéré lorsqu'aucun délai n'est respecté entre l'entretien des parties et la conclusion de la convention de rupture intervenue sur-le-champ (11). Cette décision est, comme nous relevions dans ces colonnes, parfaitement conforme aux textes du Code du travail qui n'imposent pas un tel délai. Elle a cependant la fâcheuse conséquence de rendre totalement ineffective la faculté offerte aux parties par la loi de se faire assister lors de l'entretien. Aucune obligation d'information du salarié n'étant imposée par les textes quant à ce droit d'assistance, la seule manière de la rendre véritablement effective aurait en effet consisté à exiger qu'un second entretien ait lieu après que le salarié ait pris connaissance, lors du premier entretien, de l'intention de l'employeur de conclure une rupture conventionnelle. L'absence d'obligation d'information quant à l'existence de la faculté de se faire assister est certainement l'un des défauts majeurs du régime légal de la rupture conventionnelle, défaut qui pouvait difficilement être évité à partir du moment où le législateur a souhaité ignorer la phase de prise d'initiative de la rupture, a entendu simuler l'existence d'une volonté initiale conjointe et concomitante. Comme cela est souvent le cas, la réalité rattrape la fiction...
D - Les interrogations maintenues quant à la sanction du défaut de validité
Le défaut d'une condition de validité contractuelle emporte la nullité du contrat. Cette règle de droit commun est appliquée à la rupture conventionnelle mais la Chambre sociale ne semble pas lui faire produire tous ses effets. Ainsi, la Chambre sociale a confirmé l'annulation de la convention prononcée par les juges d'appel lorsque le salarié était victime de harcèlement moral, mais, aussi, a accepté que cette nullité produise les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (12). Il est vrai que, dans cette affaire, aucun moyen n'avait été soulevé pour contester cette requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse qui, vraisemblablement, était même souhaitée par le salarié demandeur.
Techniquement, la nullité de la convention de rupture, comme la nullité de tout acte de rupture d'ailleurs, devrait pourtant avoir pour effet de remettre les parties en état et, en particulier, de permettre la réintégration du salarié. La même ambiguïté traverse la jurisprudence des juridictions du fond comme en témoigne un arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui prononce la nullité d'une rupture conventionnelle, juge que cette nullité "remet les parties en l'état où elles se trouvaient avant la signature de cette convention" mais ne prononce pas la réintégration et octroie au salarié des indemnités pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (13).
Une position plus nette doit être adoptée par la Chambre sociale de la Cour de cassation. Si celle-ci choisit de maintenir la requalification en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la motivation de ce choix sera bien délicate.
II - L'influence de l'ordre public sur la rupture conventionnelle
Quelques décisions ont encore été rendues par les juridictions judiciaires sur les rapports qu'entretient le régime de la rupture conventionnelle avec l'ordre public. Il existe principalement deux manifestations de cette relation.
A - Qualification indisponible
On peut d'abord relever qu'une juridiction du fond a eu l'occasion d'affirmer qu'un accord amiable de rupture conclu entre les parties devait être requalifié en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse faute que les parties à l'accord n'aient respecté les dispositions du Code du travail relatives à la rupture conventionnelle (14). En somme, la qualification de la rupture amiable du contrat de travail n'est plus disponible : il doit s'agir d'une rupture conventionnelle.
A l'exception des ruptures amiables qui peuvent encore survenir dans le cadre du régime applicable au licenciement pour motif économique (contrat de sécurisation professionnelle, accord de rupture dans le cadre d'un PSE, etc.), les ruptures amiables du contrat de travail issues de l'article 1134, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) semblent donc en voie de disparition, par une application finalement assez logique de l'adage specialia generalibus derogant.
B - Clauses de la convention
Le Code du travail demeure relativement lacunaire quant au contenu de la convention de rupture et n'impose que l'existence d'une clause relative à l'indemnité servie au salarié et la détermination de la date de la rupture du contrat de travail. Faute d'autres précisions, c'est donc le principe de liberté contractuelle qui doit ici développer ses effets et l'on pouvait donc imaginer que les parties aient une grande latitude dans la détermination du contenu de la convention (15).
La Chambre sociale de la Cour de cassation s'est prononcée dans le sens opposé à propos d'une clause de la convention par laquelle les parties renonçaient "à tout recours" judiciaire après la rupture du contrat (17). Le fondement de la décision repose sur les dispositions de l'article L. 1237-14 du Code du travail (N° Lexbase : L8504IA9) qui ouvre le droit au salarié de contester la validité de la rupture conventionnelle et qui, par conséquent, semble être considéré comme une disposition d'ordre public à laquelle les parties ne peuvent déroger.
III - Articulation entre rupture conventionnelle et autre mode de rupture
Deux décisions ont encore été rendues à propos de l'articulation de la rupture conventionnelle avec d'autres modes de rupture du contrat de travail sans, d'ailleurs, que les deux décisions en question ne paraissent être bien cohérentes.
C'est cette règle qui permet à la Chambre sociale de rejeter une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail formé contre un contrat déjà rompu par rupture conventionnelle faute que la nullité de cette dernière n'ait été demandée (17). Quelques semaines seulement après cette décision, une autre affaire jugée par la cour d'appel de Colmar donnait cependant le sentiment que la règle devrait à nouveau être précisée. En effet, les juges alsaciens ont eu l'occasion de juger que lorsque des parties signent une rupture conventionnelle postérieurement à la notification d'un licenciement pour faute, elles ont nécessairement renoncé aux effets de la lettre de licenciement et ont réglé par là même les effets de la rupture de leur relation (18). Ce faisant, elle acceptait la conclusion d'une rupture conventionnelle relative à un contrat de travail déjà rompu.
L'argumentation de la cour d'appel de Colmar a peu de chance de susciter une évolution de la jurisprudence. D'abord parce que la Chambre sociale a pris pour habitude de faire produire ses effets à la première rupture intervenue dans le temps, pour les ruptures conventionnelles comme pour d'autres modes de rupture. Ensuite parce que l'argumentation des juges d'appel reposait sur l'existence d'une renonciation des parties au licenciement caractérisé par la conclusion de la rupture conventionnelle. S'il est vrai que l'employeur peut renoncer au licenciement en accord avec le salarié, toute renonciation doit résulter d'une volonté expresse que l'on parvient difficilement à identifier dans ce cas de figure. Au contraire, on peut penser que la volonté des parties consistait à transiger à la suite de la rupture. La requalification de la rupture conventionnelle en transaction semble cependant ne pas être à l'ordre du jour de la Cour de cassation (19).
(1) V. les obs de Ch. Willmann, Conditions de validité de la rupture conventionnelle : premiers contentieux des juridictions d'appel, Lexbase Hebdo n° 499 du 27 septembre 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N3627BTI).
(2) A l'exception d'une décision relative à l'articulation entre le régime de la rupture conventionnelle et celui du licenciement pour motif économique, v. Cass. soc., 9 mars 2011, n° 10-11.581, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3242G79) ; v. les obs de Ch. Willmann, La Cour de cassation assimile les ruptures conventionnelles à des licenciements pour motif économique, Lexbase Hebdo n° 433 du 24 mars 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N7642BRH) ; RDT, 2011, p. 226, rapp. J.-M. Béraud ; SSL, 2011, n° 1484 , p. 7, obs. J. Pélissier.
(3) Cass. soc., 29 janvier 2013, n° 11-22.332, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6245I43) et nos obs., Rupture conventionnelle : consécration de la prééminence du consentement, LexbaseHebdo n° 516 du 14 février 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N5793BTQ) ; RDT, 2013, p . 258, note F. Taquet ; JCP éd. E., 2013, 1236, note D. Corrignan-Carsin ; LPA 8 août 2013, p. 19, note F. Hemadache.
(4) CA Metz, 6 mai 2013, n° 11/01105 (N° Lexbase : A2943KDD).
(5) Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-27.000, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5796I7S) et nos obs., Rupture conventionnelle : consécration de la prééminence du consentement, préc. ; CSBP 2013, n° 250, p. 74, obs. A. Belot. La solution a depuis lors été reprise par les juridictions du fond, v. par ex. CA Rouen, 2 avril 2013, n° 12/03837 (N° Lexbase : A3617KBL).
(6) CA Paris, Pôle 6, 5ème ch., 27 juin 2013, n° 11/03173 (N° Lexbase : A9727KHQ).
(7) Cass. soc., 31 octobre 2007, n° 06-43.570, F-D (N° Lexbase : A2439DZD).
(8) Cass. soc., 23 mai 2013, n° 12-13.865, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9246KDS) et nos obs., La rupture conventionnelle conclue avec l'avocat collaborateur salarié, Lexbase Hebdo n° 130 du 30 mai 2013 - édition. professions (N° Lexbase : N7295BTD) ; RDT 2013, p . 480, note G. Auzero ; LPA du 5 septembre 2013, p. 10, note R. Dalmasso ; Cass. soc., 3 juillet 2013, n° 12-19.268, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5419KIK) et nos obs., Absence de délai entre entretien et signature de la rupture conventionnelle : que reste-t-il du droit des parties à se faire assister ?, Lexbase Hebdo n° 536 du 18 juillet 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N8072BT7) ; CA Poitiers, 10 juillet 2013, n° 11/05381 (N° Lexbase : A6087KIB).
(9) Avant les décisions rendues par la chambre sociale de la Cour de cassation , v. par ex. une affaire jugée par la cour d'appel d'Agen qui jugeait que le consentement des parties était altéré puisque l'employeur avait sanctionné le salarié d'un avertissement quelques jours seulement avant la rupture conventionnelle, ce qui caractérisait l'existence d'un différend permettant d'annuler la convention : CA Agen, 12 mars 2013, n° 12/01002 (N° Lexbase : A8000I98).
(10) CA Limoges, 9 septembre 2013, n° 12/01357 (N° Lexbase : A5557KKZ).
(11) Cass. soc., 3 juillet 2013, n° 12-19.268, préc.
(12) Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-27.000, préc.
(13) CA Aix-en-Provence, 27 juin 2013, n° 12/19472 (N° Lexbase : A9211KHM).
(14) CA Amiens, 19 juin 2013, n° 12/02687 (N° Lexbase : A7883KG3).
(15) La cour d'appel de Bordeaux a, par exemple, accepté qu'une clause de non-concurrence soit instituée au moment de la conclusion de la rupture conventionnelle ; v. CA Bordeaux, ch. soc., 6 mars 2012, n° 11/01545 (N° Lexbase : A9634ID8) et les obs. de Ch. Willmann, Conditions de validité de la rupture conventionnelle : premiers contentieux des juridictions d'appel, préc.
(16) Cass. soc., 26 juin 2013, n° 12-15.208, FS-P+B+R (N° Lexbase : A2990KIL).
(17) Cass. soc., 10 avril 2013, n° 11-15.651, FS-P+B (N° Lexbase : A0813KC4) et nos obs., Articulation entre rupture conventionnelle et résiliation judiciaire du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 525 du 25 avril 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N6799BTY) ; JSL, 2013, n° 344, p. 13, obs. Ph. Lhernould ; JCP éd. S, 2013, 1281, note C. Puigelier.
(18) CA Colmar, 7 mai 2013, n° 12/00123 (N° Lexbase : A1142KDN).
(19) V. Cass. soc., 26 juin 2013, n° 12-15.208, préc., décision par laquelle la Chambre sociale refuse implicitement mais très clairement la requalification d'une rupture conventionnelle en transaction.
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Réf. : Cass. civ. 1, 11 septembre 2013, n° 12-23.357, FS-P+B (N° Lexbase : A1531KLB)
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par Séverin Jean, Maître de conférences en droit privé à l'Université Toulouse 1 Capitole, IEJUC (EA 1919)
Le 26 Septembre 2013
La solution ne surprend pas, non pas qu'elle semble à son commentateur bien fondée, mais parce que les magistrats du Quai de l'Horloge se sont déjà prononcés dans ce sens l'hiver dernier (1). La morale de l'histoire est connue : il est désormais acquis que la publicité foncière, couplée à l'obligation d'instrumenter du notaire, constitue une cause d'irresponsabilité civile du notaire (I). Néanmoins, il convient de s'en méfier, car la morale coûte ici au droit, tout comme réciproquement, le droit, issu de cette morale, entache la morale du droit (II).
I - La morale de l'histoire : l'irresponsabilité civile du notaire
La Cour de cassation réitère une jurisprudence antérieure (2) estimant que faute d'avoir été publiée, la vente est inopposable aux tiers, de sorte que le notaire est tenu d'instrumenter (3) une autre vente postérieure portant sur le même bien, quand bien même il aurait était averti préalablement par l'acquéreur, dont la vente n'a pas été publiée, de ses droits antérieurs et concurrents.
Rappelons (4) que cette solution s'explique par deux raisons cumulatives : d'une part, le défaut de publicité foncière de la première vente -ici l'acte d'arpentage- conduit les magistrats du Quai de l'Horloge à faire comme si le transfert de propriété n'avait jamais eu lieu à l'égard des tiers. D'autre part, et tirant les conséquences du défaut de publicité, la Cour de cassation estime que le notaire a notamment pour obligation principale, au titre de son devoir d'authentification, de prêter son concours lorsqu'il est sollicité, tout comme il doit procéder à l'accomplissement d'obligations complémentaires, au premier rang desquelles figure l'accomplissement des mesures de publicité (5). En d'autres termes, parce que l'acte d'arpentage n'existe pas à l'égard des tiers, le notaire est obligé d'instrumenter une vente portant sur le même bien.
Cette solution est doublement critiquable. D'une part, elle revient à faire de la publicité foncière un nouveau mode d'acquisition -originaire de surcroît, alors qu'elle fait suite à une acquisition dérivée- de la propriété, alors qu'elle n'a pour objectif que rendre l'acte juridique efficace. En d'autres termes, comme l'a très remarquablement indiqué le professeur Thierry Revet (6), une chose est l'acquisition, une autre est l'opposabilité. Autrement dit, si l'acte -ici d'arpentage- est privé d'effets, il n'en demeure pas moins que sa force obligatoire demeure ; l'acte existe, que la publicité foncière le veuille ou non. D'autre part, si effectivement l'authentification est une obligation légale imposée au notaire, il va sans dire que l'on ne peut que s'étonner que celui-ci procède à l'instrumentation, alors même qu'il a été informé préalablement de l'existence de droits antérieurs et concurrents. En effet, il lui suffisait, en l'espèce, de mener une simple investigation, puisque l'acte d'arpentage apparaissait dans une attestation immobilière annexée à la vente litigieuse.
Dès lors, la morale de l'histoire se résume à l'immoralité de l'histoire : le notaire, bien qu'ayant connaissance de droits antérieurs et concurrents, est en droit d'instrumenter une vente portant sur le bien sans que ne soit engagée sa responsabilité civile professionnelle. Or, la doctrine a montré, à juste titre, qu'il conviendrait de réintroduire de la loyauté dans l'acquisition, dans la mesure où les autres régimes de publicité légale permettent au titulaire d'un acte non publié de la rendre malgré tout opposable aux tiers qui en ont connaissance (7).
A priori, tout semblait avoir été dit à propos du positionnement de la Cour de cassation. Pourtant, la motivation de la cour d'appel, bien que rejetée, nous semble très intéressante, puisqu'elle donne quelques pistes supplémentaires pour que le droit, sur cette question, retrouve un brin de moralité.
II - L'irresponsabilité civile du notaire ou l'immoralité du droit
L'argumentation de la cour d'appel, pour retenir la responsabilité du notaire, consistait à dire que, bien qu'ayant observé son devoir de conseil, le notaire devait en outre, "dans sa mission d'authentification des actes qui lui est conférée par son statut d'officier public et ministériel, [...] s'assurer de l'origine de propriété [...]". Aussi, en n'allant pas rechercher le contenu de l'acte d'arpentage -lequel était signalé dans l'attestation immobilière annexée à la vente-, le notaire, selon les juges du fond, commet une faute grave de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle. Cette argumentation est rejetée purement et simplement par la Cour de cassation, qui ne se focalise que sur la combinaison du défaut de publicité foncière et de l'obligation d'instrumenter du notaire, alors même qu'elle permettait de moraliser le rôle du notaire.
En effet, au-delà des critiques déjà évoquées, il apparaît au commentateur que deux autres voies auraient pu être empruntées par les magistrats du Quai de l'Horloge : l'étendue du devoir de conseil et le devoir d'investigation relatif -ici- à l'origine de propriété. Pour tout dire, ces deux devoirs sont intimement liés, en ce sens qu'il ne saurait y avoir d'authentification sans mise en oeuvre préalable du devoir de conseil. Le notaire, parce qu'il constitue le service public des actes juridiques, doit "s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes rédigés par lui" (8). Or, la validité et l'efficacité ne peuvent être obtenues que si le notaire exerce son devoir de conseil. Le devoir de conseil est donc un devoir finalisé en ce qu'il tend notamment à la sécurisation des opérations juridiques. Mais quelle est l'étendue de ce devoir ?
A notre sens, le devoir de conseil, au-delà de l'appréciation de la pertinence de l'opération juridique projetée eu égard à la situation des parties, doit consister à avertir, mettre en garde les parties des risques et des effets de l'acte. Or, sur ce point, la mise en garde a été réalisée, dans la mesure où le notaire a prévenu les parties à la vente de l'existence d'un acte d'arpentage. Dès lors, peut-on se satisfaire d'une mise en garde des parties sur les risques qui découlent de l'existence d'un acte d'arpentage ? Naturellement non, puisque si le notaire avait procédé à une simple investigation, il se serait aperçu qu'il s'apprêtait à instrumenter une vente dont l'objet avait déjà été antérieurement transféré. Sans doute, n'est-il pas allé plus loin sachant que l'acte d'arpentage n'avait pas été publié, mais devrait-il pousser son investigation davantage ? Nous le croyons, car si le notaire n'a ni à être devin, ni à procéder à des vérifications supplémentaires, lorsqu'il n'est pas légitimement en mesure d'obtenir une information, la situation est, en revanche, très différente, lorsque tout l'invite à rechercher le contenu de l'acte d'arpentage auquel fait référence l'attestation immobilière annexée à la vente ! Or, la recherche d'informations relatives à l'acte d'arpentage n'est rien d'autre qu'une autre obligation fondamentale du notaire : la recherche de l'origine de propriété.
Comment s'assurer de la validité et de l'efficacité de l'acte si la vérification des droits des parties n'a pas été effectuée préalablement ? Bien sûr, le commentateur aurait compris que la responsabilité du notaire ne soit pas retenue si ce dernier n'avait pas été en mesure de connaître l'existence de droits antérieurs et concurrents. Mais, l'espèce est toute autre ! Le notaire pouvait se douter que l'acte d'arpentage, en ce qu'il procède à des transferts de propriété, était susceptible de porter sur un bien, objet de la vente litigieuse. Le notaire se serait-il comporté de la même manière si l'acte d'arpentage avait été publié ? Nous ne le croyons pas, pour la simple raison qu'il n'aurait pas pu se réfugier derrière le défaut de publicité foncière pour échapper à la mise en oeuvre de sa responsabilité professionnelle. En effet, rappelons que la solution s'explique par le cumul du défaut de publicité de l'acte d'arpentage et de l'obligation d'instrumenter la vente litigieuse. Or, en supprimant le défaut de publicité, il est difficilement concevable que le notaire prête encore son concours à une vente qui méconnaît des droits antérieurs et concurrents. Par conséquent, la Cour de cassation aurait très bien pu décider que l'existence d'un acte d'arpentage, portée à la connaissance du notaire, oblige celui-ci à approfondir sa recherche d'origine de propriété, sans quoi, sa responsabilité civile professionnelle serait engagée, quand bien même l'acte d'arpentage n'aurait pas été publié. En d'autres termes, la recherche de l'origine du bien, quand elle est possible, nous semble aussi importante que l'obligation d'instrumenter mise à la charge du notaire.
En outre, admettons que le notaire ait effectué cette investigation et se soit aperçu de l'antériorité des droits. Ne devrait-il pas dans ce cas refuser d'instrumenter la vente qui méconnaît des droits antérieurs et concurrents ? (9) Nous le pensons, à la condition, encore une fois, de redonner à la publicité foncière la fonction qui est la sienne : conforter et non constituer des droits !
En définitive, la solution renouvelée de la Cour de cassation, empreinte d'un excès de légalisme, heurte par son excès d'immoralité. Or, précisément, la règle de droit doit être en mesure de bénéficier de la règle morale, sans quoi la règle de droit perd de son crédit, tout comme le notaire -cet officier public- perd de sa superbe. Aussi, nous formons le voeu d'un changement prochain du positionnement de la Cour de cassation. Pour ce faire, elle dispose de plusieurs leviers. En premier lieu, la publicité foncière doit retrouver sa place naturelle : elle ne doit pas devenir un mode d'acquisition originaire de la propriété. En deuxième lieu, il y a lieu de ne pas confondre efficacité et existence d'un acte. Si l'acte d'arpentage n'a pas d'efficacité, il n'en demeure pas moins qu'il existe, de sorte que le notaire, du fait de sa qualité d'officier public, doit s'assurer de son respect. En troisième lieu, en cas de ventes successives d'un même bien, il conviendrait de réintroduire la notion de "bonne foi", considérant ainsi d'une part, que la vente portant sur un même bien n'est valable, que si l'acquéreur ignorait l'existence de droits antérieurs et concurrents -même non publiés- et d'autre part, que la responsabilité civile professionnelle du notaire n'est pas engagée, que si lui aussi ne connaissait pas -parce qu'il n'était pas en mesure de savoir- l'existence desdits droits. En dernier lieu, il n'y a aucune raison que l'obligation d'instrumenter supplante l'obligation de rechercher l'origine de propriété, de telle façon que le notaire, du moins quand il le peut, devrait procéder à cette recherche et décider à son issue, si une contrariété est révélée, de refuser son ministère. Ce refus ne serait que la manifestation ultime de son devoir de conseil : le notaire informe, conseille, met en garde, mais peut aussi refuser de prêter son concours à un acte litigieux. En d'autres termes, "le notaire ne saurait participer au viol d'une convention, il doit donc savoir dire non à son client car après tout, ce serait une bien piètre idée de la fonction notariale que de penser que les notaires sont tenus d'obéir à toutes les réquisitions de leurs clients" (10).
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